Audition de Didier MIGAUD, Premier président de la Cour des comptes, Rolande RUELLAN, présidente de la sixième chambre, André GAURON, président de section, conseiller maître, Guy PIOLÉ, conseiller maître, et Maximilien QUEYRANNE, chargé de mission auprès du Premier président (mardi 6 juillet 2010)
Réunie le mardi 6 juillet 2010, sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l' audition de Didier Migaud, Premier président, Rolande Ruellan, présidente de la 6 e chambre, André Gauron, président de section, conseiller maître, Guy Piolé, conseiller maître, et Maximilien Queyranne, chargé de mission auprès du Premier président, de la Cour des comptes.
Muguette Dini , présidente . - Nous entendons pour la première fois devant notre commission le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, sur la certification des comptes de la sécurité sociale.
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . - C'est un grand plaisir pour moi de participer à vos travaux en tant que Premier président de la Cour des comptes, je le dis en connaissant bien votre commission, pour avoir collaboré avec vous lorsque j'étais à la commission des finances de l'Assemblée nationale. Mon prédécesseur, du reste, avait pour habitude de venir présenter régulièrement devant vous les rapports de la Cour.
Le 22 juin dernier, la Cour des comptes a adopté son rapport sur la certification des comptes 2009 du régime général de la sécurité sociale et il vous a été remis, comme le prévoit la LOLFSS, avant la fin du mois de juin.
La certification des comptes d'un organisme constitue une assurance raisonnable que ses comptes sont réguliers et sincères, et qu'ils donnent une image fidèle du résultat de sa gestion, de son patrimoine et de sa situation financière. Cet exercice annuel est destiné à vous apporter une information fiable sur les produits, les charges et le résultat du régime général. J'espère que nous contribuerons utilement à éclairer vos prochains débats sur la loi de financement de la sécurité sociale.
Cet exercice est complété, depuis l'an passé, pour les comptes des autres régimes de sécurité sociale, par les opinions des commissaires aux comptes chargés de les auditer. La Cour a défini avec eux un cadre contractuel d'échanges d'informations et a pris en compte leurs opinions, notamment le refus de certification des comptes du régime agricole.
Il sera sans doute bientôt nécessaire de prévoir un cadre juridique plus global pour ces échanges.
Les branches du régime général de la sécurité sociale traitent chaque année des centaines de millions d'opérations, pour environ 350 milliards d'euros en dépenses et 320 en recettes. Quand on atteint de tels chiffres, la certification n'est plus seulement une affaire de vérification comptable : il faut savoir si les systèmes d'information assurent la traçabilité des opérations comptables et si le contrôle interne suffit pour maîtriser les risques d'anomalies.
Ainsi analysons-nous systématiquement les procédures de contrôle interne des caisses et en évaluons-nous l'efficacité. Cet exercice est très utile car il incite les organismes de sécurité sociale à mieux maîtriser les risques financiers et à renforcer leurs efforts pour réduire les erreurs et lutter contre la fraude. Ces efforts contribuent à améliorer progressivement la qualité de leur gestion des prestations, et donc la qualité du service rendu aux assurés.
C'est ainsi, suite aux travaux de certification, que la Cnam a renforcé ses contrôles sur les opérations gérées pour le régime général par les mutuelles d'étudiants et de fonctionnaires. Elle a également mis en place des liaisons informatiques qui ont permis aux assurés de ces mutuelles de bénéficier de la même qualité de services que les autres. Dans d'autres branches, la Cnaf et la Cnav ont mis en place des systèmes d'évaluation des erreurs de calcul des prestations et pensions. La maîtrise du risque d'erreurs dans les comptes devient ainsi l'affaire du dirigeant et plus seulement du comptable, au bénéfice des assurés sociaux.
L'exercice de certification met aussi l'accent sur des problèmes de normes comptables. Les agents comptables ne sont pas en cause, puisqu'ils appliquent la réglementation, mais certaines règles ne sont plus adaptées à la réalité économique et financière de la branche. Par exemple, si les comptes du fonds de solidarité vieillesse étaient additionnés à ceux de la branche retraite, le déficit de cette branche en 2009 ne serait pas de 7,2 milliards, mais de 10 milliards d'euros. Il appartient au ministère en charge des comptes publics de mettre les règles en conformité avec les normes comptables.
Les comptes de l'exercice 2009 ont été marqués par une augmentation très importante du déficit des quatre branches du régime général. Pour 347 milliards d'euros de charges, leur déficit s'élève à 20,3 milliards, deux fois plus qu'en 2008. La dégradation est particulièrement visible pour la branche maladie, dont le déficit est passé en un an de 4,4 milliards à 10,6 milliards. La loi organique pose un principe d'équilibre financier des branches, qui a été perdu de vue depuis de nombreuses années.
L'endettement du régime général atteint 25 milliards au 31 décembre 2009. Sans la reprise d'une partie de la dette par la Cades en 2008 et 2009, il aurait atteint 52 milliards. S'il est important d'avoir des comptes certifiés, il l'est tout autant qu'ils soient équilibrés, mais nous en sommes loin.
Cette année, la Cour n'a pas été en mesure de certifier les comptes de la branche retraite et de la Cnav. Elle certifie avec réserves les autres comptes dont, pour la première fois, les comptes de la branche famille et de la Cnaf.
La Cour a refusé de certifier cette année les comptes de la branche retraite et la Cnav, comme elle l'avait fait pour l'exercice précédent. L'an dernier, nos travaux d'audit, menés avec la Cnav, nous avaient fait constater une série de défaillances et nos constats subsistent pour les comptes 2009.
Nous avons ainsi relevé un nombre important d'erreurs dans la comptabilisation des pensions de retraite, pour un montant cumulé trop élevé. Il y a d'abord des erreurs dans le calcul des pensions par la branche : près de 8 % des pensions de retraite calculées en 2009 présentaient une anomalie de portée financière, représentant 0,78 % du montant total, car beaucoup d'erreurs portent sur un montant unitaire faible. Ces erreurs sont liées à des difficultés internes : les mailles du filet du contrôle des opérations effectuées par les gestionnaires doivent être resserrées. A ces erreurs internes s'ajoutent des défaillances dans les données entrantes, c'est-à-dire dans les informations en provenance des employeurs et des organismes sociaux utilisées pour calculer la pension au moment du départ à la retraite.
Nous constatons toutefois des améliorations. La Cnav avait découvert en 2007 que le nombre de périodes assimilées au chômage était majoré à tort depuis 1992, voire auparavant. En 2009, les flux entrants de données ont été corrigés - mais pas les stocks, correction de masse jugée trop complexe par le directeur de la sécurité sociale. Nous attendons encore une sécurisation des procédures comptables et des opérations de paiement des pensions, difficultés déjà signalées l'an dernier et dont le règlement prendra du temps.
La branche a engagé des programmes d'amélioration à la suite de nos observations. Elle refond son dispositif de contrôle interne et son système d'information comptable et financier. Dans l'attente de ces évolutions lourdes, elle diffuse des instructions à son réseau pour mieux formaliser et mieux contrôler la gestion des principaux processus. La Cour est consciente de ces efforts et sait qu'ils prennent du temps. Elle souhaite qu'ils aboutissent dans les meilleurs délais afin de lui permettre de certifier les comptes de la branche.
Concernant la branche famille et la Cnaf, la Cour n'avait pas certifié les comptes 2006, 2007 ni 2008, en raison de trop grandes incertitudes sur le contrôle interne.
Cette année, nous avons accepté de franchir la ligne qui sépare le refus de certifier de la certification avec réserves. Certes, le contrôle interne souffre toujours d'insuffisances et il ne donne pas l'assurance que les risques de fraudes ou d'erreurs de calcul sont suffisamment maitrisés.
Nous avons observé que des provisions et des charges à payer enregistrées au moment de l'inventaire étaient sous-estimées : des corrections ont été apportées, mais elles restent insuffisantes. Enfin, comme l'an dernier, le suivi comptable des flux liés à l'assurance vieillesse des parents au foyer n'est toujours pas fiable : voici un domaine où, au-delà des questions comptables, une simplification de la réglementation s'impose.
Ces difficultés persistantes, qui font l'objet de réserves, ne doivent pas cacher l'importance des progrès accomplis par la branche ni l'ampleur des chantiers engagés, la plupart en bonne voie. Un fichier national des allocataires - le « répertoire national des bénéficiaires » - que nous appelions de nos voeux, a été déployé. Les Caf disposent d'une connaissance désormais plus sûre des ressources des allocataires, obtenue directement auprès de l'administration fiscale.
Les travaux des services d'audit interne et de validation des comptes des organismes du réseau sont maintenant suffisants pour appuyer les vérifications de la Cour. Les opérations de combinaison sont progressivement sécurisées grâce au déploiement d'un nouveau logiciel. Enfin, la Cnaf a engagé la révision complète de son dispositif d'analyse des risques de contrôle interne.
J'en viens aux deux branches dont les comptes avaient déjà été certifiés l'an dernier et sur lesquels nous maintenons notre opinion positive, en incluant des réserves.
En ce qui concerne l'Acoss et le recouvrement, des progrès ont été réalisés, notamment dans la clarification des relations financières avec l'Etat et l'enregistrement de certaines créances en fin d'année. Il reste toutefois des marges de progrès importantes dans la production d'éléments de justification des comptes et dans le contrôle interne des anomalies de recouvrement, notamment pour les artisans et commerçants.
Nous formulons également des réserves concernant les estimations et le traitement comptable de certaines opérations.
Enfin, nous certifions les comptes 2009 de la Cnam, la branche maladie et la branche accidents du travail-maladies professionnelles avec réserves, comme depuis 2006. Des progrès importants ont été réalisés dans le contrôle interne. Cette année, quatre des sept réserves exprimées en 2008 ont pu être levées.
D'autres sujets critiques ont connu des progrès inachevés, mais notables, comme la mise en place d'une comptabilité auxiliaire des prestations et la sécurisation des flux en provenance des mutuelles de fonctionnaires et d'étudiants. Toutefois, des lacunes subsistent, et nous en avons relevé de nouvelles. Elles concernent, entre autres, les dispositifs de contrôle des paiements aux établissements accueillant des enfants handicapés, la prise en charge de soins dispensés par les masseurs kinésithérapeutes et les médicaments rétrocédés par les hôpitaux.
En accomplissant sa mission de certification, la Cour met en oeuvre la mission que lui confie l'article 47-2 de la Constitution. Elle a ainsi pour ambition de renforcer la confiance dans les comptes publics que doivent avoir les citoyens, les acteurs économiques et leurs représentants.
Chacun sait ainsi qu'en France, les comptes publics sont examinés et vérifiés par une institution indépendante, qui en rend compte au Parlement. Si la Cour a chaque année refusé de certifier les comptes de certaines branches et en a certifié d'autres avec réserves, son objectif est bien sûr de parvenir le plus tôt possible, en liaison avec ses interlocuteurs des régimes sociaux, à certifier sans réserve les comptes de toutes les branches et de toutes les caisses. Pour y parvenir, la Cour aura accompagné dans leur effort de maîtrise des risques, les dirigeants de ces organismes, leurs agents comptables, leur personnel et bien sûr aussi leurs administrations de tutelle. La certification est un exercice d'accompagnement en vue d'une plus grande transparence et d'une plus grande lisibilité.
Muguette Dini , présidente . - Merci pour ces informations. Notre rapporteur général, Alain Vasselle, m'a chargée de vous poser sa première question : pensez-vous que la création de l'interlocuteur social unique aurait pu être mieux préparée, dès lors que vous formulez une réserve sur la gestion des cotisations et des contributions sociales des travailleurs indépendants ? Les mesures correctrices proposées par l'Acoss, en lien avec le régime social des indépendants, vous paraissent-elles suffisantes pour régler le problème ?
Didier Migaud, Premier président . - L'introduction de l'interlocuteur social unique va dans le bon sens et démontre l'utilité du dialogue à partir des réserves formulées par la Cour. De fait, nous aurions souhaité une préparation plus approfondie de la réforme ; trop de difficultés ont été sous-estimées.
Rolande Ruellan, présidente de la 6 e chambre de la Cour des comptes . - Nous n'avons pas audité le fonctionnement de l'interlocuteur social unique ni le régime social des indépendants, car nous avons préféré les laisser monter en charge et c'est ce souci de ne pas les perturber en début de réforme qui nous a fait reporter l'an passé une demande de l'Acoss d'analyser leur traitement informatique des données. Notre audit s'est donc limité à la certification.
De fait, la réforme a été insuffisamment préparée. Au motif que l'Urssaf recouvrait déjà les cotisations familiales et la CSG des travailleurs indépendants, on n'a pas vu que l'Acoss et les différentes caisses concernées traitaient leurs fichiers très différemment, ce qui a entraîné de nombreuses erreurs dans les appels à cotisations.
Guy Piolé, conseiller maître à la Cour des comptes . - L'an passé, nous n'avions pas audité le système d'information de l'Acoss et des incertitudes sont apparues cette année face aux différences du traitement des contentieux entre les différents organismes. De fait, le partage entre l'Acoss et le régime social des indépendants doit être clarifié.
Alain Vasselle , rapporteur général . - J'ai trois autres questions.
Sur les contrôles en matière de rétrocession des médicaments, d'abord. Lors du stage que j'ai effectué au CHU de Lille - qui m'est apparu remarquablement géré, exemplaire -, j'ai constaté que l'assurance maladie contrôlait les rétrocessions de médicaments en examinant un simple échantillon sur une période de six mois, pour en extrapoler les résultats sur deux ans. Cette méthode apparaît assez contestable tout comme la proposition de « négociation amiable » faite par la CPAM au CHU de Lille : qu'en pensez-vous ?
Vous avez suggéré de limiter à 30 milliards le plafond de trésorerie de l'Acoss ; or, le président de cet organisme estime qu'un tel plafond serait trop rigide et qu'il compliquerait le travail de l'agence. La commission des affaires sociales est plutôt favorable à un tel plafond, pour que le Gouvernement ne laisse pas filer le déficit, mais nous ne sommes pas insensibles à cet argument. Qu'en pensez-vous ? Si un tel plafond compliquait les choses, faudrait-il le relever ? On a vu qu'un épisode de grippe pouvait avoir un impact sur les dépenses...
Troisième question : après quelques mois d'application, que diriez-vous de la loi HPST ? On en attend beaucoup pour la maîtrise des dépenses : la loi vous paraît-elle commencer à remplir cette mission ?
Didier Migaud, Premier président . - Nous n'avons pas audité la méthode de sondage pratiquée par la Cnam pour contrôler les rétrocessions de médicaments, mais elle est classique.
Le plafond d'avance, par définition, sert à la trésorerie en cours d'année. Le porter à 30 milliards, c'est déjà considérable et il ne me paraîtrait pas raisonnable de l'élever davantage. Car au-delà de 30 milliards, on serait face à des problèmes qu'on ne saurait gérer par des avances de trésorerie.
Après quelques mois, il est trop tôt pour mesurer l'effet de la loi HPST. Les agences régionales de santé se mettent tout juste en place. Nous souhaitons que cette loi accélère les restructurations, qu'elle améliore la répartition de l'offre de soins. Nous aurons davantage d'éléments lors de la présentation de notre rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité sociale à l'automne.
Isabelle Debré . - Le déficit de la branche maladie est passé de 4,4 milliards à 10 milliards : connaissez-vous la part des arrêts maladie dans cette progression ?
François Autain . - Je vous remercie, monsieur le Premier président, pour la clarté de votre exposé : nous comprenons que les comptes se dégradent, et nous savons aussi, même si vous ne le dites pas, que la dégradation va se poursuivre dans les années à venir.
La rétrocession de médicaments est évoquée, mais pas la liste des « médicaments en sus », médicaments qui ne sont pas intégrés à la T2A et qui pèsent aussi. Cette liste en sus augmenterait de 15 %, un rythme très supérieur à celui des dépenses hospitalières. La loi de financement de 2008 a donné des pouvoirs au directeur d'hôpital pour limiter la progression de cette liste en sus : savez-vous si ce dispositif est efficace ?
Par ailleurs, notre commission a saisi la Cour des comptes d'une demande d'enquête pour évaluer le coût de la grippe H1N1 : où en êtes-vous de vos investigations ? Le Gouvernement a déjà fait l'exercice, même s'il a varié sur le résultat : il a d'abord évoqué un coût de vaccination de 600 millions, puis, il y a deux semaines, de 500 millions, ce qui fixe le prix de chaque injection de vaccin à 100 euros, très au-dessus de ce qu'elle aurait coûté si elle avait été faite par les médecins généralistes.
Muguette Dini , présidente . - Nous avons effectivement demandé à la Cour des comptes l'établissement de cette évaluation dès le mois de décembre dernier et ce travail devrait nous être remis à la rentrée de septembre.
Jacky Le Menn . - La Cour des comptes constate des erreurs de la Cnav dans le calcul des pensions, ce qui peut se comprendre quand on sait combien les réformes ont compliqué les régimes, et vous soulignez que des erreurs viennent des informations qui sont transmises par les employeurs. Des erreurs sont-elles récurrentes, ce qui les ferait paraître délibérées ?
Marie-Thérèse Hermange . - La Cour des comptes est-elle en mesure d'évaluer le coût des pathologies liées aux addictions ? Il semblerait que les dispositifs d'alerte de la sécurité sociale ne fonctionnent pas pour certains produits de substitution aux drogues. Lorsqu'un patient achète un médicament en pharmacie sur présentation d'une ordonnance, l'achat est enregistré et peut faire l'objet d'une alerte auprès de la caisse locale s'il est répété. Mais dans certains cas, cette alerte ne fonctionne pas : on peut par exemple se procurer du Subutex dix fois dans une même journée, sans que la caisse n'en soit alertée. Quelles actions peut-on envisager ?
Raymonde Le Texier . - Merci, monsieur le Premier président, pour votre exposé clair, mais je crains que l'ambiance feutrée de notre commission ne nous fasse perdre de vue, par habitude, la démesure des chiffres que vous citez. Le déficit de la sécurité sociale a doublé entre 2008 et 2009, vous dites accompagner les caisses pour les aider à maîtriser les dépenses et pour parvenir à certifier leurs comptes sans réserve : pouvez-vous nous en dire davantage sur cet accompagnement ?
Le déficit est dû pour 60 % à la branche maladie : connaissez-vous la part de l'hôpital et des pathologies lourdes dans ces chiffres ?
Gilbert Barbier . - On constate une augmentation forte des dépenses liées aux affections de longue durée (ALD) : avez-vous les moyens de contrôler ces dépenses et le respect des ordonnanciers bizones ? Qu'en est-il également de la forte augmentation des dépenses liées aux maladies professionnelles et aux accidents du travail ?
René Teulade . - Quelle est la proportion de médicaments génériques dans les prescriptions ? Quelles sont les économies réalisées grâce aux génériques ?
Alain Gournac . - Le rapporteur général a évoqué les bonnes pratiques et cité l'exemple de l'hôpital de Lille. Est-il de votre responsabilité d'attirer l'attention sur les bonnes pratiques de gestion, afin de les diffuser plus largement ?
Alain Vasselle , rapporteur général . - Nous avons auditionné le directeur général de la Cnam, Frédéric Van Roekeghem : il nous a présenté l'état des comptes et mis en évidence les dépenses d'assurance maladie qui dérapent. J'ai demandé quelles économies nous pouvions attendre en regard. La crise a eu un « effet masse salariale » désastreux sur le budget de la sécurité sociale, mais des économies doivent être possibles, dans la médecine de ville et à l'hôpital. La Cour des comptes peut-elle les chiffrer ? Dans le cas contraire, qui peut le faire ?
Didier Migaud, Premier président . - Les indemnités journalières au titre de la maladie représentent 8,8 milliards d'euros sur 175 milliards, soit 5 %. Elles sont en augmentation sensible, de 4,6 %, en 2009.
J'indique à François Autain, au sujet de la liste en sus, que des mesures ont été prises : la Cour des comptes avait mené une enquête il y a trois ans ; un nouvel examen aujourd'hui, trois ans après les observations formulées, serait justifié. Sur la grippe H1N1, nous répondrons à votre demande ; notre rapport est toujours à l'instruction, il sera soumis à la contradiction et à un examen collégial, selon l'usage, et remis fin septembre ; j'aurai l'occasion de revenir devant vous pour le présenter et nous pourrons en reparler.
Il reste des difficultés sur la branche retraite. Nous n'avons pas d'informations sur la concentration des erreurs de calcul : nous avons demandé à la Cnav de se pencher sur le problème. Nos réserves visaient, précisément, à obtenir cette information. Notre conception de la certification peut se décrire en un terme : accompagnement. Il n'existe pas de mur entre nous et nos interlocuteurs, le dialogue est permanent, notre démarche est constructive et positive. Le but est d'améliorer toujours la transparence, la fiabilité des comptes, la gestion.
Marie-Thérèse Hermange s'interroge sur le coût des addictions pour la sécurité sociale. Nous en traiterons dans le prochain rapport annuel de la Cour sur la loi de financement de la sécurité sociale. Nous devrions pouvoir citer un exemple de lutte contre la fraude au Subutex.
J'indique à Raymonde Le Texier que nous avons levé de multiples réserves sur la branche famille parce que nous avons obtenu des réponses à nos demandes. Il faut admettre que modifier les systèmes d'information est long et difficile. Des engagements ont été pris, les premiers éléments concrets sont apparus, ce qui a permis d'accorder une certification, même avec réserves car là est la frontière. Nous avons donc moins d'observations à formuler cette année. La Cour est là pour signaler les réponses insuffisantes et les dysfonctionnements, mais lorsqu'elle constate des améliorations, elle tient aussi à les saluer et à reconnaître ceux qui font un très bon travail pour plus de transparence.
La délivrance des médicaments génériques progresse en France mais demeure inférieure à la moyenne européenne, 35 % contre 40 % environ, malgré des incitations fortes. Dans certains pays, on rembourse les médicaments sur la base du prix du générique. Ce n'est pas encore le cas dans notre pays. Quoi qu'il en soit, il y a là une source d'économies.
François Autain . - Pas seulement à l'hôpital...
Didier Migaud, Premier président . - Les sommes s'additionnent ! S'agissant des ALD, la caisse nationale effectue des contrôles. Il faudrait une évaluation en amont, ai-je entendu. Mais cela ne relève plus de la certification... La lutte contre la fraude pourrait être traitée dans le prochain rapport annuel.
Nous avons chiffré les propositions de réforme que nous avons formulées dans nos diverses recommandations. Des mesures de redressement immédiates, et des mesures continues et soutenues, autrement dit des réformes de fond, sont en effet nécessaires. Tout ce qui n'est pas financé par des recettes l'est par l'emprunt. Or, au-delà d'un certain montant de dette, on commence à perdre sa souveraineté et son indépendance. J'ajoute que la loi organique fait obligation à la sécurité sociale de présenter des comptes à l'équilibre.
Raymonde Le Texier . - Les petits ruisseaux font les grandes rivières : a-t-on procédé à des simulations pour connaître l'effet potentiel d'une extension des génériques ?
Didier Migaud, Premier président . - Non. Certains chiffres circulent. On pourrait évaluer les économies à attendre d'un remboursement au prix du générique. Mais ce n'est pas simple. La Cour a fait des recommandations qui montrent qu'il serait possible de mener une action positive.