Rapport d'information n° 410 (2010-2011) de MM. Christian COINTAT et Bernard FRIMAT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 avril 2011
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INTRODUCTION
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I. LES SERVICES DE L'ÉTAT CONFRONTÉS
À DES DÉFIS DE PLUS EN PLUS PRÉOCCUPANTS
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A. DES MISSIONS DE PLUS EN PLUS DIFFICILES POUR LES
FORCES DE L'ORDRE FACE À LA MONTÉE DE LA VIOLENCE
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B. LE DÉFI PERMANENT DE L'IMMIGRATION
CLANDESTINE
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C. UN ÉTAT DE LA JUSTICE EXTRÊMEMENT
INQUIÉTANT
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D. UNE SITUATION PÉNITENTIAIRE TENDUE EN
VOIE D'AMÉLIORATION
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E. LE SUCCÈS CONFIRMÉ DU SERVICE
MILITAIRE ADAPTÉ
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A. DES MISSIONS DE PLUS EN PLUS DIFFICILES POUR LES
FORCES DE L'ORDRE FACE À LA MONTÉE DE LA VIOLENCE
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II. LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS
D'AMÉRIQUE À L'HEURE DE L'ÉVOLUTION
INSTITUTIONNELLE
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A. LA SITUATION DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES
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B. L'ASSOUPLISSEMENT DU RÉGIME DES
HABILITATIONS
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C. LA GUYANE ET LA MARTINIQUE SUR LA VOIE DE LA
COLLECTIVITÉ UNIQUE DANS LE CADRE DE L'ARTICLE 73 DE LA
CONSTITUTION
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D. L'ÉTAT DE LA RÉFLEXION
INSTITUTIONNELLE EN GUADELOUPE
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E. LE REJET UNANIME DU RENFORCEMENT DES POUVOIRS
DU PRÉFET
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A. LA SITUATION DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES
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I. LES SERVICES DE L'ÉTAT CONFRONTÉS
À DES DÉFIS DE PLUS EN PLUS PRÉOCCUPANTS
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE 1 - RÉCAPITULATIF DU PROGRAMME DE
LA MISSION
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ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
N° 410
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 avril 2011 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) à la suite d'une mission d' information (2) effectuée en Guyane , en Martinique et en Guadeloupe du 17 février au 4 mars 2011,
Par MM. Christian COINTAT et Bernard FRIMAT,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. Yves Détraigne , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mme Jacqueline Gourault, Mlle Sophie Joissains, Mme Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung, François Zocchetto. (2) Cette mission est composée de : MM. Christian Cointat et Bernard Frimat. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La perspective de l'examen d'un texte instituant les deux collectivités uniques de Guyane et de Martinique, dans la continuité des consultations du 24 janvier 2010, finalement déposé sur le bureau du Sénat le 26 janvier 2011 1 ( * ) , a conduit la commission des lois à envoyer vos deux rapporteurs en mission en Guyane et en Martinique, pour entendre les élus locaux, les représentants des partis politiques et ceux de la société civile. Compte tenu des questionnements institutionnels qui s'y posent aussi, la mission a été étendue à la Guadeloupe.
Vos rapporteurs tiennent particulièrement à remercier nos collègues sénateurs de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe, pour leur accueil et leur disponibilité 2 ( * ) .
Ils souhaitent aussi remercier MM. Daniel Ferey, préfet de Guyane, et Ange Mancini 3 ( * ) , préfet de Martinique, ainsi que leurs services, pour l'aide qu'ils ont apportée à l'organisation et au bon déroulement de leur mission. Ils regrettent de ne pas avoir eu le même accueil en Guadeloupe.
Le premier enseignement que vos rapporteurs retirent de leur mission, qui s'est déroulée du 17 février au 4 mars 2011, sur quinze jours 4 ( * ) , est qu'il n'est pas possible d'envisager globalement, comme on le fait trop souvent, par facilité, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe. Ce sont trois réalités profondément différentes, qu'on ne peut traiter de la même manière.
Ainsi, alors que la Martinique concentre sur 1 100 kilomètres carrés une population de 400 000 habitants, la Guyane compte 220 000 habitants sur une superficie de 84 000 kilomètres carrés, près d'un sixième de la superficie de la France métropolitaine, occupés à 95 % par la dense forêt amazonienne. Pour sa part, la Guadeloupe comprend également 400 000 habitants, mais répartis sur une géographie archipélagique éclatée de 1 400 kilomètres carrés.
La situation radicalement singulière de la Guyane a particulièrement frappé vos rapporteurs. Ils ont même pu appréhender physiquement, par eux-mêmes, la réalité géographique de la Guyane, notamment lors de leur trajet entre Cayenne et Maripasoula, en survolant dans un petit avion monomoteur l'immense forêt amazonienne. La réalité humaine, si diverse, est tout aussi étonnante. Selon l'INSEE, la Guyane devrait passer de 220 000 habitants aujourd'hui à 580 000 habitants à l'horizon 2040, soit presque un triplement de la population en trente ans 5 ( * ) , en particulier dans les communes de l'ouest guyanais, sur le fleuve Maroni, une véritable « explosion » démographique, prévue nulle part ailleurs en France. A ce jour, la croissance démographique annuelle est de l'ordre de 3,5 %. Ajoutée au poids de l'immigration illégale, estimée à 30 % de la population totale, cette donnée fondamentale explique l'essentiel des enjeux actuels de la Guyane.
C'est dans ce contexte humain et géographique si particulier, propre à chacun des départements d'outre-mer de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe, qu'il faut envisager la pertinence de l'évolution institutionnelle. Vos rapporteurs estiment que leur mission a été très utile pour comprendre les enjeux et les attentes, qui dépassent de loin la seule question du devenir institutionnel.
Vos rapporteurs invitent à ne pas placer dans la collectivité unique, nouvelle organisation institutionnelle choisie par la Guyane et la Martinique, de trop grandes attentes, des espoirs pour lesquels elle n'a pas été conçue, sous peine de graves désillusions. De nombreux élus ont d'ailleurs déploré que le projet de loi ne comporte aucune disposition d'accompagnement financier qui aurait permis d'aider au démarrage et de réussir le pari de la collectivité unique. Si celle-ci constitue une opportunité pour nos compatriotes guyanais et martiniquais, en matière de développement économique comme de cohésion sociale, elle ne saurait être prise pour une solution miracle.
On reproche souvent, en effet, au débat institutionnel de masquer les enjeux économiques et sociaux. Ces enjeux se sont pourtant exprimés avec force lors de la crise sociale qui a secoué les départements d'outre-mer au début de l'année 2009. Les consultations de janvier 2010 ont permis aux électeurs guyanais et martiniquais d'exprimer leur volonté de rester pleinement dans le droit commun de la République.
La question institutionnelle ne doit pas être encore hypertrophiée. Il s'agit simplement, aujourd'hui, de concevoir le cadre institutionnel le plus adapté au service du développement économique et social, mais aussi le plus conforme aux voeux des populations concernées. La préparation et la mise en place de la collectivité unique, pour essentielles qu'elles soient, ne doivent pas occulter le reste du débat public local.
L'évolution institutionnelle n'est qu'un moyen d'avancer, en aucun cas une fin en soi, une réponse à tous les problèmes.
La départementalisation, à partir de 1946, a permis à nos compatriotes de rejoindre en bonne partie les conditions sociales de l'hexagone en matière de revenus, de santé, de logement, d'éducation, de consommation, et, alors qu'ils se trouvent dans un environnement régional nettement plus défavorisé, de faire partie des régions du monde où le niveau de vie est élevé. Certes, il reste beaucoup à faire pour assurer pleinement la cohésion sociale comme la pleine égalité sociale avec la métropole. Pour autant, tant l'éloignement de la métropole que les conditions de leur peuplement ont façonné des territoires avec la conscience authentique d'une identité particulière au sein de la communauté nationale. Dans ce contexte, la collectivité unique est d'abord la reconnaissance du libre choix institutionnel offert à nos concitoyens.
La forêt amazonienne en Guyane
Le rocher du Diamant en Martinique et l'île de Sainte-Lucie à l'horizon
I. LES SERVICES DE L'ÉTAT CONFRONTÉS À DES DÉFIS DE PLUS EN PLUS PRÉOCCUPANTS
Conformément à l'habitude prise au cours de leurs diverses missions outre-mer, vos rapporteurs ont souhaité rencontrer les responsables des services de l'État dont les missions relèvent du champ de compétence de votre commission. Ces rencontres leur ont permis de prendre la mesure des défis à relever et des difficultés à surmonter.
A. DES MISSIONS DE PLUS EN PLUS DIFFICILES POUR LES FORCES DE L'ORDRE FACE À LA MONTÉE DE LA VIOLENCE
Dans les trois départements, vos rapporteurs ont entendu, sous forme de tables-rondes, la direction départementale de la sécurité publique, le commandement de la gendarmerie nationale et la direction départementale de la police aux frontières. En Guyane, compte tenu de l'appui des forces armées aux opérations Harpie de lutte contre l'orpaillage clandestin, vos rapporteurs ont également souhaité entendre le commandant supérieur des forces armées.
1. La montée rapide de la violence
Dans les trois départements, les violences volontaires aux personnes sont en progression. Les représentants de la police comme de la gendarmerie ont fait connaître à vos rapporteurs que leurs moyens d'action se révélaient souvent insuffisants pour y faire face. A titre d'exemple, en Guadeloupe, les unités territoriales de gendarmerie sont sous-dimensionnées, c'est la présence permanente de gendarmes mobiles qui permet, alors que ce n'est pas leur vocation, de remplir les missions quotidiennes.
Les violences et la drogue représentent 95 % des affaires pénales en Martinique, avec une augmentation de 22 % du nombre de saisines du parquet de 2007 à 2010. Les drogues consommées, en provenance des îles voisines notamment de Sainte-Lucie 6 ( * ) , sont principalement le crack, le cannabis et la cocaïne, ce qui accentue les comportements violents du fait de la dépendance physique et psychique, mais également du besoin de trouver de l'argent. La drogue donne lieu à des trafics de stupéfiants en bande organisée.
Selon les magistrats rencontrés en Martinique, la délinquance juvénile est très élevée et il existe une forte pression de la criminalité 7 ( * ) . La violence est extrême et armée, avec beaucoup d'armes à feu de quatrième catégorie. Selon le procureur adjoint près le tribunal de grande instance de Fort-de-France, alors que la Martinique est le département français où il y a le moins de mineurs en proportion de la population 8 ( * ) , c'est le cinquième département en termes de violences, soit presque au niveau que la Seine-Saint-Denis.
Les violences conjugales et intrafamiliales sont aussi extrêmement fréquentes en Martinique et en Guadeloupe. Grâce à l'action des pouvoirs publics, elles sont davantage déclarées aujourd'hui, ce qui pèse sur les statistiques. Les violences en milieu scolaire sont également préoccupantes 9 ( * ) .
De l'avis unanime des personnes rencontrées par vos rapporteurs, la violence quotidienne est très présente en Martinique. Selon l'adjoint du commandant de la gendarmerie, un gendarme a sept fois plus de risque d'être blessé en opération que dans l'hexagone.
Selon les magistrats rencontrés en Guadeloupe, ce département est le deuxième département le plus violent de France. Dans le ressort de la cour d'appel de Basse-Terre, Saint-Martin souffre d'une délinquance endémique et extrêmement violente, que l'absence de frontière avec la partie néerlandaise accentue. Saint-Martin est un carrefour stratégique pour le trafic de stupéfiants, malgré l'installation sur place d'une antenne de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCTRIS).
Quelques indicateurs peuvent illustrer le niveau de la violence.
Au tribunal de grande instance de Cayenne, le tribunal correctionnel siège tous les jours et la cour d'assises a traité 65 dossiers en 2010. Selon M. François Schneider, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne, le taux des infractions violentes en Guyane est le triple de celui de la métropole, ce qui illustre le caractère endémique de la violence en Guyane. En Guadeloupe, en zone police, le nombre de vols à main armée a augmenté de 72 % en 2010, soit environ 900 faits.
Selon M. Henry Robert, premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, les sessions d'assises en Guadeloupe sont très rapprochées. La session a été permanente en 2010.
Compte tenu de l'ampleur de la violence, en Martinique comme en Guadeloupe, beaucoup d'affaires criminelles sont « correctionnalisées », alors que ce ne serait pas le cas pour les mêmes affaires dans l'hexagone. Même des vols à main armée passent en comparution immédiate.
Selon les interlocuteurs de vos rapporteurs, tant élus que magistrats et responsables de police ou de gendarmerie, la croissance rapide de la violence se nourrit d'un contexte social aujourd'hui très dégradé, dans les Antilles mais aussi en Guyane : déstructuration des familles, désoeuvrement de la jeunesse, consommation élevée de drogue, notamment de crack, et d'alcool, faiblesse du tissu associatif, notamment en complément de l'activité judiciaire, et plus généralement de l'encadrement associatif de la société.
Enfin, à titre d'anecdote, vos rapporteurs ont été surpris d'être mis en garde, en vue de leur entretien, par le président des chambres régionales des comptes, dont les locaux sont situés au centre de Pointe-à-Pitre, contre l'insécurité qui y règne. Ceci illustre bien le climat de violence.
2. Les particularités de la Guyane
a) L'immigration illégale, facteur d'aggravation de la délinquance
Le poids et la présence de l'immigration clandestine dans la société guyanaise se retrouvent dans les actes de violence. Un grand nombre de faits de violence ne sont pas déclarés car ils touchent des immigrés clandestins. Et pourtant, les statistiques montrent un nombre de faits de violence contre les personnes déjà très élevé.
Selon le directeur départemental de la sécurité publique, si l'on ne tient pas compte des infractions à la législation sur les étrangers, les mineurs sont moins impliqués dans la délinquance que dans l'hexagone, 12 à 14 % des délits contre 18 à 20 %, mais la délinquance des mineurs connaît une forte progression, avec une violence importante.
Les services de police sont confrontés à une violence importante de la part des immigrés illégaux, notamment du Guyana. Les Guyaniens sont en effet surreprésentés dans la délinquance générale.
Concernant la répartition des zones entre police et gendarmerie, vos rapporteurs ont observé un accord sur l'extension de la zone de compétence de la police, actuellement limitée à la ville de Cayenne, à toute l'agglomération de Cayenne, c'est-à-dire Rémire-Montjoly et éventuellement Matoury, dans une logique de continuité territoriale entre les lieux de commission des délits et les lieux de résidence des délinquants.
Il convient enfin de mentionner, au titre des particularités guyanaises, la présence du centre spatial guyanais, à Kourou, qui bénéficie d'une vigilance particulière en matière de sécurité publique.
b) Des dérogations au droit commun
Comme dans le droit commun, les services de l'État peuvent éloigner un étranger sans attendre le délai de quarante-huit heures et donc sans le présenter devant le juge des libertés et de la détention. En revanche, l'appel de la décision d'éloignement n'est pas suspensif. Sans cette dérogation, le centre de rétention administrative de Cayenne serait très vraisemblablement engorgé.
Une autre dérogation notable, par analogie avec les interpellations en haute mer, réside dans le fait que les dispositions relatives à la garde à vue ne s'appliquent qu'à partir d'un délai de vingt heures après l'interpellation en cas d'exploitation minière illégale, sur autorisation expresse du parquet, de façon à permettre d'extraire de la forêt amazonienne les personnes interpellées et de les transférer à Cayenne 10 ( * ) .
Au titre des dérogations par rapport au droit commun, on peut aussi relever l'existence d'une zone à accès réglementé, accessible sur autorisation préfectorale, au sud d'une ligne Maripasoula-Camopi.
Enfin, deux postes de contrôle routier intérieurs, tenus par la gendarmerie nationale, contrôlent tous les véhicules. Ils sont situés l'un sur la RN 1 de Cayenne à Saint-Laurent-du-Maroni, dans le bourg de la commune d'Iracoubo, sur le pont qui enjambe le fleuve qui a donné son nom à la commune, et l'autre sur la RN 2 de Cayenne à Saint-Georges-de-l'Oyapock à Bélizon, sur la commune de Régina. Toutefois, sans mettre en cause le travail des gendarmes, on peut s'interroger sur la réelle efficacité de postes fixes, plus aisés à contourner dès lors qu'ils sont connus, alors qu'au demeurant ils constituent une entrave à la liberté de circulation sur le territoire.
c) Les opérations Harpie de lutte contre l'orpaillage clandestin
La richesse aurifère de la Guyane attire de nombreux orpailleurs illégaux, le plus souvent des immigrés irréguliers brésiliens ou surinamiens. Outre le pillage des ressources, l'exploitation illégale constitue une source de pollution pour la faune et les populations, essentiellement amérindiennes, qui en vivent, en raison de l'utilisation du mercure qui se disperse dans les cours d'eau et intègre la chaîne alimentaire.
C'est ainsi un enjeu majeur écologique 11 ( * ) et sanitaire. Les orpailleurs perturbent le mode de vie et portent atteinte, y compris par la violence, aux populations qui vivent dans la forêt, notamment dans les communes de Maripasoula et Camopi. Nos collègues Josselin de Rohan, Bernadette Dupont, Jacques Berthou et Jean-Etienne Antoinette, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ont également pu, lors de leur mission en décembre 2010, apprécier cette réalité 12 ( * ) .
Engagées depuis 2008, les opérations Harpie visent à détruire les sites d'orpaillage illégal, avec leur matériel, dispersés dans toute la forêt amazonienne guyanaise, ainsi qu'à interpeller les orpailleurs. Elles sont un exemple réussi d'approche transversale d'une problématique et de coopération entre services, en mobilisant, sous la coordination du préfet, outre la gendarmerie nationale qui en assure le pilotage, les forces armées et, depuis 2009, la police aux frontières. Ainsi que l'a expliqué à vos rapporteurs le général Jean-Pierre Hestin, commandant des forces armées en Guyane (FAG), les opérations Harpie sont les seules opérations non militaires auxquelles participent l'armée française. Ce sont des opérations de police administrative et judiciaire destinée à lutter contre l'orpaillage clandestin.
Selon les statistiques transmises à vos rapporteurs, Harpie a permis de saisir en 2010 plus de 200 armes à feu, près de 250 véhicules, dont de nombreux quads 13 ( * ) , 288 pirogues et seulement 10,6 kilogrammes d'or. Cette faible quantité laisse penser que l'or extrait, le plus souvent alluvionnaire, est quotidiennement sorti des sites d'orpaillage. On recense également 3 288 carbets 14 ( * ) détruits et 1 413 personnes mises en cause, dont 1 226 étrangers en situation irrégulière. L'objectif est en effet de porter atteinte à l'organisation et à la logistique des orpailleurs.
La récente remontée des cours internationaux de l'or rend en outre plus attractif l'orpaillage clandestin en Guyane. Compte tenu de la rentabilité, les orpailleurs clandestins sont prêts à supporter de lourdes pertes causées par les forces françaises pour poursuivre leur activité.
Si les moyens déployés pourraient être encore renforcés 15 ( * ) , les limites des opérations Harpie résident désormais dans l'approche internationale. En effet, à ce jour, le Brésil et le Surinam, d'où sont originaires l'essentiel des orpailleurs clandestins, qui vivent en situation irrégulière et travaillent parfois dans d'effroyables conditions d'exploitation, n'ont pas une conception de l'orpaillage illégal aussi aiguë que celle des autorités françaises.
Le coût de la reconduite à la frontière d'un « garimpeiros » est extrêmement élevé pour les finances publiques, compte tenu des moyens notamment aériens mis en oeuvre, a fortiori s'ils peuvent revenir facilement sur le territoire français.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord avec le Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial est actuellement en cours d'examen par l'Assemblée nationale 16 ( * ) . L'accord vise à renforcer la coopération en matière de répression des activités d'exploitation aurifère illicites, à mieux sanctionner pénalement l'orpaillage illégal et à mieux encadrer l'activité de négoce de l'or ainsi que les activités connexes de l'orpaillage que sont la commercialisation de matériels d'exploitation et le transport sur le fleuve.
Site d'orpaillage dans la forêt amazonienne
Parallèlement aux opérations Harpie, trois barrages fluviaux fixes dans le secteur de Maripasoula 17 ( * ) , tenus conjointement par la gendarmerie mobile et l'armée, contribuent à lutter contre la circulation des orpailleurs qui se ravitaillent au Surinam. Les effectifs du neuvième régiment d'infanterie de marine stationnés au camp Lunier, à Maripasoula, où ont pu se rendre vos rapporteurs, participent à la tenue de ces barrages fluviaux et aux opérations Harpie. Il a été signalé à vos rapporteurs que les orpailleurs avaient mis en place un réseau sophistiqué de sentinelles sur le fleuve pour épier les forces françaises et pour avertir notamment en cas de départ de pirogues militaires du camp Lunier, ce qui rend plus incertain l'effet des opérations entreprises.
Vos rapporteurs tiennent à saluer le travail important - et dangereux pour les personnels militaires engagés, confrontés à des « garimpeiros » armés et violents 18 ( * ) - réalisé dans le cadre des opérations Harpie.
Un autre axe retenu par l'État, à l'initiative du préfet, dans la lutte contre l'orpaillage illégal consiste à chercher à substituer aux orpailleurs clandestins des exploitations aurifères légales tenues par des sociétés minières dûment autorisées 19 ( * ) . Cette piste est suivie par le commissaire au développement endogène de Guyane, rencontré par vos rapporteurs. A cet égard, plusieurs maires ont déploré que la Guyane et ses communes ne tirent pas davantage de bénéfices de l'or extrait de leur territoire.
B. LE DÉFI PERMANENT DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
La Guadeloupe et surtout la Guyane sont confrontées à un problème de maîtrise des flux migratoires irréguliers. Plusieurs personnes rencontrées par vos rapporteurs, en Guyane comme en Guadeloupe, ont d'ailleurs utilisé l'expression « vider la mer avec une petite cuillère » pour évoquer l'ampleur de la tâche à accomplir, dans les conditions actuelles. La Martinique, quant à elle, demeure nettement moins concernée par l'immigration clandestine.
Dans son rapport public annuel pour 2011, la Cour des comptes a d'ailleurs relevé les carences et les faiblesses de la politique de l'État pour la maîtrise des flux migratoires illégaux en Guyane 20 ( * ) . Avant de formuler plusieurs recommandations, elle relève notamment que « les flux migratoires irréguliers présentent (...) des spécificités qui rendent leur maîtrise difficile », de sorte que « les résultats sont peu satisfaisants ».
1. L'illusion de la frontière en Guyane
Alors que la population officielle guyanaise est de 220 000 personnes, on évalue, selon les différentes informations données à vos rapporteurs, de 30 000 à 60 000 voire 80 000 le nombre d'immigrés illégaux, soit de l'ordre de 20 à 30 % de la population totale. Cette proportion est plus importante dans les communes de l'ouest, notamment Saint-Laurent-du-Maroni.
Porte d'entrée de l'Union européenne en Amérique du sud, la Guyane est le seul territoire de l'Union européenne à avoir une frontière terrestre - et fluviale pour l'essentiel - avec l'Amérique du sud.
La Guyane représente un territoire d'attractivité économique pour les populations des États voisins, en particulier le Brésil, le Surinam et le Guyana. Selon les informations données à vos rapporteurs, le produit intérieur brut par habitant est trois à quatre fois plus élevé en Guyane qu'au Surinam ou dans l'État frontalier brésilien de l'Amapa.
La construction en cours entre le Brésil et la France du pont sur l'Oyapock 21 ( * ) , que vos rapporteurs ont pu observer en se rendant dans la commune brésilienne d'Oiapoque depuis Saint-Georges-de-l'Oyapock et dont l'achèvement est prévu dans le courant de l'année 2011, devrait amplifier les flux économiques et démographiques vers la Guyane, d'autant que l'État de l'Amapa a construit une route entre la capitale de l'État, Macapa, et Oiapoque, de façon à tirer bénéfice de ce nouveau pont international, le premier qui relie la Guyane française à un État frontalier.
Travaux du pont sur l'Oyapock entre la Guyane française et le Brésil
Selon le directeur départemental de la police aux frontières, le chiffre de 9 000 reconduites à la frontière a été atteint en 2010, à comparer aux 4 000 réalisée en 2002. Sans remettre en cause les efforts très importants déployés par les services de l'État engagés dans la lutte contre l'immigration illégale, ces chiffres sont cependant à relativiser fortement, compte tenu de la facilité avec laquelle peut revenir un étranger reconduit simplement de l'autre côté du fleuve, à Albina s'il est surinamien ou à Oiapoque s'il est brésilien.
a) La nécessité de renforcer la coopération internationale régionale
La population étrangère en situation irrégulière présente en Guyane est principalement constituée de Brésiliens, de Surinamiens et, dans une moindre mesure, de Guyaniens 22 ( * ) et d'Haïtiens. Les deux seuls États limitrophes de la Guyane française que sont le Brésil, à l'est et au sud, et le Surinam, à l'ouest, représentent environ 80 % de l'immigration illégale, selon les statistiques d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière transmises à vos rapporteurs. A ce jour, les éloignements s'effectuent par pirogue de Saint-Laurent-du-Maroni vers la ville limitrophe d'Albina, pour les Surinamiens, et de Saint-Georges-de-l'Oyapock vers la ville limitrophe d'Oiapoque pour les Brésiliens.
Dans ces conditions, il est impératif d'avoir avec les pays d'origine des relations qui permettent le retour dans des conditions satisfaisantes de leurs ressortissants en situation irrégulière. Sur ce plan, l'année 2010 a connu deux tendances contradictoires, ainsi que l'a exposé à vos rapporteurs M. Philippe Duporge, directeur départemental de la police aux frontières.
D'une part, des pistes de coopération policière sont apparues avec le Surinam et le Guyana. Les autorités surinamiennes semblent désireuses de développer la coopération avec la France et prêtes à faire avancer en matière de retour de leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de la Guyane française.
Ainsi, depuis octobre 2010, le consul général du Surinam collabore avec la police aux frontières pour permettre le retour par avion à Paramaribo des détenus surinamiens en situation irrégulière à leur libération du centre pénitentiaire de Guyane 23 ( * ) , ce qui ouvre une possibilité plus efficace que la reconduite à Albina, ville en face de Saint-Laurent, de l'autre côté du fleuve. Les autorités du Guyana, quant à elles, ont accepté en novembre 2010, pour la première fois, une reconduite par avion à Georgetown, après avoir délivré un laissez-passer consulaire 24 ( * ) , pour un ressortissant guyanien en situation irrégulière qui était recherché dans son pays. Au-delà de ces premiers signes encourageants, cette tendance positive doit être maintenant confirmée et amplifiée, grâce à une action diplomatique appropriée.
D'autre part, la situation s'est dégradée avec le Brésil. Comme les y autorise l'accord bilatéral relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière 25 ( * ) , signé en 1996, les autorités fédérales brésiliennes ont décidé en janvier 2011 que le port d'Oiapoque, sur le fleuve Oyapock, en face de Saint-Georges, serait le seul point de réadmission des Brésiliens reconduits depuis la Guyane. Or, jusque là, les reconduites pouvaient se faire par avion vers les villes de Macapa, Belém ou Manaus, dont l'éloignement était plus dissuasif pour les personnes tentées de revenir en Guyane 26 ( * ) .
Vos rapporteurs, qui se sont rendus à Oiapoque en pirogue, n'ont pu que constater effectivement la facilité avec laquelle un Brésilien qui y était reconduit par la police aux frontières pouvait revenir sur le sol français. Il en est de même sur le Maroni pour le Surinam, alors que dans l'hexagone la reconduite à la frontière est intercontinentale.
L'amplification des mesures d'éloignement par avion vers leur pays d'origine des ressortissants brésiliens, surinamiens et guyaniens, plus efficaces pour dissuader le retour des étrangers en situation irrégulière que la simple reconduite à la frontière fluviale aisément franchissable, suppose de renforcer la coopération bilatérale, car les États concernés ne sont pas tenus d'accepter les modalités des mesures d'éloignement. Les représentants de la gendarmerie, confrontés quotidiennement à l'immigration irrégulière, insistent eux aussi pour qu'une action soit menée à destination des pays d'origine, sans quoi il reste illusoire et inefficace de reconduire à la frontière simplement de l'autre côté du fleuve, en pirogue.
Vos rapporteurs invitent le Gouvernement à déployer tous les efforts diplomatiques nécessaires pour obtenir du Brésil, du Surinam et du Guyana des modalités satisfaisantes d'éloignement de leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de la Guyane française, faute de quoi l'éloignement, non seulement continuera à mobiliser d'importants crédits publics, mais n'aura pas de réelle efficacité.
b) La « culture du fleuve » et la perméabilité des frontières
Vos rapporteurs, au cours de leurs déplacements le long du Maroni et de l'Oyapock, ont pu expérimenter la « culture du fleuve », c'est-à-dire le fait que les fleuves ne sont pas perçus comme des frontières mais comme des voies de communication et d'échange. Ils ont pu le vérifier par eux-mêmes.
A cet égard, il convient de distinguer les trajets d'une rive à l'autre des populations et des familles, en particulier amérindiennes et bushinenge, qui habitent de part et d'autre du fleuve 27 ( * ) , et l'utilisation du fleuve comme porte d'entrée pour une immigration clandestine provenant du Brésil et du Surinam, qui grossit ensuite les rangs des orpailleurs clandestins (les « garimpeiros »), des travailleurs clandestins de la région de Cayenne et des bâtisseurs d'habitats illégaux le long de la route du littoral.
La facilité de navigation sur les deux fleuves frontaliers, qui permet de les franchir aisément en pirogue, rend illusoire la maîtrise complète des flux migratoires entre les deux rives, malgré le dévouement des fonctionnaires que vos rapporteurs ont rencontrés, en particulier des gendarmes.
A Saint-Laurent-du-Maroni, dans les bourgs d'Apatou, de Papaïchton et de Maripasoula ou encore à Saint-Georges-de-l'Oyapock, on ne peut que constater les trajets incessants d'une rive à l'autre. Ceux-ci sont d'autant plus fréquents sur le Maroni que les prix des produits de consommation sont bien inférieurs dans les nombreux commerces installés sur la rive surinamienne, de sorte que de nombreux habitants de la rive française se rendent sur l'autre rive, comme vos rapporteurs l'ont observé par eux-mêmes. Selon les informations qui leur ont été données, les commerçants installés sur la rive surinamienne en face de Maripasoula mettent gratuitement à disposition des pirogues pour traverser pour accueillir aussi bien des Français que des « garimpeiros » 28 ( * ) . La présence d'hôtels atteste de l'existence d'un phénomène de prostitution.
Vue aérienne du Maroni : Maripasoula au fond et le Surinam au premier plan
Certains élus des communes du littoral ont expliqué à vos rapporteurs que les habitants du fleuve vont dépenser au Surinam les revenus des transferts sociaux qu'ils perçoivent en France, au détriment du développement local. On constate même que de nombreuses familles qui habitent au Surinam, dans la commune d'Albina face à Saint-Laurent-du-Maroni, perçoivent des allocations familiales sans résider sur le territoire français. Vos rapporteurs appellent à une prise en compte plus stricte de cette situation pour y apporter les réponses appropriées, le cas échéant en se référant aux pratiques en vigueur pour les frontaliers lorsque les personnes sont de nationalité française.
Vue du Surinam depuis Saint-Laurent-du-Maroni avec le ballet des pirogues
Compte tenu des effectifs de fonctionnaires affectés en Guyane dans les zones frontalières et dans l'intérieur, il serait vain de croire possible de contrôler réellement les flux migratoires ou frontaliers. Dans ces conditions, l'objectif consiste plutôt à tenter de les limiter pour éviter qu'ils s'amplifient. A cet égard, selon le directeur départemental de la police aux frontières, le taux de réitération en matière d'immigration irrégulière serait passé de 70 % à 50 % en quelques années, ce qui pourrait illustrer l'effet dissuasif de l'action intensive des services de l'État.
A long terme, cependant, l'immigration irrégulière va s'avérer de plus en plus coûteuse pour l'économie et la société guyanaises, car les immigrés illégaux cherchent à s'installer sur le territoire de la Guyane et ne constituent pas une immigration de transit. Vos rapporteurs invitent le Gouvernement à renforcer significativement les effectifs de la police et de la gendarmerie, en tenant compte de la population réelle de la Guyane et de sa croissance rapide, pour faire face certes à la force de la pression migratoire, mais également au contexte plus général de violence.
c) L'impact de l'immigration clandestine sur la question du logement
L'immigration irrégulière est responsable de l'essentiel de l'habitat illégal en Guyane. Selon les informations données à vos rapporteurs, aucun jugement ordonnant la destruction d'une construction illégale n'a été exécuté depuis cinq ans en Guyane.
Lors de son entretien avec vos rapporteurs, à l'hôtel de ville de Cayenne, Mme Marie-Laure Phinéra-Horth, maire de Cayenne 29 ( * ) , a fait état des conséquences de la présence massive de populations immigrées sur le territoire de la commune, par exemple dans le quartier de la Mâtine où vivent de nombreux Brésiliens. Alors que la population officielle de Cayenne est de 57 000 personnes, il faut y ajouter environ 20 000 immigrés illégaux 30 ( * ) , soit une population totale avoisinant les 80 000 personnes, ce qui pèse lourdement sur les dépenses de la commune, en raison par exemple de l'impact financier de la scolarisation des enfants étrangers (construction de bâtiments scolaires et recrutement de personnels municipaux).
De nombreuses plaintes proviennent des administrés à l'encontre du comportement de ces populations brésiliennes, qui occupent de force et illégalement des terrains, et n'hésitent pas à menacer les habitants. La plupart des constructions du quartier de la Mâtine est illégale, seule une minorité est autorisée, mais les procédures judiciaires ne suivent pas. Dans ce quartier sans eau ni électricité, des bornes d'eau ont néanmoins été installées pour la population, mais nombreux sont les branchements illégaux sur les réseaux d'eau et d'électricité, générant alourdissement des factures d'eau et baisses de tension sur le réseau électrique.
Devant la quasi impossibilité de fait d'expulser les occupants sans titre - qui ne sont pas tous des immigrés clandestins - et l'absence pour la ville de capacités de relogement, a été prise la décision, en accord avec le préfet, de régulariser certaines constructions, pour certaines familles.
Mme Marie-Laure Phinéra-Horth a affirmé à vos rapporteurs que ce lourd problème pénalise toutes les communes, car elles accueillent toutes une forte population étrangère irrégulière, notamment Macouria et Saint-Laurent.
Lors de leurs trajets par la route du littoral entre Cayenne et Saint-Laurent, vos rapporteurs ont pu constater la multiplication et l'ampleur de l'habitat illégal ou « spontané », à l'exception du secteur de Kourou, qui ne connaît pas ce problème, en raison de la vigilance particulière autour du site du centre spatial, ainsi que l'a fait observer notre collègue Jean-Etienne Antoinette.
C'est pourquoi, sous l'autorité du préfet, a été constituée une cellule dédiée de lutte contre l'habitat illégal. Compte tenu de l'ampleur de la tâche à accomplir, un nombre limité de secteurs ont été définis dans un premier temps, sur les communes de Macouria, Rémire-Montjoly puis Cayenne. A Macouria par exemple, on évalue à 550 le nombre d'habitations illégales, pour environ 2 000 habitants. La cellule, dont la mission est de parvenir à la destruction des constructions illégales, travaille avec toutes les administrations concernées, y compris avec le parquet, mais elle est confrontée à l'insuffisance des moyens de la justice : malgré son travail les décisions de justice ne suivent pas. Seule la comparution immédiate permet d'obtenir la rédaction rapide d'un jugement, sans quoi les délais sont extrêmement longs et les jugements ordonnant la destruction ne sont pas exécutés parce qu'ils ne sont même pas rédigés.
2. Un répit relatif en Guadeloupe
En Guadeloupe, la population étrangère en situation irrégulière est composée majoritairement d'Haïtiens, pour lesquels, en raison du séisme de janvier 2010, les mesures d'éloignement ont été suspendues par les autorités françaises, suscitant un répit artificiel pour les fonctionnaires concernés. Selon les informations données à vos rapporteurs par la direction départementale de la police aux frontières, cette suspension devrait durer longtemps compte tenu de la situation actuelle en Haïti.
Cette situation apparaît dans les statistiques d'éloignement données à vos rapporteurs : après 1 700 en 2008, elles diminuent à environ 800 en 2009 - alors d'ailleurs que le séisme a eu lieu en 2010 - pour tomber à 300 en 2010. Ces chiffres d'éloignement illustrent bien la différence de situation entre la Guadeloupe, même avant la suspension de l'éloignement des Haïtiens, et la Guyane.
Dès lors, l'effort de lutte contre l'immigration clandestine se porte sur les autres nationalités représentées, en particulier les Dominiquais, originaires de l'île voisine de la Dominique 31 ( * ) , les Dominicains, issus de la République dominicaine, et diverses autres nationalités qui viennent par Saint-Martin.
Le taux de réitération est assez important chez les étrangers provenant des îles voisines de la Guadeloupe, par bateau. La majorité des éloignements se fait par avion.
Comme en Guyane, il existe une difficulté pour l'éloignement de certaines nationalités qui ne disposent pas d'une représentation consulaire en Guadeloupe, par exemple le Guyana et la Chine. Dans ces conditions il est extrêmement difficile d'obtenir un laissez-passer consulaire car, pour la Chine, il faut présenter l'étranger au consulat à Paris, qui peut refuser de délivrer le laissez-passer, de sorte que l'étranger est relâché à Paris. En revanche, les nombreux accords passés avec les États voisins de la Caraïbe permettent d'éviter ce problème et de reconduire sans laissez-passer consulaire.
Alors que les Haïtiens sont très peu impliqués dans les phénomènes de violence, les Dominiquais commettent la grande majorité des crimes et délits commis par des étrangers, souvent des violences avec arme. Beaucoup de réseaux d'immigration clandestine passent par la Dominique, où transitent des étrangers venus d'ailleurs pour se rendre en Guadeloupe.
L'absence de contrôle de la frontière à Saint-Martin crée un problème spécifique d'immigration, du fait des entrées par la partie néerlandaise. Elles sont généralement le fait d'étrangers qui s'installent dans la partie française, mais ne se rendent pas en Guadeloupe.
3. Les deux centres de rétention administrative de Guyane et de Guadeloupe
Vos rapporteurs ont visité les deux centres de rétention administrative implantés dans ces départements, à Rémire-Montjoly (Guyane) et aux Abymes (Guadeloupe), la Martinique n'étant pas dotée d'un tel centre. La pression migratoire de la zone s'exerce en effet sur la Guyane et, dans une mesure moindre bien sûr, en Guadeloupe.
Le centre de rétention de Guyane compte trente-huit places, capacité qui n'est jamais dépassée selon le directeur départemental de la police aux frontières. En effet, la plupart des reconduites s'effectuent sans passage par le centre de rétention, dans un délai de moins de quarante-huit heures, donc sans passage non plus devant le juge des libertés et de la détention. Une part significative des étrangers retenus au centre de rétention sont sans documents d'identité, de sorte qu'ils sont ensuite relâchés sur le territoire français s'il est impossible de déterminer leur identité et leur pays d'origine. Compte tenu du taux élevé de réitération, le matériel de collecte de données biométriques dont dispose le centre permet d'identifier plus facilement les étrangers.
Malgré la présence de plusieurs préfabriqués hébergeant des bureaux pour le personnel et le cabinet médical, vos rapporteurs ont pu apprécier la bonne tenue du centre. Les quartiers femmes et hommes sont convenablement séparés. Vos rapporteurs ont rencontré une représentante de la Cimade, qui a déploré que seule une minorité des étrangers en situation irrégulière passe par le centre de rétention, la majorité étant éloignés en moins de quarante-huit heures directement après leur interpellation.
Ouvert en 2008, le centre de rétention de Guyane a succédé, après une mise aux normes des bâtiments et des conditions d'accueil, à un local de rétention administrative qui se trouvait dans les mêmes locaux. Il doit faire l'objet d'une extension prochaine, en vue de porter à soixante-quatre places ses capacités, afin de faire face dans de meilleures conditions à l'afflux d'étrangers en situation irrégulière, notamment de familles pour la rétention desquelles il n'est pas autorisé actuellement.
Le centre de rétention de Guadeloupe peut accueillir jusqu'à quarante personnes. Il n'est pas autorisé à accueillir des familles. Les quartiers femmes et hommes sont convenablement séparés. Contrairement au centre de Guyane où les délais d'éloignement sont plus rapides, les étrangers y restent en moyenne trois jours, de sorte que 60 % d'entre eux sont présentés, après quarante-huit, devant le juge des libertés et de la détention.
Le centre a été ouvert en 2005. Un projet d'extension est à l'étude actuellement, couplé avec la création d'une zone d'attente sur le même site du Morne Vergain, aux Abymes, la mise aux normes de la zone d'attente située dans l'aéroport ayant été jugée impossible par manque de place.
C. UN ÉTAT DE LA JUSTICE EXTRÊMEMENT INQUIÉTANT
Dans les trois départements, vos rapporteurs ont tenu à rencontrer les chefs de juridiction et les responsables du parquet (cours d'appel et tribunaux de grande instance). A cet égard, ils déplorent que le président du tribunal de grande instance de Cayenne ne se soit pas rendu à leur invitation, pour motif de grève dans la juridiction selon les informations fournies, de même que les responsables de la mission de préfiguration de la cour d'appel de Cayenne.
En Martinique, en Guadeloupe et encore davantage en Guyane, les moyens de la justice ont paru tellement insuffisants à vos rapporteurs qu'ils en nourrissent une grande inquiétude sur la réalité de l'accès des citoyens à la justice comme sur le respect par l'État des droits des justiciables.
1. L'insuffisance générale des moyens de la justice
L'insuffisance des moyens de fonctionnement de la justice, dans les trois départements français d'Amérique, conduit à sacrifier le contentieux civil pour pouvoir traiter les affaires pénales, alors que le premier est le plus important pour le quotidien de la population. Les juridictions civiles paraissent dans une situation sinistrée.
Vos rapporteurs estiment qu'il manque de très nombreux postes de magistrats et de personnels de greffe pour, dans ces départements, rendre la justice dans des conditions dignes pour les justiciables et acceptables pour les personnels. Cette situation dégradée accentue, en outre, la difficulté de trouver des magistrats et des greffiers souhaitant venir en poste dans les Antilles et en Guyane.
a) La situation des juridictions en Guyane
L'activité du tribunal de grande instance de Cayenne est comparable à celle d'une très grosse juridiction, avec 30 000 affaires chaque année. Selon M. François Schneider, procureur de la République, le service public de la justice ne peut plus être assuré, en raison du grave sous-dimensionnement des effectifs (cinq magistrats du parquet et dix-sept magistrats du siège). Le climat moral est très mauvais chez les magistrats comme chez les personnels du greffe. Une aggravation des dysfonctionnements est à craindre pour l'avenir.
La situation du greffe du tribunal de grande instance de Cayenne est plus que préoccupante, avec 48 fonctionnaires (dont six en longue maladie), contre 90 au tribunal de grande instance de Fort-de-France, pour une activité, à titre de comparaison, de 12 000 gardes à vue et 780 comparutions immédiates à Cayenne, contre 5 000 gardes à vue et 500 comparutions immédiates à Fort-de-France. Comme le personnel de greffe, les magistrats du parquet devraient être deux fois plus nombreux. La comparution immédiate, à laquelle il est recouru de façon dans une proportion élevée de dossiers, est devenue le seul moyen d'obtenir un jugement pénal signifié dans des délais normaux.
De plus, compte tenu de ces graves sous-effectifs et de la fréquence des mutations des magistrats, que la dégradation de la situation ne contribue pas à ralentir, le parquet n'est pas réellement en mesure de conduire des enquêtes complexes, notamment en matière de délinquance financière, qui est très présente en Guyane.
La perspective de la création, au 1 er janvier 2012, d'une cour d'appel à Cayenne, en lieu et place d'une chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France 32 ( * ) , qui siège de façon intermittente, ne pourra apporter qu'une réponse partielle et indirecte, sans renforcement suffisant des effectifs du tribunal.
b) La situation des juridictions en Martinique
Le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France, M. Hervé Expert, a déploré la baisse des effectifs des juridictions en Martinique, alors que la charge de travail comme les attentes des justiciables augmentent. Selon lui, pas un seul secteur du ressort de la cour d'appel ne fonctionne bien.
Pour gagner du temps dans les délais de jugement en matière pénale, il y a une tendance forte à « correctionnaliser » les crimes 33 ( * ) , de façon à ne pas avoir à réunir davantage la cour d'assises 34 ( * ) , avec la mobilisation en personnel que cela suppose, et à donner une réponse pénale plus rapide. Ainsi, même les vols à main armée passent en comparution immédiate. On assiste au même phénomène en Guadeloupe. Pour autant, les délais d'audience sont toujours d'environ deux ans pour les criminels mineurs.
Le premier président de la cour d'appel a aussi souligné la récurrence du thème de la « justice coloniale », y compris de la part de certains avocats 35 ( * ) . Les magistrats affectés en Martinique subissent une mise en cause de l'institution judiciaire, qui tend à s'accroître depuis quelques années malgré une bonne entente aujourd'hui avec le barreau de Fort-de-France.
Les magistrats sont régulièrement mis en cause, les requêtes en récusation, les provocations et les suspicions sont nombreuses. Il existe une revendication récurrente, certes chez une minorité de la population, d'être jugé par des juges antillais, ce qui tend à perturber et biaiser le fonctionnement de la justice localement et, en tout état de cause, nécessite de motiver sérieusement les décisions et demande beaucoup d'écoute et d'explications. La crise de début 2009, lors de laquelle la justice a correctement joué son rôle en tenant les audiences de comparution immédiate lorsque c'était nécessaire, demeure dans les esprits. Ainsi, la politisation de l'audience est fréquente, de sorte que tout procès peut avoir une forte résonance politique dans l'opinion publique locale.
Le statut de juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) 36 ( * ) du tribunal de grande instance et de la cour d'appel de Fort-de-France requiert de la part des personnels un investissement supplémentaire et occupe chaque année huit personnes pendant des mois. Cela conduit à développer des relations avec les autorités judiciaires étrangères de la région, a fortiori lorsqu'il n'existe pas de conventions internationales de coopération judiciaire comme c'est le cas malheureusement avec Sainte-Lucie.
c) La situation des juridictions en Guadeloupe
La situation des juridictions en Guadeloupe n'est guère meilleure que celle en Martinique, et ce d'autant que le ressort de la cour d'appel s'étend à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ce qui pose d'importantes difficultés, d'un point de vue matériel notamment.
Les deux tribunaux de grande instance de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre rencontrent, comme ailleurs, des problèmes de locaux et de ressources humaines, mais celui de Pointe-à-Pitre 37 ( * ) présente l'activité la plus soutenue, compte tenu de la concentration humaine et économique ainsi que de la délinquance. Selon la présidente du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, un récent rapport de l'inspection générale des services judiciaires a conclu qu'il manquait deux magistrats et huit fonctionnaires de greffe.
Le tribunal de grande instance de Basse-Terre rencontre, quant à lui, des difficultés du fait du rattachement à son ressort du tribunal d'instance de Saint-Martin (deux juges d'instance et un greffier), qui engendre des coûts importants de transport, d'autant que le moyen de transport depuis Saint-Martin est l'avion et que l'aéroport de Guadeloupe est à Pointe-à-Pitre et non à Basse-Terre.
Pour les affaires criminelles et complexes, Saint-Martin dépend du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre. Il existe dans les faits à Saint-Martin un embryon de chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre, avec deux magistrats sur place (un vice-procureur et un vice-président chargé des enfants), sans greffe. Le transit des dossiers entre Saint-Martin et Basse-Terre est très compliqué, et ce d'autant que le service d'exécution des peines est à Basse-Terre. Les audiences correctionnelles pour Saint-Martin se tiennent à Basse-Terre, ce qui pose des problèmes pratiques 38 ( * ) .
Il n'est pas possible de faire des comparutions immédiates à Saint-Martin. Selon la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre, la solution serait la création d'une véritable chambre détachée à Saint-Martin, de façon à correctement rendre la justice sur place, car les besoins sont importants : il existe un vrai problème de visibilité de l'autorité de la justice pour les habitants de Saint-Martin, alors que la délinquance y est endémique. En outre, il n'existe pas de lieu de détention à Saint-Martin, ce qui impose le transport des personnes prévenues, avec le coût et les risques que cela représente, qui s'ajoutent au coût des trajets sur place pour les juges d'instruction ou à l'impossibilité de procéder à des autopsies sur place 39 ( * ) . Le contentieux des étrangers est également complexe pour les étrangers en situation irrégulière interpelés à Saint-Martin, qui relèvent de la compétence du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre : si l'étranger est conduit devant le juge des libertés et de la détention et que celui-ci n'ordonne pas le placement en rétention, il est livré à lui-même sans pouvoir retourner à Saint-Martin par manque de moyens.
Vos rapporteurs ne peuvent qu'approuver la proposition de créer une chambre détachée à Saint-Martin, de façon à y assurer un accès plus efficace et plus effectif à la justice.
Le contentieux civil est très lourd et complexe en Guadeloupe, nourri notamment par les questions foncières (indivisions, indigence du cadastre). Il représente une grosse activité, rapporté à la population. Néanmoins, du fait du manque de moyens et du développement rapide du contentieux pénal, la justice civile, justice du quotidien, est de plus en plus délaissée, au détriment de la population. En cas de pénurie, selon M. Henry Robert, premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, la priorité est donnée à la justice pénale et à la justice des enfants.
Le premier président a également signalé l'insuffisance chronique des frais de justice dans le ressort de la cour d'appel 40 ( * ) , générant de tels retards de paiement, notamment en matière d'expertise psychiatrique, indispensable pour toute affaire criminelle et de nombreuses décisions en matière d'aménagement de peine, qu'à ce jour les experts psychiatres refusent de travailler pour la justice. De même, une société spécialisée refuse de poursuivre des écoutes téléphoniques en raison du même défaut de paiement. Avec les crédits affectés, il n'est pas possible de régler les seuls arriérés de frais de justice.
Concernant enfin le tribunal administratif de Basse-Terre, le seul dont vos rapporteurs aient pu rencontrer le président 41 ( * ) , ils ont pu constater le stock des affaires par magistrat. Les délais moyens de jugement y sont de deux ans et demi, contre onze mois en moyenne en métropole grâce aux efforts mis en oeuvre ces dernières années en vue de les réduire. Sont encore traitées des dossiers de la fin des années 1990. L'objectif fixé par la présidente du tribunal pour la fin de l'année 2011 est de juger tous les dossiers de 2006 : si les délais moyens de jugement sont de deux ans et demi, ils sont en effet de cinq ans pour les dossiers non urgents. Créé en 2007 après avoir été une dépendance du tribunal administratif de Fort-de-France, le tribunal administratif de Basse-Terre serait peu attractif pour les magistrats administratifs, de sorte que ce sont toujours des magistrats en début de carrière qui y sont affectés 42 ( * ) .
2. La défaillance de l'exécution des jugements
La Guyane est particulièrement touchée par ce phénomène, du fait de l'engorgement et de l'insuffisance de moyens humains du greffe du tribunal de grande instance de Cayenne. Lorsque les audiences ont lieu et que les jugements sont prononcés, il existe un tel retard dans la frappe des jugements par le greffe qu'en pratique, ils ne sont pas rédigés et donc ne peuvent pas être signifiés et encore moins mis à exécution.
Vos rapporteurs ont été particulièrement choqués de cette situation de « justice virtuelle » que vit la Guyane 43 ( * ) , qui existe également en Guadeloupe, dans une moindre mesure semble-t-il, alors même que les faits de délinquance y sont particulièrement graves et nombreux.
Concernant les procédures engagées en matière d'habitat illégal, la maire de Cayenne a d'ailleurs signalé à vos rapporteurs que, si le travail se faisait dans un esprit de dialogue avec la préfecture, les procédures souvent ne parvenaient pas à aboutir, du fait de l'engorgement de la justice.
Selon le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France, le conseil de prud'hommes de Cayenne ne rend plus de décisions depuis trois ans, faute de personnel. Il confirme que le tribunal de grande instance de Cayenne n'arrive plus à fonctionner et ne peut plus signifier les jugements.
La Martinique est également touchée par les difficultés d'exécution des peines, en raison du manque de personnel pour le suivi de l'exécution, mais également du fait de la surpopulation du centre pénitentiaire de Ducos : pour ne pas faire « péter Ducos », selon l'expression imagée souvent utilisée par les interlocuteurs de vos rapporteurs, les peines de prison ne sont pas exécutées, au risque de laisser les condamnés continuer à vivre librement près de leurs victimes. Selon M. Tristan Gervais de Lafond, président du tribunal de grande instance de Fort-de-France, en raison du manque de magistrats et surtout de greffiers, on court le même risque qu'en Guyane de ne plus pouvoir signifier et donc exécuter les jugements, car les mesures d'urgence prises pour gérer l'engorgement au quotidien sont au bout de leurs effets et la désorganisation s'amplifie.
En Guadeloupe, au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, selon sa présidente, 650 décisions sont en attente d'exécution en matière correctionnelle : les jugements ne sont pas rédigés faute de personnels. Ainsi, de nombreuses peines ne sont pas exécutées. Au service de l'exécution des peines, 300 dossiers sont en situation non traitée.
Vos rapporteurs appellent avec gravité l'attention du Gouvernement sur la situation extrêmement préoccupante de la justice en Guyane et dans les Antilles, qui porte manifestement atteinte à l'égalité devant la justice, car la mission régalienne qu'est la justice n'est plus en mesure d'être remplie. Il n'est pas acceptable que nos compatriotes n'aient pas accès à la justice dans des conditions normales.
3. Des personnes françaises sans état civil en Guyane
Plusieurs personnes 44 ( * ) ont signalé à vos rapporteurs un phénomène de portée limitée mais préoccupant, qui n'est pas lié à l'immigration clandestine mais à la géographie de la Guyane. Des personnes, pourtant nées en Guyane et d'origine française, ne disposent pas d'un état civil, faute de déclaration de naissance dans le délai légal. Il en résulte de nombreux jugements déclaratifs de naissance pour permettre l'attribution d'un état civil.
D. UNE SITUATION PÉNITENTIAIRE TENDUE EN VOIE D'AMÉLIORATION
Vos rapporteurs ont visité les trois centres pénitentiaires et la maison d'arrêt de la Guyane et des Antilles.
En dehors de la maison d'arrêt de Basse-Terre (Guadeloupe), vétuste et ancienne, les centres pénitentiaires de Rémire-Montjoly (Guyane), Ducos (Martinique) et Baie-Mahault (Guadeloupe) ont fait partie tous les trois du même programme immobilier. Construits sur le même schéma architectural, assez ouvert et aéré, adapté au climat, ils ont été ouverts dans la seconde moitié des années 1990, mais tous connaissent aujourd'hui, pourtant, une surpopulation carcérale plus ou moins aiguë. C'est le centre de Ducos qui connaît manifestement la situation la plus difficile.
Il n'existe aucune maison centrale dans les Antilles et en Guyane pour l'accomplissement des longues peines et l'accueil des détenus dangereux. Dès lors, les quelques condamnés à de longues peines sont transférés en métropole.
1. Le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly
Mis en service en 1998 pour remplacer la vieille prison de Cayenne, le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly comprend une maison d'arrêt pour les prévenus et un centre de détention pour les condamnés, ainsi qu'un quartier de semi-liberté. Il peut accueillir des hommes, des femmes et des mineurs.
Conçu initialement pour 460 places, il a connu quelques difficultés de fonctionnement à son ouverture 45 ( * ) . Au bout de quelques années, les capacités d'accueil se sont révélées insuffisantes. Après une première extension en 2008, une seconde est en cours et devrait être livrée en 2012, une troisième étant d'ores et déjà prévue, portant ainsi à terme les capacités à 720 places.
Au moment de la visite de vos rapporteurs, le centre recensait environ 680 détenus, après un pic de 715 en 2010, au niveau de l'objectif de capacité prévu à l'horizon de plusieurs années. La surpopulation touche principalement la maison d'arrêt, comme dans la plupart des prisons françaises.
Le centre pénitentiaire emploie 230 fonctionnaires, dont 200 affectés à la surveillance, et fait appel à un prestataire extérieur pour la maintenance. Contrairement à l'ouverture, les personnels sont aujourd'hui majoritairement originaires de Guyane. Les personnels féminins sont nombreux, ce qui pose quelques difficultés avec les détenus.
La population carcérale présente la particularité d'être en majorité étrangère et non francophone : 63 % des détenus sont étrangers, quasiment tous en situation irrégulière, originaires essentiellement du Brésil, du Surinam et du Guyana. Quelques détenus français viennent du fleuve et ne sont pas francophones. L'anglais et le créole permettent de communiquer avec eux. Si le centre ne comporte pas de quartiers par nationalité, de façon à éviter les confrontations, l'administration prend néanmoins le soin de ne pas mettre des personnes de nationalités différentes dans une même cellule. A leur sortie, les étrangers, qui effectuent en général des peines d'une durée inférieure à un an, sont reconduits à la frontière.
Les condamnés à de longues peines sont transférés en métropole et reviennent en Guyane pour exécuter la fin de leur peine.
Selon M. Daniel Willemot, directeur du centre pénitentiaire, les peines de prison prononcées en Guyane, à infractions égales, sont moins sévères qu'en métropole.
Enfin, compte tenu du niveau élevé du chômage en Guyane, il est très difficile de trouver des entreprises susceptibles de fournir du travail aux détenus. Des cours de français sont proposés avec succès, par des personnels de l'éducation nationale. Une formation professionnelle au maraîchage est proposée, dans le cadre d'un chantier d'insertion, par une régie de quartier, en dehors de l'enceinte de la prison.
Au terme de leur visite, qui leur a permis d'entrer dans les différents quartiers, vos rapporteurs ont estimé que ce centre pénitentiaire correspondait à ce que l'on est en droit d'attendre de la République.
2. Le centre pénitentiaire de Ducos
Mis en service en 1996 pour pouvoir fermer la vieille prison de Fort-de-France, le centre pénitentiaire de Ducos comporte une maison d'arrêt et un centre de détention. Initialement conçu pour 120 places, l'établissement a ouvert avec 490 places. En 2007, 80 places supplémentaires ont été livrées, pour atteindre 570 aujourd'hui.
Avec 914 détenus lors de la visite de vos rapporteurs, après un pic de 920 détenus en 2009, le centre de Ducos connaît un taux d'occupation de l'ordre de 160 %, le plus élevé de tous les établissements des départements d'outre-mer. Cette surpopulation n'affecte pas les quartiers pour femmes et pour mineurs, qui sont en sous-effectifs, et le taux d'occupation est à peu près normal dans le centre de détention. C'est dans la maison d'arrêt pour hommes que se manifeste la surpopulation, avec un taux d'occupation de l'ordre de 250 %. Des cellules individuelles peuvent comporter jusqu'à quatre lits. Cette surpopulation entraîne parfois de graves violences entre détenus.
Quelques transfèrements ont lieu chaque année vers la métropole, pour l'exécution des longues peines.
Selon les informations données à vos rapporteurs, 250 condamnés sont à ce jour en attente d'exécution d'une peine de prison. Il est évident que, s'ils étaient incarcérés, l'établissement ne serait pas en mesure de fonctionner dans des conditions normales de sécurité. Un programme d'extension de 160 places supplémentaires est prévu pour 2014, mais n'a pas encore abouti. Cette extension porterait la capacité totale à 730 places, soit encore 200 places au moins en-deçà des besoins au vu de la surpopulation actuelle.
Les magistrats rencontrés en Martinique par vos rapporteurs ont fait part de leur inquiétude sur la surpopulation du centre pénitentiaire, signalant qu'il n'était plus possible à ce jour d'exécuter les peines de prison prononcées, à hauteur de 250 condamnations, ce qui pose un problème pour l'autorité de la justice, mais également pour les victimes qui, dans le contexte insulaire, risquent plus facilement de rencontrer la personne condamnée qui n'a pas encore exécuté sa peine.
Concernant la population carcérale, 80 % des détenus habitent la Martinique, petit territoire, de sorte que les familles essaient régulièrement d'entrer en contact par-delà les grilles. L'enceinte, malgré les travaux réalisés, est perméable aux projections d'objets divers depuis l'extérieur, de sorte que l'administration récupère chaque année le long de l'enceinte environ 150 téléphones portables, 40 à 50 kilogrammes de drogue, sans compter des litres d'alcool. Ces produits donnent lieu à un trafic au sein de la prison qu'il est difficile de contrer efficacement.
Le statut de juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de Fort-de-France amène au centre de Ducos une population étrangère à la Martinique, provenant de tout l'arc antillais et d'Amérique du sud.
Selon M. Jean-Jacques Pairraud, directeur du centre, la population carcérale est souvent composée de jeunes violents et toxicomanes qui contestent la prison, l'autorité et l'ordre établi. Pour autant, il constate moins d'atteintes au personnel, notamment au personnel féminin, dans la période récente. On recense également des troubles psychiatriques, mais l'hôpital n'est pas en mesure d'accueillir les détenus concernés.
Trois entreprises fournissent du travail en ateliers aux détenus, pour une rémunération de 300 à 450 euros, à comparer aux 150 à 300 euros pour le service général (cuisine et entretien), lequel emploie 150 détenus environ.
Vos rapporteurs ont été particulièrement frappés par le climat violent généré par le phénomène de surpopulation carcérale, qu'ils n'ont pas perçu ni au centre de Rémire-Montjoly en Guyane ni dans les deux établissements de Guadeloupe.
3. La maison d'arrêt de Basse-Terre
Situé dans les bâtiments d'un ancien couvent construit XVII ème siècle et transformé en prison en 1792, la maison d'arrêt de Basse-Terre est actuellement l'établissement pénitentiaire le plus ancien des départements français d'Amérique. C'est également, fort logiquement, le plus vétuste, même si un bâtiment plus récent a été ajouté aux bâtiments d'origine. Depuis une dizaine d'années, des projets de reconstruction sont à l'étude. Un projet de construction sur la commune de Gourbeyre ayant été abandonné fin 2009, l'administration privilégie à présent une opération, bien plus complexe, de reconstruction sur le site de Basse-Terre en maintenant le fonctionnement, avec un objectif de capacité de 180 places. La livraison est prévue pour 2015.
Actuellement, la maison d'arrêt compte un effectif théorique de 130 places, pour un effectif réel pouvant atteindre 200 personnes. Lors de la visite de vos rapporteurs, l'établissement comportait 137 détenus, dont 13 sous bracelet électronique, c'est-à-dire en dehors du site.
La population est atypique, puisqu'elle est composée aux deux tiers de condamnés purgeant leur peine, qui ont fait le choix de rester à Basse-Terre pour des raisons de proximité familiale, malgré l'état des locaux 46 ( * ) .
La vétusté des locaux nécessite chaque année d'importants travaux d'entretien qu'une concrétisation plus rapide du projet de reconstruction aurait permis d'économiser. Vos rapporteurs déplorent cette situation préjudiciable pour les finances publiques. La présidente du tribunal administratif de Basse-Terre leur a fait savoir que des avocats commençaient à attaquer l'État au titre des mauvaises conditions de détention à la maison d'arrêt.
Les deux tiers des détenus sont de Guadeloupe et un tiers viennent de Saint-Martin.
La maison d'arrêt n'a pas de locaux pour accueillir des ateliers de travail, mais elle a mis en place un chantier-école pour repeindre des cellules. De nombreux détenus participent au service général de la maison, ainsi qu'aux activités cultuelles et culturelles. Des enseignements sont aussi proposés, notamment grâce à un enseignant à temps plein.
Selon Mme Caroline San Nicolas, directrice, malgré la vétusté et la dégradation des bâtiments, il existe un état d'esprit qu'elle a qualifié de « familial », grâce à une bonne entente du personnel comme à la nature de la population carcérale. Vos rapporteurs ont effectivement pu apprécier cet état d'esprit.
L'encellulement individuel est possible dans le bâtiment plus récent, tandis que seuls des dortoirs existent dans les bâtiments anciens. Selon Mme San Nicolas, l'encellulement collectif produit ici un effet positif de prévention des suicides, même s'il accroît les violences entre détenus.
4. Le centre pénitentiaire de Baie-Mahault
Mis en service en 1996, le centre pénitentiaire de Baie-Mahault comporte une maison d'arrêt et un centre de détention. Il présente une capacité de 550 places environ. Lors de la visite de vos rapporteurs, 660 détenus étaient présents. C'est la maison d'arrêt, principalement, qui souffre d'un problème de surpopulation, pas le centre de détention. Les quartiers pour femmes et pour mineurs sont même en sous-effectifs.
Un projet d'extension devrait accroître la capacité de 200 places, avec le déplacement du quartier pour mineurs pour aménager un quartier pour les arrivants dans les bâtiments existants, ainsi que la création d'un quartier pour les fins de peine, avec préparation à la sortie, et d'un quartier de semi-liberté.
La localisation du centre, entre la mangrove et un lotissement, évite les phénomènes de « parloir sauvage » et de projections depuis l'extérieur qui existent au centre martiniquais de Ducos.
La population carcérale est surtout française, avec une majorité de ressortissants de la Dominique chez les étrangers. La majorité des mineurs sont anglophones car ils viennent de Saint-Martin.
Les détenus dangereux condamnés à de longues peines sont transférés en maison centrale en métropole.
En raison du niveau élevé du chômage en Guadeloupe, les entreprises sont réticentes à fournir du travail aux détenus, qui s'affairent donc surtout au service général de l'établissement.
M. Alain Pardouka, directeur du centre, a indiqué que l'existence de deux établissements en Guadeloupe permettait un fonctionnement mutualisé plus souple, ce qui n'est pas le cas en Guyane et en Martinique. Ayant été en fonction dans l'établissement à son ouverture, il a observé une montée rapide de la violence dans le milieu carcéral, traduction de la violence croissante de la société guadeloupéenne depuis quinze ans.
Vos rapporteurs ont apprécié la tenue du centre de Baie-Mahault.
S'étant rendu dans tous les établissements pénitentiaires de Guyane et des Antilles, ils s'inquiètent de la situation très tendue, pour ne pas dire explosive, du centre pénitentiaire de Ducos, conjuguée à la charge importante de la justice pénale en Martinique, qui se traduit par un nombre élevé de personnes condamnées en attente d'exécution de peine. Dans ces conditions, vos rapporteurs estiment qu'aucun projet d'extension sur le site de Ducos ne saurait résoudre à lui seul le problème de la surpopulation carcérale et de l'insuffisance des capacités de l'établissement.
E. LE SUCCÈS CONFIRMÉ DU SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ
Après un tableau relativement sombre des conditions dans lesquelles se déploie l'action des services de l'État en matière de sécurité publique et de justice, vos rapporteurs se réjouissent d'avoir constaté que le succès du service militaire adapté ne se démentait pas en Guyane et dans les Antilles, contribuant à donner de l'espoir à la jeunesse. En effet, ce qui fait la valeur du service militaire adapté aux yeux des entreprises, sans doute davantage que l'indispensable savoir-faire professionnel délivré aux jeunes volontaires, c'est la formation comportementale, conséquence de l'état militaire, le savoir-être qui garantit à l'employeur la fiabilité, la rigueur et le sens des responsabilités du jeune qu'il embauche. Ce constat est largement partagé, considérant que les lacunes des jeunes, y compris diplômés, sont davantage comportementales que professionnelles. Un employeur préfèrera souvent un jeune du service militaire adapté, même s'il doit financer une formation professionnelle complémentaire, qu'un jeune simplement diplômé. De plus, le service militaire adapté peut donner, pour certains, la première expérience professionnelle qui permet de trouver plus facilement un premier emploi stable 47 ( * ) .
S'ils n'ont pu que brièvement passer au régiment du service militaire adapté de Guyane, à Saint-Jean (troisième régiment), sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, ils ont longuement visité les régiments de la Martinique, au Lamentin (premier régiment), puis de la Guadeloupe, à Baie-Mahault (deuxième régiment).
Alors que vos rapporteurs s'interrogeaient sur la faisabilité du projet de doublement d'ici 2014 des effectifs accueillis par le service militaire adapté outre-mer 48 ( * ) , décidé par le Président de la République en 2009, sans doublement des moyens budgétaires qui lui sont affectés, tout en conservant la qualité des formations et le taux d'insertion professionnelle des volontaires, ils ont pu mieux comprendre les modalités concrètes de cette montée en puissance.
Un nouveau type de contrat, d'une durée de six mois, vient compléter les contrats existants de dix à douze mois selon les filières de formation. Ce contrat de plus courte durée s'adresse, contrairement aux contrats de longue durée, à des jeunes diplômés sans emploi, sans nuire ainsi à l'efficacité globale du service militaire adapté en termes de qualité de la formation et donc d'insertion 49 ( * ) .
1. Le régiment de Guyane
Concernant le régiment de Guyane, vos rapporteurs s'interrogent sur sa localisation actuelle, au sud de Saint-Laurent. Il était auparavant basé pour l'essentiel au camp du Tigre, au coeur de l'agglomération de Cayenne, le site de Saint-Jean étant alors un second site secondaire. Compte tenu de la mission d'accompagnement vers l'insertion professionnelle, la localisation de Cayenne paraissait plus pertinente, au plus près des entreprises, dans le principal bassin d'emploi de la Guyane. Si la localisation à Saint-Jean peut contribuer à l'aménagement du territoire guyanais, il n'est pas assuré qu'elle garantisse l'insertion des jeunes volontaires dans les meilleures conditions, au regard de la situation économique et sociale dégradée de l'ouest guyanais. Par la route, le régiment se situe environ à trois heures de Cayenne.
Le colonel Frédéric Pichon, commandant du régiment, a indiqué à vos rapporteurs que le régiment accueillait 600 jeunes, principalement dans les métiers administratifs et du bâtiment.
2. Le régiment de Martinique
Le régiment du service militaire adapté de Martinique est le régiment historique, le premier régiment créé, en 1961, par le général Némo, le créateur du service militaire adapté outre-mer, commandant des forces armées dans les Antilles et en Guyane. A l'époque, le service militaire adapté avait pour mission de construire des routes, des ponts et des bâtiments publics, pour contribuer au désenclavement et au développement des départements d'outre-mer. Aujourd'hui, il intervient encore en matière de sécurité civile, en appui dans des situations d'urgence (lutte contre la dengue en 2010, séisme en Haïti en 2010, cyclone en Martinique en 2007...).
Le régiment a accueilli en 2010 près de 530 volontaires. L'objectif est de doubler les capacités d'ici 2014, dans le plan de montée en puissance.
La moitié du budget du régiment provient des fonds européens (Fonds social européen). Le régiment propose quatorze filières de formation et obtient un taux d'insertion professionnelle de 82 % (emploi ou formation durable 50 ( * ) ).
Le colonel Pierre Heinzelmeier, commandant du régiment, a insisté sur le fait que la principale valeur ajoutée du service militaire adapté, pour les volontaires, était le savoir-être que l'état militaire leur permettait d'acquérir. Selon lui, outre-mer, le service militaire adapté est le « chaînon manquant » entre la formation initiale, l'école obligatoire jusqu'à seize ans, et la formation professionnelle, une fois entré dans la vie active.
3. Le régiment de Guadeloupe
La localisation actuelle du régiment, à Baie-Mahault, au centre de la Guadeloupe, est très favorable. Auparavant il était situé à Saint-Claude, près de Basse-Terre, avec plusieurs compagnies dispersées dans le département.
Le régiment propose onze filières, avec de nombreux métiers. Une formation d'ouvrier polyvalent de la banane, organisée en partenariat avec les professionnels du secteur, doit ouvrir à l'été 2011. Des filières nouvelles de carrossier-peintre et soudeur doivent également ouvrir en 2011.
Les effectifs prévus pour 2011 s'élèvent à 555 volontaires. En 2010, ce sont 430 jeunes qui sont passés au régiment. En 2010, le taux d'insertion s'est maintenu à 82 %, malgré la hausse du chômage en Guadeloupe, étant entendu qu'une partie des jeunes part ensuite en métropole pour poursuivre une formation et souvent y trouve un emploi.
Il faut signaler que le régiment accueille plusieurs jeunes originaires de Saint-Martin. A la demande de la collectivité de Saint-Martin, le régiment a pour but d'y créer un détachement de 75 places d'ici 2013 51 ( * ) , qui s'ajouteront aux 850 prévues en 2014 dans le cadre du plan de montée en puissance du service militaire adapté, soit un total de 925 places 52 ( * ) .
Le colonel Claude Peloux, commandant du régiment, a exposé à vos rapporteurs les projets d'investissement en cours de réalisation, destinés à permettre le doublement des capacités en 2014. Il a également indiqué que, pour une place au régiment, six candidats se présentent, trois étant ensuite éliminés sur critères physiques. L'accès au régiment est ainsi très sélectif. Le taux d'illettrisme des recrues est de 40 %. Bon nombre de candidats son motivés par la possibilité de préparer gratuitement le permis de conduire.
Les fonds européens contribuent grandement au budget du régiment, qui s'élève à 18 millions d'euros (fonds social européen, pour 4 millions, et fonds européen de développement régional). Les investissements représentent une proportion très importante du budget, avec 8 millions d'euros.
Alors que tous les services de l'État rencontrés ont témoigné auprès de vos rapporteurs de l'insuffisance des moyens de fonctionnement dont ils disposent, force est de constater que le service militaire adapté bénéficie d'un accroissement substantiel de ses crédits, afin de remplir l'objectif de 2014.
II. LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS D'AMÉRIQUE À L'HEURE DE L'ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE
A. LA SITUATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Outre les présidents des conseils généraux et régionaux de Guyane, Martinique et Guadeloupe, vos rapporteurs ont également tenu à rencontrer les trois associations des maires, afin de connaître leurs préoccupations.
En Guyane comme en Martinique, les maires ont fait savoir qu'ils souhaitaient être plus étroitement associés à la collectivité unique. Le projet a été plus nettement formalisé en Martinique, où les élus du département et de la région ont porté l'idée d'un conseil consultatif des maires, qui permettrait de donner une voix à chaque commune quelle que soit sa population à côté d'une assemblée de Martinique élue au scrutin proportionnel et de compenser la disparition de la représentation cantonale. Le projet de loi du Gouvernement n'a toutefois pas repris cette proposition.
1. Une situation financière des communes toujours préoccupante
Ainsi que l'a indiqué à vos rapporteurs M. Bertrand Diringer, président des chambres régionales des comptes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique 53 ( * ) , la situation financière des communes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique est globalement très fragile et parfois très dégradée, notamment depuis 2008 du fait des récentes crises sociale et économique, qui ont pu interrompre les trajectoires engagées de redressement financier.
La grande majorité des communes souffre d'une situation financière difficile, marquée par des dépenses de personnel lourdes, en raison de recrutements importants tant de personnels titulaires que contractuels, tandis que leurs ressources propres, notamment fiscales, sont faibles, du fait d'une identification insuffisante des bases fiscales et des difficultés de recouvrement de l'impôt local. M. Bertrand Diringer a exposé cet « effet de ciseau » entre des dépenses dynamiques ou au mieux stabilisées, notamment en matière de personnel, et des recettes qui stagnent voire fléchissent (l'octroi de mer est très fluctuant car il dépend de l'activité économique).
Concernant le personnel communal, selon M. Bertrand Diringer, les effectifs pourtant importants s'accompagnent de qualifications insuffisantes et d'un manque de personnel d'encadrement, ce qui nécessite de tout de même faire souvent appel à des entreprises extérieures plutôt que de travailler en régie. Ce manque de qualifications s'explique en particulier par le poids des contrats aidés, qui suivent un processus d'intégration progressive, avec un passage en situation d'agent contractuel puis une titularisation. Ce phénomène touche en particulier la Martinique. Pour autant, force est de reconnaître qu'il y a une contradiction à inciter les communes à prendre des contrats aidés, au regard de la situation locale de l'emploi, puis à résorber l'emploi précaire, avant de leur reprocher le poids de leur masse salariale comme le manque de formation de leur personnel.
Mis en place à partir de 2004, le dispositif contractuel « Cocarde » (contrat d'objectif communal d'aide à la restructuration et au développement), à l'initiative de l'État avec le soutien de l'Agence française de développement, a permis de redresser la situation de plusieurs communes de Guadeloupe et de Guyane, à l'aide de prêts bonifiés à long terme destinés à rétablir l'équilibre budgétaire et à rembourser les créances anciennes, en contrepartie d'engagements de la part des communes en matière de maîtrise des dépenses de fonctionnement et de l'État en matière de recouvrement de l'impôt local.
Cependant, la crise sociale de 2009 a eu des conséquences négatives sur les finances des communes, y compris pour celles engagées dans des trajectoires de redressement financier, en pesant sur leurs dépenses sociales comme sur leurs ressources fiscales, notamment l'octroi de mer, du fait de la dégradation très profonde de la situation économique qui en est résultée 54 ( * ) .
a) La grande spécificité des communes de Guyane
De nombreux élus et partis, tout comme l'association des maires, ont signalé la difficulté des communes à faire face à la croissance démographique, alimentée en partie par une population immigrée très souvent irrégulière. Cette croissance démographique nécessite notamment des équipements publics, des écoles, des réseaux d'eau et d'électricité... L'association des maires a insisté sur le poids de l'immigration irrégulière sur les budgets communaux. Les dotations de l'État ne suivent pas assez rapidement l'accroissement des besoins, d'autant qu'elles sont calculées sur la base des populations officielles, très inférieures aux populations réelles en incluant les étrangers en situation irrégulière.
La Guyane comporte vingt-deux communes sur un territoire très étendu de 84 000 kilomètres carrés. Par rapport à l'hexagone, il existe entre les communes guyanaises une grande disparité démographique et de superficie. Les communes les plus peuplées sont généralement les moins étendues, tandis que les communes les plus vastes sont les moins peuplées. Ainsi, la commune de Maripasoula, plus grande commune de France et de l'Union européenne, ne compte que 6 500 habitants pour plus de 18 000 kilomètres carrés, et la commune de Régina, au deuxième rang, 800 habitants pour 12 000 kilomètres carrés, tandis que la population est surtout concentrée sur le littoral, dans l'agglomération de Cayenne (principalement Cayenne, Rémire-Montjoly et Matoury) ainsi qu'à Kourou et Saint-Laurent-du-Maroni. Dans ces conditions, certains maires, dans l'impossibilité matérielle de pouvoir se rendre sur tout le territoire de leur commune, peuvent se sentir impuissants ou dépossédés.
Source : conseil régional de Guyane
Ces caractéristiques des communes de l'intérieur ont d'ailleurs amené le législateur à plafonner, pour les seules communes de Guyane, le montant de la dotation superficiaire de la dotation globale de fonctionnement, calculée en fonction de la superficie du territoire communal, au triple du montant de la dotation de base de la dotation globale de fonctionnement (article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales). Ainsi, comme l'ont relevé de nombreux maires et élus municipaux, le montant de la dotation est calculé pour leurs communes sur la base de 3,22 euros l'hectare mais est plafonné, alors que les communes de montagne bénéficient de 5,37 euros sans aucun plafond, ajoutant que les communes de Guyane ne rencontraient pas moins de difficultés que les communes de montagne de l'hexagone.
Article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales A compter de 2005, la dotation forfaitaire comprend : 1° Une dotation de base destinée à tenir compte des charges liées à l'importance de sa population. Pour 2011, cette dotation de base est égale pour chaque commune au produit de sa population par un montant de 64,46 euros par habitant à 128,93 euros par habitant en fonction croissante de la population de la commune, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. 2° Une dotation proportionnelle à la superficie, égale à 3,22 euros par hectare en 2011 et à 5,37 euros par hectare dans les communes situées en zone de montagne. A compter de 2005, le montant de cette dotation perçu par les communes de Guyane ne peut excéder le triple du montant qu'elles perçoivent au titre de la dotation de base ; (...) |
Compte tenu de la faiblesse de l'activité économique et de l'emploi en dehors, principalement, de l'agglomération de Cayenne, les communes guyanaises possèdent des moyens particulièrement limités pour exercer leurs compétences sur leur territoire. Ce phénomène est accentué par le mode de calcul de la dotation de base de la dotation globale de fonctionnement, qui repose sur le nombre d'habitants recensés officiellement, alors qu'il existe une très importante population étrangère irrégulière, difficile à recenser et qui ne figure pas dans les populations communales officielles, et une croissance démographique très soutenue, en particulier dans l'ouest. Dans ces conditions, le montant de la dotation est systématiquement inférieur au montant correspondant à la population réellement à la charge des communes. Le passage à un recensement annuel partiel a permis d'atténuer, toutefois, l'écart résultant de la rapidité de la croissance démographique.
A également été évoquée par de très nombreux élus municipaux la question récurrente du prélèvement annuel sur le produit de l'octroi de mer des communes, au profit du budget du conseil général, qui représente 27 millions d'euros de manque à gagner pour les communes.
L'association des maires de Guyane, présidée par M. Jean-Pierre Théodore Roumillac, maire de Matoury, a particulière insisté auprès de vos rapporteurs sur la question des 27 millions, qui remonte à 1974. Il s'agissait d'abonder le budget du conseil général, qui venait de reprendre en 1969, sous son administration le territoire de l'Inini 55 ( * ) , jusque-là sous administration directe de l'État et hors du cadre du département d'outre-mer créé en 1946, lequel ne comportait que le littoral. La loi du 2 juillet 2004 a confirmé et sanctuarisé ce prélèvement, à hauteur de 35 % de la dotation globale garantie des communes, dans la limite de 27 millions d'euros. Selon M. Roumillac, la suppression de ce prélèvement permettrait d'abonder le budget de Cayenne de 7 à 8 millions d'euros par an et celui de Matoury de 3,5 millions. Pour sa part, M. Alain Tien-Liong, président du conseil général, approuve la suppression de ce prélèvement de 27 millions à condition qu'elle soit compensée par l'État.
ARTICLES 47 ET 48 DE LA LOI N° 2004-639 DU 2 JUILLET 2004 RELATIVE À L'OCTROI DE MER Article 47 Dans chacune des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, le produit de l'octroi de mer fait l'objet, après le prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement prévu par l'article 44, d'une affectation annuelle à une dotation globale garantie répartie entre les communes et, en Guyane, entre le département et les communes . Le montant de cette dotation est égal au montant de l'année précédente majoré d'un indice égal à la somme du taux d'évolution de la moyenne annuelle du prix de la consommation hors tabac des ménages et du taux d'évolution du produit intérieur brut total en volume, tels qu'ils figurent dans les documents annexés au projet de loi de finances de l'année en cours. Dans le cas où, pour une année, le produit global de l'octroi de mer est inférieur au montant de la dotation globale garantie répartie l'année précédente augmentée de l'indice prévu à l'alinéa précédent, la dotation globale garantie de l'année en cours est réduite à due concurrence. Par dérogation au premier alinéa, le montant de la dotation globale garantie de l'année suivante est alors égal au montant de la dotation de l'antépénultième année majoré des indices mentionnés au premier alinéa correspondants à l'année précédente et à l'année en cours. S'il existe un solde, celui-ci est affecté à une dotation au fonds régional pour le développement et l'emploi institué par l'article 49. Article 48 Les modalités de répartition de la dotation globale garantie mentionnée à l'article 47 sont celles qui sont en vigueur à la date du 1 er août 2004. Elles peuvent être modifiées par décret pris sur la proposition du conseil régional dans un délai de deux mois à compter de la transmission de cette proposition au représentant de l'État dans la région. Passé ce délai, et en l'absence de décision contraire du Gouvernement, la délibération du conseil régional devient applicable. Nonobstant les dispositions du précédent alinéa, le département de la Guyane reçoit, en 2004, 35 % de la dotation globale garantie. A compter de l'exercice 2005, le département de la Guyane reçoit une part de la dotation globale garantie fixée à 35 % et plafonnée à 27 millions d'euros . |
De nombreuses communes de Guyane sont jeunes, créées il y a moins de trente ans, notamment par scission d'une commune existante 56 ( * ) . Ainsi, par exemple, Awala-Yalimapo a été érigé en commune en 1992 par séparation de Mana 57 ( * ) , la même année que Papaïchton, par séparation de Grand-Santi.
Compte tenu de la géographie, de l'omniprésence de la forêt et des difficultés voire de l'absence de voies de transport, de nombreuses communes sont enclavées ou tout au moins éloignées du centre administratif et économique de la Guyane que constitue Cayenne. Preuve en est l'existence, à Cayenne, de plusieurs mairies annexes de communes de l'intérieur. Sur les vingt-deux communes de Guyane, onze seulement sont accessibles par la route, sur le littoral, illustrant ainsi cet important déséquilibre territorial.
b) Les communes de Martinique et de Guadeloupe
Si les communes antillaises ne connaissent pas les dures conditions dans lesquelles évoluent de nombreuses communes guyanaises, elles souffrent cependant d'une situation financière fragile voire dégradée, qui obère leurs capacités d'investissement alors même qu'elles constatent un retard par rapport à l'hexagone en matière d'équipements publics locaux.
Ainsi, dans une motion sollicitant des mesures à caractère financier, adoptée en avril 2010 et communiquée à vos rapporteurs, l'association des maires de Guadeloupe soulignait la spécificité de la situation financière des communes guadeloupéennes, déplorant que l'environnement économique et social fût « générateur de charges exceptionnelles qui grèvent lourdement leurs budgets, telles que les dépenses de personnel, d'équipements en infrastructures primaires, conjuguées au faible rendement de la fiscalité directe locale ». L'association des maires rappelait la lourdeur des dépenses de personnel, due notamment aux surrémunérations versées aux fonctionnaires 58 ( * ) , l'incapacité structurelle de nombreuses communes à dégager un excédent de fonctionnement, pesant ainsi sur les capacités d'investissement, ainsi que la responsabilité de l'État pour les défaillances du recouvrement des impôts.
M. Bertrand Diringer, président des chambres régionales des comptes, a également relevé la responsabilité de l'État en matière de recouvrement de l'impôt local, du fait du recensement insuffisant des bases cadastrales. Ce problème récurrent se pose dans les trois départements. Selon une estimation réalisée il y a plusieurs années par la direction départementale des services fiscaux, le manque à gagner en résultant pour les communes guyanaises s'élèverait à 40 millions d'euros.
Selon M. Gérard Hilaire, directeur régional des finances publiques de Martinique, sur trente-quatre communes, vingt-trois sont en position d'alerte du point de vue de son administration. Toutefois, la situation financière des communes martiniquaises est réputée moins grave que celles de Guadeloupe et de Guyane.
c) La problématique de la double insularité en Guadeloupe
Vos rapporteurs ont fréquemment entendu les élus mettre en avant la problématique de la double insularité qui affecte les îles du Sud et qui illustre le caractère archipélagique de la Guadeloupe.
En effet, les îles du Sud, dénomination qui recouvre la Désirade, Marie-Galante et les Saintes, souffrent d'éloignement par rapport à la Grande-Terre et à la Basse-Terre. Le transport par bateau n'est pas aisé. Les prix des produits de consommation y sont plus élevés du fait du coût du transport alors que la situation économique et de l'emploi n'y est pas nécessairement meilleure que dans le reste de la Guadeloupe.
Votre rapporteur Christian Cointat a eu la possibilité de se rendre à Terre-de-Haut, l'une des deux communes insulaires des Saintes, et d'apprécier très concrètement, à l'aide de M. Raymond Peter, adjoint au maire, la situation de double insularité.
Terre-de-Haut dans l'archipel des Saintes
2. Les progrès en demi-teinte de l'intercommunalité
Selon M. Bertrand Diringer, président des chambres régionales des comptes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique, les intercommunalités ne sont pas encore parvenues à maturité et leurs capacités sont insuffisantes pour répondre aux missions qui devraient être les leurs, tant en matière de prise en charge de projets que de services à la population, dans des domaines tels que la gestion des déchets, les transports publics, l'eau et l'assainissement, l'entretien de la voirie ou le logement social.
a) L'achèvement de la carte de l'intercommunalité en Guyane
Avec la création début 2011 de la communauté de communes du pays des savanes, les vingt-deux communes guyanaises sont désormais toutes couvertes par une communauté de communes.
La communauté de communes du centre littoral (CCCL) regroupe les communes de Cayenne, Rémire-Montjoly, Matoury, Macouria, Montsinéry-Tonnegrande et Roura. La question de la transformation en une communauté d'agglomération demeure en suspens, mais semble en bonne voie, malgré les réticences de certains maires, selon les informations données par Mme Marie-Laure Phinéra-Horth, maire de Cayenne, à vos rapporteurs.
La communauté de communes de l'est guyanais (CCEG) regroupe les communes de Régina, Ouanary, Saint-Georges-de-l'Oyapock et Camopi.
La communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), la plus vaste, regroupe les communes de Saül, Maripasoula, Papaïchton, Grand-Santi, Apatou, Saint-Laurent-du-Maroni, Mana et Awala-Yalimapo. Cette structure a notamment été mise en place pour servir de structure de projet pour recueillir les fonds européens, comme la CCEG.
Enfin, la communauté de communes du pays des savanes (CCPS) regroupe les communes de Kourou, Sinnamary, Saint-Élie et Iracoubo.
Pour autant, les intercommunalités, singulièrement celles de l'est et de l'ouest compte tenu de leur étendue, connaissent les mêmes spécificités spatiales que leurs communes membres et souffrent de la même insuffisance de moyens pour aménager et développer leur territoire.
b) Le bon fonctionnement de l'intercommunalité en Martinique
L'intercommunalité en Martinique semble donner satisfaction. Avec trois structures seulement, dont deux communautés d'agglomération, elle couvre l'intégralité des trente-quatre communes martiniquaises.
La communauté d'agglomération du centre Martinique (CACEM) regroupe les quatre communes de Fort-de-France, Schoelcher, Saint-Joseph et du Lamentin. Elle correspond à l'agglomération de Fort-de-France et englobe trois des quatre communes les plus peuplées 59 ( * ) de la Martinique.
La communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique (CAESM) regroupe douze communes du sud : Ducos, Saint-Esprit, Rivière-Salée, Trois-Ilets, les Anses d'Arlet, le Diamant, Sainte-Luce, Rivière-Pilote, le Marin, Sainte-Anne, le Vauclin et le François.
Structure la moins intégrée et la plus étendue, la communauté de communes du nord Martinique (CCNM) regroupe dix-huit communes du nord, depuis Case-Pilote sur la côte caraïbe jusqu'au Robert sur la côte atlantique : Case-Pilote, Bellefontaine, Morne-Vert, le Carbet, Fonds-Saint-Denis, Morne-Rouge, Saint-Pierre, le Prêcheur, Grand-Rivière, Macouba, Basse-Pointe, l'Ajoupa-Bouillon, le Lorrain, le Marigot, Sainte-Marie, la Trinité, Gros-Morne et le Robert. Elle présente le territoire le plus vaste et hétérogène, avec les obstacles du relief propres au nord de la Martinique. Elle comporte la plupart des communes enclavées de l'intérieur.
Les 34 communes de Martinique
c) Les carences de l'intercommunalité en Guadeloupe
Malgré deux communautés d'agglomération et trois communautés de communes, l'intercommunalité en Guadeloupe reste parcellaire et lacunaire. On constate une incapacité à construire de vraies intercommunalités. En effet, seize communes de Guadeloupe sur trente-deux, soit une sur deux, ne font à ce jour partie d'aucune structure : Saint-François, Sainte-Anne, le Moule, Petit-Canal, Morne-à-l'Eau, le Gosier, Baie-Mahault, Vieux-Habitants, Bouillante, Goyave, Capesterre-Belle-Eau, Trois-Rivières, Vieux-Fort, ainsi que les trois communes insulaires de la Désirade, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas.
Les 32 communes de Guadeloupe
Alors que l'agglomération de Pointe-à-Pitre s'étend sur les communes de Pointe-à-Pitre, les Abymes, le Gosier et Baie-Mahault, cette dernière ayant sur son territoire l'importante zone économique de Jarry, la communauté d'agglomération Cap Excellence, créée en 2009, ne se compose que des deux communes des Abymes et de Pointe-à-Pitre.
La communauté d'agglomération du nord Basse-Terre comprend les communes de Deshaies, Lamentin, Petit-Bourg, Pointe-Noire et Sainte-Rose.
La communauté de communes de Marie-Galante regroupe les trois communes de l'île de Marie-Galante, Grand-Bourg, Capesterre-de-Marie-Galante et Saint-Louis. En revanche, il n'existe pas de communauté entre Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, les deux communes insulaires des Saintes.
La communauté de communes du nord Grande-Terre ne comprend que les deux communes d'Anse-Bertrand et Port-Louis.
La communauté de communes du sud Basse-Terre comprend les quatre communes de Baillif, Basse-Terre, Gourbeyre et Saint-Claude.
Lors de sa rencontre avec vos rapporteurs, M. René Noël, maire de la Désirade et président de l'association des maires de Guadeloupe, a fait état d'un projet d'intercommunalité entre sa commune et celle du Moule.
3. Des situations contrastées entre départements et régions
Alors que les départements sont des collectivités anciennes, les régions sont encore des collectivités jeunes, créées outre-mer en 1983, avant l'hexagone. Leurs compétences ne sont pas de même nature, les départements devant assurer de nombreuses dépenses sociales obligatoires, alors que les régions ont une plus grande latitude dans l'orientation de leurs dépenses.
La situation financière des départements et des régions est également contrastée. Celle des départements est plus tendue, sans être préoccupante, tandis que celle des régions donne plus de marges de manoeuvre, en particulier en Martinique où la gestion très stricte de notre collègue député Alfred Marie-Jeanne a évité tout endettement, mais sans doute a limité les investissements 60 ( * ) . Selon M. Bertrand Diringer, président des chambres régionales des comptes, les trois régions se portent bien financièrement, mieux que les départements, surtout le département de Martinique dont la situation financière est la plus tendue, sans pour autant être fragile.
Le tableau ci-après illustre, au travers du critère des dépenses du budget primitif pour 2010, le poids budgétaire respectif du conseil général et du conseil régional. Selon les cas, le budget du conseil régional représente de 45 % à 60 % environ du budget du conseil général.
Dépenses du budget primitif pour 2010
Conseil général |
Conseil régional |
|
Guyane |
314 millions d'euros |
139 millions d'euros |
Martinique |
604 millions d'euros |
338 millions d'euros |
Guadeloupe |
645 millions d'euros |
395 millions d'euros |
Sources : direction générale des collectivités locales. Chiffres hors gestion active de la dette.
De plus, régions et départements ont un cadre budgétaire et comptable différent, avec des règles différentes. Les régions suivent la nomenclature de l'instruction budgétaire et comptable M 71, tandis que l'instruction M 52 s'applique aux départements.
Dans leurs rencontres avec les représentants syndicaux des personnels des conseils généraux et régionaux de Guyane et Martinique, vos rapporteurs ont pu prendre la mesure des inquiétudes face à la perspective de la fusion des administrations du fait de la collectivité unique, tout en indiquant que la responsabilité de la conduite de cette fusion appartiendrait aux élus de la future collectivité.
Si les personnels de la région, moins nombreux, craignent d'être « noyés » dans les effectifs du département, ceux du département, qui comptent moins de fonctionnaires de catégorie A que la région, craignent de se retrouver sous l'autorité de ceux de la région. Ces craintes, qui existent de part et d'autre, fondées sur une situation objective de déséquilibre numérique et de structuration différentes des cadres, rendent particulièrement nécessaire le dialogue entre les deux administrations pour préparer la fusion en concertation avec le personnel, lequel, inquiet de la perspective rapprochée de 2012, ne semble ni assez associé ni même assez informé sur son avenir.
Comme l'illustre le tableau ci-après, les agents du conseil régional de Guyane représentent 17 % de l'ensemble des agents des deux collectivités. L'écart est moins fort en Martinique, où les agents du conseil régional représentent 28 % de l'ensemble des agents des deux collectivités.
Effectifs réels des agents du conseil
général et du conseil régional
(agents
titulaires et non titulaires, hors contrats aidés)
Effectifs du conseil général |
Effectifs du conseil régional |
|
Guyane |
1 628 |
331 |
Martinique |
2 227 |
877 |
Sources : étude d'impact du projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique.
Ce contraste entre les deux collectivités est à prendre en compte dans la période de préparation politique et administrative de la collectivité unique qui doit s'ouvrir après la publication de la loi.
B. L'ASSOUPLISSEMENT DU RÉGIME DES HABILITATIONS
Les élus départementaux et régionaux rencontrés par vos rapporteurs ont plaidé pour un assouplissement du régime jugé trop strict et contraignant des habilitations prévues à l'article 73 de la Constitution, tel qu'il a été fixé en 2003 par le législateur organique 61 ( * ) : adaptation des lois et règlements sur le territoire de la collectivité et fixation des règles dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi ou du règlement. Il s'agit de faciliter le recours aux habilitations, puisqu'à ce jour seules deux habilitations ont été accordées, au conseil régional de la Guadeloupe.
Deux axes d'assouplissement ont été suggérés : d'une part, allonger la durée d'habilitation jusqu'à la fin du mandat de l'assemblée qui l'a sollicitée, alors qu'elle n'est que de deux ans actuellement, de façon à permettre de bien préparer les textes, et, d'autre part, concevoir un mécanisme simplifié de prorogation temporaire après le renouvellement de l'assemblée, soit pour permettre de mettre en oeuvre l'habilitation si cela n'a pas pu être réalisé avant la fin du mandat, soit, en cas de changement de majorité, pour modifier la délibération prise par la majorité sortante. Si ce second cas peut paraître discutable, le premier semble légitime, mais d'un point de vue juridique il n'est guère possible de distinguer les deux cas.
Déposé sur le bureau du Sénat le 26 janvier 2011, le projet de loi organique portant diverses mesures de nature organique relatives aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution 62 ( * ) satisfait le souhait de pouvoir obtenir une habilitation jusqu'à la fin du mandat de l'assemblée.
M. Rodolphe Alexandre, président du conseil régional de Guyane, a fait part à vos rapporteurs de l'engagement de la région pour une demande d'habilitation concernant le domaine minier, qui constitue un potentiel de développement économique certes discuté, mais important.
Sur le thème des habilitations, même en cas d'assouplissement, vos rapporteurs ont observé une certaine confusion chez certains entre la notion même d'habilitation, nécessairement ponctuelle dans sa portée et limitée dans sa durée, et l'idée de transferts de compétence qui pourraient accompagner, à terme, la mise en place de la collectivité unique. A l'évidence, une habilitation ne saurait correspondre à un transfert de compétence, mais seulement à l'exercice temporaire d'une compétence ponctuelle, et une série de plusieurs habilitations ne saurait instituer une collectivité unique exerçant de nouvelles compétences, à mi-chemin entre l'article 73 et l'article 74, sous une forme d'article « 73 bis » ou « 73 + ». Seule une révision de la Constitution pourrait ouvrir la voie à une telle évolution institutionnelle. La collectivité unique n'est que l'addition des compétences de la région et du département, comme cela a été proposé aux électeurs lors de la consultation du 24 janvier 2010.
C. LA GUYANE ET LA MARTINIQUE SUR LA VOIE DE LA COLLECTIVITÉ UNIQUE DANS LE CADRE DE L'ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION
Dans les collectivités territoriales qui relèvent de l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire les départements et régions d'outre-mer ainsi que les collectivités uniques se substituant à un département et une région d'outre-mer en application du dernier alinéa de l'article 73, « les lois et règlements sont applicables de plein droit » et « peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». C'est cette application de plein droit, sous réserve d'adaptations, prévue par le premier alinéa de l'article 73, qui traduit le principe de l'identité législative, adaptée le cas échéant, et à laquelle renvoie l'expression de « droit commun » souvent employée par les interlocuteurs de vos rapporteurs. Ainsi, rester dans le cadre de l'article 73, c'est rester dans le droit commun de la République.
A l'inverse, les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution disposent d'« un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République ». Ce statut, fixé par le législateur organique, prévoit notamment « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables », c'est-à-dire que les lois et règlements n'y sont pas applicables de plein droit, conformément au principe de spécialité législative. Ainsi, si l'article 74 permet aux collectivités d'outre-mer qui en relèvent de disposer de compétences potentiellement très larges et d'accéder à plus de responsabilités dans la gestion de leurs propres affaires, celles-ci ne peuvent simultanément bénéficier de l'intégralité du « droit commun ».
Le 1 er décembre 1999, les présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique 63 ( * ) avaient proposé la création d'un nouveau statut de région d'outre-mer, le cas échéant par une modification de la Constitution, en vue de bénéficier d'un cadre institutionnel spécifique plus approprié aux enjeux du développement économique et social et doté d'un régime fiscal et social spécial. Notre collègue Lucette Michaux-Chevry, alors présidente du conseil régional de Guadeloupe, a exposé à vos rapporteurs l'historique de la question institutionnelle depuis cette fameuse « déclaration de Basse-Terre », qui a ouvert une nouvelle période de débat institutionnel pour les départements français d'Amérique et qui a souvent été évoquée devant vos rapporteurs.
Le 17 mars 2003, le Parlement se réunissait en Congrès pour adopter la révision constitutionnelle 64 ( * ) qui allait introduire la possibilité, à l'article 73 de la Constitution, de créer dans les départements d'outre-mer une collectivité unique en lieu et place du département et de la région, surmontant ainsi après vingt ans la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1982 qui avait refusé la collectivité unique outre-mer au moment de la création des régions, imposant ainsi la création des régions monodépartementales d'outre-mer 65 ( * ) .
Le 7 décembre 2003, les électeurs de Guadeloupe et de Martinique ne suivirent pas la position du congrès des élus départementaux et régionaux de leur département. Consultés sur le passage à la collectivité unique, ils refusèrent à 73 % pour les premiers et à 50,5 % pour les seconds.
Six ans plus tard, le 10 janvier 2010, les électeurs de Guyane et de Martinique ont massivement rejeté le passage de l'article 73 à l'article 74 de la Constitution. Le 24 janvier 2010, certes avec une participation plus faible et de façon un peu moins massive, ils ont accepté en revanche la création d'une collectivité unique exerçant les compétences de la région et du département.
En Guyane comme en Martinique, les personnes rencontrées par vos rapporteurs ont toutes salué le principe de la collectivité unique. Toutes attendent de la collectivité unique qu'elle permette de mettre fin à des phénomènes de gaspillage d'argent public, de doublons, de rivalité, de concurrence et d'empiètements entre département et région, de dispersion et de manque d'efficacité de l'action publique locale sur un seul et même territoire. Certaines ont estimé qu'il ne s'agissait que d'une rationalisation administrative sans garantie nouvelle pour le développement économique, tandis que d'autres attendent de la création de ce nouvel outil institutionnel une plus grande efficacité des autorités locales qui faciliterait le développement endogène.
A cet égard, vos rapporteurs considèrent que la collectivité unique ne constitue pas en elle-même une solution miracle, en matière de développement économique comme de progrès social. Elle doit permettre de rendre plus efficace l'action publique locale, y compris en matière économique. La mise en place de cette nouvelle collectivité est prévue à dotations financières de l'État constantes, au motif qu'elle n'exercera que la somme des compétences du département et de la région, sans compétences nouvelles. Il leur paraît nécessaire d'accompagner la mise en place de la collectivité par la création d'un fonds de développement spécifique.
1. La consultation des électeurs guyanais et martiniquais en 2010
Conformément aux engagements pris par le Gouvernement en réponse aux demandes formulées par le congrès des élus départementaux et régionaux de Guyane le 2 septembre 2009 et par le congrès des élus départementaux et régionaux de Martinique le 18 juin 2009, les électeurs de Guyane et de Martinique furent consultés en janvier 2010 sur leur préférence en matière d'évolution statutaire et institutionnelle. Les questions posées lors de ces deux consultations successives furent conçues en lien avec les élus fin 2009.
La tenue de ces consultations résultait de l'obligation, requise par la Constitution, de recueillir le consentement des populations concernées, tant pour passer de l'article 73 à l'article 74 que pour créer une collectivité unique, obligation prévue, en cas de changement statutaire, dans le premier cas, par le premier alinéa de l'article 72-4, et en cas d'évolution institutionnelle, dans le second cas, par le dernier alinéa de l'article 73.
Article 72-4 de la Constitution Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique. Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat. Dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. |
Le 10 janvier, les électeurs durent choisir entre le maintien au sein de l'article 73 de la Constitution et la transformation en collectivité de l'article 74 de la Constitution. Ils avaient à répondre à la question suivante :
« Approuvez-vous la transformation (...) en une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution, dotée d'une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ? »
Une nette majorité d'électeurs, dans les deux départements, opta pour le maintien dans l'article 73, à la suite d'intenses débats politiques, alors que le congrès des élus en Guyane comme en Martinique avait fait le choix d'une organisation particulière dans le cadre de l'article 74.
Résultat de la consultation du 10 janvier 2010
Taux de participation |
Oui à l'article 74 |
Non à l'article 74 |
|
Guyane |
48,16 % |
29,78 % |
70,22 % |
Martinique |
55,32 % |
20,69 % |
79,31 % |
Le 24 janvier, les électeurs durent ensuite choisir entre le statu quo au sein de l'article 73 de la Constitution et la transformation en une collectivité unique exerçant les compétences de la région et du département. Ils avaient à répondre à la question suivante :
« Approuvez-vous la création (...) d'une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l'article 73 de la Constitution ? » 66 ( * )
Une majorité nette d'électeurs fit le choix de la collectivité unique de l'article 73, mais avec un taux de participation particulièrement faible.
Résultat de la consultation du 24 janvier 2010
Taux de participation |
Oui à la collectivité unique de l'article 73 |
Non à la collectivité unique de l'article 73 |
|
Guyane |
27,42 % |
57,49 % |
42,51 % |
Martinique |
35,81 % |
68,30 % |
31,70 % |
Vos rapporteurs tiennent à rappeler qu'en 2009, les présidents des conseils généraux et régionaux de Guyane 67 ( * ) et de Martinique étaient favorables au passage à l'article 74 et avaient fait adopter des délibérations en ce sens, à une large majorité, par les deux congrès des élus départementaux et régionaux de Guyane et de Martinique. Il s'agissait de MM. Alain Tien-Liong, président du conseil général de Guyane, Antoine Karam, président du conseil régional de Guyane, Claude Lise, président du conseil général de Martinique, et Alfred Marie-Jeanne, président du conseil régional de Martinique. La consultation du 10 janvier 2010 a rejeté cette orientation.
A la suite des élections régionales de mars 2010, ont été élues à la présidence des deux régions d'outre-mer des personnalités ayant fait campagne pour le maintien dans l'article 73, MM. Rodolphe Alexandre en Guyane et Serge Letchimy en Martinique. Lors du déplacement de vos rapporteurs, quelques semaines avant les élections cantonales de mars 2011, MM. Alain Tien-Liong et Claude Lise étaient toujours en fonction à la présidence des deux conseils généraux 68 ( * ) .
2. La Guyane : l'exigence majeure d'une représentation juste et équilibrée du territoire
Le projet de loi prévoit pour la Guyane un schéma institutionnel quasiment identique à celui des régions, avec l'élection d'une assemblée de Guyane au scrutin proportionnel de liste, dans une circonscription unique composée de plusieurs sections, avec une prime majoritaire de 20 % des sièges attribuée à la liste arrivant en tête au second tour 69 ( * ) . Composée de cinquante-et-un membres, l'assemblée désigne en son sein un président et, au scrutin proportionnel, une commission permanente.
Alors que le conseil régional de Guyane a donné un avis favorable à l'avant-projet qui lui a été transmis, le 6 janvier 2011, le conseil général a lui rendu un avis défavorable, le 7 janvier 2011. L'avis favorable du conseil régional était assorti de plusieurs propositions de modification du texte.
a) Les divergences sur le schéma institutionnel et le mode de scrutin
M. Rodolphe Alexandre, président du conseil régional, a fait part à vos rapporteurs de sa satisfaction pour le schéma retenu par le projet de loi, sa préférence allant à un président unique plutôt qu'à une double présidence, ajoutant que la Guyane avait beaucoup souffert dans le passé de divisions du fait de querelles personnelles entre le président du conseil régional et le président du conseil général. Il a ajouté que la Guyane avait aujourd'hui besoin d'une unité de décision pour assurer l'efficacité de l'action publique.
Un certain nombre d'interlocuteurs rencontrés par vos rapporteurs 70 ( * ) , au premier rang desquels M. Alain Tien-Liong, président du conseil général, ont plaidé pour un schéma institutionnel « à la martiniquaise » 71 ( * ) , c'est-à-dire un conseil exécutif distinct de l'assemblée délibérante 72 ( * ) , perçu comme plus démocratique.
Un des arguments avancés pour défendre cette position est la limitation de la concentration des pouvoirs qui pourrait résulter du système de président de la collectivité unique assisté d'une commission permanente. Certains ont déploré l'impossibilité de renverser le président de la collectivité de Guyane, faculté prévue dans le schéma martiniquais. Certes, le président de la collectivité concentrera entre ses mains, avec à ses côtés la commission permanente, les pouvoirs actuellement dévolus aux présidents de la région et du département. Mécaniquement il y aura un effet de concentration des pouvoirs, ou plus exactement de cumul car il n'est pas prévu d'attribuer des compétences nouvelles à la future collectivité. Un autre argument avancé en faveur du schéma martiniquais par certains interlocuteurs résidait dans la charge plus importante du président, du fait de la fusion des compétences des deux collectivités, charge accentuée par l'étendue ainsi que les difficultés d'accès du territoire : l'existence d'un président de l'assemblée et d'un président du conseil exécutif permettrait de mieux répartir les tâches.
Vos rapporteurs ont fait observer que, dans le schéma martiniquais, le conseil exécutif n'était pas représentatif du pluralisme de l'assemblée, mais issu de la seule majorité de l'assemblée car élu au scrutin majoritaire de liste. Ainsi, perçu sous l'angle du pluralisme et de la participation de l'opposition aux décisions de la collectivité, le conseil exécutif distinct de l'assemblée concentre davantage les pouvoirs que le système classique du département et de la région, dans lequel l'opposition participe à la commission permanente. L'existence de deux présidents, l'un de l'assemblée et l'autre du conseil exécutif, ne relève aucunement de la logique de contre-pouvoirs du premier vis-à-vis du second.
En outre, le projet de loi prévoit le regroupement en un seul conseil des deux conseils consultatifs locaux, rattachés au conseil régional, que sont le conseil économique et social régional et le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement. Si M. Jean-Pierre Bacot, président, et les membres du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement 73 ( * ) ont convaincu vos rapporteurs de la qualité, de la richesse et de l'utilité de leurs travaux, il n'en demeure pas moins que peu d'élus ou de partis politiques ont réellement défendu leur maintien en l'état. De plus, certains ont plaidé en faveur de leur regroupement, le cas échéant avec deux collèges pour préserver les spécificités actuelles de la représentation de la société civile en deux conseils, dans le but de constituer un organe plus solide pour jouer un rôle de contre-pouvoir face au président de la collectivité. Vos rapporteurs ont bien perçu qu'il n'était pas possible de mêler indistinctement dans un seul et même conseil l'économie et la culture, au regard des approches si différentes des deux conseils actuels, sous peine de diluer la culture alors même que les questions d'identité culturelle se posent de façon plus vive dans un territoire comme la Guyane.
Enfin, traduisant apparemment une inquiétude des maires d'être mis à l'écart avec la création de la collectivité unique, l'association des maires de Guyane a plaidé pour une reconnaissance de son rôle dans la loi, dans une logique de contre-pouvoir des communes face à l'assemblée et au président de la collectivité unique, à l'exemple des actuels conseils consultatifs régionaux.
b) La prise en compte de la diversité humaine et géographique
Grâce à leurs déplacements dans l'ouest et dans l'intérieur guyanais, le long du Maroni, notamment dans les communes d'Awala-Yalimapo, Apatou, Maripasoula et Papaïchton, vos rapporteurs, accompagnés de notre collègue Georges Patient, ont pu prendre conscience de la diversité humaine de la Guyane, en particulier avec la présence des populations amérindiennes et bushinenge, à côté de la majorité créole sur le littoral 74 ( * ) .
A cet égard, la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a institué, à l'initiative de notre ancien collègue Georges Othily, alors sénateur de Guyane, un conseil consultatif de ces populations dites autochtones, qui n'a été mis en place qu'en juin 2010, mais qui, interlocuteur de l'État et des élus locaux, assure une forme de reconnaissance des préoccupations spécifiques de ces communautés attachées à la coutume 75 ( * ) , minoritaires démographiquement sur l'ensemble de la Guyane mais très présentes dans de nombreuses communes le long du Maroni.
Vos rapporteurs ont pu rencontrer M. Jocelyn Thérèse, premier vice-président du conseil consultatif, qui a pu leur exposer son fonctionnement. M. Thérèse a attiré l'attention sur la demande de reconnaissance des droits des populations amérindiennes en tant que peuple autochtone, alors qu'elles sont aujourd'hui exclues et marginalisées, par exemple en matière d'apprentissage des langues traditionnelles. Un enjeu important pour le conseil réside aussi dans la préservation de la forêt ainsi que des zones de subsistance pour les populations qui y vivent.
Les chefs 76 ( * ) coutumiers ne font pas partie du conseil, mais ils participent aux associations qui y sont représentées et qui les associent aux travaux du conseil. Ils ont un rôle très large d'interlocuteur des élus locaux et participent en pratique aux pouvoirs de police du maire. Ils exercent un rôle en matière de prévention des conflits civils de la vie quotidienne, notamment en matière d'occupations des sols et d'éducation.
Le conseil consultatif est toutefois entravé dans sa mission, car aucun crédit n'est prévu pour son fonctionnement 77 ( * ) . Aussi vos rapporteurs appuient-ils la demande de mise à disposition de crédits spécifiques.
LE CONSEIL CONSULTATIF DES POPULATIONS AMÉRINDIENNES ET BUSHINENGE DANS LE CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES Article L. 4436-1 Il est institué en Guyane un conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge. Article L. 4436-2 La composition, les conditions de nomination ou de désignation des membres du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge, son organisation et ses règles de fonctionnement sont fixées par décret. Article L. 4436-3 Les membres du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge sont désignés pour six ans. Toute personne désignée pour remplacer un membre du conseil exerce son mandat jusqu'à expiration du mandat de la personne qu'elle remplace. Le mandat des membres du conseil consultatif est renouvelable. Article L. 4436-4 Tout projet ou proposition de délibération du conseil régional ou du conseil général emportant des conséquences sur l'environnement, le cadre de vie ou intéressant les activités culturelles des populations amérindiennes et bushinenge peut être soumis à l'avis préalable du conseil consultatif. Le conseil délibère sur le projet ou la proposition dans le mois de sa saisine. S'il ne s'est pas prononcé dans ce délai, son avis est réputé avoir été donné. Il est saisi, selon les cas, par le président du conseil régional, le président du conseil général ou le représentant de l'État. Article L. 4436-5 Le conseil consultatif peut décider, à la majorité absolue de ses membres, de se saisir de toutes questions entrant dans le champ des compétences de la région ou du département et intéressant directement l'environnement, le cadre de vie ou les activités culturelles des populations amérindiennes et bushinenge. Il peut également être saisi de ces questions par le représentant de l'État. Article L. 4436-6 Le conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge peut tenir des réunions communes avec le conseil économique, social et environnemental régional ou le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement pour examiner des questions entrant dans leur champ commun de compétences. |
Le principal enjeu du mode de scrutin retenu, relayé par l'ensemble des personnes rencontrées par vos rapporteurs, consiste ainsi à permettre une représentation juste et équitable des territoires où habitent ces populations. M. Rodolphe Alexandre, président du conseil régional, comme M. Alain Tien-Liong, président du conseil général, ou encore notre ancien collègue député Léon Bertrand maire de Saint-Laurent-du-Maroni, ont fortement souligné la nécessité de représenter équitablement toutes les parties du territoire.
Certains interlocuteurs 78 ( * ) ont en effet parlé de fracture ou de relégation pour les populations du Maroni, mais aussi celles du haut Oyapock, signalant la multiplication des suicides 79 ( * ) , notamment dans la commune amérindienne de Camopi. Cette fracture recouvre celle existant entre le littoral, et notamment le secteur de Cayenne, qui concentre la population, le pouvoir politique et l'activité économique, et l'intérieur. Ainsi, pour simplement participer aux élections, il faut parfois effectuer plusieurs heures de pirogue. M. Jean-Pierre Théodore Roumillac, président de l'association des maires, a également insisté sur le sentiment d'abandon des populations des communes de l'intérieur, qui nourrit selon lui des revendications ethniques.
A ce jour, le mode de scrutin régional ne garantit en rien la présence de tous les territoires au sein du conseil régional, ainsi que l'a expliqué à vos rapporteurs M. Rodolphe Alexandre : pour constituer une liste régionale, on met au début de la liste des candidats de l'agglomération de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni, car ils sont susceptibles de drainer un nombre élevé de voix, tandis que les candidats de l'intérieur, issus de territoires peu peuplés, n'ont guère de chances de figurer en place éligible. La présence de sections électorales dans la circonscription unique permettrait d'imposer la présence de candidats de tous les territoires, en proportion de leur population.
Ainsi, le scrutin proposé se déroule dans une circonscription unique afin de permettre l'attribution d'une prime de 20 % des sièges en vue de garantir la constitution d'une majorité stable. L'étude d'impact du projet de loi évoque le chiffre de huit sections électorales, qui paraît satisfaire le plus grand nombre des interlocuteurs rencontrés par vos rapporteurs 80 ( * ) , dans la mesure où il est supposé assurer la représentation au sein de l'assemblée de tous les territoires et, par conséquent, de toutes les populations.
Pour autant, vos rapporteurs ont constaté la méconnaissance, chez la plupart de leurs interlocuteurs, des effets potentiels du mode de scrutin retenu pour l'élection de la future assemblée de Guyane, compte tenu du déséquilibre démographique des sections électorales qui pourraient être mises en place. En effet, le mode de scrutin, directement inspiré de celui des conseils régionaux, prévoit un nombre de candidats par section, en fonction de la population de la section, et non un nombre de sièges. Les sièges sont, eux, répartis, après attribution de la prime majoritaire, en fonction du nombre de voix obtenu par chaque liste dans chaque section. Dans ces conditions, compte tenu de l'écart très significatif entre la population et le nombre de votants au sein de chaque section 81 ( * ) , notamment dans les communes de l'ouest, et des grandes disparités démographiques d'une section à l'autre, il est tout à fait possible qu'une petite section en termes démographiques n'ait aucun élu à l'assemblée de Guyane.
Vos rapporteurs ont conclu de leur mission en Guyane que la priorité était de garantir une représentation réellement équilibrée des territoires, et donc des populations, au sein de l'assemblée de la future collectivité unique, c'est-à-dire un accès de toutes les parties du territoire guyanais à l'exercice des responsabilités politiques communes. Aussi ont-ils exploré auprès des élus l'hypothèse d'un mode de scrutin respectant cette exigence, tout en restant dans le cadre général prévu par le projet de loi d'une circonscription unique découpée en sections avec prime majoritaire : attribution de sièges et non de candidats à chaque section, affectation dans chaque section d'un ou deux sièges au titre de la prime et attribution des autres sièges au sein de chaque section en fonction du résultat de la liste.
c) Les réticences sur la date de mise en place
Plusieurs interlocuteurs rencontrés par vos rapporteurs ont relevé qu'une mise en place de la collectivité de Guyane en 2012, c'est-à-dire une élection de l'assemblée de Guyane en 2012, viendrait ajouter une nouvelle échéance à un calendrier électoral déjà très chargé depuis 2010 : consultations de janvier 2010, élection régionale de mars 2010, élections cantonales de mars 2011, élection présidentielle de mai 2012 et élections législatives de juin 2012, qui sont des échéances nationales lourdes. Lassés par des scrutins à répétition, les électeurs guyanais, qui s'abstiennent déjà traditionnellement beaucoup, risqueraient de ne guère participer à la première élection de la collectivité unique. Le choix de 2012 reviendrait aussi à remettre en cause, en cours de mandat, le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010 et, surtout, celui des conseillers généraux élus en mars 2011, pour au mieux un an et demi. Ces élections cantonales n'auraient guère de sens pour les électeurs, comme l'a fait observer M. Alain Tien-Liong, président du conseil général, dont la préférence porte sur 2014.
Certains plaident, s'appuyant sur le choix des électeurs guyanais de se maintenir dans l'article 73 de la Constitution, pour une mise en place de la collectivité unique en mars 2014, dans le cadre du calendrier électoral de droit commun. La loi n° 2010-145 du 16 février 2010 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux prévoit que le mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 expirera en mars 2014, date d'expiration du mandat des conseillers généraux élus en mars 2008, de même que le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010, de façon à permettre en mars 2014 l'élection des conseillers territoriaux, prévus pour siéger à la fois dans les conseils généraux et régionaux.
L'opposition à la mise en place dès 2012 repose également sur des arguments pratiques liés aux délais nécessaires pour préparer la fusion des deux administrations, en particulier en matière de personnel. Vos rapporteurs ont en effet pu prendre la mesure, par l'intermédiaire de leurs représentants, des inquiétudes des personnels du conseil général comme du conseil régional. Sur cette question, notre collègue députée Christiane Taubira considère que le travail de fusion des administrations et des personnels ne pourra être effectué que par les élus de la nouvelle collectivité, justifiant ainsi sa préférence pour la date de 2012 et craignant d'ailleurs que cette opération de fusion n'accapare ces élus au détriment de l'action au service de la Guyane.
En tout cas, si toutes les personnes rencontrées par vos rapporteurs ne plaidaient pas pour 2014, peu défendaient la date de 2012.
d) L'absence de dialogue entre la région et le département
Vos rapporteurs ont pu observer les positions divergentes de la région et du département sur la collectivité unique, qui se sont d'ailleurs exprimées dans les avis rendus sur l'avant-projet de loi. Cette divergence s'accompagne d'une absence de dialogue, à ce stade, sur les modalités de mise en place, d'organisation et de fonctionnement de cette collectivité.
Une commission mixte entre le conseil régional et le conseil général a été mise en place, sans pouvoir aboutir à des positions réellement partagées.
Aucune réunion du congrès n'a pu avoir lieu depuis la consultation du 24 janvier 2010, malgré la proposition du conseil général.
Les élections cantonales de mars 2011 ont permis à M. André Tien-Liong de conserver la présidence du conseil général, de sorte que la configuration politique va demeurer inchangée jusqu'à la mise en place de la collectivité unique. Vos rapporteurs estiment que les deux collectivités doivent être incitées par l'État à préparer ensemble la future collectivité. Les difficultés du dialogue politique ne doivent pas empêcher la tenue d'un dialogue administratif et technique.
3. La Martinique : le souci de la démocratie et du pluralisme
Le projet de loi prévoit pour la Martinique l'élection d'une assemblée au scrutin proportionnel de liste, dans une circonscription unique composée de plusieurs sections 82 ( * ) , une prime majoritaire de 20 % des sièges étant attribuée à la liste qui arrive en tête au second tour. Composée de cinquante-et-un membres, l'assemblée désigne en son sein, au scrutin majoritaire de liste, un conseil exécutif constitué d'un président et de huit membres, remplacés par leurs suivants de liste pour siéger au sein de l'assemblée. Ce conseil exécutif peut être renversé par l'adoption par l'assemblée, à la majorité des trois cinquièmes, d'une motion de défiance constructive signée par une majorité absolue de membres de l'assemblée et comportant la composition du nouveau conseil exécutif. Dans ce cas, les membres du conseil renversé ne retournent pas siéger dans l'assemblée.
Saisis de l'avant-projet de loi, le conseil général de Martinique et le conseil régional ont chacun émis un avis favorable, assorti de propositions de modification, respectivement le 30 décembre 2010 et le 6 janvier 2011.
Vos rapporteurs ont constaté que la controverse entre les partisans de l'article 73 et ceux de l'article 74, malgré le vote clair en faveur du maintien dans l'article 73 le 10 janvier 2010, restait vive en Martinique. Certains 83 ( * ) estiment en effet que le projet de loi reprend les positions des promoteurs de l'article 74, notamment sur trois points, le schéma institutionnel, qui comporte un conseil exécutif distinct de l'assemblée de Martinique, le mode de scrutin, qui diffère de celui qui a été retenu pour les conseillers territoriaux, ainsi que la date de 2012 retenue pour la mise en place de la collectivité unique, en dehors du calendrier électoral de droit commun.
A cet égard, vos rapporteurs ont rencontré, à sa demande, un groupe d'anciens parlementaires de Martinique, de diverses tendances politiques, composé de nos anciens collègues sénateurs Roger Lise et Rodolphe Désiré et de nos anciens collègues députés Jean Maran et Anicet Turinay. Ceux-ci ont considéré que le projet de loi présenté par le Gouvernement, en reprenant les propositions faites par les promoteurs de l'article 74 de la Constitution, s'écartait de la volonté des électeurs clairement exprimée en janvier 2010 en faveur du maintien dans l'article 73. Cette analyse de nos anciens collègues, attachés au cadre départemental, visait tant la date de mise en place de la collectivité unique, qui devrait être 2014 conformément au calendrier électoral de droit commun, que le mode de scrutin, qui devrait être le même que pour les futurs conseillers territoriaux, ou à défaut un scrutin mixte.
Il convient de rappeler que notre collègue Claude Lise, président du conseil général jusqu'aux élections cantonales de mars 2011, ainsi que notre collègue député Alfred Marie-Jeanne, ancien président du conseil régional, avaient soutenu le passage à l'article 74 de la Constitution, tandis notre collègue député Serge Letchimy, actuel président du conseil régional, a officiellement défendu le maintien dans l'article 73, tout en dirigeant un parti politique dont l'autonomie était la revendication traditionnelle, en évoquant la possibilité d'explorer les confins de l'article 73 en demandant le moment venu le transfert de compétences nouvelles de la part de l'État 84 ( * ) .
En tout état de cause, la plupart des personnes rencontrées par vos rapporteurs ont insisté sur la nécessité d'assurer l'expression du pluralisme, d'éviter la concentration des pouvoirs qui pourrait résulter de la collectivité unique et de prévoir des contre-pouvoirs face au conseil exécutif.
a) La controverse sur le schéma institutionnel et le mode de scrutin
Concernant le schéma institutionnel, vos rapporteurs ont fait observer que c'est celui qui avait été retenu - et validé par le Conseil constitutionnel - en 1991 pour la Corse, territoire métropolitain, schéma qui a manifestement inspiré la rédaction du Gouvernement. Les opposants à ce schéma sont les élus les plus attachés à l'« esprit départemental », favorables au schéma retenu par le projet de loi pour la Guyane 85 ( * ) . Il faut remarquer que, dès lors que le conseil général comme le conseil régional sont chacun dotés d'un seul président, assisté par une commission permanente, il y a une certaine étrangeté à proposer une formule qui s'écarte de ce schéma classique. Quand bien même les articles 73 et 74 se distinguent plus fondamentalement sur les principes d'identité et de spécialité législatives et l'étendue des compétences attribuées aux collectivités d'outre-mer que sur les formes institutionnelles, celles-ci ont une charge symbolique forte. Ainsi que l'a fait observer notre collègue député Louis-Joseph Manscour 86 ( * ) , de nombreux électeurs martiniquais attachés au cadre départemental et à l'article 73 sont sans doute surpris du choix opéré par le Gouvernement dans son projet de loi.
Une seconde objection de principe, défendue par les tenants du cadre départemental, vise le mode de scrutin. Ils observent qu'au moment où la métropole prépare la mise en place de conseillers territoriaux pour siéger dans les conseils régionaux et généraux simultanément, élus dans un scrutin de type cantonal, il est curieux de prévoir un scrutin proportionnel en Martinique, alors que les électeurs ont opté pour le maintien dans l'article 73 : en effet, le droit commun sera le scrutin de type cantonal 87 ( * ) . Au-delà, plusieurs personnes rencontrées par vos rapporteurs plaidaient en faveur d'un scrutin mixte 88 ( * ) , dans lequel la moitié des sièges serait attribuée par un scrutin de liste, la Martinique constituant une circonscription unique sans sections, et l'autre moitié par un scrutin majoritaire uninominal de type cantonal, combinant ainsi les modes de scrutin actuels de la région et du département et permettant la représentation de la diversité des courants d'opinion comme celle de tous les territoires.
Vos rapporteurs ont fait part de leur scepticisme quant à la faisabilité juridique et constitutionnelle du scrutin mixte, qui semblait pourtant recueillir les faveurs d'un certain nombre d'élus.
Une fois passées les deux objections de principe portant sur le schéma institutionnel et le mode de scrutin, plusieurs critiques ont été couramment présentées, y compris par certains élus favorables à l'architecture globale, à l'instar de notre collègue Claude Lise. Sont ainsi visés la prime majoritaire de 20 %, jugée exorbitante, et les deux seuils requis pour le dépôt puis l'adoption de la motion de défiance, jugés non démocratiques.
Si certains réclament la suppression de la prime, à l'instar de notre collègue député Alfred Marie-Jeanne 89 ( * ) , la plupart des personnes hostiles demandent de la réduire à 5 % 90 ( * ) voire à 10 % 91 ( * ) . S'ils conçoivent que 20 % peuvent paraître élevés - la prime s'élève à 25 % dans le scrutin régional actuel -, vos rapporteurs estiment qu'une prime de 5 % serait inutile, sa finalité étant de favoriser la constitution d'une majorité stable pour la collectivité. Le schéma corse prévoyait initialement une prime de trois sièges, considérée comme insuffisante depuis puisqu'elle a été relevée à neuf par la loi n° 2009-832 du 7 juillet 2009 modifiant le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse.
En revanche, soulignant que le schéma corse prévoit pour la motion de défiance des majorités d'un tiers pour le dépôt et absolue pour l'adoption, vos rapporteurs ont partagé les réserves de leurs interlocuteurs, estimant au surplus que cela n'aurait guère de sens de ne pas pouvoir renverser un président alors même que celui-ci ne disposerait plus dans l'assemblée d'une majorité pour faire adopter son budget et ses délibérations.
Vos rapporteurs estiment, en tout état de cause, que le cumul de la prime majoritaire de 20 %, des modalités de désignation du conseil exécutif et des seuils requis pour la motion de défiance peuvent poser problème, quel que soit le souci de stabilité qui ait pu présider à ce choix.
Notre collègue Claude Lise a également souligné l'intérêt de mettre en place au sein de l'assemblée une commission permanente, qui permettrait de renforcer le pluralisme et dont le rôle ne serait pas exécutif, bien entendu, mais consisterait à animer les travaux de l'assemblée.
Plusieurs personnes ont interpellé vos rapporteurs sur la question du retour dans l'assemblée des membres du conseil exécutif en cas d'adoption d'une motion de défiance. Selon le projet de loi, les membres de l'assemblée élus au conseil exécutif sont remplacés à l'assemblée par les suivants de la liste sur laquelle ils ont été élus. En cas de renversement du conseil exécutif, les suivants de liste devenus membres de l'assemblée le demeurent.
Le nombre et le découpage des sections, quant à lui, n'a suscité que peu de réactions. Toutefois, plusieurs élus, notamment des maires tels que MM. Maurice Bonté, maire de l'Ajoupa-Bouillon, ou Max Nelzy, maire de Fonds-Saint-Denis, ainsi que notre collègue député Louis-Joseph Manscour, partisan de huit ou neuf sections, ont fait part à vos rapporteurs de leur souhait que tous les territoires puissent être équitablement représentés au sein de l'assemblée, notamment ceux de la communauté de communes du Nord Martinique. Notre collègue député Serge Letchimy, président du conseil régional, a indiqué à vos rapporteurs sa préférence initiale pour neuf sections, mais son accord pour les quatre sections finalement envisagées.
Si, comme le laisse entendre l'exposé des motifs du projet de loi, les sections correspondent aux quatre circonscriptions législatives telles qu'elles résultent de l'ordonnance du 29 juillet 2009 92 ( * ) , elles regrouperont des territoires vastes à la cohérence variable : malgré la petite taille de la Martinique, le localisme électoral et les identités locales y sont forts et les circulations entre le nord, le centre et le sud sont moins importantes qu'on pourrait le croire. Ainsi, un même territoire peut recouvrir des réalités locales très différentes, en particulier dans la circonscription du nord de la Martinique, qui englobe les communes de la côté nord caraïbe comme celles de la côte nord atlantique, qui ont peu à voir entre elles. Pour autant, cette composition des sections leur assure un poids démographique équivalent.
Plusieurs élus et responsables politiques rencontrés ont fait part à vos rapporteurs de leurs doutes sur le choix de la dénomination « collectivité de Martinique » retenue par le projet de loi, considérant qu'elle résonnait comme une collectivité d'outre-mer de l'article 74. Selon eux, le choix des électeurs lors de la seconde consultation de janvier 2010 doit aussi se retrouver dans la dénomination de la collectivité, suggérant de l'appeler « département-région de Martinique », pour signifier le maintien dans le cadre du droit commun et dans la filiation départementale 93 ( * ) . Si vos rapporteurs comprennent l'intention exprimée, ils demeurent sceptiques sur la dénomination proposée, qui n'a d'ailleurs pas été retenue par une majorité d'élus.
Concernant, enfin, la fusion des deux conseils consultatifs régionaux, vos rapporteurs ont pu, comme en Guyane, apprécier l'ampleur et la qualité du travail de ces instances, dans leur rencontre avec MM. Michel Crispin, président du conseil économique et social régional, et Claude Petit, président du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement. Ce dernier a rappelé que la création des conseils de la culture, de l'éducation et de l'environnement, spécificité des régions d'outre-mer, contrairement aux conseils économiques et sociaux régionaux, relevait de l'initiative d'Aimé Césaire, lors des débats sur la création des régions d'outre-mer, au titre des particularités de l'outre-mer.
Comme en Guyane également, c'est le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement qui a semblé le plus hostile à cette fusion, craignant la dilution des enjeux culturels dans des problématiques économiques et sociales déjà importantes outre-mer, au risque d'oublier ce qui avait motivé la création de ces conseils. Les deux présidents ont également souligné le problème des moyens de fonctionnement des conseils et leur absence d'autonomie budgétaire. En tout état de cause, par leur vitalité, ces organes consultatifs peuvent contribuer à l'expression pluraliste dans le cadre de la nouvelle collectivité unique.
b) Les réticences sur la date de mise en place
Concernant la date de mise en place, les observations faites pour la Guyane sont aussi valables pour la Martinique, considérant que le maintien dans le droit commun suppose le rattachement au calendrier électoral de droit commun et non la mise en place d'un calendrier électoral local autonome et déconnecté de celui du reste de la France, comme c'est le cas dans les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution.
Les élus et partis politiques qui se prononcent en faveur d'une mise en place rapide 94 ( * ) arguent notamment du fait que les électeurs se sont prononcés en faveur de la collectivité unique en janvier 2010 et ne comprendraient pas qu'ils faillent attendre 2014 pour que leur volonté soit traduite dans les institutions. C'est la position défendue par notre collègue Claude Lise, alors président du conseil général, ainsi que par notre collègue député Alfred Marie-Jeanne, ancien président du conseil régional.
A l'inverse, le président du conseil régional, en fonction depuis mars 2010, défend une mise en place en 2014, de façon à bien préparer la fusion des administrations, de même que notre collègue Serge Larcher. D'autres élus et formations politiques 95 ( * ) plaident également en faveur de la date de 2014.
c) L'insuffisance du dialogue entre la région et le département
Une commission mixte entre le conseil régional et le conseil général a été mise en place, sous la présidence de MM. Eugène Larcher, pour le conseil général, et Didier Laguerre, pour le conseil régional, et composée de membres de tous les groupes politiques des deux assemblées. Elle a remis un rapport en septembre 2010. Vos rapporteurs ont constaté qu'il s'agissait du seul document élaboré conjointement par les deux collectivités, quand bien même toutes les parties prenantes ne lui reconnaîtraient pas une valeur de référence.
Le rapport de la commission mixte fait état de plusieurs éléments de convergence, à défaut d'unanimité, en particulier sur la création d'un exécutif collégial séparé de l'assemblée délibérante et élu par elle, avec un mécanisme de motion de défiance constructive, ainsi que sur le mode de scrutin de l'assemblée, au scrutin proportionnel de liste dans une circonscription unique composée de plusieurs sections, et sur la fusion des deux conseils consultatifs en une seul conseil aux prérogatives renforcées.
Force est de reconnaître que ces éléments importants de convergence ont été repris par le Gouvernement dans son projet de loi.
Le rapport de la commission mixte fait également état d'importantes divergences, en particulier sur la date de mise en place, 2012 ou 2014, sur la prime majoritaire et sur l'exercice de nouvelles compétences. Sur ce dernier point, comme cela a d'ailleurs été exposé à vos rapporteurs par les partisans initiaux de l'article 74, les électeurs ont été invités le 24 janvier 2010 à se prononcer sur une collectivité unique exerçant les compétences de la région et du département au sein de l'article 73, et non une collectivité attributaire de nouvelles compétences substantielles. Le projet de loi, stricte traduction de la question posée aux électeurs, n'attribue aucune compétence nouvelle ni, par voie de conséquence, dotation nouvelle.
Dans un rapport complémentaire également établi en septembre 2010, la commission mixte a pu dégager de nouveaux points d'accord, unanimes, en particulier la fixation du nombre d'élus de l'assemblée à soixante-et-un, auxquels s'ajouteraient les neuf membres du conseil exécutif, et la création d'un conseil consultatif des communes, reprenant un souhait exprimé par de nombreux membres de l'association des maires de Martinique, rencontrée par vos rapporteurs 96 ( * ) , et permettant de mieux représenter la diversité des territoires.
Pour autant, vos rapporteurs n'ont pu que déplorer, malgré les travaux de la commission mixte, l'insuffisance du dialogue entre le conseil général et le conseil régional, alimenté par les désaccords relevés d'ailleurs dans le rapport même de cette commission mixte, et de volonté commune de préparer la création de la collectivité unique. Certes, à l'initiative du préfet, au titre de l'accompagnement juridique et technique de la future collectivité par les services de l'État, des groupes techniques ont été mis en place sur les questions budgétaires et comptables, de personnel et de patrimoine, mais ils réunissent uniquement des représentants des deux administrations, dont les directeurs généraux des services.
Malgré la demande du président du conseil régional, aucun congrès des élus n'a pu être réuni pour examiner les conclusions de la commission mixte.
D. L'ÉTAT DE LA RÉFLEXION INSTITUTIONNELLE EN GUADELOUPE
Lorsqu'a été envisagée par le Président de la République la tenue des consultations statutaires et institutionnelles en Guyane et en Martinique pour janvier 2010, les élus de Guadeloupe ont souhaité obtenir un délai de dix-huit mois supplémentaires de réflexion.
Ainsi, réuni le 24 juin 2009, quelques semaines après la crise sociale très dure du début de l'année, sous la présidence de notre collègue Jacques Gillot, président du conseil général, le congrès des élus départementaux et régionaux a souhaité, avant toute évolution institutionnelle, travailler à l'élaboration d'un « projet guadeloupéen de société » avec la population et les représentants de la société civile. L'objectif présenté lors du congrès était, au regard du projet qui aura été élaboré, de demander le statut qui sera le plus à même de permettre la réalisation de ce projet.
1. Les propositions du congrès des élus du 28 décembre 2011
Réuni le 28 décembre 2010, sous la présidence de notre collègue député Victorin Lurel, président du conseil régional, et sur la base des travaux d'une commission mixte entre le conseil régional et le conseil général chargée de formuler des propositions relatives à la réforme territoriale, le congrès des élus départementaux et régionaux a constaté que le processus d'élaboration du projet guadeloupéen de société n'était pas encore achevé, malgré le calendrier initial qui prévoyait un délai de dix-huit mois à compter de juin 2009.
Le congrès a aussi écarté expressément, à l'unanimité, tout passage au statut de collectivité d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution, sans pour autant se prononcer sur la possibilité d'une évolution institutionnelle au sein de l'article 73. Il a en revanche demandé une adaptation de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales 97 ( * ) , qui a pour effet de créer une « assemblée commune » 98 ( * ) au département et à la région par la création du conseiller territorial. Cette demande d'adaptation portait sur deux aspects : le nombre de sièges et le mode de scrutin.
Ainsi, le congrès a souhaité que le nombre de conseillers territoriaux en Guadeloupe soit relevé de 43 à 65 et qu'ils soient élus soit au scrutin mixte, c'est-à-dire pour moitié au scrutin majoritaire uninominal et pour moitié au scrutin proportionnel de liste avec prime majoritaire de 50 %, soit sinon au scrutin proportionnel de liste avec prime majoritaire de 25 % et quatre sections électorales correspondant aux quatre circonscriptions législatives.
Même si elles suggèrent qu'une adaptation du conseiller territorial serait une évolution institutionnelle suffisante, les délibérations du congrès du 28 décembre n'ont cependant pas formellement écarté la possibilité de créer une collectivité unique ou une assemblée unique. Cette position a néanmoins été critiquée, au motif qu'elle permettait de ne pas avoir à consulter les électeurs guadeloupéens sur leur avenir institutionnel.
Le 14 février 2011, le Président de la République a signifié aux élus guadeloupéens qu'il n'était pas possible, dans le cadre de la réforme territoriale et de la création des conseillers territoriaux, d'en prévoir une application différente pour la Guadeloupe dès lors qu'elle restait dans le droit commun territorial, se limitant à proposer une réévaluation limitée de 43 à 45 du nombre des conseillers territoriaux pour mieux représenter le territoire de la Guadeloupe et tenir compte de ses spécificités archipélagiques 99 ( * ) .
Notre collègue député Victorin Lurel, président du conseil régional, a perçu cette réponse du Président de la République comme une restriction de la notion de départementalisation adaptée. Selon lui, les contraintes particulières de la Guadeloupe devraient permettre, juridiquement, de faire droit aux demandes d'adaptation formulées par le congrès, sans quitter le calendrier électoral de droit commun auquel il a marqué son attachement. Il a ainsi fait part à vos rapporteurs de ses questions constitutionnelles, s'interrogeant sur l'étendue à donner, en matière institutionnelle, à la possibilité d'adaptation reconnue par l'article 73 de la Constitution : que peut signifier la notion d'adaptation pour la loi électorale ? Quelle est la nature des « caractéristiques et contraintes particulières » de la Guadeloupe, pour reprendre les termes de l'article 73, qui pourraient la fonder, en dehors de sa seule géographie archipélagique ? En d'autres termes, la collectivité unique serait-elle le seul moyen pour obtenir un mode de scrutin qu'il juge plus approprié ?
Le Président de la République a néanmoins explicitement rappelé aux élus guadeloupéens qu'il demeurait possible, d'ici 2014, date prévue pour la première élection des conseillers territoriaux, de demander une évolution statutaire ou institutionnelle, par exemple la collectivité unique.
2. L'hypothèse d'une demande d'évolution institutionnelle
Compte tenu de la réponse faite par le Président de la République aux demandes du congrès et des discussions qu'ils ont eues avec les élus locaux de Guadeloupe, vos rapporteurs s'attendent à ce que le congrès se réunisse à nouveau en Guadeloupe, dans les mois suivant les élections cantonales de mars 2011, afin d'examiner les possibilités d'évolution.
M. René Noël, président de l'association des maires de Guadeloupe, a fait part de sa conviction selon laquelle, le moment venu, la Guadeloupe choisira son système institutionnel propre, tout en rappelant l'exigence forte de rechercher l'adhésion de la population pour lui permettre de choisir en connaissance de cause.
M. Jacques Bangou, maire de Pointe-à-Pitre, considère d'ailleurs que tout le monde partage l'idée de la nécessité d'une évolution institutionnelle, qui peut rencontrer l'assentiment de la population à condition de ne pas jouer, pour des motifs purement électoralistes, sur la crainte de l'indépendance. Il estime que, si le statu quo se poursuit, la crise sociale reviendra, plus violente.
Une réunion de travail de vos rapporteurs avec notre collègue Jacques Gillot, président du conseil général - dont l'aide logistique a permis le bon déroulement de la mission de vos rapporteurs -, et plusieurs conseillers généraux 100 ( * ) , a permis de vérifier l'intérêt des élus pour la collectivité unique, à condition de ne pas procéder dans la précipitation, mais sans convergence en revanche sur le schéma institutionnel, les deux systèmes guyanais et martiniquais étant tour à tour évoqués. L'exigence d'un projet institutionnel élaboré de façon consensuelle avec la population a été mise en avant, de même que le souci du pluralisme et du fonctionnement démocratique sans concentration excessive des pouvoirs 101 ( * ) et la nécessité de correctement représenter les îles dans le mode de scrutin. Notre collègue Jacques Gillot a estimé que la mise en place d'une collectivité unique devrait être l'occasion de remettre en cohérence les compétences qui sont actuellement exercées par la région et le département.
Par ailleurs, certains élus et représentants de partis politiques, parmi lesquels notre collègue Daniel Marsin, ont fait part d'une incompréhension des électeurs guadeloupéens, qui s'estimeraient floués de ne pas être consultés sur leur avenir institutionnel, contrairement aux électeurs martiniquais et guyanais, renforçant leur défiance à l'égard de leurs élus. Certains considèrent, à tort d'un point de vue de juridique, que le choix de demeurer dans le droit commun de la réforme territoriale devrait faire l'objet d'une consultation.
E. LE REJET UNANIME DU RENFORCEMENT DES POUVOIRS DU PRÉFET
Dans son article 9, le projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique institue un nouveau pouvoir de substitution du préfet dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, qui s'ajoute à ceux déjà prévus dans le droit commun par le code général des collectivités territoriales.
L'article 9 dispose ainsi :
« Lorsqu'une de ces collectivités [de l'article 73] néglige de prendre, ou de faire prendre par un de ses établissements publics, les mesures relevant de ses compétences et nécessaires à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité publique ou de l'environnement, ou au respect, par la France, de ses engagements européens ou internationaux, le représentant de l'État peut, après mise en demeure restée sans effet, arrêter, en lieu et place de cette collectivité, toute disposition appelée par l'urgence. »
Cette disposition a été discutée lors des États généraux de l'outre-mer organisés à la suite de la crise sociale importante de début 2009. Elle a été retenue par le premier conseil interministériel de l'outre-mer, réuni au Palais de l'Elysée le 6 novembre 2009. Elle a été ainsi exposée par le Président de la République à cette occasion :
« Il faut bien reconnaître que, parfois, les blocages politiques rendent la vie de nos concitoyens ultramarins impossible, pour des raisons difficilement compréhensibles. Ainsi, dans le domaine de la gestion des déchets sur certains territoires par exemple. Cela a conduit la France à être mise en difficulté devant l'Union européenne pour non-respect des directives communautaires. Dans ce cas il faut que l'État puisse se substituer aux collectivités locales défaillantes dans un certain nombre de cas bien précis. Ce pouvoir de substitution, qui existe déjà en matière budgétaire, sera très encadré notamment avec des procédures d'alerte de la collectivité. Mais je vous le dis, mes chers amis, si personne ne se décide à agir, l'État prendra ses responsabilités et il agira. Cela pourra être le cas, par exemple, en matière de santé publique ou en matière d'environnement. »
Vos rapporteurs tiennent à souligner que cette disposition ne concerne pas seulement les futures collectivités uniques de Guyane et de Martinique, mais également le Département de Mayotte, les départements et régions de Guadeloupe et de La Réunion, ainsi que les communes et leurs établissements publics. Le champ d'application est ainsi particulièrement large.
Le représentant de l'État dispose déjà de pouvoirs de substitution de droit commun vis-à-vis des communes, départements et régions 102 ( * ) . Il peut aussi, par le contrôle de légalité, déférer des actes au tribunal administratif. Il existe également un contrôle des comptes par les chambres régionales des comptes.
Perçue comme une recentralisation et une infantilisation, voire une humiliation, des élus, cette disposition a été unanimement rejetée par les élus et partis politiques rencontrés par vos rapporteurs. L'expression employée a été partout la même, le « retour du gouverneur », en référence au gouverneur colonial qui administrait le territoire avant la départementalisation.
Le problème particulier du traitement des déchets en Guyane, mais aussi en Guadeloupe, a été avancé pour justifier cette disposition 103 ( * ) . La France est en effet menacée d'être condamnée à de lourdes astreintes pour violation des règles européennes en matière de traitement déchets, du fait de la carence des autorités locales. Plusieurs personnes rencontrées par vos rapporteurs ont indiqué que l'application de ces règles représenterait des coûts exorbitants pour les communes, dont les finances sont déjà dans une situation difficile. Le président du conseil régional de Guyane a évoqué un triplement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour créer des centres de traitement. Notre collègue Jacques Gillot, président du conseil général de Guadeloupe, estime qu'il ne faut pas oublier dans ce dossier la part de responsabilité qui incombe à l'État, pour ne pas avoir incité davantage les communes à exercer leur compétence. Même M. Bertrand Diringer, président des chambres régionales des comptes de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, s'est interrogé sur l'adaptation, notamment à la Guyane, des normes communautaires en matière de traitement des déchets et sur le coût significatif de leur application.
Aussi, concernant spécifiquement cette question des déchets, vos rapporteurs s'interroge sur la pertinence d'appliquer indistinctement dans les départements d'outre-mer les règles européennes avec toute leur rigidité, alors même que, selon les traités européens 104 ( * ) , les régions ultrapériphériques peuvent bénéficier d'adaptations tenant compte de leurs spécificités. Ils s'interrogent donc sur la possibilité pour la France, au titre de cette faculté, de solliciter pour le traitement des déchets, comme d'ailleurs pour toute question spécifique à l'outre-mer, un régime d'exception, des règles plus adaptées ou encore une période plus longue de mise aux normes, et ainsi appliquer les possibilités ouvertes par les traités eux-mêmes.
Compte tenu du poids symbolique négatif de ces nouveaux pouvoirs du préfet si l'article 9 du projet de loi était adopté en l'état, vos rapporteurs estiment très improbable leur utilisation. Il convient donc de supprimer cette disposition ou, à tout le moins, de la rédiger sous une forme plus acceptable.
EXAMEN EN COMMISSION
M. Jean-Jacques Hyest , président . - MM. Frimat et Cointat vont nous présenter les résultats de la mission qu'ils ont menée outre mer avant l'audition de Mme Penchard.
M. Bernard Frimat , rapporteur . - Je commencerai par rappeler le cadre de la mission, décidée en prévision de l'évolution institutionnelle dont nous débattrons bientôt. Nous avons également eu le souci de rencontrer les services de l'Etat qui relèvent de la compétence de notre commission (sécurité, justice, immigration, service militaire adapté).
Il faut d'emblée se défaire d'un concept Antilles-Guyane, qui n'a aucun sens, malgré son emploi par des administrations d'Etat. Regardons plutôt les choses telles qu'elles sont. La Guyane, c'est 84 000 kilomètres carrés, officiellement 220 000 habitants, en réalité 280 000, puisqu'il y a 30 % de clandestins ; la Martinique, elle, représente 1 100 kilomètres carrés pour 400 000 habitants. Celle-ci est une île, celle-là est bordée par l'Oyapock et le Maroni ; la population de l'une est répartie sur tout le territoire, celle de l'autre est majoritairement à Cayenne et sur la côte. Un détail révélateur sur la Guyane : la commune de Maripasoula a une superficie de 18 000 kilomètres carrés : difficile pour un maire, même enthousiaste, d'en faire le tour en bicyclette dans la journée. On aura une vision à peu près complète quand on aura signalé l'écart en Guyane entre le nombre d'habitants et celui des électeurs : 40 000 habitants à Saint-Laurent-du-Maroni, mais 7 500 électeurs ; à Mana, la commune de notre collègue Georges Patient, 8 000 habitants, mais 1 400 électeurs. Enfin, la population de la Guyane atteindra 580 000 habitants en 2040 ; moins jeune, voire vieillissante, celle de la Martinique restera stationnaire.
Comment traiter ensemble ces départements ? La Guyane appelle des solutions différentes.
Je me concentrerai sur les domaines de la compétence de notre commission. De l'avis de tous nos interlocuteurs, le premier problème est celui de la montée importante de la violence : la Guadeloupe arrive en deuxième position des départements les plus violents de France, la Martinique en cinquième et l'on compte trois fois plus d'infractions violentes en Guyane qu'en métropole. Lorsque le président de la chambre régionale des comptes de Pointe-à-Pitre nous a reçus, il nous a incités à la prudence et nous a proposé, à 18 heures et au coeur de la ville, de nous faire raccompagner...
La violence est, bien sûr, intrafamiliale, mais il y a aussi une violence de masse, à quoi s'ajoute l'impact de Saint-Martin sur la Guadeloupe. Aussi les sessions d'assises sont-elles particulièrement longues.
Qu'en est-il de l'immigration clandestine en Guadeloupe et en Guyane ? Il suffit de traverser le Maroni et l'Oyapock pour être en France. Ajoutez-y l'orpaillage clandestin ; les saisies sont dérisoires, ce qui signifie que le système d'évacuation de l'or est remarquablement organisé. Les familles sont établies sur les deux rives des fleuves. On parle de culture du fleuve pour souligner que les cours d'eau ne sont pas des frontières mais des voies de communication. Les services chargés de l'immigration ont le sentiment de vider la mer avec une petite cuillère. Avec 4 000 reconduites à la frontière en 2002 et 9 000 en 2010, les bilans quantitatifs peuvent impressionner vus de métropole. Nous avons été au centre de rétention de Remire-Montjoly ; cinq Brésiliens devaient être reconduits sur l'autre rive de l'Oyapock. Nous y avons été et avons posé la question : ils avaient bien été reconduits mais étaient revenus le jour-même...
Le côté ubuesque de tout cela peut faire douter de l'effet dissuasif de telles mesures. Pensez que les commerçants du Surinam viennent gratuitement chercher les habitants de Maripasoula pour faire leurs courses !
Le plus grave est l'état de la justice. Malgré le fort engagement de tout le personnel, la République rend une justice virtuelle. Le tribunal de grande instance de Cayenne compte cinq magistrats du parquet, 17 du siège et 48 personnes au greffe pour 30 000 affaires et 12 000 gardes à vue. La justice est rendue, puis la machine s'arrête car les jugements n'étant pas tapés, ils ne sont pas signifiés et encore moins exécutés. La cour d'appel qui sera installée le 1 er janvier déshabillera Fort-de-France sans habiller Cayenne, car la situation n'est guère meilleure en Martinique qu'en Guyane.
Pour que la justice continue, on correctionnalise des affaires graves : un vol à main armée passera en comparution immédiate en correctionnelle. La cour d'assises de Fort-de-France a siégé 115 jours. La population, en outre, souhaite des juges antillais, mais ceux-ci sont peu nombreux, d'où une accusation de justice coloniale. Prenez un habitant de Saint-Martin, obligé de prendre l'avion jusqu'à Pointe-à-Pitre, et qui va ensuite à Basse-Terre pour apprendre que l'affaire est renvoyée à quinzaine, alors qu'il n'a pas les moyens de rentrer chez lui ! Il faut implanter une structure à Saint-Martin pour rendre la justice sur place.
Le tribunal administratif de Basse-Terre a pour ambition de terminer les affaires de 2006 : il a cinq ans de retard. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas simple pour les magistrats d'outre-mer de venir manifester place Vendôme qu'il ne faut pas imaginer le climat dans leurs juridictions.
Tout cela rejaillit sur les prisons. Vous connaissez la situation à Ducos, en Martinique : 570 places, 914 détenus, un taux d'occupation de 250 % en maison d'arrêt. A la maison d'arrêt de Basse-terre, des travaux sont prévus alors que l'on doit bientôt construire un nouvel établissement.
Partout, on pratique la régulation par le canal d'arrivée : l'on ne met pas les condamnations à exécution et des condamnés rentrent chez eux. Il s'agit, dit un magistrat, « de ne pas faire exploser Ducos ». Les magistrats savent qu'ils sont à la merci du moindre incident.
En revanche, le service militaire adapté marche remarquablement bien.
M. Christian Cointat , rapporteur . - Un mot, d'abord, de l'immigration en Guyane. La commune de Papaïchton est accessible depuis Maripasoula par le fleuve. Quand nous y sommes allés, nous avons découvert un trafic incessant de pirogues. Les Guyanais vont faire leurs courses au Surinam.
M. Jean-Pierre Sueur . - Comme entre la France et la Belgique...
M. Christian Cointat , rapporteur . - Il faut théoriquement un visa, mais, et nous en avons fait l'expérience, tout le monde circule en toute liberté. Le fleuve n'est pas une frontière, mais un lieu de partage. Quant aux gens qui viennent du Surinam vers Saint-Laurent, ils sont en réalité attirés par Cayenne. Il existe des postes fixes de contrôle, les Guyanais montrent patte blanche, mais les autres les contournent.
La justice, c'est les Shadocks chez le père Ubu : on pompe, on pompe, on rend des jugements qui ne sont pas exécutés. Malgré le dévouement des fonctionnaires, la réalité est pire que ce que Bernard Frimat en a dit en termes choisis.
Après nos entretiens avec les élus et les responsables locaux, nous éprouvons le sentiment d'un consensus sur le passage à la collectivité unique. Il y avait eu un malentendu, une divergence sur l'application des articles 73 ou 74 de la Constitution et l'on a l'impression que le programme prévu sous l'article 74 a été transféré sous l'article 73. Cependant, la Guyane a retenu pour exécutif une commission permanente, la Martinique préférant un conseil exécutif séparé de l'assemblée, comme en Corse.
Les propositions institutionnelles ne soulèvent pas d'opposition forte en Guyane, contrairement aux questions électorales. Le vaste territoire de la Guyane comprend une bande littorale et des forêts où l'on ne pénètre que par les fleuves et des sentiers accessibles en tout-terrain ou en quad. On ne peut donc faire l'impasse sur la représentation du territoire. Quasiment tous les élus ont sollicité la proportionnelle avec une liste unique comprenant huit sections.
Il faut aussi laisser une place aux communautés traditionnelles : Amérindiens et Bushinengués ne veulent pas être marginalisés. Tout l'enjeu de la collectivité unique est de permettre cette représentation équitable de tout le territoire. Même si elle ne plaît pas trop au Gouvernement, la solution que nous vous présenterons y contribuera.
La population martiniquaise étant plus homogène, la complication réside plutôt dans l'exercice du pouvoir. La rationalisation administrative ne doit en effet pas favoriser l'émergence de potentats locaux. Il importe de trouver un équilibre, mais le Gouvernement est très attentif à éviter le « syndrome polynésien ». Une majorité des acteurs souhaitent une collectivité unique sur le modèle de la Corse...
M. Nicolas Alfonsi . - Ce n'est pas le meilleur système.
M. Christian Cointat , rapporteur . - ... avec un président de l'assemblée et un président du conseil exécutif. Nous avons été saisis de la nécessité de maintenir les deux conseils consultatifs locaux, mais, les élus voulant une fusion, nous proposerons un conseil unique, mais avec deux sections afin que le culturel et l'environnemental ne disparaisse pas derrière le socio-économique. Si ces milieux sont très différents, les documents qu'ils ont présentés méritent intérêt. Quant à la motion de défiance...
M. Nicolas Alfonsi . - Une absurdité !
M. Christian Cointat , rapporteur . -... nous avons fait remarquer que ce n'est pas pour rien que la prime majoritaire était passée en Corse, sur proposition de M. Alfonsi, de trois à neuf : cela ne marche pas avec trois sièges.
J'évoquerai tout à l'heure le pouvoir de substitution du préfet en cas de carence des collectivités, qui n'existe pas ailleurs sinon pour la sécurité publique. Nous avons été soumis à un tir de barrage des élus, mais le Gouvernement y est très attaché. Il est vrai que la France a été condamnée parce que la Guyane n'a pas pris les mesures nécessaires pour la gestion de ses déchets. Nous proposerons la suppression ou une rédaction plus équilibrée de cette disposition : partout, on y voit le retour du gouverneur.
La date des premières élections à la collectivité unique a fait débat. Doivent-elles intervenir en mars 2014, en même temps que celle des conseillers territoriaux, ce qui serait assez logique, ou, comme le souhaite le Président de la République, en 2012 ? Mais alors, comment traiter d'ici là les questions de nomenclature comptable, de budget, de patrimoine et de statut du personnel résultant de la fusion ? Cela demande réflexion.
M. Jean-Jacques Hyest , président . - C'est surtout une question de réorganisation des services.
M. Christian Cointat , rapporteur . - Il y a aussi les régimes indemnitaires, car, à ma stupeur, les deux collectivités n'ont pas les mêmes pratiques. Comment rattraper le calendrier électoral républicain, dans le cadre de l'article 73, en cas d'élections en 2012 ? Je vous proposerai de botter en touche et de les prévoir « au plus tard le 31 mars 2014 ».
M. Bernard Frimat , rapporteur . - Si elle offre une opportunité, l'évolution institutionnelle n'est pas la solution miracle pour laquelle elle passe parfois : elle ne règlera pas les problèmes économiques.
M. Christian Cointat , rapporteur . - L'article 40 nous interdit de le proposer, mais, pour réussir l'opération, il faudrait créer un fonds de développement spécifique, comme pour Mayotte.
M. Jean-Jacques Hyest , président . - Les Français croient souvent régler les problèmes par des changements de structure. Je vous remercie de ce rapport d'information sur la publication duquel je consulte la commission.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
ANNEXE 1 - RÉCAPITULATIF DU PROGRAMME DE LA MISSION
GUYANE |
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Jeudi 17 février |
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15 h 55 |
Arrivée à Cayenne |
Vendredi 18 février |
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8 h 00 |
Rencontre avec le Parti socialiste guyanais
(préfecture)
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8 h 40 |
Rencontre avec la fédération de Guyane de l'UMP
(préfecture)
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9 h 00 |
Rencontre avec Guyane Ecologie (préfecture)
|
9 h 45 |
Rencontre avec M. Christian Claudon, commissaire au développement endogène pour la Guyane (préfecture) |
10 h 00 |
Table-ronde avec les responsables de la sécurité
publique (préfecture)
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11 h 20 |
Rencontre avec le conseil régional (Cayenne)
|
13 h 00 |
Rencontre avec Mme Marie-Laure Phinéra-Horth, maire de Cayenne (hôtel de ville de Cayenne) |
13 h 45 |
Déjeuner à Cayenne avec M. Georges Patient, sénateur, Mme Hélène Sirder, deuxième vice-présidente du conseil régional, puis M. Jocelin Ho-Tin-Noé, premier vice-président du conseil régional |
15 h 50 |
Visite du centre pénitentiaire de Guyane
(Rémire-Montjoly)
|
19 h 30 |
Dîner à Kourou avec M. Jean-Etienne Antoinette, sénateur, maire de Kourou, Mme Line Létard, conseillère régionale, Mme Audrey Marie, conseillère régionale et M. Patrice Clet, conseiller général |
Samedi 19 février |
|
9 h 00 |
Rencontre avec M. Georges Patient, sénateur, maire de Mana (mairie de Mana) |
9 h 30 |
Rencontre à la mairie d'Awala-Yalimapo
|
11 h 45 |
Rencontre à l'hôtel de ville de
Saint-Laurent-du-Maroni
|
12 h 45 |
Déjeuner à Saint-Laurent-du-Maroni avec M. Léon Bertrand, maire de Saint-Laurent-du-Maroni, M. Philippe Joan, deuxième adjoint au maire de Saint-Laurent-du-Maroni, et M. Georges Patient, sénateur |
15 h 00 |
Passage au régiment du service militaire adapté de
Guyane à Saint-Jean (Saint-Laurent-du-Maroni)
|
16 h 00 |
Rencontre à la mairie d'Apatou
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Dimanche 20 février |
|
Aller retour de Cayenne à Maripasoula en avion (survol
de sites d'orpaillage légaux et illégaux)
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9 h 20 |
Visite de la brigade de gendarmerie de Maripasoula |
10 h 00 |
Rencontre à la mairie de Maripasoula
|
11 h 00 |
Visite au camp Lunier, base opérationnelle avancée du 9 ème régiment d'infanterie de marine (Maripasoula) |
12 h 30 |
Rencontre à la mairie de Papaïchton
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13 h 30 |
Déjeuner à Papaïchton avec M. Richard Lobi, maire, et M. Georges Patient, sénateur |
Lundi 21 février |
|
8 h 00 |
Visite du centre de rétention administrative de
Cayenne-Rochambeau (Matoury)
|
10 h 10 |
Rencontre avec l'association des maires de Guyane
(Cayenne)
|
11 h 20 |
Rencontre avec le conseil de la culture, de l'éducation et
de l'environnement (Cayenne)
|
12 h 30 |
Déjeuner à Cayenne avec M. Daniel Ferey, préfet, M. Philippe Loos, directeur de cabinet du préfet, et M. Georges Patient, sénateur |
14 h 40 |
Rencontre avec M. François Schneider, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Cayenne (préfecture) |
15 h 15 |
Table-ronde avec les services financiers de l'État
(préfecture)
|
16 h 15 |
Rencontre avec le conseil général
(Cayenne)
|
18 h 00 |
Rencontre avec Mme Chantal Berthelot, députée (préfecture) |
19 h 10 |
Rencontre avec Mme Christiane Taubira, députée, M. Joël Pied, secrétaire général du parti Walwari et plusieurs représentants du parti Walwari (Cayenne) |
Mardi 22 février |
|
10 h 00 |
Rencontre à la communauté de communes de l'est
guyanais (Saint-Georges-de-l'Oyapock)
|
11 h 00 |
Visite à Oiapoque (Brésil) |
15 h 00 |
Rencontre avec le conseil consultatif des populations
amérindiennes et bushinenge (préfecture)
|
16 h 00 |
Rencontre avec cinq représentants du personnel du conseil général (préfecture) |
17 h 00 |
Rencontre avec six représentants du personnel du conseil régional (Cayenne) |
MARTINIQUE |
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Mardi 22 février |
|
21 h 20 |
Arrivée à Fort-de-France |
Mercredi 23 février |
|
8 h 30 |
Rencontre avec M. Ange Mancini, préfet, et M. Antoine Poussier, directeur de cabinet du préfet |
9 h 20 |
Rencontre avec M. Raymond Saint-Louis-Augustin, maire de
Fort-de-France (hôtel de ville de Fort-de-France)
|
10 h 15 |
Rencontre avec M. Alfred Marie-Jeanne, député, ancien président du conseil régional, président du Mouvement indépendantiste martiniquais (préfecture) |
11 h 15 |
Rencontre, suivie d'un déjeuner, avec l'association des
maires de Martinique (préfecture)
|
15 h 00 |
Rencontre avec les conseils consultatifs régionaux
(préfecture)
|
16 h 00 |
Rencontre avec M. André Siganos, recteur (préfecture) |
16 h 30 |
Rencontre avec la fédération de Martinique de l'UMP
(préfecture)
|
17 h 00 |
Rencontre avec le Parti régionaliste martiniquais
(préfecture)
|
17 h 40 |
Rencontre avec les Forces martiniquaises de progrès
(préfecture)
|
18 h 15 |
Rencontre avec le Modem Martinique
(préfecture)
|
Jeudi 24 février |
|
8 h 15 |
Rencontre avec les chambres consulaires
(préfecture)
|
9 h 15 |
Rencontre avec M. Louis-Joseph Manscour, député, maire de La Trinité, premier secrétaire de la fédération martiniquaise du Parti socialiste, et M. Raphaël Vaugirard, conseiller général (préfecture) |
11 h 00 |
Rencontre avec le conseil général, suivie d'un
déjeuner (Fort-de-France)
|
14 h 20 |
Rencontre avec huit représentants du personnel du conseil général (Fort-de-France), en présence de M. Claude Lise, président du conseil général |
15 h 05 |
Rencontre avec Bâtir le pays Martinique
(préfecture)
|
15 h 35 |
Rencontre avec le Parti communiste martiniquais
(préfecture)
|
16 h 05 |
Rencontre avec le Renouveau Martinique
(préfecture)
|
17 h 00 |
Rencontre avec le conseil régional
(Fort-de-France)
|
18 h 00 |
Rencontre avec le groupe « les Patriotes et
sympathisants » du conseil régional
(Fort-de-France)
|
18 h 25 |
Rencontre avec le groupe « Rassembler la
Martinique » du conseil régional (Fort-de-France)
|
18 h 45 |
Rencontre avec un représentant du personnel du conseil régional (Fort-de-France) |
20 h 00 |
Dîner à la résidence préfectorale (Fort-de-France) |
Vendredi 25 février |
|
8 h 15 |
Rencontre avec le Mouvement des démocrates et
écologistes pour une Martinique souveraine (préfecture)
|
8 h 40 |
Rencontre avec le Conseil national des comités populaires
(préfecture)
|
9 h 00 |
Rencontre avec le Parti pour la libération de la
Martinique (préfecture)
|
9 h 50 |
Rencontre avec Osons oser (préfecture)
|
10 h 10 |
Rencontre avec Vivre à Schoelcher
(préfecture)
|
10 h 35 |
Table-ronde avec les responsables de la sécurité
publique les services financiers de l'État
(préfecture)
|
12 h 35 |
Visite, suivie d'un déjeuner, au régiment du
service militaire adapté de Martinique (Fort-de-France)
|
15 h 00 |
Table-ronde avec les responsables de juridiction
(préfecture)
|
16 h 15 |
Rencontre avec le Mouvement populaire franciscain
(préfecture)
|
16 h 45 |
Visite du centre pénitentiaire de Martinique
(Ducos)
|
Samedi 26 février |
|
9 h 00 |
Rencontre avec d'anciens parlementaires (Schoelcher)
|
13 h 00 |
Déjeuner au Diamant avec M. Serge Larcher, sénateur |
Dimanche 27 février |
|
11 h 00 |
Visite de la commune de Saint-Pierre |
GUADELOUPE |
|
Dimanche 27 février |
|
20 h 00 |
Arrivée à Pointe-à-Pitre |
Lundi 28 février |
|
9 h 45 |
Rencontre avec M. Victorin Lurel, président du conseil
régional (Basse-Terre)
|
11 h 40 |
Rencontre avec le conseil économique et social
régional (Basse-Terre)
|
12 h 05 |
Rencontre avec le conseil de la culture, de l'éducation et
de l'environnement (Basse-Terre)
|
12 h 45 |
Déjeuner à Basse-Terre avec Mme Lucette Michaux-Chevry, sénateur, maire de Basse-Terre, et M. Fred Julia, directeur de cabinet du maire de Basse-Terre |
15 h 55 |
Rencontre avec M. Daniel Marsin, sénateur (les Abymes) |
16 h 50 |
Rencontre avec M. Eric Jalton, député, maire des Abymes (les Abymes) |
17 h 35 |
Rencontre avec les chambres régionales des comptes de
Guadeloupe, Guyane et Martinique et les chambres territoriales des comptes de
Saint-Barthélemy et Saint-Martin (Pointe-à-Pitre)
|
Mardi 1 er mars |
|
8 h 00 |
Table-ronde avec les services financiers de l'État
(préfecture)
|
8 h 55 |
Table-ronde avec les responsables de juridiction
(préfecture)
|
10 h 00 |
Table-ronde avec les responsables de la sécurité
publique (préfecture)
|
11 h 00 |
Visite de la maison d'arrêt de Basse-Terre
|
12 h 30 |
Visite du centre pénitentiaire de Guadeloupe
(Baie-Mahault)
|
14 h 55 |
Rencontre avec M. Jean-Rémy Cauquil, commissaire au développement endogène pour les Antilles (Pointe-à-Pitre) |
15 h 45 |
Rencontre avec M. Jacques Bangou, maire de Pointe-à-Pitre (hôtel de ville de Pointe-à-Pitre) |
16 h 45 |
Visite au régiment du service militaire adapté de
Guadeloupe (Baie-Mahault)
|
Mercredi 2 mars |
|
8 h 20 |
Rencontre avec Mme Marie-Line Pirbakas, ancienne porte-parole des Verts Guadeloupe (Basse-Terre) |
10 h 10 |
Rencontre avec le Parti communiste guadeloupéen
(Basse-Terre)
|
12 h 00 |
Visite à Terre-de-Haut, dans l'archipel des
Saintes
|
11 h 00 |
Rencontre avec le conseil général, suivie d'un
déjeuner (le Gosier)
|
15 h 00 |
Rencontre avec l'association des maires de Guadeloupe
(Baie-Mahault)
|
16 h 25 |
Visite du centre de rétention administrative (Les
Abymes)
|
Vendredi 4 mars |
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10 h 00 |
Arrivée à Paris |
ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- M. Stéphane Diemert, ambassadeur,
délégué à la coopération
régionale dans la zone Antilles-Guyane
- M. Alfred Almont, député de Martinique
Contributions écrites
- M. Jean-Paul Virapoullé, sénateur de La Réunion
- Fédération UMP de Guyane
- Fédération UMP de Martinique
- Cimade de Guyane
- M. Joseph Virassamy, président de l'association « Non le 24 » en Martinique
* 1 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl10-265.html
* 2 MM. Jean-Etienne Antoinette et Georges Patient, sénateurs de Guyane, MM. Serge Larcher et Claude Lise, sénateurs de Martinique, Mme Lucette Michaux-Chevry et MM. Jacques Gillot et Daniel Marsin sénateurs de Guadeloupe.
* 3 M. Ange Mancini a depuis quitté ses fonctions pour être nommé coordinateur du renseignement.
* 4 Voir en annexe 1 le programme réalisé par la mission.
* 5 A titre de comparaison, la population stagnerait et vieillirait dans les Antilles, en particulier en Martinique. La publication de l'INSEE est consultable à l'adresse suivante :
* 6 Sur dix Sainte-Luciens interpelés par la police aux frontières, trois ou quatre sont porteurs de stupéfiants.
* 7 On recense en 2010 vingt meurtres et quinze tentatives de meurtre pour une population d'environ 400 000 habitants. En Guadeloupe, on atteint soixante homicides, pour une population équivalente à celle de la Martinique.
* 8 Le vieillissement rapide de la population est d'ailleurs une source de préoccupation.
* 9 En lien avec les agents de la protection judiciaire de la jeunesse, la gendarmerie mène des opérations de prévention et de sensibilisation en milieu scolaire, par exemple au lycée de la Trinité, avec un certain succès dans la baisse de la violence. En Guadeloupe, la gendarmerie, entièrement absorbée par la police judiciaire, n'est pas en capacité de faire de la prévention.
* 10 L'article L. 621-8 du code minier dispose ainsi : « Lorsque (...) le transfert des personnes interpellées dans le délai légal de la garde à vue soulève des difficultés matérielles insurmontables, le point de départ de la garde à vue peut exceptionnellement être reporté à l'arrivée dans les locaux du siège où cette mesure doit se dérouler. Ce report ne peut excéder vingt heures. Il est autorisé par le procureur de la République ou la juridiction d'instruction. Mention des circonstances matérielles insurmontables au vu desquelles cette autorisation a été donnée est portée au procès-verbal. »
* 11 Ces activités illégales sont largement installées sur le territoire du parc amazonien de Guyane, qui a le statut de parc national, créé en 2007 sur 38 000 kilomètres carrés.
* 12 Le rapport d'information est consultable à l'adresse suivante :
http://intranet.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-271-notice.html
* 13 Moyen de transport favori des « garimpeiros » dans la forêt, les quads une fois saisis peuvent être utilisés, avec l'autorisation du parquet, par les gendarmes.
* 14 Abris ouvert traditionnel amazonien.
* 15 Les moyens conjugués des forces armées et des forces de l'ordre en matière d'aéromobilité, en particulier les hélicoptères, ne semblent pas encore suffisants et sont souvent obsolètes.
* 16 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/bresil_exploitation_or.asp
Mme Christiane Taubira, députée de Guyane, rapporteure du projet de loi à l'Assemblée nationale, déplore toutefois dans son rapport « la modestie des ambitions » de cet accord, dont en outre la mise en oeuvre lui semble incertaine par les autorités brésiliennes.
* 17 Postes de contrôle fluviaux de Twenké et Cayodé sur le Maroni et de Saut Sonnelle sur l'Inini, affluent du Maroni.
* 18 Selon M. Herman Charlotte, maire de Saül, commune au coeur de la forêt, confrontée à la présence des « garimpeiros » sur son territoire, les opérations Harpie ont eu pour effet de rendre de les rendre plus violents et plus armés. Un militaire est d'ailleurs décédé en opération en 2010.
* 19 Certains mouvements, notamment Guyane Ecologie, contestent cette politique, lui préférant une démarche d'interdiction complète de l'orpaillage en vue de la préservation de la forêt amazonienne, de sa biodiversité et des populations amérindiennes qui y vivent.
* 20 Le rapport de la Cour, qui porte également sur Mayotte et Saint-Martin, est consultable à l'adresse suivante :
* 21 Il se situe au débouché de la RN 2 qui relie Cayenne et Saint-Georges depuis quelques années.
* 22 Originaires du Guyana, ancienne Guyane anglaise, à distinguer du Surinam, ancienne Guyane hollandaise, limitrophe de la Guyane française.
* 23 Ceci suppose une collaboration approfondie entre la police aux frontières et l'administration pénitentiaire, de façon à anticiper les libérations pour organiser les éloignements en amont avec les autorités surinamiennes pour chaque personne individuellement.
* 24 L'action de la police aux frontières à l'égard des ressortissants guyaniens illégaux est aussi entravée par l'absence de consul du Guyana en Guyane française.
* 25 Cet accord dispense les autorités françaises d'obtenir du consulat du Brésil à Cayenne un laissez-passer consulaire pour permettre l'éloignement des ressortissants brésiliens illégaux.
* 26 Le consul général du Brésil à Cayenne a fait savoir que les reconduites par avion depuis la Guyane suscitaient, pour des motifs humanitaires, une certaine émotion dans l'opinion publique.
* 27 A titre d'exemple, une vingtaine de familles de Papaïchton résident du côté surinamien, tout en scolarisant leurs enfants du côté français, par des trajets quotidiens, en votant aux élections et en percevant des allocations familiales en France.
* 28 Les gendarmes rencontrés à la brigade de Maripasoula ont constaté la prospérité croissante de la rive surinamienne, avec une multiplication des commerces dans la période très récente.
* 29 Mme Marie-Laure Phinéra-Horth a pris la suite en 2010 de M. Rodolphe Alexandre à la maire de Cayenne après que celui-ci eut été élu à la présidence du conseil régional.
* 30 Estimation calculée sur la base de la consommation d'eau dans la ville de Cayenne.
* 31 Géographiquement, la Dominique est l'île qui se situe entre la Martinique, au sud, et la Guadeloupe, au nord. Il ne faut pas la confondre avec la Républicaine dominicaine, limitrophe d'Haïti sur l'île de Saint-Domingue.
* 32 Ainsi que l'a relevé le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France, la création de la cour d'appel de Cayenne se fera par prélèvement d'effectifs sur celle de Fort-de-France.
* 33 Ce phénomène n'est pas spécifique aux juridictions de Martinique, mais se rencontre dans de nombreuses juridictions dans l'hexagone et outre-mer.
* 34 La cour d'assises a néanmoins siégé 115 jours en 2010, ce qui est très élevé.
* 35 A titre d'exemple, rapporté par l'avocat général près la cour d'appel, après l'inauguration des nouveaux locaux du tribunal de grande instance, le barreau a contesté le fait que, dans la salle d'audience, le parquet soit au même niveau que les magistrats du siège.
* 36 Créées en 2004, les huit juridictions inter-régionales spécialisées (tribunaux de grande instance et cours d'appel) sont chargées des affaires de criminalité organisée et de délinquance financière d'une grande complexité. Elles sont composées de magistrats spécialisés. Fort-de-France est la seule juridiction inter-régionale spécialisée outre-mer.
* 37 La construction d'un nouveau bâtiment pour le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, différée depuis longtemps, est prévue pour 2016. Même si de nombreux préfabriqués accueillent les personnels du site commun de la cour d'appel et du tribunal de grande instance à Basse-Terre, la priorité en matière immobilière reste, pour le premier président de la cour d'appel, les nouveaux locaux de Pointe-à-Pitre.
* 38 Par exemple, la justice ne finance pas le billet d'avion de retour, de sorte que la personne peut ne pas pouvoir rentrer à Saint-Martin, par manque de moyens.
* 39 Elles sont actuellement réalisées à Pointe-à-Pitre.
* 40 Selon lui, il manquerait de 700 000 à un million d'euros par an.
* 41 Il n'a pas été possible de rencontrer les présidents des tribunaux administratifs de Cayenne et de Fort-de-France.
* 42 Sur neuf postes de magistrats, quatre étaient pourvus en 2010 et sept début 2011.
* 43 Mme Chantal Berthelot, députée de Guyane, a également insisté sur ce grave problème, évoquant une situation de « justice en déshérence ».
* 44 Mme Marie-Laure Phinéra-Horth, maire de Cayenne, et M. Paul Dolianki, maire d'Apatou. Le phénomène a régressé à la suite de la création des communes sur le fleuve.
* 45 Une émeute carcérale en 1999 a conduit à une fermeture temporaire de l'établissement.
* 46 La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 fait désormais obligation de transférer les condamnés dans les établissements pour peines. Cela contribuera à la diminution significative des effectifs de la maison d'arrêt.
* 47 Le service militaire adapté reçoit trois types de volontaires :
- les volontaires stagiaires (VS), la majorité, pour une durée de six à douze mois, qui permet de rejoindre les dispositifs conventionnels de formation, d'insertion professionnelle ou d'emploi ;
- les volontaires techniciens (VT), pour une durée d'un an à cinq ans, qui permet d'acquérir une première expérience professionnelle ;
- les engagés volontaires (EV), pour une durée de deux à cinq ans, qui exercent la responsabilité d'instructeur après une formation de six mois en métropole.
* 48 Plan « SMA 6 000 ».
* 49 Initialement, il était envisagé pour doubler les capacités de proposer des contrats de six mois pour la moitié des volontaires. Cette formule n'était ni réaliste ni crédible auprès des employeurs car un contrat de six mois peut être profitable pour un jeune déjà titulaire au moins d'un CAP, mais pas pour des jeunes sans qualification. Aussi le plan a-t-il été arbitré en 2010 sur la base de 80 % de volontaires en cursus long et 20 % en cursus court de six mois, de façon à maintenir la qualité de la formation et l'efficacité de l'insertion professionnelle. Avec cette répartition, il ne sera pas possible de doubler entièrement les effectifs pour atteindre 6 000 en 2014.
* 50 Sur ce total, 15 % restent dans l'armée (les deux tiers au sein du régiment en Martinique), 50 % trouvent un emploi en Martinique, 19 % poursuivent une formation en métropole (puis souvent trouvent un emploi en métropole) et 16 % poursuivent une formation en Martinique.
* 51 Un terrain a d'ores et déjà été trouvé.
* 52 Au lieu des 1 000 places envisagées initialement dans le cadre du plan « SMA 6 000 ».
* 53 Ces trois chambres régionales, ainsi que les chambres territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ont le même siège, à Pointe-à-Pitre, le même président et les mêmes personnels.
* 54 Selon M. Bertrand Diringer, le produit intérieur brut a diminué de 6,7 % en Martinique et de 5 % en Guadeloupe en 2009. La transformation en collectivités d'outre-mer des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a fait bénéficier les communes guadeloupéennes d'un surcroît de produit d'octroi de mer communal.
* 55 De nouvelles communes ont également été créées à la même époque.
* 56 Certains proposent d'ailleurs la scission de l'immense commune de Maripasoula, d'autant que le nord de la commune, avec le bourg de Maripasoula, est habité par des bushinenge, tandis que le sud comporte plusieurs villages amérindiens (Antecum-Pata, Twenké, Cayodé...).
* 57 Les habitants d'Awala-Yalimapo étant majoritairement amérindiens, l'arrêté du préfet de 1992 a reconnu des droits d'usage pour la communauté amérindienne, en particulier en matière de chasse et de pêche, sous l'autorité des chefs coutumiers. Le droit coutumier est très vivace dans cette commune et s'exprime dans un dialogue permanent entre élus et chefs coutumiers.
* 58 Majoration de 40 % des traitements des fonctionnaires territoriaux.
* 59 Fort-de-France, le Lamentin, le Robert et Schoelcher.
* 60 M. André Siganos, recteur de Martinique, a signalé le faible investissement de la région dans les lycées, avec très peu de constructions de nouveaux établissements et aucun entretien.
* 61 Articles L.O. 3445-1 à L.O. 3445-12, pour les départements d'outre-mer, et L.O. 4435-1 à L.O. 4435-12, pour les régions d'outre-mer, du code général des collectivités territoriales.
* 62 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl10-264.html
* 63 Mme Lucette Michaux-Chevry, présidente du conseil régional de Guadeloupe, M. Alfred Marie-Jeanne, président du conseil régional de Martinique, et M. Antoine Karam, président du conseil régional de Guyane.
* 64 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.
* 65 Décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982 sur la loi portant adaptation de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion. Pour déclarer la loi non conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur les éléments suivants :
« Considérant qu'il résulte de ces articles que le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains sous la seule réserve des mesures d'adaptation que peut rendre nécessaires la situation particulière de ces départements d'outre-mer ; que ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une "organisation particulière", prévue par l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer ;
« Considérant qu'en confiant la gestion des départements d'outre-mer à une assemblée qui, contrairement au conseil général des départements métropolitains en l'état actuel de la législation, n'assure pas la représentation des composantes territoriales du département, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel confère à cette assemblée une nature différente de celle des conseils généraux ; qu'ainsi, ces dispositions vont au-delà des mesures d'adaptation que l'article 73 de la Constitution autorise en ce qui concerne l'organisation des départements d'outre-mer ; ».
* 66 En décembre 2003, la question posée aux électeurs martiniquais et guadeloupéens était libellée différemment : « Approuvez-vous le projet de création en Guadeloupe d'une collectivité territoriale demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, et donc par le principe de l'identité législative avec possibilité d'adaptations, et se substituant au département et à la région dans les conditions prévues par cet article ? ». Certaines personnes rencontrées par vos rapporteurs, notamment des personnalités de la droite martiniquaise, ont souligné que la question de 2003 évoquait la substitution d'une collectivité unique au département et à la région, tandis que la question de 2010 évoquait une collectivité unique exerçant les compétences du département et de la région, sans utiliser le terme de substitution.
* 67 Mmes Chantal Berthelot et Christiane Taubira, députées de Guyane, ont également soutenu le passage à l'article 74 de la Constitution, considérant que les institutions locales doivent être au service d'un projet de développement et que seul l'article 74 pouvait correspondre à un projet guyanais de développement. En outre, Mme Christiane Taubira a rappelé que la demande d'un statut spécial, qui sorte du strict cadre de la départementalisation, remontait à 1958.
* 68 A l'issue des élections cantonales de mars 2011, M. Alain Tien-Liong a été reconduit, tandis que M. Claude Lise a été remplacé par Mme Josette Manin.
* 69 L'étude d'impact évoque la possibilité de huit sections. Ce mode de scrutin s'inspire beaucoup de celui des conseils régionaux actuellement, sous réserve du niveau de la prime à 25 %.
* 70 Par exemple le Parti socialiste guyanais, l'UMP, Guyane Ecologie, le Walwari (parti de Mme Christiane Taubira, députée de Guyane).
* 71 Il s'agit du schéma que retient le projet de loi pour la Martinique.
* 72 En septembre 2009, sous l'impulsion notamment de M. Alain Tien-Liong, le congrès des élus de Guyane avait approuvé un tel schéma, mais dans le cadre de l'article 74.
* 73 Il n'a pas été possible de rencontrer le conseil économique et social régional de la Guyane, les services de la préfecture ayant indiqué qu'il n'avait pas encore été renouvelé.
* 74 Les amérindiens, estimés à 7 000 personnes, se répartissent en six communautés, dont certaines sont présentes également dans les pays limitrophes (Brésil, Surinam, Guyana et Vénézuela) : les Arawaks et les Kali'nas (ou Galibis), sur le littoral, les Palikurs, les Tekos (ou Émerillons) et les Wayapis le long de l'Oyapock et les Wayanas (ou Roucouyennes) le long du Maroni. Répartis en quatre groupes, les bushinenge sont les descendants des noirs-marrons réfugiés dans l'intérieur le long du Maroni pour fuir l'esclavage depuis le XVIII ème siècle. A côté de la majorité créole installée sur le littoral, il faut aussi mentionner la présence d'une petite population hmong, persécutée au Laos, réfugiée en France dans les années 1970 et en partie installée ensuite dans plusieurs localités de Guyane, notamment Cacao et Javouhey.
* 75 Les populations sont structurées en village, avec un « capitaine » à la tête de chaque village, autorité coutumière. Certaines possèdent un grand Man, qui dispose d'une autorité coutumière hiérarchique sur les capitaines de village. Chacune a sa langue et son système social, mais elles ont toutes un fond commun, notamment sur la question foncière.
* 76 Pour des raisons administratives remontant au XIX ème siècle, les chefs coutumiers perçoivent des indemnités du conseil général. A titre de comparaison, l'évêque et les prêtres catholiques ont le statut d'agent contractuel du conseil général, en vertu d'une ordonnance royale de 1828 qui prévoyait la rémunération par l'État du clergé catholique et d'une loi de finances de 1900 qui mettait à la charge de la colonie la rémunération des ministres du culte catholique, la loi de séparation de 1905 n'ayant pas été rendue applicable en 1911 dans la seule colonie de Guyane.
* 77 M. Jocelyn Thérèse a indiqué que le conseil n'avait pu se réunir qu'une fois, outre sa première réunion d'installation, afin de rendre un avis sur le schéma départemental d'orientation minière et sur les quotas de chasse. Le préfet ne dispose pas de crédits pour assurer le fonctionnement du conseil, notamment pour prendre en charge les frais de transport pour se rendre à Cayenne.
* 78 Parti socialiste guyanais, Guyane Ecologie, ou encore le premier adjoint au maire de la commune d'Awala-Yalimapo.
* 79 Plusieurs facteurs sont avancés : oisiveté, désocialisation, montée de la consommation d'alcool et de drogue, inutilité de l'école « occidentale », écart culturel entre la société occidentalisée du littoral et la société traditionnelle amérindienne, perte des repères traditionnels mais absence de reconnaissance dans la société guyanaise... En cas d'études suivies en dehors de son village, on apprend à l'école « occidentale » des choses qui ne servent à rien au retour dans le village, alors qu'entretemps on n'a pas pu apprendre les repères traditionnels du village.
* 80 A l'exception notable de Mme Christiane Taubira, députée, selon qui un nombre trop important de sections conduirait à « ethniciser la représentation », ce qui ne servirait ni la cohésion sociale ni le développement économique.
* 81 Ceci résulte de la jeunesse de la population et du poids de la population étrangère. Ainsi, dans la plupart des communes de l'ouest, le corps électoral représente moins de 20 % de la population totale, contre près de 35 % à Cayenne et plus de 50 % dans certaines communes.
* 82 L'étude d'impact évoque la possibilité de quatre sections correspondant aux circonscriptions législatives. Ce mode de scrutin s'inspire beaucoup de celui des conseils régionaux actuellement, sous réserve du niveau de la prime à 25 %.
* 83 M. Louis-Joseph Manscour, député, premier secrétaire de la fédération martiniquaise du Parti socialiste, ou M. Max Orville, président du Modem Martinique.
* 84 MM. Claude Lise, avec le Rassemblement démocratique martiniquais, Alfred Marie-Jeanne, avec le Mouvement indépendantiste martiniquais, et Serge Letchimy, avec le Parti progressiste martiniquais, parti créé par Aimé Césaire, représentent les trois principales forces politiques actuelles en Martinique, toutes classées à gauche, la quatrième étant la droite locale, actuellement divisée en plusieurs groupes (Forces martiniquaises de progrès, Parti régionaliste martiniquais et UMP notamment) et ayant perdu de son influence électorale.
* 85 Forces martiniquaises de progrès, Parti régionaliste martiniquais, UMP, Modem Martinique, fédération martiniquaise du Parti socialiste.
* 86 M. Louis-Joseph Manscour est aussi premier secrétaire de la fédération martiniquaise du Parti socialiste.
* 87 Le Parti régionaliste martiniquais comme le Modem Martinique plaident en faveur du scrutin uninominal, celui qui sera appliqué pour les conseillers territoriaux dans l'hexagone.
* 88 Forces martiniquaises de progrès, fédération martiniquaise du Parti socialiste. Préférant dans un premier temps le scrutin mixte, Bâtir le pays Martinique accepte le mode de scrutin retenu par le projet de loi, avec quatre sections.
* 89 Il en est de même des Forces martiniquaises, par la voix de leurs responsables MM. André Lesueur et Miguel Laventure, selon qui l'histoire du conseil régional depuis 1983 illustre, dans le respect du pluralisme, l'absence d'instabilité politique malgré le défaut de majorité absolue jusqu'en 2004, en invoquant une « culture du raisonnable ».
* 90 Notamment M. Claude Lise, président du conseil général, l'UMP ou Bâtir le pays Martinique.
* 91 Fédération martiniquaise du Parti socialiste.
* 92 Ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. Le nouveau découpage pour la Martinique a créé un circonscription pour la commune de Fort-de-France, une pour l'ensemble du nord, une pour le centre et une pour le sud.
* 93 UMP, Forces martiniquaises de progrès.
* 94 UMP, Forces martiniquaises de progrès.
* 95 Fédération martiniquaise du Parti socialiste, Modem Martinique, Parti régionaliste martiniquais. Mme Josette Manin, rencontrée avec M. David Zobda au titre du parti Bâtir le pays Martinique, aujourd'hui présidente du conseil général, plaidait également en faveur de la date de 2014.
* 96 M. Raymond Occolier, maire du Vauclin, président de l'association des maires de Martinique, a indiqué que l'association n'avait pas de position officielle sur les questions institutionnelles, y compris sur l'idée de conseil consultatif des communes. L'association limite son travail aux seules questions d'intérêt commun entre ses membres.
* 97 Dans le cadre de l'article 87 de la loi, qui habilite le Gouvernement à adapter par ordonnance la création des conseillers territoriaux dans les départements et régions d'outre-mer. Lors de la discussion en première lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, le Sénat avait supprimé cette habilitation, jugée tout à fait inutile juridiquement dès lors que la création des conseillers territoriaux pouvait se faire sans adaptation. Le Gouvernement a souhaité tout de même disposer de cette habilitation, sans que son utilité ait depuis été démontrée. M. Victorin Lurel, président du conseil régional, s'interroge d'ailleurs toujours sur sa signification.
* 98 La délibération précise que « le maintien de deux présidents exécutifs pour cette assemblée constitue une forme d'équilibre des pouvoirs, équilibre auquel les Guadeloupéens ont manifesté leur attachement lors des réunions des comités communaux du projet ».
* 99 La Guadeloupe forme un archipel composé de la Grande-Terre et de la Basse-Terre, séparées par un bras de mer appelé la Rivière Salée, mais également des îles du Sud que sont la Désirade, Marie-Galante et les deux îles des Saintes (Terre-de-Haut et Terre-de-Bas).
* 100 Étaient ainsi représentées les principales forces politiques de la majorité du conseil général : Guadeloupe unie, socialisme et réalités, le Parti progressiste démocratique guadeloupéen, la fédération guadeloupéenne du Parti socialiste et le Parti socialiste guadeloupéen.
* 101 A plusieurs reprises, des élus guadeloupéens ont signalé que l'existence de deux collectivités était perçue par la population comme une garantie démocratique, le président du conseil général étant un contre-pouvoir pour le président du conseil régional et vice versa.
* 102 L'inscription d'office au budget d'une collectivité, par le préfet, d'une dépense obligatoire résulte d'une mise en demeure, restée sans effet, adressée à la collectivité par la chambre régionale des comptes, saisie le cas échéant par le préfet (article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales). Lorsque les crédits sont inscrits, le préfet peut mandater d'office une dépense obligatoire de la collectivité, après mise en demeure restée sans effet (article L. 1612-16 du même code). Le préfet peut se substituer au maire lorsque celui-ci, en sa qualité d'agent de l'État, refuse de faire les actes prescrits par la loi (article L. 2122-34 du même code). En matière de police municipale, le préfet peut, en cas de négligence des autorités municipales d'une ou plusieurs communes, prendre « toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques » (article L. 2215-1 du même code). Le préfet peut se substituer, après mise en demeure, au président du conseil général lorsque celui-ci néglige d'exercer ses attributions en matière de police sur le domaine départemental (article L. 3221-5 du même code). Le code de la santé publique comporte des dispositions analogues, en cas de menace sur la santé publique (article L. 1311-4).
* 103 A cet égard, Mme Marie-Laure Phinéra-Horth, maire de Cayenne, a fait état d'un projet de syndicat entre le département et la ville de Cayenne, pour le traitement des ordures ménagères.
* 104 Le premier alinéa de l'article 349 du traité instituant la Communauté européenne, tel qu'il résulte du traité de Lisbonne, stipule en effet : « Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de la Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application des traités à ces régions, y compris les politiques communes. ».