B. DES PERFORMANCES MOYENNES DANS UN CONTEXTE DÉLICAT
1. Les particularités de la France par rapport à ses voisins européens
Les données disponibles concernant la production et le traitement des déchets ménagers dans les différents pays européens sont relativement anciennes. Les plus récentes, fournies par Eurostat, portent sur l'année 2007.
Source : Eurostat, mars 2009
Ces données font apparaître que la France se situe dans la moyenne des pays européens s'agissant du volume des déchets ménagers produits, mais qu'elle se caractérise par la place importante accordée à l'incinération et à la mise en stockage.
a) Une production dans la moyenne européenne
Les statistiques comparées en matière de déchets doivent être utilisées avec des précautions méthodologiques particulières compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la fiabilité des données et des divergences des définitions employées.
Sous ces réserves, on estime que le tonnage moyen de production de déchets municipaux, dans l'Union européenne, s'est élevé à 522 kg par personne en 2007. Il varie considérablement d'un Etat membre à l'autre, passant de 294 kg par personne en République tchèque à 801 kg au Danemark.
Avec 541 kg produit annuellement par habitant , la France se situe dans le groupe moyen des pays européens, produisant des volumes variant entre 500 et 600 kg, avec l'Autriche, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, l'Estonie, la Suède et la Finlande.
La définition des déchets selon leur nature et leur origine
Déchets des collectivités |
Déchets des ménages |
Déchets des entreprises (hors agriculture et BTP) |
Déchets de l'agriculture et de la sylviculture |
Déchets d'activités de soins |
Déchets du BTP |
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Voirie Marchés Boues Déchets verts |
Encombrants et déchets verts |
Ordures ménagères (sens strict) |
Déchets non dangereux |
Déchets dangereux |
Élevages Cultures Forêts |
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dont collectés avec les OM |
dont collectes privées |
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Déchets municipaux |
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Déchets ménagers et assimilés |
Source : mission d'information d'après l'ADEME
Quant au contenu de la poubelle française , il se place également dans la norme de celui de nos voisins européens 5 ( * ) :
Source : mission d'information d'après l'ADEME
b) Des modes de traitement marqués par l'importance de l'incinération
La répartition entre les différents modes de traitement des déchets au sein de l'Union européenne fait apparaître qu'en 2007, 42 % des déchets municipaux traités ont été mis en décharge, 20 % incinérés, 22 % recyclés et 17 % ont été compostés.
Avec des taux respectifs de 34 % pour la mise en décharge, 36 % pour l'incinération, 16 % pour le recyclage et 14 % pour le compostage, la France se situe dans le groupe des Etats membres présentant les plus fortes proportions de déchets municipaux incinérés avec le Danemark (53 %), le Luxembourg, la Suède (47 % chacun), les Pays-Bas (38 %), l'Allemagne (35 %) et la Belgique (34 %).
2. Les contraintes pesant sur les collectivités
a) Les déchets des ménages : une faible part de l'ensemble des déchets mais qui pèse directement sur les collectivités territoriales
Sur les 868 millions de tonnes de déchets produites en France, la part produite par les ménages représente seulement 3,6 %, soit 31 millions de tonnes.
Part des différents producteurs de déchets
Source : ADEME
La gestion de ces déchets relève directement et exclusivement des collectivités territoriales. Comme le précisent les articles L. 2224-13 et 14 du code général des collectivités territoriales, les communes ou leurs groupements doivent assurer l'élimination des déchets des ménages, mais aussi des déchets qu'elles produisent elles-mêmes (espaces verts, voirie) et des déchets d'origine commerciale ou artisanale ayant les mêmes caractéristiques que les déchets des ménages.
Code général des collectivités territoriales Article L. 2224-13. « Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, l'élimination des déchets des ménages. « Les communes peuvent transférer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte soit l'ensemble de la compétence d'élimination et de valorisation des déchets des ménages, soit la partie de cette compétence comprenant le traitement, la mise en décharge des déchets ultimes ainsi que les opérations de transport, de tri ou de stockage qui s'y rapportent. Les opérations de transport, de tri ou de stockage qui se situent à la jonction de la collecte et du traitement peuvent être intégrées à l'une ou l'autre de ces deux missions. « A la demande des communes et des établissements publics de coopération intercommunale qui le souhaitent, le département peut se voir confier la responsabilité du traitement, de la mise en décharge des déchets ultimes et des opérations de transport, de tri ou de stockage qui s'y rapportent. Les opérations de transport, de tri ou de stockage qui se situent à la jonction de la collecte et du traitement peuvent être intégrées à l'une ou l'autre de ces deux missions. Le département et la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale déterminent par convention les modalités, notamment financières, de transfert des biens nécessaires à l'exercice de la partie du service confiée au département et précisent les équipements pour lesquels la maîtrise d'ouvrage est confiée au département. » Article L2224-14. « Les collectivités visées à l'article L. 2224-13 assurent également l'élimination des autres déchets définis par décret, qu'elles peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières. » |
b) Des perspectives préoccupantes
Les collectivités territoriales, en charge de la gestion des déchets ménagers se trouvent confrontées à plusieurs défis : l'obligation de renouvellement des sites existants et l'augmentation sensible du coût des cycles de traitement.
(1) Malgré une stabilisation de la croissance de la production de déchets.
Selon les estimations de l'association des cités et régions pour le recyclage et la gestion durable des ressources (ACR+) 6 ( * ) , un « quasi-doublement de la production des déchets municipaux dans la zone de l'OCDE d'ici à 2020 » par rapport à l'année de référence 1980 est envisageable. Toutefois, elle note un certain ralentissement du taux d'augmentation des déchets municipaux. Celui-ci avait atteint 25 % (soit + 2,5 % l'an) entre 1980 et 2000. Il s'établirait à 4,9 % (soit + 0,9 % l'an) entre 2000 et 2005.
Source : ADEME
La tendance est donc bien, après que la production annuelle d'ordures ménagères de chaque Français a doublé en 40 ans, à une stabilisation depuis 2002 , dans un contexte démographique en croissance régulière.
Ce mouvement général pourrait se traduire, pour la partie « ordures ménagères résiduelles » (OMR) par une diminution plus rapide, notamment du fait de l'essor de la collecte sélective. Ainsi, selon les résultats 2008 de l'enquête annuelle sur les installations de traitement des ordures ménagères, le volume des OMR entrées en installation de traitement s'est établi à 20,6 millions de tonnes en 2008 contre 21,9 millions en 2006, soit une baisse de 6 %.
Evolution de la production annuelle d'ordures ménagères
Source : ADEME. Les déchets en chiffres 2009
(2) Une progression rapide de la dépense de gestion des déchets
En 2006, le ministère du développement durable a estimé la dépense de gestion des déchets à 11,6 milliards d'euros , soit une augmentation de 6,1 % par rapport à 2005. Ce taux de croissance est le même pour les entreprises et les collectivités locales assurant le service public des ordures ménagères.
Il constatait que la dépense s'accroît toujours plus rapidement que le PIB (+ 4,3 %), notamment en raison d'une constante amélioration des équipements et des services comme la mise aux normes des usines d'incinération des ordures ménagères ou encore le développement des déchèteries.
Source : ADEME. Les déchets en chiffres. 2009
Dans ce total, les dépenses d'investissements représentent 1,9 milliard d'euros dont 1,242 milliard, soit 65,4 %, est à la charge des collectivités territoriales .
La dépense courante (9,7 milliards d'euros) est, elle-aussi, principalement à la charge des administrations publiques pour les déchets municipaux qui en assurent 60 % du financement.
A cet égard, le référentiel national des coûts de gestion du service public d'élimination des déchets en 2006, établi par l'Ademe en 2009, apporte des indications précieuses sur le coût de gestion des déchets ménagers . Il indique, au vu de résultats établis à partir d'un panel de 102 collectivités volontaires couvrant 10,5 millions d'habitants desservis, que 80 % d'entre elles ont un coût complet des ordures ménagères résiduelles situé entre 136 euros et 219 euros par tonne collectée. De façon plus restreinte, 50 % des collectivités ont un coût complet se situant entre 149 euros et 191 euros par tonne collectée.
Les coûts complets médians pour la partie traitement sont par tonne collectée, de 69 euros tous modes de traitement confondus, de 58 euros pour le stockage et de 82 euros pour l'incinération.
La progression rapide de la dépense des collectivités dans le domaine des déchets devrait se poursuivre et sans doute s'amplifier du fait des nouvelles contraintes imposées par la législation qui incite au développement de techniques plus onéreuses.
Le plan d'actions déchets 2009 - 2012, qui ne donne que des estimations globales, prévoit ainsi que les nouveaux objectifs induiront un besoin en financement, pour les partenaires publics et privés, estimé à environ 7 milliards d'euros sur la période 2009 - 2015 . Une grande part de cet effort devra permettre d'assurer « le maintien et la modernisation d'un réseau d'installations de gestion, indispensables sur le territoire, qui s'inscrivent désormais dans une orientation cohérente ».
(3) Un parc d'installations de traitement à rééquilibrer
Le parc des unités de traitement des ordures ménagères (UTOM) comprenait, en 2008, 1 239 unités pour 47,111 millions de tonnes traitées. Sa répartition selon les modes de traitement est précisée par le tableau suivant :
Les unités de traitement des déchets ménagers
Mode de traitement |
Volume traité |
Nombre d'installations |
Tri |
7,191 Mt |
330 |
Compostage |
5,293 Mt |
518 |
Méthanisation |
0,206 Mt |
6 |
Incinération avec valorisation énergétique |
12,999 Mt |
112 |
Incinération sans valorisation énergétique |
0,522 Mt |
17 |
Stockage |
20,899 Mt |
256 |
Total |
47,111 Mt |
1.239 |
Plate-forme de maturation des mâchefers |
2,074 Mt |
52 |
Source : plan d'actions déchets 2009-2012
Selon l'ADEME, les tendances notables enregistrées dans l'évolution des modes de traitement devraient conduire à :
- une stabilisation des quantités totales entrant dans les unités de traitement par rapport à 2006 ;
- une poursuite de la hausse des quantités entrant en compostage et en centre de tri ;
- une très nette diminution des quantités mises en stockage (- 15 % par rapport à 2006)
- la stabilisation de l'incinération avec valorisation d'énergie depuis 2004 ;
- la baisse de l'incinération sans valorisation énergétique.
Il convient cependant de replacer ces tendances dans un contexte national marqué par deux particularités , sur lesquelles il convient de se pencher car elles impactent à la fois la qualité des filières et le réalisme des objectifs retenus par le plan d'action déchets : la taille souvent inappropriée des installations et l'inégalité de leur répartition sur le territoire national.
La taille réduite des installations , qu'il s'agisse des centres de tri ou des incinérateurs 7 ( * ) a été signalée par de très nombreux interlocuteurs auditionnés par la mission d'information. Cette particularité est sans doute due aux spécificités du territoire national et à sa faible densité. Mais elle est un handicap économique en raison de l'importance des coûts fixes liés aux équipements de traitement, à la nécessité d'employer un personnel spécialisé et à la sévérisation des normes.
La disparité de l'équipement selon les territoires est sans doute un des sujets prioritaires qu'il conviendra de traiter. Elle est particulièrement inquiétante en ce qui concerne les exutoires - incinération ou stockage - qui restent indispensables Quels que soient les efforts de réduction des déchets et de recyclage.
Le plan d'actions déchets 2009 - 2012 relève ainsi : « à l'échelle nationale, et à l'horizon 2015, il existe un risque de perte d'autonomie de certains territoires en matière de gestion des déchets. En effet, même en tenant compte des efforts de prévention et de valorisation, les capacités à éliminer les déchets pourraient devenir insuffisantes si des projets de création d'exutoires ne voient pas le jour. La situation de certains territoires sera préoccupante s'ils ne se dotent pas en propre des capacités de traitement et d'élimination des déchets qu'ils produisent ou, à défaut, s'ils ne développent pas des synergies avec les territoires voisins, dans le respect du principe général de proximité ».
Au vu, d'une part des perspectives d'évolution du parc actuel des exutoires pour les déchets résiduels, d'autre part des projets de création de capacité actuellement identifiés et chiffrables, et enfin des objectifs du Grenelle de l'environnement relatifs à la réduction des flux de déchets résiduels, une vingtaine de territoires ont été diagnostiqués, en l'état actuel, comme étant « voués à un manque significatif de capacité » et certains cas sont qualifiés de critiques à l'échéance 2015, notamment l'Ariège, les Alpes-Maritimes, les Bouches du Rhône, la Charente-Maritime, le Lot, la Lozère, le Morbihan, les Hautes-Pyrénées, le Tarn, le Var et les Vosges.
Incidence conjuguée des perspectives
d'évolution des capacités
et de l'objectif du Grenelle de
l'environnement de réduction de 15%
des quantités de
déchets résiduels
- Projection 2015 -
* 5 Selon l'ADEME en 2009.
* 6 Déchets municipaux en Europe. Vers une société européenne du recyclage. Septembre 2009.
* 7 S'agissant des incinérateurs, la capacité moyenne est de 100 000 t/an en France contre 300 000 t/an en Allemagne.