2. Le sommet de Lisbonne : une décision politique et un objectif capacitaire ambitieux sur la défense antimissile territoriale, un engagement programmatique limité au C2
En matière de défense antimissile territoriale, l'OTAN a d'abord pris à Lisbonne une décision de dimension politique, en plaçant la protection des populations et des territoires contre une attaque de missiles balistiques parmi les éléments centraux de la défense collective de l'Alliance.
La mise en place effective de cette capacité s'articulera sur la contribution annoncée des Etats-Unis (EPAA), complétée par d'autres contributions nationales volontaires.
Le seul engagement programmatique pris à Lisbonne vise à doter l'OTAN d'une capacité de commandement et de contrôle lui permettant d'assurer la protection des populations et des territoires, en s'appuyant sur les moyens déployés par les nations. Cette capacité de commandement et de contrôle reposera sur celle prévue par le programme ALTBMD pour la défense antimissile de théâtre, après adjonctions de fonctions complémentaires.
a) Une décision politique
Le nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté à Lisbonne le 20 novembre 2010 affirme que la capacité à protéger les populations et les territoires contre une attaque balistique est l'un des éléments centraux de la défense collective « qui contribue à la sécurité collective, indivisible, de l'Alliance ».
Le Secrétaire général de l'OTAN, M. Rasmussen, a fortement souligné, avant et après Lisbonne, la dimension politique liée à la responsabilité de défense collective incombant aux dirigeants des pays de l'Alliance vis-à-vis de leur opinion publique . Tout récemment encore 26 ( * ) , après avoir insisté sur la diffusion des technologies balistiques et leurs progrès dans un nombre croissant de pays, il déclarait : « Nous ne pouvons pas nous permettre de voir l'une de nos villes de nouveau frappée. Nous ne pouvons pas prendre le risque de ne rien faire. Les menaces liées aux missiles sont réelles. Et notre défense doit être réelle. L'OTAN est responsable de la défense et de la protection de notre territoire et des 900 millions de personnes qui y vivent. C'est notre raison d'être. Et c'est pourquoi nous devons agir ».
On sait que le sommet de Lisbonne a été précédé d'un intense débat sur la place que devait prendre la défense antimissile des territoires dans la posture générale de défense de l'Alliance , en particulier par rapport à la dissuasion nucléaire . Si la défense antimissile apparaît d'abord comme une réponse à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, un courant principalement représenté par l'Allemagne s'est manifesté pour établir un lien direct entre défense antimissile et désarmement nucléaire. La France considérait pour sa part la défense antimissile comme une capacité parmi d'autres, et ne pouvant pas être placée sur le même plan que la dissuasion, qui structure la stratégie de défense. Elle s'est a fortiori opposée à toute logique de substitution de la défense antimissile à la dissuasion, plaidant pour une logique de complémentarité.
Le concept stratégique confirme que « la dissuasion, articulée autour d'une combinaison appropriée de capacités nucléaires et conventionnelles, demeure un élément central de [la] stratégie d'ensemble » de l'Alliance, et qu'« aussi longtemps qu'il y aura des armes nucléaires, l'OTAN restera une alliance nucléaire », les forces stratégiques de l'Alliance apportant « la garantie suprême de la sécurité des Alliés ».
La déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement adoptée à Lisbonne donne toutefois une place spécifique à la défense antimissile :
« Nous maintiendrons une combinaison appropriée de forces conventionnelles, nucléaires et de défense antimissile . La défense antimissile deviendra partie intégrante de notre posture générale de défense . Notre objectif est de renforcer la dissuasion en tant qu'un des éléments centraux de notre défense collective et de contribuer à la sécurité, indivisible, de l'Alliance. »
A Lisbonne, les alliés ont décidés de lancer un examen global de la posture générale de défense de l'Alliance . La posture nucléaire de l'OTAN et la défense antimissile sont mentionnés comme des éléments essentiels de cet examen qui a démarré au début de l'année 2011.
Enfin, toujours sur le plan politique, les alliés ont affirmé à Lisbonne, alors que le président Medvedev était présent et y a participé à la réunion du Conseil OTAN-Russie, leur volonté de rechercher une coopération avec la Russie dans le domaine de la défense antimissile . La déclaration adoptée précise que les possibilités de coopération avec la Russie seront étudiées « dans un esprit de réciprocité, de transparence maximale et de confiance mutuelle ». Elle invite notamment la Russie à réfléchir avec l'OTAN aux « possibilités de relier les systèmes de défense antimissile, existants ou prévus, en temps opportun, de façon mutuellement bénéfique ».
* 26 Discours devant le Royal United Services Institute à Londres - 15 juin 2011