L'histoire de la protection des monuments historiques
Aux origines de la notion de monument historique (1789-1830)
Les prémices de la notion de monument historique se dessinent pendant la Révolution , les élus du peuple appelant tour à tour à faire table rase de l'Ancien-Régime et à conserver le patrimoine comme partie intégrante de l'identité nationale. Suite à la constitution des biens nationaux à la faveur de la nationalisation des biens du clergé, de la Couronne et des nobles émigrés, l'État se voit attribuer la responsabilité de sélectionner parmi l'ensemble de ces nouvelles propriétés publiques, celles qui méritent d'être conservées et transmises aux générations futures.
En 1790, l'Assemblée Constituante crée la Commission des Monuments, chargée d'élaborer les premières instructions concernant l'inventaire et la conservation des oeuvres d'art . Les biens nationaux connaissent cependant des fortunes diverses et tandis que certains sont livrés à la vindicte populaire, la plupart sont livrés à des particuliers ou disparaissent. En septembre 1792, l'Assemblée vote un décret autorisant la destruction des symboles de l'Ancien Régime. Un mois plus tard, un autre décret est voté, assurant au contraire la conservation des chefs d'oeuvre d'art menacés par la tourmente révolutionnaire. Face à la multiplication des actes de vandalisme s'élève la voix de l'abbé Grégoire, évêque constitutionnel de Blois, qui fustige les auteurs de ces actes menaçant à ses yeux l'identité nationale. Ses propos ne resteront pas lettre morte puisque la Convention promulgue le 24 octobre 1793 un nouveau décret interdisant les démolitions et prévoit que les monuments transportables intéressant les arts et l'histoire seront transférés dans le musée le plus proche.
Peu après, le 15 mars 1794, la Commission temporaire des Arts - qui a remplacé la Commission des Monuments - adopte une « Instruction sur la manière d'inventorier et conserver dans toute l'étendue de la République tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l'enseignement ». En 1795, Alexandre Lenoir est nommé pour créer le musée des Monuments français.
La naissance d'une réelle politique du patrimoine (1830-1930)
C'est à la monarchie de Juillet que l'on doit la création en 1830 , à la demande de François Guizot , alors ministre de l'Intérieur, d'un poste d'Inspecteur général des monuments historiques chargé de s'assurer sur les lieux de l'importance historique ou du mérite d'art des édifices du royaume et de veiller à leur conservation . Ce poste est d'abord confié au jeune historien Ludovic Vitet puis à Prosper Mérimée en 1834. Ce dernier va poser les bases de ce qui deviendra le Service des Monuments historiques, en mettant en place la Commission des Monuments historiques. Créée en 1837 , elle effectue un travail d'inventaire, de classement et de répartition des fonds consacrés par l'État à la sauvegarde des monuments jugés intéressants.
Une première liste de monuments dont le classement est considéré comme urgent est établie en 1840 : elle comporte des monuments préhistoriques et des bâtiments antiques et médiévaux. Grâce aux travaux de la Commission, le nombre de monuments historiques passe de 934 en 1840 à 3000 en 1849. La Commission aura néanmoins agi pendant plus d'un demi-siècle sans disposer d'aucun moyen juridique dans le cadre de sa mission. Démunie de pouvoirs légaux et, par conséquent, impuissante face aux initiatives privées, communales ou départementales, ses recommandations restent souvent lettre morte auprès des élus et du clergé. Ludovic Vitet et Prosper Mérimée tenteront tous deux de convaincre les responsables politiques de « les aider d'un tout petit bout de loi [car] d'ici dix ans il n'y aura plus de monument en France », mais il faudra attendre la IIIe République pour que cette idée se concrétise.
Une première loi est adoptée en mars 1887, qui prévoit la création d'une mesure de classement des monuments et objets jugés d'intérêt national et assortit ce statut de droits et devoirs pour leurs propriétaires. Une deuxième loi, votée le 31 décembre 1913, va plus loin en permettant le classement d'office de monuments ou objets dont les propriétaires sont réticents à toute protection et porte ainsi atteinte pour la première fois au droit de propriété.
La loi de 1913 constitue le socle fondamental de protection des monuments historiques. Elle prévoit un mécanisme simple et ingénieux qui s'adapte automatiquement aux changements de la conscience patrimoniale , à travers la formulation suivante : « Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques ». Dès lors qu'un immeuble présente un tel intérêt, l'État a le devoir et pas seulement la faculté d'en assurer la conservation par une mesure de classement.
La loi de 1927 complète le dispositif de la loi de 1913 en instaurant un second niveau de protection, l'inscription à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques - devenue en 2005 l'inscription au titre des monuments historiques - pour les immeubles présentant un intérêt non plus « public » mais « suffisant » pour en rendre désirable la préservation. La Caisse nationale des monuments historiques et des sites est créée en 1914 pour gérer les fonds exigés par l'entretien et la conservation des monuments .
Sources :
- « Les patrimoines de France, 126 villes et pays d'art et d'histoire, villes à secteurs sauvegardés et protégés »n éditions Gallimard, septembre 2009.
- « La protection des immeubles au titre des monuments historiques », manuel méthodologique de Francis Jamot, Jean Marx, Martine Audibert et Sylvie Denante, édité par le ministère de la culture, 2003.