2. L'Aster Block II - le moyen-haut endo-atmosphérique

Pour l'instant l' Aster Block II est un simple concept du missilier européen MBDA. L' Aster Block II propose de traiter les missiles balistiques de théâtre de courte et moyenne portée, c'est-à-dire d'une portée allant jusqu'à 3.000 kilomètres. Plus spécifiquement, l' Aster Block II vise la nouvelle génération de missiles manoeuvrants. Cette menace n'est pas prise en compte par les programmes américains, que ce soit le Patriot , le THAAD ou le SM-3.

Or, les Russes ont développé le SS-26 Iskander , les Chinois le M9, les Syriens le M600 et les Iraniens le Fateh 110. Aucun de ces missiles ne fait appel à des technologies nouvelles. Nous Français avions déjà utilisé ces technologies pour le missile préstratégique Hades . Ces missiles présentent une particularité. Ils volent dans l'atmosphère, en dessous de 60 à 70 kilomètres, et lorsqu'ils rentrent dans les couches denses de l'atmosphère, à 25 ou 30 kilomètres, ils acquièrent une capacité manoeuvrante qui les rend quasiment impossibles à intercepter. L'interception de ces missiles doit donc se faire entre 25/30 et 60/70 kilomètres.

D'après les analyses de MBDA, le THAAD ne descend pas en dessous de 50 kilomètres, alors que le Patriot ne monte pas au dessus de 20 à 25 kilomètres. Quant au SM-3, il évolue dans l'espace exoatmosphérique.

En supposant que le programme Aster Block II soit engagé, il faudrait lui associer un radar de veille et un radar de conduite de tir.

Thales a un projet de radar GS 1500 susceptible de faire les deux, à condition toutefois de disposer de deux unités radar pour un lanceur - l'une pour l'acquisition et l'autre pour la conduite de tir. Un tel radar pourrait contribuer à la capacité couche haute de l'ALTBMD et permettre de traiter, dans la phase terminale, les missiles manoeuvrants jusqu'à 3 000 km de portée.

L' industrie estime à environ 40 millions d'euros par an sur cinq ans un PEA susceptible de déboucher sur les spécifications d'un programme de type Aster Block II , à l'exclusion du radar GS 1500 .

Afin d'apprécier l'opportunité d'un tel programme, il semble important de préciser que c'est sans doute un des segments où une coopération européenne pourrait être facilitée du fait de l'arrêt programmé, plus ou moins en douceur, du programme américano-germano-italienne du MEADS. Nos alliés allemands et italiens sont donc confrontés au problème de réinvestir au mieux les sommes importantes par eux investies dans ce programme et qui portent essentiellement sur la technologie des radars.

A défaut de coopération européenne, l'Inde qui envisage également de développer des capacités d'interception haut endo-atmosphérique de missiles balistiques de théâtre pourrait être, dans le cadre du partenariat stratégique franco-indien, associé aux travaux technologiques de l' Aster Block II .

Il est important de noter que la capacité antimissile balistique du SAMP/T est limitée aux missiles de la famille Scud . Sans évolution du système actuel, il n'y aura pas de marché export, car les pays souhaitant acquérir une capacité antimissile balistique souhaitent pouvoir avoir une défense suffisante contre la future menace balistique proliférante des domaines courte et moyenne portées.

Le coût d'un programme de ce type est très difficile à évaluer compte tenu de l'absence de spécifications et de définition de la cible finale. Néanmoins, on peut retenir comme ordre de grandeur deux milliards d'euros, avec une cible de grandeur similaire au programme SAMP/T

L'ASTER BLOCK II

La proposition industrielle de MBDA

(Source MBDA)

La stratégie MBDA sur la DAMB s'est construite sur la base de quatre fondamentaux :

§ L'analyse approfondie de la menace balistique, celle qui est la plus proliférante car forcément ce sera celle dont la probabilité d'occurrence sera la plus élevée. Cette analyse permet de façon pertinente de définir les systèmes de défense les plus appropriés.

§ L'approche américaine, car ce sont les Etats-Unis qui ont irrigué la pensée stratégique sur la DAMB. On ne peut ignorer ce que font les Etats-Unis ; il faut donc aborder la DAMB de la façon suivante : comment la France, les EU peuvent contribuer à la DAMB en complément de ce que font les US.

§ La capitalisation sur ce qui a déjà été fait dans ce domaine aux niveaux capacitaire et industriels, suivant une approche incrémentale afin de minimiser les coûts.

§ L'identification de ce que pourrait faire la France accompagnée financièrement et techniquement par d'autres puissances européennes.

Compte-tenu du potentiel de croissance des systèmes ASTER actuels (SAMP/T pour application terrestre et PAAMS pour application navale), MBDA a étudié, avec ses partenaires le Groupe Safran et Thales, l'évolution de ses systèmes en y introduisant un nouvel intercepteur haut-endoatmosphérique - ASTER Block II - pour couvrir l'ensemble des menaces balistiques de courte et de moyenne portée (SRBM et MRBM).

Le concept du système ASTER Block 2 a été défini pour couvrir le spectre des menaces balistiques SRBM et MRBM, avec ou sans capacités de pénétration améliorée, c'est-à-dire les SRBM et MRBM actuels et ceux de nouvelle génération. Il a donc été optimisé pour intercepter dans le domaine d'altitude 20 à 70km afin d'assurer, entre autres, la destruction des missiles balistiques présentant des manoeuvres tels que le SS 26, le M9 et le Fateh 110 ainsi que les missiles de cette classe tirés en trajectoires tendues, qui mettent en défaut les systèmes exoatmosphériques (car les trajectoires des missiles balistiques ne sortent pas suffisamment de l'atmosphère) et/ou les systèmes bas endoatmosphériques (à cause des manoeuvres).

Ce système ASTER BII, tout en conservant les capacités du système ASTER Block 1 (SAMP/T pour la version terrestre ou à terme PAAMS Block 1 pour la version navale) permet de traiter les menaces balistiques les plus probables « sans laisser de trou dans la raquette » des domaines SRBM et MRBM.

Par leur prolifération, ce type de menaces balistiques se trouve donc sur des théâtres d'opérations extérieures, ou éventuellement sur le flanc sud-est de l'Europe, et c'est pour cela que le concept du système ASTER Bl2 a été défini comme système de défense antimissile balistique de théâtre, mais pouvant également être utilisé dans le cadre d'une défense de Territoire, pour protéger les centres de population et/ou les sites sensibles .

Son positionnement permet de répondre à :

§ Une capacité de défense autonome, au niveau national / européen, afin de protéger le commandement et les forces déployées sur un théâtre d'opérations, ainsi que les populations du pays d'accueil ;

§ Une contribution en nature pour la couche haute du programme ALTBMD de l'OTAN pour la protection des forces déployées, interopérable avec les systèmes haute couche américains (SM-3/Aegis, THAAD), renforçant ainsi le principe d'un commandement d'opérations déployable de l'OTAN (BMC3 / ACCS).

§ Un complément possible aux systèmes mobiles Aegis / SM-3 proposé par les Etats-Unis pour la défense du territoire de l'Alliance qui plaiderait également en faveur d'un système de commandement plus otanien, issu d'une extension de celui de l'ALTBMD, pouvant être connecté au système de commandement de la PAA. En effet, la chaîne de commandement et d'engagement ne peut être justifiée à un niveau OTAN que si elle permet de gérer des interceptions avec des systèmes provenant de plusieurs alliés ; si seuls les Etats-Unis apportent des systèmes d'interception, alors le principe d'une chaîne sous responsabilité opérationnelle OTAN sera fragilisée , au bénéfice d'un commandement purement américain.

Complémentarité de l'ASTER B II avec le SM-3 et le THAAD

Dans le cas de l'ALTBMD et de la Missile Defense , contribuer avec le système ASTER Block 2 permet d'apporter un complément capacitaire :

§ En se positionnant comme complément du SM-3,

§ Le SM-3 est un système naval qui intercepte purement en exoatmosphérique (hors atmosphère). Le système ASTER Block 2 lui traite, entre autres, une gamme de missiles balistiques non couverts par le SM-3, c'est-à-dire les SRBM et MRBM ayant des phases hors atmosphère insuffisantes pour assurer une interception exo (par exemple les trajectoires tendues pour des missiles de portée inférieure à 1500km et les trajectoires à énergie minimale des missiles de portée inférieure à 800km)

§ Avec des plateformes navales européennes équipées d'ASTER Bl2 interopérables avec des plateformes navales américaines Aegis SM-3, ce qui assure une couverture de protection géographique plus large, mais également une étanchéité améliorée face à la menace, dans le cas d'attaque saturante de plusieurs types de missiles par exemple ; l'ASTER Block 2 offrant une capacité navale optimale en complément du système SM-3 / Aegis.

§ En offrant à la fois une alternative et un complément au THAAD,

§ Le THAAD est un système terrestre qui intercepte en très haut endoatmosphérique (à partir de 40/50km d'altitude) et bas exoatmosphérique. L'ASTER Block 2 est complémentaire pour un domaine de cibles dont l'interception ne peut se réaliser qu'entre 20 et 40km d'altitude. Ce qui est le cas de la nouvelle génération des SRBM type SS26, M9 chinois...

§ L'ASTER Block 2 est également considéré complémentaire du THAAD, car contrairement à ce dernier, sa définition est également optimisée pour une composante navale.

§ Il peut être une alternative pour une composante terrestre, car l'ASTER Block 2 et le THAAD possèdent un domaine d'interception commun, et donc dans ce cadre, des batteries ASTER Block 2 peuvent venir remplacer (ou renforcer quantitativement) des batteries THAAD si ces dernières étaient proposées en quantité insuffisante par les USA pour assurer une couverture significative.

Ce complément capacitaire système ASTER B2 dans ses applications navales et terrestres offre donc des complémentarités qualitative et quantitative aux systèmes terrestres THAAD et aux systèmes navals et terrestres SM-3, qui sont destinés à augmenter leurs capacités pour traiter des menaces IRBM et ICBM, permettant ainsi une plus large couverture de protection.

L'ASTER Block 2 peut donc être considéré comme un élément de coopération avec les US car interopérable avec les systèmes américains et intégrable dans un système de commandement otanien, favorisant ainsi des engagements coopératifs pour les missions DAMB.

Les systèmes haute couche DAMB sont considérés par les Etats-Unis comme leur permettant d'asseoir leur suprématie politique et technologique, car nécessitant de tirer vers le haut le savoir-faire technologique ; c'est pour cette raison qu'il semble impensable de voir les Américains offrir aux Européens des formes de coopération sur des activités industrielles et technologiques de haute valeur.

Le créneau de la défense antimissile balistique est fondamental pour se positionner comme acteur majeur de la DAMB tant au sein de l'OTAN, en coopération opérationnelle avec les Etats-Unis, que vers les pays export.

Il est nécessaire avant de lancer le programme ASTER Block 2, de réaliser un programme d'études amont de l'ordre de 40 millions d'euros par an pour l'extension des capacités antimissiles balistiques de la famille ASTER.

Les travaux proposés portent sur une réduction des risques des fonctions critiques associées à des technologies permettant d'assurer une interception avec impact direct dans un domaine à grande dynamique et à haute altitude, c'est-à-dire dans une atmosphère raréfiée.

Ce PEA aurait pour objectif d'amener à maturité les domaines technologiques suivants :

• l'accrochage et la poursuite de la cible à très haut Mach (environ Mach 7), par un autodirecteur infrarouge, dans un environnement de fortes contraintes aérothermiques après le décoiffage de l'IRdome, qui imposent de grandes performances de détection et de pistage,

• le pilotage pyrotechnique en utilisant la technologie DACS solide (Divert & Attitude Control System) qui permet un pilotage réactif dans une atmosphère raréfiée,

• mais aussi, la propulsion de croisière à deux niveaux de poussée qui participe au pilotage dans les hautes couches de l'atmosphère et qui doit pouvoir être arrêtée sur commande de façon à autoriser la séparation du dernier étage,

• la définition de l'intercepteur et du Kill Vehicle, en particulier les aspects suivants:

• tenue thermomécanique dans des environnements sévères particulièrement pour le Kill Vehicle, et l'étage de croisière,

• contraintes volumiques sur l'architecture du Kill Vehicle dans lequel les sous-ensembles devront être intégrés de façon compacte,

Les travaux du PEA, menés par MBDA avec ses partenaires SPS, Sagem et ONERA :

• permettront d'évaluer au sol et en vol les fonctions et équipements critiques,

• sont présentés de façon cohérente pour amener les technologies à maturité nécessaires autour du projet structurant de l'intercepteur haute altitude ASTER Block 2 contre les menaces balistiques,

• pourront, pour certains d'entre eux, être utilisés pour d'autres applications dans le domaine de l'interception.

Les résultats de l'ensemble permettront d'obtenir la définition et la faisabilité de l'intercepteur, et les performances atteignables associées nécessaires à un éventuel développement.

Ce PEA démonstrateur aurait une durée de 5 ans.

En parallèle, des travaux systèmes seront également menés afin d'identifier les fonctions critiques du système d`armes (discrimination, harmonisation, communications, liaison sol / missile...) et de bâtir pour chacune d'entre elles un programme de levée de risques.

Ces travaux, sur 5 ans, seront proposés en deux phases réalisées conjointement par Thales et MBDA :

• une première phase de deux ans d'étude et prédéfinition des architectures systèmes, avec choix d'une solution de référence à l'issue de cette phase ;

• une deuxième phase de réduction de risque comprenant la réalisation d'essais sur les chaines critiques et la constitution d'un dossier de définition avec évaluation des performances.

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