b) L'innovation n'est pas la R&D
L'instauration d'un « crédit d'impôt innovation » a été évoquée à plusieurs reprises par des responsables gouvernementaux, en particulier M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, que votre rapporteur spécial a entendu au cours de ses travaux.
Extrait du discours de M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, sur la nouvelle politique industrielle de la France (Ecole des Mines, 28 septembre 2009) « Je veux également aider les entreprises et la recherche à être plus performants sur le « D » de la R&D. « Je souhaite que notre recherche soit orientée vers l'innovation et que l'on créée les produits phare qui demain tireront la croissance et l'emploi. « C'est aussi comme cela que l'on fera en sorte que l'intelligence française reste en France. « Les centres de R&D doivent rester ici. Les meilleurs doivent venir et rester chez nous ! « C'est la raison pour laquelle, je veux que l'on réfléchisse à la mise en place d'un « crédit d'impôt innovation », qui viendrait compléter l'actuel crédit d'impôt recherche (CIR). « Ce nouveau dispositif aurait l'avantage de couvrir des dépenses que les entreprises, notamment les PME, considèrent souvent comme des dépenses de R&D, mais qui ne sont pas prises en compte par le CIR, aujourd'hui plus axé sur la recherche fondamentale. « Je souhaite en outre que l'on étudie la possibilité de retenir une définition du prototype permettant d'inclure les dépenses liées au design dans le champ d'application du crédit d'impôt. » Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi |
Plusieurs représentants de petites et moyennes entreprises ont également défendu l'idée que l'actuelle assiette du CIR était trop restrictive pour les PME, lors de leur audition par votre rapporteur spécial. Plusieurs ont plaidé pour un élargissement des dépenses éligibles vers l'aval du cycle de la R&D, en réservant éventuellement une telle extension à cette seule catégorie d'entreprises.
Votre rapporteur spécial partage, certes, l'idée selon laquelle, en fonction de leur taille et de leurs structures, les entreprises peuvent ne pas avoir la même conception de la R&D. S'agissant des PME, le soutien d'une démarche d'innovation plus large leur permettant de croître mériterait probablement d'être envisagé.
Néanmoins, la tension actuelle des finances publiques rend difficilement envisageable, dans l'immédiat, l'instauration d'un crédit d'impôt au coût potentiellement élevé , alors même que d'autres dispositions, comme la montée en puissance du CIR et la réforme de la taxe professionnelle, doivent peser sur les recettes publiques tout en améliorant la compétitivité des entreprises.
De plus, comme l'a souligné, par exemple, M. François Drouin, président directeur général d'OSEO, il convient d'établir une distinction claire entre la recherche et l'innovation, qui ne relèvent pas de la même démarche :
- la recherche se situe très en amont du cycle de la production ; ses résultats sont incertains et on ne peut déterminer le résultat à l'avance. Pour reprendre les termes figurant dans le manuel de référence de l'OCDE 34 ( * ) , « le critère fondamental permettant de distinguer la R&D des activités connexes est l'existence, au titre de la R&D, d'un élément de nouveauté non négligeable et la dissipation d'une incertitude scientifique et/ou technologique , autrement dit lorsque la solution d'un problème n'apparaît pas évidente à quelqu'un qui est parfaitement au fait de l'ensemble des connaissances et techniques de base couramment utilisées dans le secteur considéré ».
- l'innovation, à l'inverse, vise à produire ou à s'organiser en fonction de connaissances , certes novatrices (au moins pour l'entreprise), mais déjà établies . Il ne s'agit donc pas de faire progresser « l'état de l'art » sur une question donnée.
Votre rapporteur spécial estime donc que, si l'idée d'un crédit d'impôt innovation peut être étudiée, son taux devrait nécessairement être moins favorable que celui du CIR , au vu de la plus grande incertitude sur la rentabilité de la démarche de R&D, qui apparaît plus en rupture que la seule innovation. Par cohérence, là aussi, il conviendrait de bien distinguer le CIR de cet éventuel nouveau crédit d'impôt , qui devrait faire l'objet d'une codification à part.
* 34 Manuel de Frascati précité, édité par l'OCDE (chapitre 2).