Audition des représentants du Conseil supérieur des réserves militaires : Colonel Jacques VITROLLES, Président de L'UNOR, Premier Maitre Philippe COGAN, Adjudant-chef Jean BISCH de la FNASOR, en présence du Colonel Luc GRASSET, Secrétaire général par intérim du CRSM, le 15 juin 2010
L'audition a débuté par une présentation générale de la part du Colonel Grasset du Conseil supérieur des réserves militaires (CSRM). Depuis que la conscription a été suspendue par la loi de 1999, de nouvelles structures ont été mises en place.
Il a indiqué que le Conseil supérieur de la réserve militaire, présidé par le ministre de la défense, était chargé d'émettre des avis et des recommandations concernant les réserves, d'orienter et de coordonner la réserve opérationnelle et d'animer la réserve citoyenne.
Des représentants du Parlement, de l'Administration, des employeurs et des professions libérales, des salariés et agents publics et des réservistes y siègent aux côtés de personnalités qualifiées. Il est doté d'un secrétariat général permanent rattaché au cabinet du ministre de la défense et placé sous l'autorité d'un officier général.
Le secrétaire général préside le Conseil restreint, le Comité de Liaison Réserve Entreprise (CLRE) et le Comité de coordination des délégués aux réserves. Ces délégués aux réserves contribuent à la politique des réserves.
Le Conseil participe à la réflexion sur le rôle des réserves dans le cadre de la réforme de la défense et de la professionnalisation des armées, à la promotion de l'esprit de défense et au développement du lien entre la Nation et ses forces armées et favorise le partenariat entre les forces armées, les réservistes salariés et leurs employeurs civils. Il présente chaque année au Parlement un rapport d'évaluation de l'état de la réserve militaire.
Le CSRM est un organe interarmées qui est donc composé de différents collèges. Le premier est celui des administrations au sein duquel siègent 4 députés et 4 sénateurs. Ensuite, le collège des employeurs et professions libérales est lui composé de 14 membres. Le collège des salariés et agents du public est également composé de 14 membres. Au sein de ces derniers, les membres siégeant sont tous des représentants syndicaux. Le collège des associations de réservistes regroupe 13 associations par corps d'armée. Et enfin, celui des personnalités qualifiées se compose de 8 membres nommés par le ministre. Le CSRM se réunit une fois par an en assemblée plénière.
Tous les 4 mois est également organisé un conseil restreint, regroupant 18 membres. La prochaine assemblée est prévue pour début octobre et le conseil restreint pour juin.
Le CSRM dispose d'un secrétariat notamment responsable des négociations en vue de la conclusion des conventions de partenariat avec les entreprises en vue de faciliter l'engagement des réservistes.
Le Colonel Grasset a indiqué qu'il existait deux sortes de conventions, au premier rang desquelles les « conventions type ». Celles ci ont pour fin de réduire les délais de préavis dans les entreprises, et donc de rendre plus souples les réserves. Actuellement, 280 ont été conclues aussi bien avec des administrations publiques décentralisées qu'avec des entreprises du privé.
D'autres types de conventions cadre ont pour objectif de permettre le placement sous statut de réservistes du personnel de l'industrie de l'armement participant au soutien direct des forces françaises projetées.
Une des pistes de réflexion à poursuivre, à terme, serait d'échanger à travers ces conventions une meilleure insertion des réservistes et une plus grande flexibilité de leur emploi contre des formations qui pourraient intéresser les entreprises. A titre d'exemple, cette formation pourrait porter sur l'intelligence économique.
Interrogé sur la distinction entre réserve de premier et second niveau, le Colonel Vitrolles a rappelé que la réserve de premier niveau était composée de citoyens volontaires sous contrat ESR, la seconde de militaires à la retraite placés sous un régime de disponibilité, pendant cinq ans. La distinction entre ces deux viviers est nette : la première est le fruit d'un choix personnel, la seconde d'une obligation légale.
Les militaires « disponibles » de la réserve de deuxième niveau, dont l'aptitude est supposée être vérifiée régulièrement, peuvent être appelés en renfort par voie de décret si le nombre des réservistes volontaires s'avère insuffisant et si les circonstances l'exigent, disposition qui n'a, pour l'instant, jamais été appliquée. Beaucoup de ces militaires ont « tourné la page » et retrouvé un emploi civil, par conséquent leur motivation est moindre.
Concernant le nombre de membres officiers affiliés à une association, le Colonel Vitrolles a avancé celui de 15 000 à 20 000, soit, en pourcentage de réservistes opérationnels, 10 % à 15 %.
Le débat s'est ensuite focalisé sur la situation des réserves militaires. Le Colonel Vitrolles a insisté sur trois thèmes : le recrutement, le financement et les moyens.
Les représentants des associations ont tous souligné la faiblesse des moyens dont disposent les réserves et le problème récurrent du retard de paiement des soldes. Ils ont fait observer que ces retards remettent en cause la fidélisation des réservistes.
Ils ont également souligné l'incohérence des objectifs fixés par les autorités politiques qui imposent une montée en puissance des effectifs des réserves tout en réduisant les budgets. Cette incohérence conduit mécaniquement à réduire le nombre de jours d'activité des réservistes. Il en ressort un problème de recrutement et de fidélisation des nouvelles recrues qui s'est accru ces dernières années.
Les représentants des associations ont estimé à cet égard que la création de nouvelles réserves civiles ne devait pas se faire au détriment de la réserve militaire qui avait une expérience et un savoir-faire reconnu.
La distinction entre les réservistes de la conscription et ceux d'après a été abordée. Il a été souligné que la fin du service militaire marquait la fin d'une source de recrutement majeur de la réserve. Les anciens appelés constituaient en 2002 plus de la moitié des réservistes. C'est la fin d'un rendez-vous entre une classe d'âge et l'armée, c'est aussi la fin du recrutement de personnes ayant eu une formation de 10 ou 12 mois au sein des armées. Ces réservistes ayant déjà passé une année sous les drapeaux sont progressivement remplacés par des réservistes issus directement de la société civile dont la proportion au sein de la réserve est passée, entre 2003 et 2008, de moins de 10 % à plus de 35 %, la part des appelés du contingent poursuivant sa décroissance naturelle de 53 % à 26,68 %.
Unanimement, il a été conclu que l'augmentation de la part des réservistes issus directement de la société civile imposait un effort accru de formation et de fidélisation. Les représentants des associations ont également estimé qu'il fallait se tourner vers les jeunes qui en ont le plus besoin et notamment ceux issus des quartiers difficiles. L'initiative menée par un capitaine réserviste dans le Val-de-Marne a été évoquée.
S'agissant du fonctionnement des réserves, la réserve de gendarmerie a été citée en exemple. En effet, celle-ci est bien territorialisée et permet donc un maillage du territoire. En revanche, les autres armées connaissent de grosses difficultés, notamment du fait de la restructuration des bases de défenses. Les représentants des associations on évoqué un problème de « désertification militaire » dans certaines zones de défense.
Concernant la diffusion de l'esprit de défense, la réforme de la JAPD a été l'objet de débat. Le contenu de cette journée a été unanimement remis en cause. En effet, la JAPD ne va pas dans le sens d'information des jeunes sur la réserve, on leur expose leurs droits sans évoquer leurs devoirs. Des idées ont été avancées telles que mettre en place un système d'orientation en partenariat avec l'éducation nationale. De même, il a été souligné que la réforme portant la JAPD à deux jours ne sera pas suffisante. Globalement, tous ont souligné l'importance du rôle de la réserve qui permet de faire vivre le lien entre l'armée et la Nation.
L'aspect opérationnel des réserves en temps de crise a ensuite été évoqué. Il a été rappelé que, du temps de la conscription, les régiments de réserves réalisaient des missions en tant de crise. Ces unités étaient constituées de locaux qui connaissaient bien le terrain.
Selon les représentants des associations, les réserves ne sont plus aussi aptes à réagir. Le problème est, une fois de plus, d'ordre financier, et lié aux moyens propres dont dispose la réserve. Par définition, on ne sait quand intervient une crise. Par conséquent, il faut que les moyens soient déployés en amont. On en revient donc toujours à un manque de moyens et de volonté politique. Le constat donné par le Colonel Grasset est sans équivoque : « nous n'avons plus de réserves avec des moyens ».
Les intervenants se sont enfin dits favorables à un retour de la conscription, ou du moins d'un service civil obligatoire tout en soulignant le coût financier de la mise en oeuvre d'un tel projet.