C. BIOTECHNOLOGIES : LE CAS DES OGM
Il n'existe pas d'espèce cultivée qui n'ait été modifiée par l'homme.
De ce fait, la grande majorité des plantes cultivées sont dépendantes de l'homme pour leur survie et leur multiplication. Le fait qu'elles soient transgéniques n'y change rien, et l'introduction d' un gène supplémentaire, sur plusieurs milliers, dans une plante cultivée ne lui fera pas acquérir des propriétés nouvelles pour ce qui est de la dispersion dans l'environnement.
La permanente sélection des plantes se poursuit avec des objectifs de toujours, en particulier la résistance aux maladies et aux prédateurs - lesquels représentent de 30 à 40 % de pertes dans la production végétale - ainsi que l'amélioration de la qualité. De nouveaux objectifs de durabilité tels que la réduction des besoins en intrants et la tolérance aux stress de l'environnement s'y ajoutent aujourd'hui, et l'une des voies de recherche dans le monde porte sur les organismes génétiquement modifiés.
1. Etat des lieux
La France était l'un des berceaux des biotechnologies végétales, et a été le premier pays européen à homologuer un produit OGM. Elle semble avoir aujourd'hui abandonné toute recherche dans ce domaine.
a. Un problème mal posé
Commençons tout d'abord par un bref historique des biotechnologies en France, tel que nous l'a rappelé Axel Kahn lors de l'audition du 26 mai 2011.
Les biotechnologies végétales apparaissent en 1983 et commencent à faire l'objet d'essais en plein champ dès 1985. En 1986, il est décidé de créer une commission du génie biomoléculaire placée auprès des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. Pierre Royer, premier président de cette commission démissionne en 1987 et Axel Kahn lui succède jusqu'en février 1997, date à laquelle il démissionne à son tour.
Durant cette période, la France devient progressivement - à raison de 2 ou 3 essais par an au début - le deuxième pays de recherche et d'expérimentation de plantes transgéniques en plein champ. De 1987 à 1997, il se mène en France plus d'expériences que dans tous les autres pays d'Europe réunis.
Cette dynamique était la résultante d'une vraie sympathie des Français pour le progrès, d'un contexte favorable à l'agriculture, et de l'existence d'un grand nombre d'organismes de recherche dans notre pays. En outre, la France a toujours été un grand pays de sélection semencière, ce qui pourrait ne plus être le cas à l'avenir si notre recherche reste bloquée.
Dans les années 1994-1996, le nombre d'essais était de 50 à 60 par an. En 1997, la commission du génie biomoléculaire a examiné plus de 1 000 constructions de plantes transgéniques et a délivré environ 350 autorisations.
Que s'est-il donc passé ? Pourquoi avons-nous abandonné les OGM ?
Premièrement, le risque acceptable et accepté ne saurait être évalué indépendamment des attentes. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, le citoyen est prêt à accepter un risque important quand l'attente est importante. Or, à l'époque, le problème qui touchait l'agriculture était la surproduction, la population européenne ne souhaitait donc pas une augmentation de la production végétale qui était rendue possible par les OGM.
Deuxièmement, la nourriture possède une dimension culturelle et identitaire : « dis-moi ce que tu manges, et je te dirai d'où tu viens, à quel groupe tu appartiens, quelles sont tes habitudes... ». En France notamment, le repas fait partie de la fête, du patrimoine, la nourriture exprime la typicité d'une région. Elle représente, d'une façon largement inconsciente, le lien qui persiste entre la Nature, les racines, les traditions, et la personne. D'une certaine manière, on est ce que l'on mange. C'est pourquoi l'intolérance à l'artificialité de la nourriture - ou à ce qui est ressenti comme tel - se manifeste facilement.
Troisièmement, à la fin des années 90, nous sortions de plusieurs crises sanitaires et de plusieurs scandales touchant à l'alimentation : contaminations aux salmonelles, poulets contenant des dioxines et, surtout, crise de la vache folle à laquelle la formule de soja fou , en référence au soja OGM, faisait directement référence. La logique du discours pouvait se résumer ainsi : « pour augmenter la production de viande bovine, ces fous ont nourri des vaches avec de la viande et voilà qu'ils introduisent leur folie dans les plantes ».
En d'autres termes, la folie productiviste des hommes a provoqué et provoquera des drames épouvantables alors même qu'il n'existe pas d'attente particulière, du moins en Europe, et que l'on préfère une nourriture naturelle, aussi peu modifiée que possible.
Mais en réalité, le seul véritable problème est celui que pose la coexistence de cultures « traditionnelles » et de cultures génétiquement modifiées.
En Europe, la domination des cultures traditionnelles fournit le principal argument pour interdire la culture des PGM.
Au États-Unis, la situation est inverse : la généralisation des OGM dans l'agriculture crée un problème pour ceux qui veulent produire autrement. Le bon sens se situe sans doute entre ces deux extrêmes.