Contribution de M. Alain
Anziani,
sénateur de Gironde
Tout en me félicitant de la qualité du travail et des échanges au sein du groupe de travail et en approuvant l'essentiel de ses conclusions, je souhaite faire les observations suivantes :
1° Deux systèmes de contrôle des conflits d'intérêts peuvent être observés. Le premier consiste en un contrôle interne confié à une autorité déontologique qui n'a de compte à rendre qu'à son assemblée. Aux États-Unis comme en Allemagne, il ne se conclut qu'exceptionnellement par des mesures réglementaires. Le second, qui s'apparente à un contrôle par l'opinion, est fondé sur la transparence et donc sur des déclarations d'intérêts rendues accessibles au public sur internet. Il s'accompagne de fait d'une vérification par la presse ou par des associations. Dans les deux pays cités, ce contrôle médiatique aboutit à des démissions que le contrôle interne n'avait pas envisagées. Je considère qu'un double « verrouillage » consistant à s'auto-contrôler tout en refusant toute publication des déclarations n'est pas compatible avec une véritable prévention des conflits d'intérêts.
2° Si l'autorité de déontologie constate qu'un parlementaire en situation de conflit d'intérêts ne se déporte pas spontanément, elle doit imposer une non-participation aux débats et au vote, ou du moins signaler publiquement l'existence d'un conflit d'intérêts. A défaut, elle s'exposera à perdre toute crédibilité. Le législateur a imposé un tel déport obligatoire dans les assemblées locales dès lors qu'un conseiller municipal ou plus généralement un élu local peut être intéressé personnellement par les conséquences d'une délibération (article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales).
3° Pour donner toute sa force à l'autorité de déontologie, cette dernière ne doit pas apparaître comme une simple délégation du Bureau du Sénat, mais constituer un organe distinct, élu à la majorité qualifiée et comprenant nécessairement des représentants de tous les groupes politiques du Sénat. Cette autorité comprendrait également un magistrat ayant le rôle de « rapporteur public », c'est-à-dire présentant ses propres conclusions devant l'autorité sans prendre ensuite part au vote. En cas d'infractions pénales, il disposerait de la possibilité de saisir le procureur de la République. L'autorité de déontologie proposerait à la majorité simple des mesures au Bureau du Sénat, qui ne pourrait les modifier qu'à la majorité qualifiée après avoir entendu la personne concernée.