Audition de Mme Josette
Théophile, directrice générale
des ressources humaines
du ministère de l'éducation nationale
et du ministère
de l'enseignement supérieur et de la recherche
(18 janvier 2011)
Mme Josette Théophile, directrice générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Le recrutement et la gestion des affectations des enseignants dans le système éducatif sont extrêmement standardisés, en cohérence avec le principe de traitement identique de tous les élèves et l'objectif de délivrer les mêmes programmes partout. La centralisation excessive des ressources humaines transparaît d'ailleurs davantage depuis que 100 % d'une classe d'âge est accueilli à l'école.
La réforme des lycées, décidée par Luc Chatel, prévoit 30 % d'heures à l'initiative de l'établissement et représente donc un premier pas vers l'autonomie des établissements. En outre, chaque académie déclinera désormais sa politique pédagogique et, sur cette base, établira des propositions.
La mise en place des établissements CLAIR (collèges et lycées pour l'innovation, l'ambition et la réussite) vise à refonder l'éducation prioritaire. Jusqu'à présent, les solutions ont été empilées, ce qui s'est traduit par une augmentation des moyens pour des résultats très diversifiés. Le projet CLAIR est en réalité un programme d'expérimentation laissant aux établissements d'importantes marges de manoeuvre sur le plan pédagogique et de ressources humaines.
Le recrutement connaît ainsi une véritable révolution culturelle en permettant la participation des chefs d'établissement à la proposition d'embauche.
N'importe quel établissement pourrait à terme intégrer le réseau CLAIR dès lors que l'ensemble des postes est profilé, mais cette perspective se heurte à certaines réticences. Pour l'instant, les établissements CLAIR ont été sélectionnés parmi ceux concentrant le plus de difficultés.
Nous avons prévu que les équipes d'enseignants devront rester cinq ans au sein d'un même établissement afin d'assurer une stabilité indispensable à l'obtention de bons résultats pédagogiques. Nous souhaitons ainsi que les enseignants s'investissent dans un accompagnement à la fois collectif au niveau de l'établissement et personnalisé pour les élèves, et qu'ils disposent d'une capacité à innover sur le plan pédagogique.
Les plans de formations ne sont pas uniformisés, hormis pour les aspects liés aux logiques disciplinaires. Il revient au chef d'établissement d'identifier les besoins spécifiques de ses équipes.
Un projet pédagogique se doit de posséder une dimension concrète et donc soumise à évaluation. Par conséquent, nous avons listé trois engagements répondant aux attentes des enseignants.
Premièrement, les enseignants obtiendront à l'issue de la formation l'affectation de leur choix. Deuxièmement, ils recevront une aide dans leur projet d'évolution professionnelle. Troisièmement, ils bénéficieront d'une accélération dans le déroulement de leur carrière.
En dehors de la possibilité future d'une définition des obligations de service, il importe avant tout de reconnaître les évolutions du métier d'enseignant. Par exemple, des enseignants ne donnent pas un signal positif quand, par exemple, ils ne réagissent pas aux bagarres dans la cour de récréation.
La perception habituelle de la liberté pédagogique renvoie trop à l'isolement du professeur dans sa classe, l'Inspection académique étant la seule autorisée à y pénétrer. Or, ce principe est à présent susceptible d'évoluer.
En outre, nous considérons dorénavant que le modèle de notation des enseignants est désuet et infantilisant. Nous encourageons donc le passage à un entretien d'appréciation conduit par le chef d'établissement, sans sacrifier le double regard de l'inspecteur.
Nous ne concevons pas qu'une capacité d'innovation pédagogique ne soit pas le fruit d'un travail collectif au sein de l'établissement. L'innovation pédagogique est le fruit d'un projet d'établissement et du travail d'une équipe pédagogique. De surcroît, le principe de flexibilité paraît indispensable à l'accompagnement de la réussite dans la maîtrise du corpus de base. Par exemple, des enseignants de CM2 pourraient accompagner les élèves lors de remises à niveau à l'entrée de la classe de sixième.
Il faut aussi mettre plus de fluidité entre le premier et le second degré.
Le rôle pédagogique des personnels de direction repose sur une meilleure articulation entre la pédagogie et la gestion. A ce titre, il faut renforcer la position des chefs d'établissement.
M. Serge Lagauche, président . - L'autonomie est un sujet important, mais un changement de réglementation doit d'abord se produire pour que la direction des ressources humaines en tienne compte.
Mme Josette Théophile . - Je serais plus nuancée. Certes, les pratiques doivent se conformer aux textes réglementaires à terme. Néanmoins, les textes actuels ouvrent déjà de nombreuses pistes pour de nouvelles démarches. Il est possible d'infléchir les usages. La direction générale des ressources humaines du ministère peut soutenir des modes de fonctionnement qui ne dérivent pas forcément de dispositions réglementaires.
M. Serge Lagauche, président . - Que pouvez-vous nous dire sur la situation des vacataires ?
Mme Josette Théophile . - Nous comptons 20 000 contractuels dans l'enseignement (15 000 CDI (contrat à durée indéterminée) pour 5 000 CDD (contrat à durée déterminée)), ce qui représente une proportion très faible par rapport aux effectifs totaux de 850 000 enseignants. La plupart des contractuels exercent dans l'enseignement professionnel.
Notre réseau de vacataires, composé de candidats au concours titulaires de licence, effectue des remplacements de manière ponctuelle. Ainsi, les titulaires restent disponibles à 70 % pour les remplacements. Le recours de vacataires fait office de complément.
Nous réfléchissons actuellement à la possibilité pour les contractuels ayant travaillé au moins trois ans au cours des six dernières années, de passer les concours internes par le biais de la reconnaissance des acquis professionnels.
Dans le cadre de la réforme et de l'exigence de master pour accéder à l'enseignement, nous envisageons de mettre en place des masters en alternance avec la fonction d'assistant d'éducation ou des missions de remplacement.
M. Serge Lagauche, président . - Quid des heures supplémentaires ?
Mme Josette Théophile . - Le processus de défiscalisation a porté ses fruits. Les enseignants effectuent en moyenne entre une et deux heures supplémentaires par semaine. Ce chiffre masque tout de même de très grandes disparités. Les heures supplémentaires ont rempli l'objectif d'augmenter la rémunération et de couvrir davantage de remplacements sans recourir à des titularisations.
M. Serge Lagauche, président . - A quel moment de l'année scolaire pouvez-vous donner un chiffre précis des effectifs ? Nous nous souvenons que l'existence de 20 000 membres de votre administration avait été subitement découverte.
Mme Josette Théophile . - Le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux se calcule sur l'année n-2. Le ministère des finances a acté ce principe.
Les 20 000 personnes dont vous parlez correspondent à une reprise d'assiette. En tout cas, nous n'ignorions pas leur existence.
M. Serge Lagauche, président . - Vous n'êtes pas véritablement capable de donner les effectifs de votre ministère.
Mme Josette Théophile . - Si, nous avons des données précises sur les personnels par catégories, corps et fonctions.
M. Serge Lagauche, président . - Je ne pense pas que cela soit possible. Vous pouvez juste arrêter un chiffre et constater ensuite des évolutions.
Mme Josette Théophile . - Nous pouvons vous montrer des chiffres précis.
M. Serge Lagauche, président . - Je doute qu'ils soient exacts.
Mme Josette Théophile . - Les effectifs restent relativement stables pendant l'année scolaire, car les démissions ne s'effectuent généralement pas en cours d'année. Nous sommes donc capables de fournir des chiffres précis. Certes, je reconnais qu'il est parfois difficile de raisonner en ETP (équivalent temps plein).
M. Serge Lagauche, président . - Les rectorats ont-ils maintenant une obligation de vous fournir des chiffres ?
Mme Josette Théophile . - Oui. Nous sommes particulièrement vigilants sur les absences. Nous prenons en compte les plans pluriannuels des académies et effectuons les ajustements adéquats. Dans le second degré, la structure disciplinaire oblige à suivre le flux à l'unité près.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - La notion d'autonomie traverse nos débats. Vous avez énoncé plusieurs critères, parmi lesquels la nécessité de stabilité des équipes, la capacité d'innovation et la projection personnelle dans la dimension collective de l'équipe.
J'aimerais maintenant vous poser une question sur le recrutement. Comment les professeurs vont-ils prendre connaissance des postes disponibles dans le réseau CLAIR ? Comment vont-ils se porter candidats et être sélectionnées ?
J'aimerais également connaître l'état d'avancement de la mission de prévention de la santé au travail. En effet, une réforme d'ampleur est susceptible de produire des situations de stress.
Mme Maryvonne Blondin . - Pouvez-vous préciser si les CDI et CDD pour les contractuels relèvent du droit public ou du droit privé ?
Le chef d'établissement devient de plus en plus un recruteur, un peu à la manière d'un dirigeant d'entreprise. Or, le recrutement des TOS (techniciens ouvriers spécialisés) pose souvent problème du fait du manque d'informations techniques sur ces postes.
J'aimerais également savoir comment le plan de formation continue est élaboré.
M. Jean-François Humbert . - Vous avez parlé de 850 000 enseignants, dont 60 000 assistants d'éducation. Ces chiffres intègrent-ils les enseignants qui bénéficient, entre autres, de détachements et ne sont donc pas présents devant les élèves ? Auparavant, le ministère ne semblait pas connaître le nombre d'enseignants en détachement. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Mme Françoise Cartron . - Quelle est la proportion des postes à profil par rapport aux postes banalisés ? Comment avez-vous intégré la réforme des retraites dans la gestion des effectifs ?
Mme Josette Théophile . - Je commence par les questions qui appellent une réponse binaire.
Les CDI et les CDD relèvent du droit public.
Je ne possède pas le pourcentage des postes à profil. Nous considérons en tout cas que tous les postes à pourvoir dans le cadre du projet CLAIR sont des postes à profil. Ils font l'objet d'une démarche de contact direct du chef d'établissement avec les enseignants.
S'agissant de la loi sur les retraites, nous consolidons les données relatives aux demandes de départs des mères de trois enfants. Nous disposerons d'ordre de grandeur d'ici la fin du mois de janvier. Beaucoup de personnes sont concernées, surtout dans le premier degré, mais nous ne prévoyons pas forcément une vague de départs massive.
A ce jour, le réseau CLAIR comprend 105 établissements. Environ 100 autres établissements rejoindront le réseau CLAIR à la rentrée 2011, ce qui fixera définitivement le périmètre de l'expérimentation.
Le recrutement porte sur les postes vacants et non sur de nouveaux postes. Les chefs d'établissement ne doivent donc pas reconstituer des équipes à partir de rien. A titre indicatif, les postes vacants représentaient un peu moins de 10 % l'an dernier. Les établissements ont accueilli favorablement les candidatures qui répondaient à des besoins urgents, le nombre de candidatures variant selon la localisation.
Sur le dossier de la formation, nous avons mis en place le DIF (droit individuel à la formation) pour les enseignants en septembre. Nous souhaitons que les demandes annuelles de formation soient consacrées en priorité à l'accompagnement des projets de mobilité professionnelle. Le DIF se déroulera plutôt pendant les vacances scolaires avec une contrepartie financière. S'agissant des programmes académiques de formation, l'objectif est de passer d'une offre de catalogue à une plus forte personnalisation.
Concernant la prévention des risques professionnels, le ministère a longtemps considéré que les enseignants n'avaient pas besoin de formations dans ce domaine, mais nous devons maintenant assumer davantage de responsabilité en la matière. Nous avons donc renforcé l'organisation et l'infrastructure de prévention. Nous avons également décidé du recrutement de 80 médecins (dont 40 à la rentrée 2011). En outre, nous avons lancé le processus d'élaboration du document unique et des plans de prévention.
Nous avons mis sur pied des réseaux d'écoute et d'intervention à l'intention des enseignants confrontés à des incidents ou en situation psychologique difficile. De plus, un bilan à 50 ans sera proposé à l'ensemble des enseignants. Ce système est actuellement testé dans six académies.
A l'heure actuelle, nous comptabilisons 40 000 enseignants qui n'officient pas directement dans les classes. Ils occupent des fonctions spécialisées. Je ne dispose pas ici du chiffre relatif aux personnels détachés mais cette donnée est connue.
M. Jean-François Humbert . - Lors de la précédente mission d'information, il y a trois ans, aucune donnée ne nous avait été fournie sur ce point précis.
Mme Josette Théophile . - Tous les enseignants qui opèrent dans le cadre de détachements sont gérés dans une base identifiée. Je vous enverrai ces chiffres que je n'ai pas en ma possession présentement.
Il nous reste de nombreux axes à améliorer. La fonction de chef d'établissement évolue et intègrera désormais la responsabilité sur les risques professionnels encourus. Le ministère est très investi dans la prévention des incidents de sécurité. Une défense juridique est proposée systématiquement aux enseignants.
Mme Maryvonne Blondin . - Je souhaiterais revenir sur l'affectation des jeunes enseignants dans des établissements difficiles.
Mme Josette Théophile . - Le système d'affectation est aveugle et ne permet pas de tenir compte des capacités professionnelles des personnes concernées. Les jeunes enseignants sont affectés sur des postes vacants qui sont précisément ceux désertés par la génération plus âgée de professeurs.
Nous avons fait en sorte de les affecter désormais sur des postes moins exposés. Cette tendance est observable dans les données concrètes. Nous ne parviendrons que progressivement à surmonter les difficultés liées à l'affectation des jeunes enseignants.
M. Serge Lagauche, président . - Les éventuelles questions supplémentaires seront envoyées aux personnes auditionnées aujourd'hui qui transmettront une réponse écrite.