II. CONTRIBUTION DU GROUPE CRC-SPG
I) Préambule Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC/SPG saluent l'important travail réalisé par la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires. Cependant, ils ne partagent pas certains constats établis par le rapport. Surtout, leurs propositions relatives au contenu de la politique industrielle se démarquent très largement des propositions émises par le rapport afin de répondre à la crise industrielle majeure qui touche notre économie depuis de nombreuses années. La France est effectivement gravement touchée par la désindustrialisation de ses territoires. Comme le rappelle le rapport, l'industrie a perdu environ deux millions d'emplois depuis trente ans. Et dans les dix dernières années, 600 000 emplois industriels ont disparu. Ce phénomène a des conséquences graves sur la politique économique nationale, et ses conséquences sociales sont insupportables, notamment pour certains territoires qui vivaient entièrement de l'activité industrielle. Ce sont des villes, zones rurales, des familles sur plusieurs générations qui ont été frappées de plein fouet par le chômage sans possibilité de reclassement. Cette situation qui s'est aggravée ces dernières années n'est pas pour autant nouvelle. Avant la crise économique, l'État a largement délaissé sa politique industrielle, et a fait le choix dévastateur des politiques menées au niveau européen et mondial de libéralisation et de privatisation de l'ensemble des activités du secteur industriel et ce, même dans un domaine aussi fondamental que celui de la politique énergétique. A ce titre, le constat établi par le rapport selon lequel « la France semble pâtir d'une mauvaise réputation à l'étranger en raison de l'interventionnisme excessif de l'État dans l'économie » ne parait pas pertinent au regard de la réalité des politiques engagées notamment ces dernières années. L'État, au contraire, en optant pour une économie de marché et une libéralisation de l'ensemble des secteurs industriels a laisser notamment libre court au « dumping social ». Ainsi, dans les entreprises industrielles, de nombreuses restructurations ont eu lieu, la valeur du travail a été niée au profit de la rémunération de l'actionnariat privé. Les délocalisations et les licenciements boursiers se sont multipliés alors que l'État devrait les interdire. Le gouvernement a encouragé la financiarisation de l'économie, tournant le dos à la production de richesses industrielles. Ce qui explique, à titre d'exemple, la différence établie par le rapport entre les stratégies différentes des groupes automobiles nationaux Peugeot -PSA et Renault. En effet, alors que l'État en est actionnaire, Renault a procédé à de nombreuses délocalisations et comme le note très justement le rapport, il ne garantit pas « l'avenir de ses nationaux et l'avenir de ses salariés seniors ». Ce choix de la financiarisation explique également que rien n'a été sérieusement entrepris pour maintenir en France des activités aussi stratégiques en terme d'indépendance énergétique que les activités de raffinage, alors même qu'un groupe comme Total accumule les bénéfices. L'analyse, reprise par le rapport, selon laquelle la perte d'emplois industriels serait imputable pour l'essentiel au gain de productivité ne semble pas crédible ; notamment si on considère que l'essentiel des gains de productivité a été accompagné par la baisse du temps de travail. Cependant, il est important de souligner l'importance de la productivité des salariés français. En effet, en 1983, un actif produisait bien moins de richesses qu'un actif de 2010 n'en crée à présent. Depuis 1983 et l'instauration de la retraite à 60 ans, la richesse créée par chaque actif a augmenté de 30 % en euros constants. Cela signifie que 2 actifs d'aujourd'hui produisent quasiment autant de richesses que 3 actifs de 1983. La productivité des salariés français est de 124,3 % de la moyenne européenne, c'est-à-dire que le travailleur français rapporte 24,3 % de plus que la moyenne des travailleurs des 27 pays de l'Union européenne. En réalité, et ce dont on ne parle jamais, c'est que ce qui altère gravement l'économie, ce qui affaiblit la force d'investissement des entreprises, c'est la rémunération des actionnaires. D'ailleurs, la Banque des règlements internationaux (BRI), institution qui réunit chaque mois, à Bâle (Suisse), les banquiers centraux afin de « coordonner les politiques monétaires » et d' « édicter des règles prudentielles » n'a-t-elle pas affirmé elle-même : «La part des profits est inhabituellement élevée à présent (et la part des salaires inhabituellement basse). En fait, l'amplitude de cette évolution et l'éventail des pays concernés n'ont pas de précédent dans les quarante-cinq dernières années ». Et Monsieur Alan Greenspan, ancien directeur de la Réserve fédérale américaine d'ajouter : « J'ai attendu et j'attends encore quelque normalisation dans le partage du profit et des salaires » car « la part des salaires dans la valeur ajoutée est historiquement basse, à l'inverse d'une productivité qui ne cesse de s'améliorer ». On ne saurait mieux dire. Les sénateurs du groupe CRC-SPG partagent le constat selon lequel la France n'a plus de politique industrielle se traduisant notamment par l'absence de grands projets nationaux qui ont historiquement permis de revitaliser le tissu industriel. Ils regrettent cependant qu'aucune conséquence en soit tirée afin que l'État se réengage dans la conduite de sa politique industrielle, comme le montre la faiblesse du budget économie ou les politiques conduites pour aboutir à la privatisation de l'ensemble des activités du secteur industriel. En conclusion, les sénateurs notent que si le rapport établit très lucidement l'absence de politique industrielle, les mesures proposées, qui ne reviennent jamais sur les dogmes européens et internationaux de concurrence libre et non faussée, ne sauraient faire oeuvre de politique industrielle. II) Sur les propositions de la mission Le groupe CRC-SPG soutient une grande partie des objectifs déclinés par la mission, cependant il s'inscrit en désaccord sur les solutions avancées pour répondre au défi majeur de la désindustrialisation de nos territoires. En ce qui concerne l'objectif : - de promouvoir une culture industrielle et de renforcer l'attractivité des formations dans ce domaine . Les sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent que des efforts doivent être consentis en direction de l'augmentation des salaires et de la reconnaissance des qualifications. Il est nécessaire d'insister sur le rôle que doit jouer l'État afin que soit promue une politique ambitieuse en termes d'embauches et de formation. Il est essentiel de pérenniser les capacités, les compétences, les savoirs faire et d'assurer le départ en retraite anticipée des salariés concernés par ces métiers pénibles. - d'intensifier la recherche et l'innovation au service du développement industriel. Le groupe CRC-SPG considère que les incitations fiscales ne suffisent pas pour réaliser ces objectifs. Ainsi, les mesures gouvernementales récentes comme la suppression de la taxe professionnelle, le mode de calcul du crédit d'impôt recherche, entrainent en réalité une diminution des ressources publiques sans contrepartie sociale ni garantie de création d'emploi et d'activité. Il insiste sur la nécessité d'investir dans la recherche publique et de ne pas négliger les apports de la recherche fondamentale dans l'objectif de pérennité des activités industrielles. De plus, la réalisation de l'objectif de la mission entre en contradiction avec les politiques gouvernementales qui conduisent à démanteler les grandes entreprises publiques, jusqu'à il y a peu temps encore intégrées, et qui incitent à développer la sous-traitance au détriment du maintien des expertises techniques et scientifiques. - de développer les initiatives régionales . La réforme des collectivités territoriales opérée par le gouvernement aura des conséquences financières sur les collectivités territoriales préjudiciables au soutien de l'économie locale. Elle constitue une mise sous tutelle des budgets locaux, les élus étant privés de toute autonomie fiscale. Dans ce contexte il sera très difficile aux collectivités territoriales d'accompagner les activités industrielles et de maintenir l'emploi industriel sur leurs territoires. - de tirer les conséquences des effets de la suppression de la taxe professionnelle . La mission propose à cette fin d'envisager la modulation du taux de la CVAE selon le secteur d'activité et de maintenir le principe d'un plafonnement de la CET à 3 % de la valeur ajoutée. Ces propositions semblent insuffisantes. Cette suppression va priver les collectivités territoriales d'importantes ressources car il n'y a pas de compensation intégrale de cette taxe, de plus cette suppression ne permettra pas de mettre un frein aux délocalisations. Il est regrettable que la possibilité de taxer les actifs financiers ne soit pas envisagée. L'économie productive et la création d'emplois sont souvent déstabilisées du fait des transactions financières qui sont purement spéculatives. A ce titre, les sénateurs du groupe CRC-SPG appuient fortement l'initiative du parlement européen qui recommande la mise en place d'une taxe sur les transactions financières, ainsi que l'amendement au rapport Podimata indiquant que l'Union européenne devrait mettre en place la taxe même de façon unilatérale (sans l'accord d'autres pays comme les USA ou le Japon, qui y sont hostiles). - de renforcer les pôles de compétitivité . A l'origine, les pôles de compétitivité avaient vocation à travailler en synergie pour réaliser des projets de développement économique pour l'innovation. Ces outils initiés par le gouvernement en 2005 n'ont pas su répondre à la crise industrielle. Ils ont de plus aggravé les inégalités territoriales. En 2010, de source syndicale, seulement un peu plus de 5000 établissements d'entreprises sur 3 millions étaient adhérents avec 11 % des emplois industriels. On observe une inégalité dans la répartition des aides publiques à l'innovation, 15 pôles absorbant 75 % des financements publics. - de faciliter le financement de l'industrie . Une des causes de la réussite du secteur industriel allemand se trouve dans l'existence d'un accès au crédit bancaire important en faveur des industries. Il est proposé de mener une réflexion sur l'opportunité de mettre en place un grand pôle public de financement et de développement industriel. Le groupe CRC-SPG considère que l'opportunité est acquise et qu'un tel pôle trouve ses bases avec la Caisse des Dépôts et Consignation et OSEO, ainsi que la Banque postale. Il déplore donc que ne soit pas actée la volonté claire de mettre en place le pôle public financier qui mettrait plus largement à contribution l'ensemble des banques afin de les réengager dans la politique économique. - de réduire le handicap monétaire . Le groupe CRC-SPG partage la volonté de mettre l'accent dans le cadre du G20 sur les phénomènes de « dumping monétaire » au niveau international. Il estime nécessaire d'introduire parmi les objectifs de la politique monétaire non pas la compétitivité mais le soutien à la croissance et à la création d'emplois. - d'autoriser les industriels à négocier des tarifs d'électricité contractuels aménagés . Les sénateurs du groupe CRC-SPG condamnent fermement la politique énergétique menée par le gouvernement. La privatisation de gaz de France, la libéralisation totale du secteur jusqu'aux obligations faites à EDF de revendre une partie de sa production nucléaire au profit des opérateurs privés ont des conséquences délétères sur les activités industrielles des opérateurs historiques et sur l'ensemble des acteurs industriels. Ils jugent urgent de revenir sur ces politiques et de promouvoir une maîtrise publique du secteur énergétique. Les sénateurs considèrent qu'au regard de l'importance stratégique économique du secteur énergétique mais également de ses implications sociales, il est fondamental que le secteur énergétique soit sous maîtrise publique. S'ils sont favorables au développement des énergies renouvelables, ils considèrent que la politique du gouvernement en la matière souffre de son absence de cohérence et ne permet ni de créer une filière industrielle ni d'encourager la recherche. L'énergie photovoltaïque est à ce titre un exemple révélateur de l'échec de la politique gouvernementale qui confond incitation fiscale et politique énergétique. III) Enfin, les sénateurs du groupe CRC-SPG souhaitent particulièrement insister sur trois points - Sur la comparaison établie dans le rapport entre les systèmes français et allemand, et notamment la question du coût du travail, les sénateurs du groupe CRC-SPG ne partagent pas les conclusions de la mission. En effet, longtemps les économistes ont tenté d'expliquer le déclin de l'industrie française par un coût du travail prétendument plus important que l'Allemagne, son voisin. En réalité, on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien. Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, remis par cette dernière en juin 2010, le coût du travail progresse moins vite en Allemagne qu'en France au cours des années 2000, mais reste supérieur en niveau . Ainsi, ce rapport précise que «d'après les indicateurs d'Eurostat, le coût horaire moyen de la main d'oeuvre en Allemagne a progressé plus lentement au cours des années 2000 qu'en France (l'indice du coût de la main d'oeuvre est passé de 100 en 2000 à 115 en 2008, alors qu'il atteint 130 en France). Alors que le coût de la main d'oeuvre progresse très régulièrement sur la période en France, il s'infléchit significativement en Allemagne à partir de 2004. Il s'agit toutefois plus d'une évolution spécifique à l'Allemagne que d'une caractéristique communément observée en Europe : outre l'Allemagne, seule l'Italie a connu une progression moins rapide qu'en France, tandis qu'à l'inverse, le coût du travail au Royaume-Uni a fortement progressé ». Autrement dit, la comparaison permanente avec l'Allemagne n'est pas fortuite. Toutefois, le rapport souligne qu'EUROSTAT précise clairement qu'en ne comparant que le coût du travail (rémunérations brutes annuelles et prélèvements patronaux assis sur les salaires) des salariés à temps plein, c'est en Allemagne que le coût du travail est supérieur à celui de la France : « Le salaire annuel brut moyen des salariés travaillant à temps plein dans l'industrie et les services est largement plus élevé en Allemagne qu'en France (43 942 € en 2008 contre 32 826 €, soit une différence de 34 %). L'écart se réduit mais reste substantiel au niveau du coût du travail annuel par salarié (52 458 € contre 46 711 €, soit 12%) ». Par ailleurs, il y a peu, L'INSEE a récemment fait savoir qu'elle avait involontairement surestimé le coût du travail en France. En effet, le lundi 28 février 2011, l'INSEE a remis la version définitive de son enquête sur le coût de la main d'oeuvre publiée tous les quatre ans. Et cette enquête invalide complètement les hypothèses du COE-Rexecode. « En 2008, le coût horaire du travail s'établit en France à 33,16 euros dans l'industrie manufacturière », note l'Insee, soit moins que le coût horaire d'un salarié allemand, et beaucoup moins que les 37,41 euros avancés par l'institut COE-Rexecode. Le récent recadrage de l'INSEE prouve que la différence entre les coûts du travail en France et en Allemagne n'est pas nécessairement défavorable à la France et lorsqu'ils le sont, ce n'est que de manière marginale. Un fait est indéniable, l'augmentation du coût du travail a progressé nettement plus vite en France qu'en Allemagne. Mais selon l'économiste Philippe Askenazy ce n'est pas la situation française qui est exceptionnelle mais la situation Allemande : « c'est l'économie allemande qui est une anomalie, non la France! ». Il souligne en effet que cela résulte du gel des salaires - qui sont supérieurs à ceux versés en France - et de l'instauration de la TVA sociale en Allemagne qui s'est accompagnée d'une réduction de charges pour les entreprises. Autrement dit, si l'augmentation du coût du travail en Allemagne est moins importante et rapide qu'en France, c'est que ce sont les ménages Allemands qui ont supporté la différence. Et l'économiste de conclure : « Si l'on se base sur les comptes nationaux, qui agrègent un maximum de critères, notamment la productivité, le coût du travail est plus élevé en Allemagne qu'en France. Et la raison est simple: les salariés allemands sont mieux payés ». Au final, il convient de rappeler que le coût mesuré du travail en France, dont on sait qu'il est moins élevé en France qu'en Allemagne, au Canada, au Royaume-Uni et en Italie, permet d'assurer le financement d'une protection sociale de qualité, même si les mesures à son encontre ne cessent de l'affaiblir. Celles et ceux qui préconisent chaque jour une réduction du coût du travail le font donc moins pour libérer l'initiative entrepreneuriale que pour accroître la richesse de quelques uns contre l'intérêt de tous. Car n'oublions pas que c'est notre système de protection sociale - dont chacun s'accorde à dire qu'il a été un rempart contre la crise, qu'il a joué un rôle d'amortisseur, qui est précisément financé par le travail et singulièrement les cotisations sociales assises sur les salaires. Ceux qui veulent réduire le coût du travail oublient volontairement de dire que ce faisant, ils n'auront pas d'autre choix que de réduire encore un peu plus le champ de protection solidaire que constitue la sécurité sociale (alors que les besoins sont toujours plus grands) ou qu'ils transféreront, comme certains veulent le faire avec une hausse de la CSG ou la création de la TVA sociale, une partie du financement de la protection sociale des richesses créées dans les entreprises vers les ménages, permettant ainsi aux actionnaires de voir augmenter la valeur de leurs dividendes. Comme cela est d'ailleurs déjà le cas, on sait désormais que les entreprises du CAC 40 ont dégagé 82,5 milliards d'euros en 2010, soit 85 % de plus que l'année précédente. Parallèlement, le salaire moyen par tête a crû de 2,9 % en 2010 selon l'Insee, en tenant compte du surplus de primes et d'heures travaillées de cette année 2010. - Sur la nécessité d'interdire les licenciements boursiers. Le rapport ne prend pas en compte l'existence avérée de la pratique des licenciements boursiers, laquelle a pourtant des conséquences majeures sur l'activité industrielle. Alors que selon un article du journal économique « Les Echos » en date du 10 mars 2011, les profits des sociétés du CAC 40 ont quasiment doublé en 2010 en atteignant près de 83 milliards d'euros, les licenciements boursiers ont également considérablement augmenté. Chacun garde en mémoire le cas des salariés de Continental licenciés en 2009 alors que l'entreprise réalise la même année, au deuxième trimestre pas moins de 40 millions de bénéfices, ou des salariés de l'entreprise Caterpillar eux aussi licenciés quand la multinationale annonce 371 millions de dollars de bénéfices au second trimestre de la même année. Exemple plus récent, la suppression de près de 1500 emplois à la suite de la fusion de Merck (MSD-Chibret en France) et Schering-Plough, alors que le bénéfice net du groupe s'élève à 12,9 milliards de dollars en 2009 contre 7,8 milliards en 2008. Chaque semaine, chaque jour, des entreprises bénéficiaires décident de licencier afin de conserver les marges de profits nécessaires à une importante rétribution des actionnaires. C'est la logique de la financiarisation de l'économie, pourtant à la source de la crise, qui perdure. En 2008, 75 milliards d'euros de profits ont ainsi été réalisés par les entreprises du CAC 40 et 34,9 de ces milliards ont été distribués en dividendes, alors que nos concitoyens subissent lourdement le poids de la crise. C'est pourquoi il nous apparaît légitime, dans ce contexte particulier de modifier le code du travail afin que soit exclu du champ légal des licenciements économiques ceux effectués dans des entreprises ayant reversé des dividendes à leurs actionnaires l'année écoulée. - Sur la nécessité d'un contrôle des aides publiques aux entreprises et de leur conditionnalité : L'intervention de l'État, des pouvoirs publics ou exécutifs régionaux et départementaux dans l'économie est multiforme. Elle recouvre à la fois les dispositifs d'allégement des cotisations sociales, mais aussi les mesures corrigeant l'application de la loi fiscale en matière d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu, ou encore les multiples dispositions ayant conduit à réduire le poids de la taxe professionnelle et donc, plus récemment, les garanties accordées par l'État aux établissements financiers comme les dotations en capital, notamment au travers de sociétés ou fonds à capitaux publics dédiés à cette vocation. Enfin, on ne peut oublier la distribution des crédits adossés aux fonds structurels européens. Ces aides sont toujours délivrées dans un souci de préservation de l'emploi, cependant elles échappent à tout contrôle. D'ailleurs, comme le souligne le sénateur UMP Philippe MARINI, rapporteur général du budget dans son rapport titré « Le système fiscal français à l'épreuve de la crise » et publié sous le numéro 75 (2008-2009) : « De fait, l'évaluation de ce dispositif (celui de l'allégement général des cotisations sociales sur les bas salaires) ne fait l'objet d'aucune mesure de sa performance au regard de la politique de l'emploi, que ce soit dans les projets de loi de finances successifs, ou dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale ». En janvier 2001 à l'initiative du sénateur Robert HUE, alors député, la France s'était dotée d'une loi relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, loi depuis abrogée. Pourtant, il semble légitime que le peuple, la société dans son ensemble, sachent à quoi servent les impôts recouvrés, étant entendu que les modalités de fixation des droits et de recouvrement sont déterminées par la loi. Les sénateurs estiment que cette question du contrôle des aides publiques aux entreprises devrait trouver une traduction légale rapide tant les abus sont inadmissibles comme cela a pu être constaté dans le secteur automobile. C'est pourquoi il est urgent que soient mis en place au plus vite un comité national et des comités régionaux d'évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, chargée de mesurer les impacts économiques et sociaux et de vérifier l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises et aux établissements financiers par l'État et les collectivités locales ou leurs établissements publics. Afin, notamment, d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi, la formation professionnelle et les équilibres territoriaux. Il serait également essentiel de permettre que tout «comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel puisse saisir l'ordonnateur d'une aide publique lorsqu'il estime que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides publiques ». Enfin, les sénateurs du groupe CRC-SPG estiment opportun de mettre en place un mécanisme de remboursement des aides publiques dans le cas où l'entreprise bénéficiaire aurait procédé à une délocalisation de sa production. IV) Conclusion Au regard de l'ensemble de ces remarques, les sénateurs du groupe CRC/SPG rappellent qu'il ne peut y avoir d'industrie sans socle social fort, sans renforcement de la démocratie sociale au sein des entreprises, sans juste rémunération du travail et sans engagement important de l'État dans la conduite de la politique industrielle et de la recherche. Le rapport issu des travaux de la mission commune d'information s'inscrit, au contraire, dans les politiques de libéralisation des divers secteurs et ne remet jamais en cause le dogme de la concurrence libre et non faussée. Les sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent que certaines activités industrielles, comme celles du secteur énergétique, doivent être soustraites aux lois du marché mais également aux accords internationaux commerciaux tels que définis dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Ils leurs semblent essentiel de renforcer le rôle de l'État dans la définition de la politique industrielle, dans la protection des travailleurs du secteur, dans la revalorisation des salaires, dans le soutien de la recherche fondamentale et appliquée, et dans la régulation économique et financière des activités industrielles. Le rapport a confirmé les différences irréductibles entre la droite et la gauche dans la conception de la politique industrielle, les sénateurs du groupe CRC-SPG ont donc voté contre. |
(Contribution écrite des sénateurs, membres de la mission, appartenant au groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche)