XVII. AUDITION DE M. NICOLAS GAUME, PRÉSIDENT, ET M. JULIEN VILLEDIEU, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU SYNDICAT NATIONAL DU JEU VIDÉO
M. Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo . - Notre secteur compte 5 000 emplois en France. Dans certains pays, comme la Corée ou le Canada, il a constitué un vecteur important de réindustrialisation. Il crée des emplois qualifiés et non qualifiés. Les industries dites de l'immatériel sont bien des industries : elles fabriquent des produits - et elles les exportent beaucoup !
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo . - Les emplois sont à 80 % en CDI, au sein d'équipes formées pour durer car l'élaboration d'un jeu vidéo est un projet de moyen-long terme. Le recours à l'intermittence ne représente pas 10 % de l'emploi total : voilà qui balaie une idée reçue...
M. Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo . - Nous parlons ici de fabrication et de conception, non de distribution. Il s'agit bien d'un secteur industriel au sens propre.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo . - Les jeux vidéo traditionnels, vendus en magasin, sont en recul : le chiffre d'affaires a baissé de 13 % en valeur en 2009 pour s'établir à 2,7 milliards d'euros. Mais dans le même temps, le volume des jeux dématérialisés, vendus par téléchargement, intégrés sur des consoles ou des téléphones portables, ou proposés sur internet, a augmenté de 30% et les analystes prévoient une croissance de 50 % à l'horizon 2014.
M. Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo . - Il y a aujourd'hui 25 millions de joueurs, l'âge moyen étant de 35 ans.
La France a une position très forte. Ubisoft, dont le siège est à Rennes et l'établissement principal à Montreuil, est l'un des cinq plus gros dans le monde. Vivendi, essentiellement par des acquisitions, est devenu le numéro un mondial et cette activité est pour lui une importante source de profits. Des acteurs de taille plus modeste sont très actifs également. M. Frédéric Mitterrand a visité l'entreprise Ankama à Roubaix : elle s'est installée dans une ancienne usine textile et a créé 400 emplois en moins de cinq ans, devenant l'un des fleurons de la ville et entraînant dans son sillage l'implantation d'autres entreprises. A Clermont-Ferrand, Prizee emploie 100 salariés, près du site de Michelin.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo . - Le secteur suscite de nombreuses créations d'emplois indirects, car il fait appel à des compétences très diverses qui ne sont pas toutes internalisées. Il recourt aux éditeurs de middle-ware , comme Dassault Systèmes, aux prestataires de services traditionnels de jeux, aux fabricants de processeurs, de tablettes graphiques, aux traducteurs... Le total des emplois, directs et indirects, atteint 20 000 salariés.
M. Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo . - Au Canada, après un vote quasi-souverainiste au Québec qui a fait fuir les capitaux anglo-saxons, le secteur des jeux vidéo et multimédia a été un axe important du redressement économique. De moins de 2 000 salariés en 1997, on est passé à 12 000 en 2009. Les entreprises ont réinvesti des friches industrielles.
L'Afdel, l'association des éditeurs de logiciels, l'observe comme nous : on nous classe dans les services, alors que nous fabriquons et prenons des risques industriels, comme Renault ou d'autres ! Les trois-quarts de la production sont vendus hors du territoire français, 40 % aux États-Unis, 30 % en Asie, le reste en Europe.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo . - Nos entreprises sont en concurrence directe avec les producteurs coréens ou canadiens. L'exportation est inscrite dans les gènes du jeu vidéo ! Dans nos déplacements à l'occasion d'événements internationaux, nous voyons bien que la France est reconnue, elle possède un rayonnement indéniable, sur un marché qui n'est pas domestique mais mondial.
Mme Élisabeth Lamure . - Selon quels critères se font vos choix d'implantation ? Et quel montant est en moyenne consacré à la recherche-développement dans vos entreprises ?
M. Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo . - Les projets sont souvent des initiatives d'entrepreneurs. Or les petites structures n'ont pas une approche systémique des implantations, comme les grands groupes. Ankama a été créé par trois personnes...
Les établissements se situent souvent en centre ville - se sont plutôt les sites urbains qui attirent ou retiennent les talents internationaux. On trouve beaucoup de nos affiliés à Paris ; mais Marseille, Lille, Lyon, Bordeaux ou Nantes sont aussi des villes de référence. Les critères, ce sont les écoles, le foncier disponible, l'accès aux aéroports internationaux. Or les infrastructures françaises, transport ou télécommunications, sont de bonne qualité y compris dans les villes moyennes - ce qui donne leur chance à celles-ci.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo . - Les projets de réaménagement de sites industriels fleurissent. A Lyon, le quartier de l'industrie, dans le IXe arrondissement, a attiré plusieurs sociétés de l'immatériel. Ces installations sont souvent liées à une volonté locale de requalifier d'anciennes zones d'activité.
M. Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo . - Nos entreprises sont par définition innovantes. Dans les débuts, la recherche et le développement représentent presque la totalité des dépenses, puis, à maturité, c'est jusqu'à un tiers voire la moitié du chiffre d'affaires qui est réinvesti dans la R&D. Cela nous différencie des industries classiques et nous pose parfois des problèmes de financement. Heureusement nous disposons d'outils qui fonctionnent, tels le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt spécifique au secteur des jeux vidéo.
M. Martial Bourquin , président . - Y a-t-il des grands groupes ou essentiellement des PME ?
M. Gaume, président du Syndicat national du jeu vidéo . - Le mal français, c'est qu'entre les grands groupes et les PME voire les TPE, il n'existe pas grand-chose... Vivendi, par croissance externe - le groupe a acquis des entreprises américaines en particulier - a une importante activité, qui engendre plus de profits que SFR ou Canal +. Ubisoft approchait le milliard d'euros de chiffre d'affaires avant la crise. Ce groupe s'est développé significativement au Québec, encouragé par le gouvernement québécois ; il a créé là-bas 4 000 emplois. Mais il a aussi environ 1 000 salariés en France, par exemple à Montpellier, à Annecy et ailleurs.