V. DÉPLACEMENT DANS LE NORD-PAS-DE-CALAIS (9 NOVEMBRE 2010)
Composition de la délégation :
M. Martial Bourquin, président ; MM. Jean-Claude Danglot, Jacques Legendre et Paul Raoult .
_____________________
|
• Table ronde à la sous-préfecture de Cambrai avec les chefs d'entreprise de la ZA de Cambrai Actipole ; |
• Déjeuner de travail à la mairie de Caudry avec les représentants de la filière textile et dentelle ; |
• Table ronde I-Trans à Valenciennes au centre technologique pour les transports terrestres (C3T) ; |
• Visite du Site de Peugeot- PSA à Trith Saint-Léger, site de construction de boîtes de vitesse automatiques.
*
|
A - TABLE RONDE À LA SOUS-PRÉFECTURE DE CAMBRAI
Participants : Etienne Stock, sous-préfet de Cambrai ; François Yoyotte, commissaire à la réindustrialisation ; Anne Ratesic, chargée de mission Dréal ; Thomas Pilot, Direccte ; David Leleu, PDG Cereplas ; M. Fenouillère, directeur du site, Florette-Soleco ; Xavier Ibled, directeur des Affaires publiques, Arc International, Président du pôle de compétitivité « Matériaux à application et usage durable » ; Bernard Bayart, secrétaire général du groupe des fédérations industrielles du Nord-Pas-de-Calais.
M. Jacques Legendre a émis le voeu que la France reste un grand pays industriel et que les emplois de ce secteur puissent être maintenus. Le double objectif de la mission est précisément d'identifier les causes de la désindustrialisation et de faire des propositions pour réindustrialiser.
Cambrai a longtemps été une grande région industrielle, avec une forte présence de l'industrie textile et de la sidérurgie. La forte crise qu'ont traversée ces deux secteurs emblématiques de la région a conduit les élus à privilégier l'implantation d'entreprises appartenant à différents secteurs, plutôt que de favoriser une logique de filière, trop risquée pour le maintien des emplois.
La zone Actipôle de Cambrai, qui a l'avantage d'être située à proximité d'un carrefour autoroutier, accueille plusieurs types d'activités industrielles : des industries agro-alimentaires sont difficilement délocalisables dès lors qu'il s'agit de denrées périssables (une sucrerie, Candia, Florette et bientôt sans doute Fleury-Michon), une usine de fabrication de textile technique (Cereplast), une imprimerie, etc.
M. Martial Bourquin, président, a rappelé que la présence d'un socle industriel fort constitue un rempart pour les économies et est à la source de la création des emplois futurs. Mais cela suppose la mise en oeuvre de politiques volontaristes, telles que les industriels sentent les élus et l'Etat à leur côté et aient ainsi conscience qu'ils ont un rôle fort à jouer.
Pendant la crise, les élus et les services de l'Etat ont été au chevet des entreprises. Il faudrait que cela continue après la crise. Dans le prolongement des États généraux de l'industrie, la mission fera des propositions en faveur d'un soutien renforcé à l'industrie.
M. Fenouillère, directeur du site du groupe Florette , a rappelé que sa société transforme des légumes en aliments frais, prêts à l'emploi, et dispose de onze sites en Europe, dont trois en France, ce qui permet d'assurer un bon maillage du territoire pour la distribution des produits, dont la durée limite de consommation est particulièrement courte (moins de sept jours). De plus, les plates-formes de la grande distribution exigeant une grande ponctualité que le train ne peut offrir, tous les transports de marchandises se font par la route.
C'est une des raisons pour lesquelles le site de Cambrai a été choisi, car il se situe au carrefour d'un réseau routier et d'un bassin de consommation de plus de 70 millions de clients potentiels, y compris à l'export, englobant le Nord de la France, la Ruhr et le Benelux. Avec bientôt 20 % de part de marché en Allemagne et 40 % en Belgique, Florette connaît un fort développement depuis six ans.
Autre avantage : la proximité d'une coopérative de maraîchages locaux avec laquelle le groupe a noué un partenariat d'achat. La stratégie de développement de l'entreprise est en effet fondée sur la conclusion, en amont, de contrats d'achat de long terme avec les producteurs, ce qui permet de ne pas subir les variations de prix.
Enfin, le Cambrésis est réputé pour le professionnalisme des salariés. Or un des défis était de former en neuf mois les futurs employés de l'usine. Le partenariat mis en place avec Pôle emploi a été fructueux et le démarrage s'est déroulé dans d'excellentes conditions : le jour de l'ouverture du site, 25 000 sachets de salades ont été produits.
M. Martial Bourquin, président, a souligné l'importance de l'accueil réservé aux entreprises par les services de l'Etat et les élus, mais aussi de la qualité de la main-d'oeuvre, élément souvent déterminant.
M. Jacques Legendre a fait valoir que la région a une tradition agricole et maraîchère forte (endives, chicorée, etc.), qui a constitué un terreau favorable pour accueillir l'entreprise Florette. La communauté d'agglomération s'est parallèlement mobilisée pour offrir aux entreprises qui souhaitent s'installer des lieux adaptés.
M. Fenouillère a précisé que le site de Cambrai regroupe 160 salariés à temps plein et produit 100 000 sachets de salades par jour.
M. Jean-Claude Danglot a souligné à son tour la qualité de la main-d'oeuvre locale.
M. Fenouillère a confirmé que cela n'était pas le cas partout. Il est particulièrement difficile de trouver des personnels qualifiés pour exercer des métiers techniques et d'encadrement.
M. Martial Bourquin, président, a souhaité que l'enseignement technologique se situe au coeur du système éducatif et puisse attirer les meilleurs élèves. Les processus de production demandent aujourd'hui, encore plus qu'avant, des formations de niveau élevé. Cela suppose en particulier de développer, comme en Allemagne, les enseignements en alternance et d'en faire une filière d'excellence.
M. Jacques Legendre a fait valoir la présence à Cambrai d'un lycée agricole avec une filière agro-alimentaire, qui va jusqu'au niveau bac +5. Le Cambrésis dispose également d'une large gamme d'enseignements de 1 er cycle débouchant sur différentes filières technologiques.
M Martial Bourquin, président, s'est enquis des éventuels obstacles à l'installation ou au développement de l'industrie dans la région.
Mme Marie-Laure Balmes, directrice de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), a distingué trois vagues de désindustrialisation dans la région : les Trente Glorieuses, qui ont pourtant permis de créer 900 000 emplois en France, se sont traduites pour la région par la perte de plusieurs dizaine de milliers d'emplois ; entre 1954 et 1975, 172 000 emplois ont disparu et après 1975, l'industrie a regagné 70 000 emplois.
La région se situe en 16 ème position en matière de spécialisation de l'industrie et en 4 ème position en termes d'emplois.
La crise récente a fait apparaître des comportements différents de la part des entreprises, qui ont préféré recourir au temps partiel et à la formation plutôt que de licencier. Les années 2008 et 2009 ont néanmoins été particulièrement difficiles.
La Direccte cherche à développer une approche en termes de filière, afin de disposer d'éléments statistiques plus précis sur la chaîne de valeur ajoutée. S'agissant de l'emploi, le recours à l'intérim mériterait d'ailleurs d'être étudié, étant très utilisé dans l'industrie.
Il convient, en outre, de changer de regard sur ce secteur, la valeur ajoutée dégagée par la vente des produits industriels portant aujourd'hui davantage sur le service qui lui est lié que sur le produit lui-même : le meilleur exemple est celui de l'abonnement associé à la vente d'un téléphone portable.
Enfin, s'agissant de l'attractivité des territoires pour les industries qui souhaitent s'implanter, l'implication et la réactivité du service public de l'emploi sont essentielles : c'est à lui que revient la responsabilité de développer les offres de formation en direction de l'industrie. Or les formations dans ce domaine, considérées à tort comme peu porteuses d'avenir, pâtissent d'une image très négative. Leur essor passe par le développement des enseignements en alternance et d'actions de communication dès l'école pour valoriser les métiers de l'industrie.
M. François Yoyotte, commissaire à la réindustrialisation , a rappelé que ses fonctions sont provisoires et s'inscrivent dans une logique de mission en réaction à la crise pour « anticiper, accompagner et revitaliser » le territoire avec l'appui des sous-préfectures en coordination avec les services de l'Etat. Son action s'appuie sur les services de la Direccte, qui ont une connaissance fine du tissu économique local et du bassin d'emploi.
Entre 2001 et 2010, sur les 286 000 emplois industriels que comptait la région, 67 000 ont été supprimés, soit une baisse de 28 % contre 18 % au niveau national. Entre 2000 et 2009, la valeur ajoutée (VA) dégagée par l'industrie a diminué de 10 % contre seulement 8% au niveau national, tandis que celle des services augmentait de 48 % contre seulement 40 % au niveau national. Ainsi, la part de l'industrie dans le PIB régional ne représente plus que 18 %.Ceci s'explique en grande partie par l'externalisation des emplois intérimaires.
Si l'on distingue l'évolution de la VA selon les secteurs : elle a diminué de 12 % dans l'industrie agro-alimentaire (IAA) contre 4 % au niveau national ; de 28 % pour les biens de consommation (-8 % au niveau national) et de 7 % dans le secteur de l'automobile (contre 30 % au niveau national).
Certains territoires ont été préservés de la crise principalement grâce à leur situation géographique, leur positionnement sectoriel et leur diversification mais aussi grâce à la mobilisation des acteurs : c'est notamment le cas du Valenciennois et de Lens-Liévin. A l'inverse, la situation se dégrade dans le Dommarois, l'économie reposant sur une seule activité, tandis que Calais, Maubeuge et la Vallée de la Sandre rencontrent des difficultés.
M. Xavier Ibled, directeur des Affaires publiques, Arc International, Président du pôle de compétitivité « Matériaux à application et usage durable » a rappelé qu'Arc international est un groupe mondial resté familial, qui représente plus d'un tiers des 32 000 emplois du bassin de Saint-Omer. Le groupe a dû réorienter sa stratégie de développement après la chute du mur de Berlin avec l'intensification des échanges, la concurrence des pays émergents et la plus large diffusion des technologies.
Pour préserver les parts de marché du groupe et, autant que possible, les emplois en France, il a fallu accepter de délocaliser les produits les plus simples en Chine, ce qui a déjà entraîné 6 500 pertes d'emplois, bientôt 7 500. En revanche le centre de recherche et développement (R&D) du groupe sera maintenu sur place, à Arques. L'objectif est également de conserver une main d'oeuvre qualifiée dans le bassin d'emploi, la maîtrise du métier de verrier nécessitant plusieurs années de formation et d'expérience.
Jean-Claude Danglot a confirmé la situation très critique du Dommarois, la mobilisation des acteurs pour revitaliser ce secteur après la disparition des charbonnages ayant été malheureusement insuffisante.
M. François Yoyotte a mentionné la mise en place d'un contrat de site sur le bassin d'emploi de Saint-Omer, avec une forte mobilisation de crédits publics, en particulier pour permettre le passage à deux fois deux voies de l'autoroute A 26, favoriser les investissements et l'accueil d'entreprises dans la zone d'activité et diversifier ainsi le tissu industriel.
M. Martial Bourquin, président, est convenu de la difficulté de se maintenir dans un secteur très concurrencé par les pays d'Europe de l'Est, la Pologne par exemple produisant du cristal à bas prix.
M. Xavier Ibled, a indiqué que la cristallerie souffre de ce fait d'une dégradation de l'image de ses produits, 80 % de l'activité reposant sur la verrerie classique. De plus, les ventes se font dans 60 % des cas en dollars tandis que les coûts de production sont facturés en euros, ce qui a considérablement réduit les marges.
M. Martial Bourquin, président, a pris pour exemple une entreprise de son département dont l'avenir était compromis à moyen terme et qui a fait le choix d'investir 22 millions d'euros pour se reconvertir dans des produits haute technologie, à forte valeur ajoutée, moins sensibles à la concurrence. Dans ce cas, la reconversion s'est faite « dos au mur » mais elle aurait pu être anticipée et opérée de façon offensive, grâce à des investissements permanents en R&D.
M. Xavier Ibled a souligné l'effort constant de son groupe en faveur de la recherche : avec trois cents collaborateurs qui y contribuent, la R&D constitue le coeur d'activité du groupe et le nerf de la guerre contre les concurrents.
Mme Marie-Laure Balmes a fait valoir l'intérêt de revitaliser le secteur en favorisant l'implantation d'un autre type de verrier, ce qui permettra de réorienter les personnels qualifiés dans ce domaine, qui ont été licenciés.
M. Xavier Ibled a objecté qu'il est difficile de créer une nouvelle usine en moins de deux ans, alors qu'il faudrait qu'elle puisse l'être en moins de huit mois. Le groupe Arques a fait le choix de se maintenir dans la région car il est impossible de trouver de tels savoir-faire ailleurs, même en Europe. Il existe un deuxième site de production à Châteauroux et le groupe a des implantations dans les Emirats arabes unis, en Chine et aux États-Unis.
M. François Yoyotte a insisté sur le rôle décisif joué par « Nord France Experts », structure réunissant des chargés d'affaires de bon niveau en lien avec le réseau des agences locales de développement. L'intervention de ces organismes constitue indéniablement un élément positif pour les territoires concernés.
M. Jacques Legendre a confirmé la très forte mobilisation de l'agence de développement de Cambrai, en particulier sur la question de l'énergie et sur les implantations d'usines (Bonduelle, par exemple).
Il a ensuite évoqué le problème que pose la présence de sites archéologiques sur des terrains qui pourraient être mobilisés pour l'industrie, souhaitant que le patrimoine archéologique de devienne pas un élément discriminant pour un territoire.
En réponse à la question de M. Jean-Claude Danglot qui s'interrogeait sur une certaine tendance à la relocalisation, M. François Yoyotte a répondu par l'affirmative, citant le comportement « citoyen » de certains constructeurs automobiles qui ont finalement fait le choix de s'implanter ou de se développer dans la région.
M. Martial Bourquin, président, a déploré la faible culture industrielle française et le manque de volonté de la développer. A cet égard, il a souligné l'importance des agences de développement et des réseaux d'entreprises, intégrant aussi des concurrents, qui constituent des contacts irremplaçables pour mener à bien des actions de revitalisation.
M. François Yoyotte a indiqué que la Direccte a conclu 42 conventions de revitalisation avec l'aide du Finorpa, principal pourvoyeur de fonds propres pour les PME du Nord-Pas-de-Calais, faisant valoir que ce mode opératoire permet une mutualisation des moyens. Lorsque plusieurs conventions sont signées dans le même semestre, elles sont globalisées avec un point d'application territorialisé.
M. Martial Bourquin, Président, a fait observer que les PME ont globalement bien résisté à la crise et qu'elles constituent le principal gisement d'emplois et d'innovations. Pour cette raison, il a souhaité que le crédit d'impôt recherche (CIR) soit davantage orienté vers les PME et les activités industrielles, afin de limiter les effets d'aubaine et le détournement de ce dispositif par les banques.
M. Bernard Bayart, secrétaire général du groupe des fédérations industrielles du Nord-Pas-de-Calais (GFI) , a dit représenter plus de 2 500 entreprises du Nord-Pas-de-Calais qui investissent et innovent pour rester dans la région. Favorable à la mise en place de véritables politiques de filières territoriales, il a plaidé en faveur du développement des partenariats entre donneurs d'ordre et sous-traitants. Très souvent, les PME ne délocalisent pas et sont à l'origine de la majorité des créations d'emplois. Il s'agit de favoriser leur développement, pour qu'elles puissent devenir des entreprises de taille intermédiaire (ETI). En 2005, l'Etat et la région ont mis en place, en partenariat avec les universités, un projet appelé « Cap action », qui a pour but de mutualiser les compétences et les moyens de plusieurs PME pour favoriser la réalisation de projets innovants. Force est de constater, avec cinq ans de recul, que ce dispositif fonctionne bien et a permis de conquérir de nouveaux marchés.
Mme Marie-Laure Balmes a fait le constat d'une crise profonde des sous-traitants de rang 1, même si l'on observe le rapatriement de la sous-traitance de capacité et le maintien relatif de la sous-traitance de spécificité.
M. Martial Bourquin, président, s'est dit favorable à la mise en place de contrats de filière pour mieux encadrer le comportement des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants. Les pôles de compétitivité peuvent aussi être un lieu d'échanges des expériences entre grands groupes et PME.
M. Bernard Bayart a souligné les difficultés d'accès des PME aux pôles de compétitivité.
M. Jacques Legendre a rappelé que la région a beaucoup souffert de la mono-industrie. C'est la raison pour laquelle la zone d'activité de Cambrai a fait le choix de la diversification, en associant des entreprises du secteur de l'agro-alimentaire (Candia, Florette), de la plasturgie (gobelets jetables), de l'automobile, du textile (Cereplas) ou encore de plusieurs plates-formes logistiques (Morgane, Columbia, Lidl).
M. David Leleu, PDG de Cereplas , a expliqué avoir créé sa société en 1994, grâce à l'accompagnement de la CCI et à des aides financières du Lion's Club (30 000 francs), de Cambrésis Initiatives (40 000 francs) et de la région (50 000 francs). Cereplas est spécialisée dans la fabrication de textiles techniques de contention pour la chirurgie réparatrice (pansements, renforts pariétaux), puis s'est diversifiée dans la fabrication de prothèses mammaires en silicone, d'anneaux gastriques ou encore de prothèses aortiques collagènées.
Pour les implants, bien que ce soient des produits à haute valeur ajoutée qui se vendent sur un marché de niche, il a fallu développer un nouvel outil de production afin de pouvoir les fabriquer sur-mesure, de façon automatisée. L'usinage était indispensable sinon le coût de production aurait été trop élevé du fait du passage aux 35 heures.
Pour accompagner son développement et en particulier l'acquisition d'un plus grand terrain et la création d'un nouveau bâtiment industriel, la société a bénéficié d'aides du Fonds européen de développement régional (Feder), de l'agglomération et du conseil régional ainsi que de la prime à l'aménagement du territoire.
Par ailleurs, ce type de produits nécessitant un fort investissement en R&D (20 % du chiffre d'affaires), le CIR a joué un rôle décisif dans le développement de la société. Autre enjeu : la main d'oeuvre hautement qualifiée. On manque cruellement d'ingénieurs dans le domaine textile. Les PME devraient pouvoir recourir plus facilement à l'apprentissage, souvent trop coûteux pour elles. A temps égal passé dans l'entreprise, les apprentis de l'école supérieure des arts textiles coûteraient presqu'aussi cher qu'une personne diplômée : 1 800 euros contre 2 000 euros pour un ingénieur formé.
Mme Marie-Laure Balmes a émis des doutes sur ce dernier point.
M. Bernard Bayart a fait valoir qu'il ne faut pas négliger le coût du tutorat.
A M. Martial Bourquin qui demandait comment protéger le capital d'une société dotée d'un niveau de technologie très élevé, M. David Leuleu a répondu qu'il n'était pas vendeur, et qu'il ne le serait pas tant qu'il estimerait que sa société possède encore un potentiel de développement.
M. Jean-Claude Danglot a souhaité aborder la question de l'opportunité des subventions et aides publiques.
M. David Leuleu a rappelé que le soutien initial de la CCI via un prêt d'honneur de 50 000 francs a été décisif pour la création de son entreprise. Il a également insisté sur la qualité de l'accompagnement et de l'aide d'Oséo sous la forme d'une avance remboursable.
M. Bernard Bayart a suggéré la mise en place d'une charte prévoyant que tout pôle de compétitivité doive comporter un minimum de PME aux côtés des grands groupes afin que ces derniers puissent les entraîner sur les marchés tiers et jouent ainsi le rôle d'« ascenseur économique de PME ».
Accueillant favorablement cette proposition, M. Martial Bourquin, président , a rappelé que, pour être performants, les grands groupes avaient besoin à leurs côtés de PME partenaires, capables de produire des composants de qualité.
M. Xavier Ibled est convenu qu'il n'est possible de gagner dans la compétition mondiale qu'avec les meilleurs sous-traitants, ce qui justifie pleinement que l'Etat exige des grands groupes qu'ils associent plus largement les PME au sein des pôles de compétitivité.
B - DÉJEUNER DE TRAVAIL À LA MAIRIE DE CAUDRY AVEC LES REPRÉSENTANTS DE LA FILIÈRE TEXTILE ET DENTELLE
La mission a ensuite participé à un déjeuner de travail à l'invitation de M. Bricout, Maire-Conseiller général de Caudry avec les représentants de la filière « textile et dentelle ».
Participants : Dominique Bracq, Bracq Industries ; vice-président de la CCI, Président de la Commission Textile Avesnes les Aubert ; Christelle Chambeurland, Secrétaire Générale Medef, Cambrai ; Gilbert Clochette, Cardon Tradilinge UPTC Cambrai ; Jean-Marie Cottignies, société Méresse, Pdt de la section Broderie de l'UPDB Caudry ; Chantal Dubois, Déléguée syndicale FO ; Nicolas Lemaire, Tissus Michèle Lemaire, Président de l'association « les Brodeurs de France », Walincourt-Selvigny ; Christophe Machu, Solstiss, Président de l'UPDB Caudry ; Patrick Oblin, CCI ; Jean-Luc Potencier, Potencier Broderies, Président de la section Broderies de la FFDB Villers-Outréaux ; Francis Stoclet, Délégué syndical CGT.
En préambule, M. Paul Raoult a expliqué que la reconversion industrielle du bassin minier s'est principalement opérée autour du secteur automobile, dont l'activité représente un tiers de la production industrielle régionale, et dans une moindre mesure dans les industries agro-alimentaires. La région pâtit d'une image extrêmement négative de l'industrie, celle-ci n'ayant pas été épargnée avec de fortes pertes d'emplois dans le textile, les charbonnages et la sidérurgie.
Puis, divers sujets ont été évoqués :
- plusieurs participants ont déploré les retards de paiement par la Direccte du chômage partiel , ceux-ci pouvant atteindre 5 à 6 mois et se traduisant pour les salariés par des difficultés insolubles ;
- les difficultés liées aux centrales d'achat ont largement été abordées, même si la loi de modernisation de l'économie (LME) a permis une amélioration des conditions de règlement plus favorable aux fournisseurs
- le coût de l'électricité en France a été reconnu comme un avantage compétitif indéniable ; en revanche la réactivité des services d'ERDF et d'Orange a été vivement mise en cause , leur défaillance ayant pour conséquence de ralentir voire de compromettre les projets de développement des entreprises (délais de réponse pour le branchement d'un nouveau magasin supérieurs à six mois ; installation d'une ligne de téléphone en septembre mais facturée dès le mois de mai !) ;
- la qualité de la main d'oeuvre et, en conséquence, celle des produits ont été présentées comme deux éléments susceptibles de favoriser le retour en France de sites de production délocalisés ;
- les contraintes réglementaires et administratives et leur complexification ont été unanimement critiquées, leur traitement exigeant l'embauche d'au moins une personne à mi-temps de niveau maîtrise ;
- de façon générale, la fiscalité appliquée aux entreprises a été jugée moins favorable en France que dans les autres pays, tandis que les aides apportées à l'industrie sont inéquitablement réparties entre les secteurs (l'automobile étant nettement plus favorisée que le secteur textile par exemple, qui ne perçoit aucune subvention) ;
- les délocalisations s'expliquent principalement par le différentiel de coûts de la main d'oeuvre (salaire d'un ouvrier : 1 050 euros nets en France contre seulement 450 euros au Portugal), mais aussi par la disparition de certaines activités en France telles que la teinture ou la confection, les sites ayant tous été délocalisés. En revanche, la main d'oeuvre, plus qualifiée, est plus productive que dans les autres pays. Mais il faudrait envisager un moyen de diminuer les charges sociales et de revenir sur le passage aux trente-cinq heures, trop coûteux pour les entreprises ;
- les difficultés d'accès au crédit ont été jugées comme une entrave forte au développement des PME. Une des causes de ces difficultés pourrait résulter de l'éloignement du pouvoir de décision, les agences de proximité ayant été dessaisies au profit des centres bancaires implantés dans les grandes agglomérations. Pour un prêt excédant 100 000 euros par exemple, il faut aller à Lille. On observe également qu'il est plus aisé d'obtenir un prêt pour acheter une voiture de luxe que pour investir dans une entreprise et créer des emplois ;
- pour les entreprises qui exportent, les fluctuations de la parité euro/ dollar représentent un problème majeur ;
- l'innovation et la protection des créations sont une préoccupation constante : les collections sont renouvelées à un rythme soutenu (10 % de nouveautés chaque année) avec une très forte exigence de qualité, pour accrocher les marchés de niche du luxe. Les coûts de production en France ne permettent pas de se positionner de façon favorable sur les marchés de masse. L'avantage compétitif majeur de l'industrie textile française est sa créativité et ses innovations (textiles techniques, nouvelles matières, ...), très recherchées et reconnues à l'étranger. C'est la raison pour laquelle le CIR doit être préservé à tout prix et que les délais de versement (7 mois en moyenne) soient raccourcis ;
- la protection de l'innovation passe aussi par la préservation des savoir-faire qui se raréfient à tel point que le salaire mensuel d'un tulliste, par exemple, atteint jusqu'à 3 200 euros bruts. L'activité du secteur textile étant très cyclique, les entreprises sont périodiquement contraintes de licencier. Si les salariés concernés ne sont pas réembauchés très vite - ce qui est souvent le cas - la compétence se perd et certains d'entre eux préfèrent se reconvertir plutôt que d'accepter des missions d'intériM. D'autant plus que, aux dires des représentants syndicaux eux-mêmes, les conventions de reclassement personnalisées (CRP) sont trop avantageuses, puisqu'elles permettent de percevoir jusqu'à 80 % de son salaire pendant 12 mois. On observe également une forte réticence des jeunes à s'orienter vers l'industrie textile, qui n'est pas considérée comme étant un secteur d'avenir. La main d'oeuvre est donc vieillissante. L'attractivité de ces métiers pâtit en particulier de niveaux de salaires très inférieurs à ceux pratiqués dans d'autres secteurs (banques par exemple) ;
- de façon générale, l'industrie se sent abandonnée par l'Etat . Il faudrait qu'il s'engage à soutenir davantage la « marque France » ;
- le manque de rapidité des services de l'Etat a également été déploré, en particulier s'agissant de la gestion des dossiers de chômage dont les délais de traitement sont en moyenne de 5 à 6 semaines. Par ailleurs, la souplesse concernant les délais de paiement accordés par les Urssaf se traduisant en contrepartie par des prises de garanties de trésorerie, elle a pour effet pervers d'accentuer la frilosité des banques vis-à-vis des entreprises en difficultés qui ont des besoins de trésorerie. Dans un autre domaine, lorsqu'il s'agit de libérer du foncier pour permettre l'installation ou l'extension d'une entreprise, les délais d'obtention des autorisations administratives peuvent excéder deux ans lorsqu'il s'agit d'installations ou de sites classés ;
- ont été également signalés les cas de salariés, qui ne perçoivent plus leurs salaires depuis plusieurs mois, leur entreprise n'étant plus en mesure de les payer, sans qu'ils ne puissent non plus être déclarés au chômage tant que la société n'a pas été placée en liquidation judiciaire. Ainsi, privés de revenus, ils ne sont plus en mesure d'honorer leurs éventuelles mensualités de crédit. A ce propos, M. Martial Bourquin, président , a souhaité que soit mis en place un dispositif de sécurisation des parcours professionnel, inspiré du modèle danois de « flexisécurité », qui prévoie une obligation de se former assortie de garanties sociales en cas de licenciement ;
- enfin, plusieurs intervenants ont plaidé en faveur du développement de l'apprentissage, ce type de formation étant la meilleure façon d'acquérir une première expérience professionnelle. Il subsiste néanmoins pour les jeunes qui s'orientent dans cette voie des difficultés pour trouver un stage, en particulier dans le secteur automobile, ce qui compromet bien souvent leur scolarité. M. Martial Bourquin, président , s'est prononcé en faveur de mesures permettant de surmonter les réticences des entreprises à embaucher des stagiaires, celles-ci ayant tout intérêt à le faire pour disposer ensuite d'une main d'oeuvre qualifiée. M. Jacques Legendre a rappelé que le développement des filières de formation en alternance résulte de la loi de 1980 dont il est à l'origine. Il faudrait lui donner un nouveau souffle en s'inspirant du modèle allemand.
C - TABLE RONDE : PÔLE DE COMPÉTITIVITÉ « I-TRANS » À L'UNIVERSITÉ DE VALENCIENNES
Participants : MM. Mohamed Ourak, président de l'Université ; Yves Ravalard, directeur scientifique du Pôle de compétitivité I-Trans ; Gilles Kern directeur du site d'Alstom à Valenciennes, Bombardier, Daniel Cappelle, Directeur développement et ventes de Valdunes et Denis Wautier, Président de Valutec,
La mission a ensuite visité le Centre technologique en transports terrestres (C3T).
Au cours d'une courte présentation introductive, il a été rappelé que le Nord-Pas-de-Calais est la première région française en matière d' industrie ferroviaire puisqu'elle englobe plus de 30 % de l'activité de ce secteur en France. En termes d'emplois, ce secteur représente plus de 10 000 salariés dans plus de 150 entreprises à l'échelle de la région. A ce titre, l'Association des industries ferroviaires Nord- Pas-de-Calais-Picardie fédère plus de 91 entreprises, lesquelles représentent 9 500 emplois.
Bénéficiant de l'implantation de deux des trois leaders mondiaux de l'industrie ferroviaire que sont Alstom et Bombardier, de plusieurs entreprises sous-traitantes, mais également de l'un des trois Centres d'Essais Ferroviaires (CEF), du Centre de français certification des matériels ferroviaires (Certifer), d'une université où la recherche et la formation sont largement orientées vers les transports, du siège de l'Agence ferroviaire européenne (AFE) et du pôle de compétitivité I-Trans, le Valenciennois concentre à lui seul la plus grande partie de cette activité régionale.
Fondée en 1964, l' Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis (UVHC) s'est imposée comme le pilote à l'échelle régionale en matière de recherche dans le domaine des transports durables. Elle propose également des formations d'excellence notamment un master en systèmes de transports ferroviaires et guidés destiné à former les experts de demain.
Avec 10 500 étudiants et 650 chercheurs (dont 200 dans le domaine des transports), l'UVHC dispose de plusieurs laboratoires de référence dédiés à ces problématiques dont le Laboratoire d'Automatique et de Mécanique et d'Informations Industrielles et Humaines (LAMIH), possédant le label CNRS. Ce dernier pilote le CISIT, Campus Interdisciplinaire de recherche, d'innovation technologique et de formation à vocation internationale, centré sur la Sécurité et l'Intermodalité des Transports de surface. Le CISIT regroupe 350 chercheurs à l'échelle régionale qui travaillent pour douze laboratoires et trois centres de développement technologique régionaux, dont le C3T.
Ainsi, dotée d'équipements importants dans le domaine du transport, l'UVHC aide les entreprises dans leur démarche de recherche, innovation et développement. Géré par une filiale de valorisation, Valutec SA, le C3T dispose de moyens d'essais importants répartis dans différents ateliers sur une surface totale de plus de 1 700 m 2 : catapulte, puits de chute, banc chocs piétons, vérins, chambre acoustique, simulateur de conduite, banc de manoeuvre et de freinage, simulation numérique, etc.
La mission a assisté à un choc dynamique généré par une catapulte permettant de tester la résistance d'un élément déclassé dans un des ateliers d'essais du campus.
Puis elle a participé à une table ronde réunissant plusieurs membres du pôle de compétitivité, I-trans.
En préambule, M. Yves Ravalard, directeur scientifique du pôle de compétitivité I-Trans, a rappelé que ce pôle, créé en 2005, réunit les principaux acteurs de l'industrie, de la recherche et de la formation dans le domaine du ferroviaire et des systèmes de transports terrestres, avec pour objectif de placer le train au coeur des systèmes de transports innovants. Il rassemble plus d'une centaine d'entreprises, 53 organismes de recherche et de formation et 1 800 chercheurs publics.
Pôle référent pour la conception, la construction, l'exploitation et la maintenance des systèmes de transports durables, I-Trans inscrit ses activités et services dans les objectifs environnementaux du Grenelle de l'environnement. Le pôle entend également répondre aux besoins croissants de transport de fret et de voyageurs par le développement de solutions co-modales.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat en charge des technologies vertes et présidente de la communauté d'agglomération de Valenciennes, a expliqué que l'installation du tram-train a permis de désenclaver le pays de Condé et de le valoriser et de le ré-urbaniser. Ce mode de transport, qui permet d'économiser 1 300 tonnes de CO 2 par ligne, est intégralement fabriqué dans le Valenciennois.
M. Martial Bourquin, président , a estimé que la constitution d'un lien entre l'université, la recherche, l'innovation et les entreprises est un atout fondamental pour l'industrie, d'autant plus lorsque le pôle allie des grands groupes tels qu'Alstom ou Bombardier, mais aussi des PME.
M. Gilles Kern, directeur du site d'Alstom à Valenciennes , a indiqué que le site, spécialisé dans la conception, la réalisation et le service après vente de matériel de transport urbain et régional (tram-strain), regroupe 1 350 salariés et 180 intérimaires, dont un tiers d'ingénieurs-cadres, un tiers d'agents techniciens de maîtrise et 40 % d'ouvriers. La création d'un emploi chez Alstom en crée trois autres dans les entreprises avec lesquelles le groupe travaille.
La doctrine du groupe est d' « innover aujourd'hui pour être compétitif demain », c'est indispensable pour assurer la pérennisation de l'entreprise. Actuellement, l'avantage compétitif du groupe réside dans la technologie de la grande vitesse. Le défi actuel est de produire plus vite et moins cher pour répondre aux exigences croissantes des clients en termes de délais de disponibilité des trains. Il s'agit de travailler à la fois sur le produit et le processus de production.
Des progrès pourraient aussi être réalisés sur les délais d'homologation et de certification des matériels, le système actuel, du fait de la dissociation de la gestion de l'exploitation et des infrastructures par la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), étant trop complexe.
I-Trans permet une agrégation des savoirs entre les laboratoires universitaires, le monde industriel et les entreprises. Un des chantiers est l'innovation dans le domaine de la métrologie sur le couple produit-processus de production.
M. Daniel Cappelle, directeur du développement et des ventes de Valdunes , a défini sa société comme une entreprise de taille intermédiaire (ETI), mariée à un groupe allemand, implantée en France, en Belgique et en Allemagne et regroupant 1 000 salariés. Président de l'association des industries ferroviaires qui regroupe des équipementiers, des sous-traitants de rang 1 et 2 et des donneurs d'ordre, il a indiqué que le secteur pâtit d'un manque d'équipementiers de premier niveau. Il a donc suggéré d'accompagner les sous-traitants de rang 2 pour favoriser leur regroupement ou leur montée en gamme vers le rang 1.
La présence à Valenciennes de l'Agence ferroviaire européenne, du centre d'essais techniques et du pôle I-Trans a permis de constituer peu à peu un tissu industriel qui représente un réel atout pour le secteur. Il s'agit de « jouer groupés » autour des projets structurants pour ne pas « jouer contre la filière ». La recherche et l'innovation devront s'orienter en priorité vers le service, en particulier la maintenance d'essieux montés. Le coût du projet est estimé à 2 millions d'euros. Il devrait permettre de dégager un niveau élevé de valeur ajoutée et d'éviter ainsi des délocalisations.
Autre défi : l'exportation. Les grands groupes, tels qu'Alstom ou Bombardier, ont un rôle essentiel à jouer en la matière, en emmenant avec eux les plus petites entreprises avec lesquelles ils travaillent, pour affronter la concurrence des pays à bas coûts.
Enfin, plusieurs groupes se sont mis en place pour faire de la recherche-innovation, notamment concernant la mise en peinture des trains.
M. Gilles Kern a souligné l'importance des choix stratégiques faits par le pôle en termes d'innovation, le manque de moyens les condamnant à ne pas se tromper dans les orientations choisies. L'objectif est de proposer un produit d'excellence à exporter en mettant le client dans la « boucle » SNCF.
M. Yves Ravalard a signalé la mise en place de comités de filière ferroviaires, avec les laboratoires des pôles, sous l'impulsion des contraintes liées à l'interopérabilité.
M. Daniel Cappelle a indiqué que la montée en gamme vaut aussi pour les grands groupes, qui devront s'impliquer davantage sur la maintenance des matériels. Il s'agit d'accompagner ce changement d'état d'esprit. La plateforme pédagogique mise en place à destination des jeunes pour leur présenter le « système train » devrait y contribuer.
M. Yves Ravalard a également insisté sur l'importance des défis à relever en termes d'innovation pour les infrastructures, notamment dans les pays émergents.
M. Martial Bourquin, président, s'est dit préoccupé par la protection des innovations, le système actuel des brevets ne permettant de pas de préserver nos technologies à l'export. Comment arbitrer entre la perte d'un marché et la protection des innovations ?
M. Denis Wautier, Président de Valutec, a rappelé que plus de 500 TGV ont été produits en Europe au cours des trente dernières années tandis que les besoins des Chinois atteignent 500 trains par an. Cette situation conforte l'idée selon laquelle il faut préserver notre technologie pour rester en tête sur ce marché.
Il a ensuite évoqué les obstacles que rencontrent les PME pour accéder à l'innovation. Elles ne font d'ailleurs pas forcément de différence entre « évolution du produit » et « innovation » et vivent souvent dans l'ombre des grands groupes. Elles pourraient pourtant s'atteler à l'optimisation des processus de production, en s'engageant dans une logique de « remanufacturing ». Mais elles n'ont pas l'habitude de se tourner vers les laboratoires de recherche pour innover. C'est avant tout un problème culturel. Une sensibilisation des PME- PMI sur ces sujets est indéniablement nécessaire pour favoriser leur développement sur le modèle de la Silicon Valley.
Autre difficulté pour les PME, les procédures de certification coûtent cher en moyens et en personnels. C'est notamment le cas de la labellisation Cofrac (Comité français d'accréditation). L'évolution des normes ferroviaires constituent pour elles des barrières à l'entrée de certains marchés.
Enfin, pour faire face à la compétitivité des pays à bas salaires, les grands groupes exigent de leurs sous-traitants qu'ils créent des filiales dans ces pays afin de réduire les coûts globaux de production.
M. Daniel Cappelle a souligné à cet égard tout l'intérêt du pôle de compétitivité qui contribue à la création d'un maillage territorial. Il s'agit aussi d'éviter que ne subsistent en France que des activités « tournevis » d'assemblage.
M. Ourak, président de l'Université, a rappelé le fort engagement de l'Université de Valenciennes en direction des métiers de ce secteur, avec en particulier la création d'un Master « Automatisation intégrée et Systèmes homme-machine », très orienté sur l'innovation et l'univers professionnel, avec l'obligation de réaliser des stages industriels en alternance de six à neuf mois. Il en résulte une forte présence du monde de l'entreprise au sein même de l'université. Il conviendrait de développer cette approche au niveau national dans les autres universités : cela suppose de procéder à une réelle évolution culturelle, l'enseignement à la française privilégiant traditionnellement la formation des esprits au détriment des applications pratiques. De la même façon, il convient du côté des entreprises d'ouvrir plus largement le recrutement aux docteurs en sciences et aux ingénieurs.
M. Yves Ravalard a précisé que plus de soixante projets étaient en cours de labellisation au niveau du pôle de compétitivité, parmi lesquels la mise en place de plateformes d'innovation et d'écosystèmes fédérant des laboratoires et des entreprises. Les délais d'homologation sont malheureusement trop souvent beaucoup trop longs et peu adaptés au temps du marché.
Mme Valérie Létard a rappelé que la région a subi violemment la crise de la sidérurgie, toutes les activités du groupe Usinor s'étant arrêtées brutalement. Le choix d'une stratégie mono-industrielle a été dévastatrice en termes d'emplois et a contraint les acteurs économiques à se serrer les coudes pour être innovants et recréer des activités sur le territoire.
Cette solidarité des acteurs dans l'adversité a été utile en 2008 lorsque la crise est survenue. C'est une des forces du Valenciennois. Le secteur ferroviaire représente près de 10 000 emplois dont 4 000 chez Bombardier et Alstom et 6 000 dans le réseau de sous-traitants. Les PME représentent 2 000 salariés.
Lors de la création du pôle de compétitivité I-Trans, l'Université de Valenciennes a été un élément moteur essentiel, sans lequel le projet n'aurait pu aboutir. De même, c'est grâce à la solidarité des candidatures de Lille et Valenciennes que la région a pu obtenir l'implantation du siège de l'Agence ferroviaire européenne (AFE). Ces succès résultent d'une véritable stratégie locale et de l'implication forte de la région et de la Communauté d'agglomération de Valenciennes, qui ont toujours soutenu les projets du technopôle ferroviaire (financement de l'aménagement du site, laboratoires, immobilier d'entreprise, etc.).
Afin de renforcer l'attractivité du territoire, les bureaux d'études ont favorisé l'accueil d'entreprises qui fabriquent des produits intégrant de la matière grise et qui ne se bornent pas à assembler des composants produits ailleurs.
La région a également répondu à l'appel à projet pour la création d'un Institut de recherche technologique (IRT) dans le cadre du Grand emprunt. L'objectif est de décrocher les autorisations pour construire un centre d'essais ferroviaire, afin d'être au rendez-vous des enjeux de la recherche sur le matériel roulant et les infrastructures.
M. Martial Bourquin, président , a relevé la difficulté des PME à investir en faveur de l'innovation, en particulier s'agissant des équipementiers de rang 2, qui ne disposent pas d'une surface financière suffisante pour embaucher des personnels permanents pour la R&D.
Dans le domaine du fret, seule une volonté politique permettra d'opérer le basculement de la route vers le rail et de développer le ferroutage.
M. Daniel Cappelle a fait observer que le développement du ferroutage suppose l'ouverture des corridors de fret. D'autres projets intermodaux, tels que la liaison Paris-Belgique par le Canal Seine-Nord et le rail, méritent également d'être soutenus.
M. Martial Bourquin, président, a souligné l'avance de l'Allemagne dans le domaine du ferroutage.
M. Yves Ravalard s'est dit, pour sa part, favorable au développement des projets intermodaux, plus porteurs à sons sens, que ceux qui ont pour seule vocation de remplacer la route par le rail.
M. Martial Bourquin, président, a souligné le problème posé par le tunnel assurant la liaison Dijon-Mulhouse, celui-ci n'ayant pas le gabarit suffisant pour permettre le passage des camions sur les trains.
M. Daniel Cappelle a évoqué le projet d'association d'Eurotunnel et du Port de Dunkerque, dans l'objectif de réaliser un réseau de fret.
D - VISITE DU SITE DE PEUGEOT-PSA À TRITH-SAINT-LÉGER
Enfin la mission s'est rendue à Trith-Saint-Léger pour visiter le site de production de boîtes de vitesses de PSA Peugeot-Citroën.
M. Frédéric Przybylski , directeur du site, a présenté brièvement l'activité de l'entreprise, qui regroupe près de 2 490 salariés, dont environ 2 100 en CDI et CDD et plus de 380 intérimaires. En 2008 et en 2009, les effectifs avoisinaient 2 270 personnes, soit 220 de moins qu'aujourd'hui. Etendu sur une surface de près de 90 hectares, le site produit depuis 1981 des boîtes de vitesses manuelles, automatiques, mécaniques compactes pilotées (MCP) et mécaniques compactes manuelles (MCM). En 2009, le nombre de boîtes de vitesses produites a fortement fléchi du fait de la crise (1,27 million contre 1,55 million en 2008) ; l'activité devrait reprendre en 2010, les prévisions estimant la production à 1,58 million.
Plus de 50 % des boîtes produites à Trith-Saint-Léger sont exportées. Elles équipent 45 % des véhicules commercialisés par Peugeot et Citroën : 40 % des 207 et des 407, 90 % des 308, 100 % des Xsara Picasso, des C3 Picasso et des Berlingo de chez Citroën et des Peugeot Partner. Le nombre de boîtes automatiques produites a atteint des niveaux records, tandis que le nombre de boîtes manuelles a finalement décliné moins vite que prévu.
Un contrôle systématique de la conformité des pièces est effectué tout au long du processus de fabrication à une fréquence définie. Responsable de la qualité des opérations qu'il effectue, chaque salarié doit se conformer aux pratiques formalisées dans le standard. Pour garantir leur fonctionnement, toutes les boîtes de vitesses sont testées sur banc d'essais avant d'être expédiées.
Le site a une politique très développée de formation, avec 50 000 heures dispensées chaque année, destinées en particulier à former les salariés au LEAN, c'est-à-dire au système de production PSA, mais aussi aux métiers d'usineur et de monteur.
Le site est également doté d'une antenne « Définition et industrialisation des boîtes de vitesses », qui regroupe 80 personnes et dont l'objectif est d'améliorer l'efficacité des processus de production. Avec le « Service prototypes », le site essaye d'anticiper les évolutions des boites de vitesses et de préparer les futures générations de modèles. A cet égard, M. Frédéric Przybylski a noté que la voiture tout-électrique n'avait pas besoin de boîte de vitesses. Il faut dès maintenant anticiper les évolutions à venir.
Depuis 2001, le site de Valenciennes a mis en place un système de management environnemental, ce qui lui a permis d'être certifié ISO 14 001 dès 2002. La politique du site est axée sur la prévention des pollutions de l'air, de l'eau et du sol ; l'optimisation des consommations d'eau, d'énergie et d'air comprimé ; une meilleure valorisation des déchets grâce au renforcement de la rigueur des tris sélectifs et l'implication de l'ensemble du personnel pour mettre en oeuvre la réglementation.
Puis répondant aux interrogations de la délégation, M. Frédéric Przybylski a précisé que le choix d'implantation sur le site de Trith-Saint-Léger ne relevait pas seulement d'une logique économique. Il s'explique en premier lieu par la présence d'une main d'oeuvre qualifiée dans le domaine de la sidérurgie et par l'existence de synergies industrielles. Fidèle à la France, le groupe Peugeot a néanmoins fait le choix de s'allier avec Fiat et d'installer un site en Italie pour drainer des fonds communautaires.
En réponse à une question de M. Martial Bourquin, Président, sur la protection des technologies intégrées dans les boîtes de vitesses, M. Frédéric Przybylski a fait valoir que 85 % des produits du groupe sont fabriqués en France. Cette situation est le fruit d'une tradition du groupe, mais elle est également liée à la structure de son actionnariat, resté très familial. Toutefois, pour obtenir certains marchés, il a fallu vendre une partie de la technologie à la Turquie et à l'Iran.
*