b) Quel allongement ?
Compte tenu de la situation actuelle des finances sociales, du rôle qu'a eu la crise économique dans leur dégradation et, malheureusement, de l'absence de toute reprise de dette à la fin de l'année 2009, un allongement de la durée de vie de la Cades paraît désormais inévitable.
Selon les informations transmises par le Gouvernement, un projet de loi organique prévoyant le report, pour quatre ans, de l'échéance de la Cades serait prochainement présenté. Compte tenu de la rédaction actuelle de l'article 4 bis de l'ordonnance de 1996, qui ne fixe pas de date pour l'achèvement de la mission de la caisse, mais prévoit que tout transfert de dette à la Cades doit être accompagné d'un transfert de recettes permettant de ne pas allonger sa durée de vie, l'engagement sur une prorogation limitée à quatre ans devra être apprécié en comparant le montant des dettes reprises et les ressources affectées à la caisse pour les amortir et en effectuant un travail de simulation que la Cades est seule à même d'accomplir.
c) Quelles ressources ?
Sauf à prévoir l'allongement effectif de la durée de vie de la Cades, tout transfert de dette à la caisse implique l'affectation de recettes nouvelles lui permettant d'achever sa mission dans les délais aujourd'hui impartis. Ainsi, la reprise de chaque tranche de 10 milliards de dette à la fin de l'année 2010 suppose l'attribution de 0,085 point de CRDS ou d'une ressource équivalente :
- le transfert des déficits du régime général et du FSV pour 2009 et 2010 impliquerait l'attribution à la caisse de 0,47 point de CRDS, ce qui porterait son taux de 0,5 % à 0,97 %, soit un supplément de ressources de 5,7 milliards d'euros pour la caisse ;
- le transfert des mêmes déficits mais pour les années 2009 à 2011 impliquerait l'affectation à la Cades de 0,74 point de CRDS, le taux de celle-ci étant alors porté à 1,24 % pour une recette supplémentaire de 9,1 milliards.
La question de la nature des ressources accordées à la Cades pour assurer le remboursement de la dette sociale est cruciale pour sa crédibilité et celle du processus de remboursement de la dette sociale lui-même.
Jusqu'à présent, la ressource essentielle de la Cades est constituée de la CRDS, ressource particulièrement robuste, dont l'assiette est extrêmement large et le taux bas, ce qui permet de limiter l'impact d'une hausse pour les personnes les plus défavorisées.
Un doublement du taux actuel de CRDS entraînerait ainsi une perte mensuelle de revenu de 6 euros pour un salarié célibataire au Smic, de 14 euros pour un couple biactif dont les deux membres sont au Smic, de 10 euros pour un célibataire touchant 1,5 Smic et de 20 euros pour un couple biactif dont les deux membres sont à 1,5 Smic et ayant deux enfants.
Du point de vue de la Cades, l'augmentation d'une ressource qui lui est déjà affectée présente l'intérêt de ne pas entraver la lisibilité et la crédibilité de son financement.
Néanmoins, il est possible d'envisager l'attribution d'autres ressources à la Cades.
Dans le cadre de la présentation de la réforme des retraites, le Gouvernement a fait part de son intention d'affecter à la Cades les ressources et les actifs du fonds de réserve des retraites .
Le fonds de réserve des retraites et le
remboursement de la dette sociale
« Dans tous les pays où existent des fonds de réserve dédiés au financement des retraites, le principe est de constituer des réserves quand les régimes de retraite sont en excédent et de les utiliser en période de déficit. Le cas français constitue donc une anomalie : le FRR accumule des réserves alors que les régimes de retraite sont confrontés à des déficits importants depuis 2005 : 21,2 milliards d'euros de déficit cumulé pour la Cnav entre 2005 et 2009 et 9,3 milliards d'euros de déficit prévisionnel pour 2010. « La crise a encore accentué le caractère peu logique de cette situation en augmentant fortement le niveau des déficits. La réforme des retraites permettra de ramener progressivement le système à l'équilibre d'ici 2018. Dans cet intervalle, se pose la question du financement des déficits que vont continuer à accumuler les régimes de retraite. « Le Gouvernement propose donc d'utiliser les ressources du fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour financer l'intégralité des déficits du régime général et du FSV pendant la période de montée en charge de la réforme. Les régimes de retraite ont connu une accélération de vingt ans de leurs déficits : il est donc logique de mobiliser plus tôt que prévu le FRR dont le calendrier de décaissement devait débuter en 2020. « Le FRR continuera à exister et à assurer sa mission de gérer ses actifs de la même façon qu'aujourd'hui. La propriété des actifs du FRR qui s'élevaient fin 2009 à 33,3 milliards d'euros et sa recette constituée d'une partie du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital (1,4 milliard d'euros en 2009) seront transférées à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Le FRR gérera ses actifs pour le compte de la Cades. Grâce à ces ressources, la Cades pourra reprendre les déficits des régimes de retraite entre 2011, année de démarrage de la réforme, et 2018, année du retour à l'équilibre. Au total, sur la période 2011-2018, la mobilisation du FRR permettra d'apporter une solution à la dette accumulée des régimes de retraite. « Cette solution présente deux avantages essentiels. D'une part, elle allège la contrainte financière du régime général pendant la phase de montée en charge de la réforme. D'autre part, elle évite de faire peser sur le FRR une obligation de liquidation rapide de ses actifs. En effet, la Cades émettra des obligations pour lui permettre de reprendre chaque année les déficits vieillesse comme elle le fait pour chaque reprise de dette depuis sa création en 1996. Elle remboursera ces emprunts grâce à la recette pérenne du FRR qui lui sera affectée et aux transferts de ressources en provenance du FRR, transferts qui auront lieu au fur et à mesure de la cession des actifs du fonds. « Le FRR est donc utilisé conformément à sa vocation initiale de financement des retraites. Il accompagne les autres mesures décidées dans le cadre de la réforme, en attendant qu'elle produise tous ses effets. En l'absence de cette mobilisation du FRR, il aurait été nécessaire d'augmenter les impôts pour pouvoir financer les déficits accumulés par la Cnav, ce qui aurait nui à l'emploi et au pouvoir d'achat. » |
En attendant de connaître le dispositif exact envisagé pour l'utilisation du fonds de réserve des retraites, quelques remarques peuvent être formulées :
- les ressources et actifs du FRR ne peuvent être utilisés que pour le remboursement de la dette sociale liée aux déficits de la branche vieillesse et du FSV, ce qui laisse entière la question de la dette résultant des déficits des autres branches, et singulièrement de la branche maladie ;
- tous les actifs du FRR ne peuvent être transférés à la Cades, dans la mesure où une partie d'entre eux (3 milliards d'euros environ) correspond à la soulte liée à l'adossement du régime des industries électriques et gazières (IEG) au régime général et doit être conservée à ce titre ;
- enfin, d'après le dossier de presse de la réforme des retraites, les ressources et les actifs du FRR serviront à prendre en charge les déficits de la branche vieillesse et du FSV entre 2011 et 2018 et ne participeront donc pas au financement de la reprise des déficits de 2009 et 2010.
D'autres ressources devront donc être envisagées pour permettre le remboursement de la dette sociale à l'horizon prévu.
Parmi les ressources qui pourraient être mobilisées en complément d'une hausse de CRDS ou alternativement à celle-ci figurent :
- l'augmentation des prélèvements sur les revenus du capital et les produits de placement ;
- la réduction de certaines niches fiscales et sociales.
A ce stade, et en l'absence de précision complémentaire, la commission des affaires sociales note que le choix des recettes affectées à la Cades devra être effectué en ayant à l'esprit que :
- si l'article 4 bis de l'ordonnance de 1996 n'interdit pas l'affectation à la Cades d'autres ressources que la CRDS, celles-ci doivent présenter des garanties suffisantes de robustesse et de stabilité pour ne pas faire peser une incertitude forte sur la durée d'amortissement de la dette reprise ;
- une trop grande diversification des ressources de la caisse présenterait d'importants inconvénients pour celle-ci, qui se prévaut auprès des investisseurs et des agences de notation de la simplicité de son financement et de la qualité de la ressource qui lui est exclusivement affectée , assise sur la quasi-intégralité des revenus. L'affectation à la caisse d'une part de CSG par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a pu être gérée sans difficulté, compte tenu de la proximité des deux assiettes mais la multiplication des ressources affectées à la Cades compromettrait sa lisibilité auprès des investisseurs.