Audition de M. Jean-Michel
Blanquer, directeur général
de l'enseignement scolaire
(DGESCO), ministère de l'éducation nationale,
de la jeunesse
et de la vie associative
(1 er mars 2011)
M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO) au ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative . - Le questionnaire que vous nous avez adressé commence par la catégorie « expérimentation ». La première question posée était la suivante : « Qui décide du sujet des expérimentations ? » Notre système s'est construit sur des propositions émanant tant du terrain que de l'académie ou de l'échelle nationale. Traditionnellement, notre système est peu enclin à l'innovation et à l'expérimentation. Cependant, depuis ces dernières années, les chiffres démontrent un décollage du nombre d'innovations et d'expérimentations. Entre 2005 et 2010, cette croissance des expérimentations s'élève à 200 %.
Aujourd'hui, tout professeur est mis en situation d'être une force de proposition mais tout le monde n'en est pas conscient. D'ailleurs le grand public n'en est pas conscient. L'évolution psychologique fait son chemin. Je m'attarderai sur les expérimentations d'origine nationale puisqu'elles se sont développées ces derniers temps, souvent à partir de premières expérimentations académiques. Un certain nombre de politiques publiques se sont donc affirmées comme des expérimentations. Un département R&D, innovation et expérimentation, a ainsi été créé à la DGESCO pour professionnaliser l'approche. Il s'agit de concrétiser le fait que les expérimentations sont envisagées désormais comme une modalité des politiques publiques, comportant le principe d'évaluation dès l'origine et nous permettant d'avancer de la façon la plus scientifique possible en s'associant à des organes de recherche.
Le bilan intermédiaire montre deux réalités :
- un début de foisonnement des expérimentations ;
- des impulsions plus cadrées relevant de l'échelle académique et/ou nationale, dont la méthodologie s'avère plus rigoureuse.
Nous pouvons citer plusieurs exemples d'expérimentations, comme la mallette des parents, qui a concerné 50 collèges de l'académie de Créteil au cours de l'année scolaire 2009-2010. Cette expérimentation a été évaluée par l'école d'économie de Paris. Il s'agit d'associer les parents d'élèves aux enjeux de la scolarisation de l'élève. Cela a amélioré la présence des élèves, leur comportement et, dans une moindre mesure, leurs résultats scolaires. Cette initiative a donc été déployée dans 1 300 établissements. En outre, le projet Enseignement Intégré des Sciences et Technologies (EIST) concerne 53 collèges et est en place depuis plusieurs années avec l'Académie des sciences. L'évaluation a été réalisée conjointement par l'Académie des sciences et l'inspection générale. Nous avons donc décidé d'étendre l'EIST aux collèges Clair. Par ailleurs, les manuels scolaires numériques concernent 69 collèges. Cette expérimentation nous permettra d'évaluer pédagogiquement l'apport des tablettes numériques à l'enseignement.
L'opération « cours le matin, sport l'après-midi » concerne 121 établissements et sera évaluée à la fin de cette année scolaire. Cette expérimentation diffère d'un établissement à l'autre afin que nous puissions comparer les résultats. Les premiers résultats n'ont pas encore été stabilisés mais sont encourageants quant à l'implication des élèves dans leur scolarité.
L'ensemble du programme Clair a été réalisé sous l'angle de l'expérimentation et de l'innovation. Il convient d'insister sur ce point car le programme Clair démontre que l'innovation est à l'avant-garde du système scolaire aujourd'hui. L'éducation prioritaire se situe elle-même à l'avant-garde du système scolaire ; c'est le domaine dans lequel les expérimentations réussies doivent être déployées en priorité.
Le livret de compétences a été expérimenté dans 136 établissements dont 26 lycées agricoles.
Le programme « Parler », quant à lui, concerne le CP et parfois l'école maternelle. Il a été développé dans l'académie de Grenoble sous l'impulsion de chercheurs du CNRS. Sa méthodologie était cadrée par l'éducation nationale. Il s'agit de développer ce programme dans l'académie de Martinique et du Nord-Pas-de-Calais. Son principe est l'apprentissage de la lecture par petits groupes, en faveur des élèves identifiés comme ayant le plus de difficultés au sein d'une classe. Les premiers éléments de résultat dont nous disposons en font une expérimentation assez emblématique des politiques publiques que nous devons mener pour l'amélioration de la maîtrise de la lecture et de l'écriture en deuxième cycle du primaire.
Ces cas nationaux cités sont les plus emblématiques de l'expérimentation nationale. Par l'évaluation scientifique, ces programmes se rapprochent des expérimentations menées à l'étranger.
Pour répondre à votre question sur le levier de modernisation de l'action du ministère, je tiens à signaler que le placement du département R&D, innovation et expérimentation, auprès du directeur général vise à le positionner en avant-garde des politiques menées par le ministère, sur le plan pédagogique en particulier. Nous avons voulu, en lien avec la direction de l'éducation permanente (DEP) ainsi que l'inspection générale, travailler à cette professionnalisation et « scientificisation » de l'expérimentation.
M. Serge Lagauche, président . - Nous nous sommes rendus dans l'académie de Créteil qui nous a fait savoir que les premiers résultats de l'expérimentation « cours le matin, sport l'après-midi » seraient disponibles prochainement. Ces résultats nous intéressent fortement car les différentes manières de s'exprimer de nos interlocuteurs nous font douter de la valeur des expérimentations réalisées.
Nous souhaiterions que vous nous communiquiez les résultats, même provisoires.
M. Jean-Michel Blanquer . - Nous vous communiquerons ces éléments au cours des jours prochains.
M. Serge Lagauche, président . - Nous pourrons vous rencontrer à nouveau pour en discuter plus largement.
Mme Françoise Cartron . - Avez-vous mené une évaluation sur la suppression de la carte scolaire ?
M. Jean-Michel Blanquer . - L'assouplissement de la carte scolaire n'est pas une expérimentation mais une mesure et, en tant que telle, n'a donc pas fait l'objet d'une évaluation. Nous pourrions imaginer des expérimentations sur la carte scolaire consistant à faire travailler les établissements dans une perspective de coopération plutôt que de concurrence, c'est-à-dire dans une logique de réseau. En effet, nous souhaitons accompagner l'assouplissement de la carte scolaire d'une logique coopérative.
Quant à l'organisation du système scolaire, vous dites que l'examen des politiques récentes révèle de grandes disparités d'application des dispositifs selon les rectorats. Vous demandez si nous avons mené des enquêtes spécifiques sur l'organisation et la gestion des rectorats. Vous nous demandez également quels objectifs doivent leur être fixés en propre et comment apprécier l'efficience de leur action. A ce sujet, plusieurs remarques peuvent être formulées. Le mouvement de déconcentration des quinze dernières années est réel, profond et assumé. Il s'agit de responsabiliser l'échelon territorial en lui permettant de s'adapter aux réalités locales. Des projets académiques sont menés sur quatre années. Les effets de cette déconcentration nous semblent principalement positifs. La critique selon laquelle l'éducation nationale ne s'intéresse pas aux réalités locales et manquerait de réactivité relève, à mon sens, de l'image d'Épinal. En effet, elle revient à ne pas tenir compte des évolutions majeures de ces dernières années.
Au sein du ministère, le dialogue de gestion qui a lieu en fin d'année civile a été renforcé. Il nous permet, dans le contexte de la LOLF, de renseigner l'ensemble des indicateurs que le Parlement considère comme les plus significatifs pour le système éducatif. Nous pouvons ainsi constater les disparités entre les académies. Ces résultats transparaissent au travers du projet annuel de performances et du rapport annuel de performances transmis au Parlement. Je mène ce dialogue de gestion avec le Secrétaire général du ministère. L'exemple typique est celui des évaluations de CM1 et CM2, qui nous permettent de constater des disparités territoriales quant au niveau de français et de mathématiques, y compris à l'échelle départementale. Des politiques différentes mènent à des résultats différents. Ceci nous permet d'identifier les dispositifs efficaces et de les développer.
Le dialogue de gestion est une modalité importante de cadrage de l'exercice de gestion avec les académies. Nous pourrions imaginer des évolutions encore plus profondes, notamment dans une logique de contractualisation avec les académies, qui elle-même serait symétrique d'une démarche existante, à savoir la contractualisation des académies avec les établissements. Il s'agit de travailler sur un principe d'engagement et de responsabilisation aux différents niveaux du système, c'est-à-dire d'une part essentiellement l'établissement, l'académie et le ministère.
Le schéma d'emploi a été un exercice très difficile car nous devions procéder à 16 000 suppressions de postes. Cela nous a conduits à identifier 13 leviers d'économies et à responsabiliser l'échelle académique. A l'avenir, une formule contractuelle pluriannuelle pourrait s'avérer plus responsabilisante encore.
Vous nous avez demandé comment concevoir l'accroissement de l'autonomie des établissements. Le principe d'autonomie est en lui-même consacré mais peut être interprété de différentes manières. Cette autonomie doit être précisée de manière contractuelle. Un contrat d'objectifs peut être proposé à l'établissement afin qu'il dispose des moyens de sa politique. Nous concevons la démarche contractuelle comme l'avenir du système. Nous l'encourageons et estimons qu'elle va de pair avec une approche souple et pragmatique des moyens conférés aux établissements.
Vous nous demandez si les établissements pourraient recruter eux-mêmes les professeurs. Il convient de garantir l'équilibre du système national tout en favorisant une souplesse locale. L'exemple type est celui du remplacement des professeurs. Ce sujet relève davantage de la direction générale des ressources humaines du ministère que de ma compétence. Toutefois, je tiens à indiquer que nous avons pu encourager les chefs d'établissement à trouver des solutions locales, pour lesquelles ils ont ensuite bénéficié du soutien de l'académie. Les solutions locales constituent la voie la plus sûre pour solutionner le problème du remplacement des enseignants absents. Je ne sais pas si nous pouvons étendre l'autonomie des établissements.
S'agissant de l'obligation de service des enseignants, ce sujet relève davantage de la DGRH. Cependant, nous encourageons la personnalisation de la pédagogie. Cela peut nous conduire à réfléchir à notre conception de l'enseignement. L'accompagnement éducatif et l'aide personnalisée permettent de meilleures pratiques et une adaptation de notre système pour le rendre plus efficace.
Concernant la liberté pédagogique des enseignants et de l'établissement et, à l'instar de l'autonomie, tout le monde y est favorable mais les mots peuvent revêtir des acceptions différentes. La liberté pédagogique de l'enseignant doit servir la réussite de l'élève. Elle doit aussi être un vecteur de responsabilisation et de travail collectif. Ce n'est donc pas un encouragement à l'individualisme mais à la créativité. C'est pourquoi il est pertinent de parler de liberté pédagogique de l'établissement, laquelle doit se traduire par le conseil pédagogique. A ce titre, la réforme du lycée conduit nécessairement à une concertation collective entre les professeurs. Il importe que l'établissement ait des objectifs mesurables de réussite de ses élèves. C'est pourquoi nous travaillons à une approche cohérente de l'évaluation des élèves dans le cadre de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire de la maternelle à la troisième.
Par ailleurs, je pense qu'on peut conserver l'inspection individuelle des enseignants, à condition d'évoluer. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue ses qualités. Le risque est de supprimer les qualités du système en cherchant à résoudre des défauts réels. L'inspecteur a le mérite d'entrer dans la classe, souvent conçue comme une boîte noire dans de nombreux pays. Or, cette entrée est imparfaite ; elle doit devenir beaucoup moins normative et reposer sur un accompagnement fréquent de l'enseignant. Il faut s'attacher davantage aux résultats des élèves qu'au conformisme du professeur à l'égard d'une norme. L'évaluation du professeur doit être articulée avec celle de l'établissement dans le cadre d'un contrat d'objectifs de l'établissement.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - L'expérimentation est inscrite dans l'article 34 de la loi sur l'école de 2005 mais ne relève-t-elle pas plutôt du contrat ?
Des contractualisations se sont mises en place entre l'établissement et l'académie mais aussi avec les collectivités locales ainsi que le monde associatif et économique. L'autonomie pose problème dans le primaire en raison de l'absence de statut juridique des établissements.
L'autonomie a aussi ses limites. N'est-elle pas à géométrie variable ? L'autonomie se heurte à la taille des établissements et l'offre du bassin de formation. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas envisager une mutualisation ou une mise en réseau des établissements ?
Les concepts de dotation horaire globale (DHG) et d'équivalent temps plein (ETP) sont difficiles à comprendre. Est-il possible de clarifier ces éléments ou de les traduire en euros ?
Nous nous accordons tous sur la nécessité primordiale de réduire l'échec scolaire. Aujourd'hui, les réformes visent en priorité le lycée mais ne pourrait-on pas commencer par la maternelle et le primaire ?
Mme Maryvonne Blondin . - Vous avez évoqué l'expérimentation qui est la traduction d'une volonté locale ou d'une obligation posée par l'éducation nationale. Dans l'éducation nationale, envisagez-vous de travailler par appel à projets, à l'instar des agences régionales de santé ?
Les enseignants sont confrontés à des évolutions constantes du système éducatif. Le temps d'application des réformes sur le terrain est très variable. Comment le ministère peut-il accompagner les professeurs dans tous ces changements ? Comment les inspecteurs peuvent-ils aider les équipes pédagogiques à définir des outils pédagogiques et à les partager avec d'autres collègues ? La formation continue des enseignants résultait auparavant du Plan d'action et de formation (PAF). Pourquoi le ministère ne peut-il pas se consacrer à une seule réforme de grande ampleur ?
M. Jean-Michel Blanquer . - Vous avez demandé si nous pouvions adopter une logique de contrat pour réaliser les expérimentations. Je vous réponds par l'affirmative. Le contrat est un mode privilégié, sans pour autant le fétichiser. Nous avons la conviction que le lien entre le collège et l'école doit être renforcé. Nous réfléchissons à une école du socle commun. Il s'agit de responsabiliser les acteurs locaux et de déclencher des effets de levier plus nets et plus importants. Si les directeurs d'école voyaient leurs compétences renforcées, la question de la formation des professeurs en cycle 2 pour le CP en particulier serait plus efficacement réglée.
Vous m'avez ensuite interrogé sur la conversion de l'éducation nationale à l'euro. Notre système comporte des vertus. Cela n'est pas incompatible avec une conversion en euros qui présente l'avantage de responsabiliser les acteurs et de mesurer les efforts de l'État. Nous pratiquons parfois cette conversion en euros.
La maîtrise du français par les élèves du premier degré est primordiale. Les inégalités se jouent très tôt ; il faut donc investir les moyens nécessaires le plus tôt possible par l'intermédiaire d'une approche qualitative renforcée en cycle 2. Le programme « Parler », expérimenté à Grenoble, est une réussite. Certaines pratiques fonctionnent, d'autres non. Nous avons beaucoup insisté sur l'utilisation de l'aide personnalisée en cycle 2 pour faire en sorte que les élèves quittent le CE1 en maîtrisant ce qu'ils doivent maîtriser à cet âge.
Madame la sénatrice, vous avez demandé si nous réservions une place à l'appel à projets. Certaines expérimentations ont bel et bien fait l'objet d'un appel à projets, parmi lesquelles « cours le matin, sport l'après-midi ». L'appel à projets, tout comme l'expérimentation, reposent sur le volontariat. Notre pratique de l'appel à projets a connu un essor considérable ces deux dernières années. Une illustration en est le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse.
Concernant l'organisation sur le terrain, vous avez insisté sur la nature de l'action des inspecteurs et leur formation. Cette question comporte des enjeux de culture de l'appel à projets et de culture de l'impulsion. Nous avons pu mener certains projets de manière rapide et efficace grâce à des impulsions très directes et engagées. L'éducation manque peut-être d'une plus grande responsabilisation des cadres intermédiaires, tant au niveau des établissements que des académies. Ces dernières ont cependant connu un développement des responsabilités intermédiaires, avec les conseillers académiques en recherche, développement, innovation et expérimentation (CARDIE). Ces correspondants ont vocation à faire vivre les innovations à l'échelle académique. Nous pourrions citer bien d'autres exemples de personnes responsabilisées à l'échelle académique pour s'assurer de la réussite des actions menées sur le terrain. En outre, des responsabilités intermédiaires doivent être développées à l'échelle de l'établissement, aux côtés du chef d'établissement. Il existe déjà un référent culture dans les lycées et un conseiller pour les technologies de l'information et de la communication pour l'éducation (CTICE).
Par ailleurs, nous devons nous assurer de la cohérence dans le temps et dans l'espace des plans académiques de formation des enseignants. Les responsables académiques de la formation sont aujourd'hui sensibilisés à cette cohérence. Par conséquent, les plans académiques de formation ne sont plus guidés par l'offre mais par la demande, qui elle-même correspond à des objectifs et des indicateurs. La formation continue doit bénéficier à un nombre plus important d'enseignants.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - S'agissant du projet « cours le matin et sport l'après-midi », n'est-on pas en retard d'une guerre, dans la mesure où l'Allemagne revient actuellement sur cette organisation pour réserver l'après-midi à des mesures individualisées de soutien scolaire ?
M. Jean-Michel Blanquer . - Cette organisation peut être pertinente dans certains cas mais ne peut pas être systématisée. Beaucoup d'établissements dispensent un enseignement sportif et culturel l'après-midi. Nous ne nous sommes pas spécifiquement inspirés du modèle allemand mais nous recherchions une meilleure organisation du temps scolaire tenant compte de plusieurs paramètres (activité physique, nutrition) et en donnant aux établissements les moyens pour le faire. Ces expérimentations feront l'objet d'une évaluation très stricte en juin, dont les résultats seront publiés en septembre.
M. Serge Lagauche, président . - A ce stade de nos auditions, nous observons que l'éducation nationale doit être attentive à sa communication à l'égard des parents et des enseignants. Trop de bruits circulent ; nous entendons tout et son contraire.
Il faut encourager une école du mouvement et de l'évolution. Les enseignants ne doivent pas rester dans un même établissement au-delà d'un certain nombre d'années. Ils doivent se mettre à la recherche d'un autre projet qui leur permette de se renouveler. La formation des enseignants doit leur inculquer le postulat selon lequel le changement est constructif. Il appartient à l'éducation nationale d'encourager ces changements.
Mme Maryvonne Blondin . - Nous aurions encore beaucoup de choses à dire sur la ronde des enseignants qui changent régulièrement d'établissement.