N° 499
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 mai 2010 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) par le groupe de travail (2) sur l' action de groupe ,
Par MM. Laurent BÉTEILLE et Richard YUNG,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung. (2) Ce groupe de travail est composé de : MM. Laurent Béteille et Richard Yung, co-rapporteurs. |
LES 27 RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L'ACTION DE GROUPE
1. Le champ d'application de la procédure d'action de groupe
Recommandation n° 1 - Dans un premier temps, ouvrir le recours à la procédure d'action de groupe, en le limitant aux litiges contractuels de consommation au sens large, incluant ceux qui trouvent leur origine dans une infractions aux règles de la concurrence, ainsi qu'à certains manquements aux règles du droit financier et boursier.
Recommandation n° 2 - Recourir aux principes généraux de la responsabilité civile relatifs à la détermination des victimes indemnisables, au fait générateur, au lien de causalité ou à la réparation intégrale du préjudice.
Recommandation n° 3 - Limiter le recours à la procédure d'action de groupe aux seuls dommages matériels , sans plafonner leur montant.
Recommandation n° 4 - Réserver la procédure d'action de groupe aux actions relevant de la compétence du juge judiciaire .
Recommandation n° 5 - Prévoir une évaluation du dispositif trois ans après son entrée en vigueur pour déterminer le périmètre pertinent du champ d'application de l'action de groupe.
2. L'introduction de l'instance
Recommandation n° 6 - Donner aux seules associations de défense des consommateurs ou des investisseurs auxquelles aura été délivré un agrément renforcé , la compétence pour introduire une action de groupe et la conduire jusqu'à son terme.
Recommandation n° 7 - Lorsque plusieurs associations introduisent plusieurs actions de groupe visant les mêmes fait, regrouper l'action devant une même juridiction et imposer aux associations de désigner, par commun accord, l'une d'entre elles « chef de file » pour l'accomplissement des actes procéduraux et pour mener la médiation éventuelle. À défaut, le juge pourrait désigner l'association chef de file.
Recommandation n° 8 - Faire relever les actions de groupe de la compétence d'un nombre limité de tribunaux de grande instance spécialisés .
3. Le schéma procédural retenu
Recommandation n° 9 - Organiser l'action de groupe selon deux phases distinctes :
- la première permettrait à une association agréée de présenter au juge un nombre limité de cas exemplaires dans lesquels des consommateurs ou des investisseurs sont victimes de préjudices analogues trouvant leur origine dans le même manquement d'un professionnel à ses obligations, afin que le juge statue sur le principe de sa responsabilité ;
- la seconde permettrait au juge, après constitution du groupe des victimes, de statuer sur l' indemnisation versée à ses membres.
Recommandation n° 10 - Sauf pour les points faisant l'objet des recommandations qui suivent, appliquer les règles procédurales de droit commun.
4. La phase d'examen de la responsabilité du professionnel
Recommandation n° 11 - Prévoir que l'association agréée ne soumette au juge qu'un nombre limité de cas exemplaires qui définiraient, au regard des préjudices qu'ils visent et des faits reprochés, les limites du groupe possible des plaignants.
Recommandation n° 12 - Prévoir que les personnes susceptibles d'avoir subi le dommage visé par l'action de groupe bénéficient de la suspension de la prescription sur leur action individuelle jusqu'à ce que la décision statuant sur la responsabilité de l'entreprise ou du professionnel mis en cause devienne définitive.
Recommandation n° 13 - Prévoir que le juge se prononce, à l'issue du procès, sur la responsabilité de l'entreprise par un jugement déclaratoire de responsabilité.
Recommandation n° 14 - Ne permettre le passage à la seconde phase de l'action de groupe qu'une fois les voies de recours éventuelles expirées et le jugement déclaratoire de responsabilité passé en force de chose jugée.
5. La constitution du groupe des plaignants
Recommandation n° 15 - Prévoir que le juge définisse dans la décision déclaratoire de responsabilité, les critères de rattachement au groupe , ou le cas échéant, à des sous-groupes, des personnes lésées. Lors de la réception des demandes d'intégration au groupe, le juge s'assurera de leur recevabilité au regard de ces critères.
Recommandation n° 16 - Charger le juge d'organiser, dans la même décision qui prononce le jugement déclaratoire de responsabilité, les modalités de publicité applicables pour la constitution du groupe de victimes et en imputer la charge au professionnel responsable.
Recommandation n° 17 - Laisser au juge le soin de définir, en fonction de l'espèce, les modalités de publicité pertinentes , sans fixer, dans la loi, les moyens auxquels il peut être recouru.
Recommandation n° 18 - Poser le principe d'une adhésion volontaire au groupe (opt in) .
6. La phase d'indemnisation
Recommandation n° 19 - Favoriser la médiation dans le cadre de l'action de groupe sans en faire cependant un préalable en prévoyant :
- que le juge puisse désigner un médiateur ou proposer aux parties une médiation ;
- que le groupe soit représenté dans toute médiation par l'association agréée chef de file ;
- lorsqu'une médiation est organisée après que le principe de la responsabilité de l'entreprise a été retenu, que l'accord négocié auquel elle aboutit fasse l'objet d'une homologation par le juge, qui s'assure qu'il préserve les intérêts de l'ensemble des membres du groupe.
Recommandation n° 20 - Permettre au juge de définir, lorsque la nature du préjudice s'y prête, dans sa décision relative à l'indemnisation, les critères permettant de la liquider à partir d'un schéma d'indemnisation.
Recommandation n° 21 - Prévoir que le jugement d'indemnisation vaille titre exécutoire pour chacun des membres du groupe, sauf lorsque l'entreprise conteste au cas par cas l'intégration de la personne concernée au groupe ou la liquidation retenue à son profit, en lui opposant par exemple sa propre faute.
Recommandation n° 22 - Autoriser le juge à fixer dans sa décision les conditions dans lesquelles la personne lésée pourra obtenir le paiement par le professionnel des sommes qui lui sont dues.
Recommandation n° 23 - Permettre explicitement au juge d'accepter la proposition faite par le professionnel d'une réparation en nature, lorsque celle-ci s'avère la plus adaptée ou la plus efficiente.
Recommandation n° 24 - Maintenir l'interdiction de prononcer des dommages-intérêts punitifs.
7. Autres dispositions
Recommandation n° 25 - Prévoir qu'en cas d'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'évaluation retenue tienne compte de la réalité du travail fourni par l'association et son conseil juridique.
Recommandation n° 26 - Conserver les règles déontologiques actuelles en matière de rémunération des avocats intervenant dans une action de groupe.
Recommandation n° 27 - Dans le domaine de la concurrence et du droit boursier et financier :
- faire intervenir à la procédure devant le juge l'autorité régulatrice concernée, en qualité d' amicus curiae , lorsque cette autorité n'est pas saisie d'une action contre l'auteur du manquement allégué ;
- imposer au juge de l'action de groupe, saisi d'une demande concernant une pratique faisant l'objet d'une procédure devant une autorité de régulation, de sursoir à statuer dans l'attente de la décision définitive de cette autorité ou, en cas d'appel contre cette décision, dans l'attente de la décision définitive de la juridiction compétente pour examiner la légalité de cette décision administrative. Une fois la décision devenue définitive, le juge saisi de l'action de groupe statuerait eu égard à cette décision, qui ne le lierait pas formellement juridiquement, mais dont il est peu probable qu'il s'écartera en pratique.