EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 19 mai 2010 , sous la présidence conjointe de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, les deux commissions ont entendu une communication de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour la commission des finances, et Mme Janine Rozier, rapporteur pour la commission des affaires sociales, sur la réforme de l' administration des anciens combattants .
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La communication sur la réforme de l'administration des anciens combattants, que vont vous présenter Janine Rozier et Jean-Marc Todeschini, est une coproduction de nos deux commissions et je salue tout particulièrement la présence en force de la commission des affaires sociales dans notre salle.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Je me réjouis du travail commun réalisé entre nos deux commissions et je laisse la parole aux rapporteurs.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour la commission des finances. - Les rapporteurs successifs de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » se sont inquiétés à plusieurs reprises de l'ajustement de ses moyens à la diminution inéluctable du nombre d'ayants droit à réparation. Un premier contrôle a été mené, fin 2007, par la commission des finances sur les directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC).
Dans le même temps, le premier Conseil de modernisation des politiques publiques décidait, le 12 décembre 2007, de mettre en oeuvre « la rationalisation de l'administration au service des anciens combattants ». La réforme, intervenant dans le cadre de la RGPP, a pour conséquence principale la suppression progressive de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS), d'ici à la fin de 2011. Elle vise principalement à simplifier et moderniser l'organisation de l'administration au service des anciens combattants avec la création d'un point unique d'accueil et de renseignements de proximité, le service départemental de l'Office national des anciens combattants (ONAC).
Le contrôle de 2008 a donc accompagné le début de la réforme. À mi-parcours de sa mise en oeuvre et compte tenu des inquiétudes soulevées par cette décision dans la population combattante comme chez les personnels, il nous a semblé important de nous assurer que les choix retenus permettront bien de garantir la réparation équitable et l'accompagnement de qualité dus à nos anciens combattants et d'assurer le reclassement des personnels concernés par cette mutation.
La DSPRS dispose de services déconcentrés : les dix-huit DIAC, le service des ressortissants résidant à l'étranger de Château-Chinon et les services de Casablanca, de Tunis et d'Alger. Elle exerce également la tutelle sur les deux établissements publics opérateurs du programme : l'ONAC et l'Institution nationale des Invalides (INI). L'Observatoire de la santé des vétérans lui est également rattaché.
Pour mettre en oeuvre cette réforme, deux instances ont été créées : un comité de pilotage, présidé par le directeur de cabinet du Secrétaire d'Etat, et une commission de suivi, présidée par la directrice de la DSPRS. Une direction de projet a été constituée pour coordonner le travail de près de cent personnes réparties en quinze groupes de travail.
Dix missions ont été identifiées parmi celles exercées par la DSPRS, dont une part a été transférée vers l'ONAC qui assure une fonction de guichet unique à l'échelon départemental. Les autres sont reprises soit par d'autres services du ministère de la défense, soit par les établissements publics qui étaient opérateurs rattachés de la direction supprimée.
Les principaux transferts d'effectifs et de crédits ont été actés et un calendrier de fermeture des sites a été défini : il prévoit la fermeture des directions interdépartementales de la DSPRS de manière échelonnée en 2010, et celle des directions interrégionales, du service des ressortissants à l'étranger implanté à Château Chinon et de l'administration centrale de la DSPRS, à Paris et à Caen, tout au long de l'année 2011
Les organismes « repreneurs des missions » s'organisent progressivement, avec l'aide de la DSPRS, au rythme des fermetures programmées des dix-huit services déconcentrés. Les premiers transferts ont eu lieu dès le 1 er janvier 2010.
Nous avons choisi de nous déplacer à Montpellier, le 1 er avril, sur un site en cours de fermeture puisqu'elle intervenait le 1 er mai. La directrice de l'ONAC s'est montrée confiante dans la capacité du service à remplir sa mission nouvelle de guichet de proximité.
Les responsables de la DIAC, le médiateur mobilité régional de la défense et le secrétaire général de la préfecture de l'Hérault ont évoqué les difficultés de reclassement, liées aux restructurations locales de la défense conjuguées à la situation régionale de l'emploi. Elles ont été confirmées par les représentants du personnel de la DIAC. Selon le dernier recensement transmis par la DSPRS, au 30 avril, veille de la fermeture de la DIAC, sur les cinquante-deux présents au début de l'opération il en restait seize à reclasser.
En ce qui concerne l'ensemble du personnel, sur les 1 352 équivalents temps plein (ETP) affectés par la réforme, 624 auront été supprimés, 210 transférés en interne et 518 transférés aux opérateurs au cours de la période 2008-2012. Ainsi, le montant des transferts s'établit à environ 23 millions d'euros pour les dépenses de personnel à comparer avec les 55,2 millions attribués au même poste selon la loi de règlement des comptes pour 2008.
Il convient également de prendre en compte la réduction des personnels de l'ONAC à hauteur de cent cinquante personnes, dont trente pour le siège, permise par le non remplacement de départs à la retraite. Cette réduction intervient malgré les nouvelles missions qui lui sont confiées. Les économies pour les dépenses de fonctionnement sont plus difficiles à estimer, notamment en raison des transferts. Ainsi, l'ensemble des crédits transférés à l'ONAC s'établit à 13,8 millions d'euros en 2010 et 3 millions en 2011.
Je conclurai, d'une part, en approuvant le schéma retenu, qui prévoit le maintien d'un service de proximité pour la population combattante, tout en confortant le rôle de l'ONAC, d'autre part, en vous exposant mes sujets d'inquiétude, même si nous avons pu constater que cette réforme donne, dans son ensemble, satisfaction à la majorité des associations.
Tout d'abord, je souhaite que cette réforme ne laisse pas des personnels qui s'étaient, depuis des années, investis au service du monde combattant sur le bord du chemin. Je reste donc inquiet quant à la réussite complète du processus de reclassement, même si les autorités qui en ont la charge m'ont paru préoccupées d'aboutir à un minimum de frustrations.
Ensuite, je relève deux points d'achoppement dans cette entreprise : l'inégalité de traitement entre ouvriers de l'État et fonctionnaires en matière d'indemnité de départ volontaire (IDV) et l'existence de sites où les possibilités de reclassement sont amoindries par des restructurations locales d'autres administrations, notamment de la défense, déjà en cours. Je formule le souhait que ces difficultés n'entraînent pas l'application de mesures trop coercitives pour le personnel.
La dernière inquiétude que j'évoquerai porte sur l'avenir de la mission appareillage : sur sa pérennité d'une part, sur le maintien du service de proximité dû à la population handicapée à laquelle elle s'adresse, d'autre part.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour la commission des affaires sociales. - Après que Jean Marc Todeschini vous a rappelé l'historique de la réforme et présenté l'état d'avancement de sa mise en oeuvre, je souhaite revenir sur deux points essentiels : les conditions de reclassement des personnels d'une part, le maintien de la qualité de service pour les usagers, d'autre part.
Grâce au savoir-faire dont le ministère de la défense dispose en matière d'accompagnement des restructurations militaires, le reclassement des personnels concernés par les premières fermetures de directions interdépartementales s'est, jusqu'à présent, déroulé dans des conditions satisfaisantes. Le nouveau dispositif en vigueur depuis 2009 combine en effet incitations financières à la mobilité et au départ et accompagnement personnalisé, au plus près des personnels.
Il est appréciable que tous les personnels, qu'ils relèvent des catégories A, B ou C, profitent du même niveau d'aides à la mobilité, qui varient uniquement en fonction de la situation familiale et de la distance - en particulier selon qu'elle implique ou non un changement de domicile. On regrettera, en revanche, la différence de traitement manifeste entre fonctionnaires et ouvriers de l'État en matière d'IVD : en plus d'un montant d'indemnité plus élevé, les ouvriers de l'État sont les seuls à bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu et d'un droit à l'indemnisation chômage et peuvent y accéder jusqu'à deux ans avant l'âge d'ouverture du droit à pension, contre cinq ans pour les fonctionnaires. Cette situation crée un fort ressentiment parmi les fonctionnaires et réduit considérablement l'attractivité, pour ces derniers, de cette disposition.
Au-delà des aides matérielles, le dispositif d'accompagnement des restructurations se décline, au niveau local, entre les antennes mobilité reclassement (AMR), chargées du suivi des personnels tout au long du processus, et les commissions locales de restructuration (CLR), instances de concertation avec les organisations syndicales. Il est complété par l'action des sept médiateurs mobilité qui sont chargés de traiter des cas les plus difficiles et d'assurer l'interface avec les administrations d'accueil. Cet accompagnement personnalisé des agents les a protégés, jusqu'à présent, contre les syndromes d'isolement ou d'abandon et certains drames sociaux vécus lors d'autres restructurations.
Au 30 avril 2010, les services de la DSPRS estimaient qu'une solution avait été trouvée ou était en passe de l'être pour 469 agents, soit près de 58 % des 814 effectifs présents au 1 er janvier 2009 : 42 agents avaient pris leur retraite, 16 avaient choisi l'IDV, 192 étaient déjà détachés ou mis à disposition et 97 dossiers de reclassement étaient en cours de traitement, tandis que 117 personnes devront avoir pris leur retraite d'ici à 2012 ; les personnels des directions fermées au 1 er mars ont été reclassés sans difficulté majeure de même que ceux des directions de Clermont et Rouen, fermées au 1 er mai, et les prévisions sur les fermetures à venir sont plutôt optimistes.
A contrario, les conditions de fermeture des sites de Montpellier et, pour l'avenir, de Limoges ou de Château-Chinon sont plus préoccupantes, car marquées par la conjonction de restructurations civiles et militaires qui limitent considérablement les solutions locales de reclassement.
Autre difficulté : le profil des agents de la DSPRS, dont la moyenne d'âge est plus élevée que dans le reste du ministère - cinquante-deux ans contre quarante cinq ans et dix mois - et qui relèvent majoritairement de la catégorie C, supposés moins mobiles, entraînerait de fortes réticences à la mobilité. Cette dernière idée reçue est cependant mise à mal sur le terrain puisque les solutions de reclassement sont parfois plus difficiles à trouver pour les « catégorie B », aux tâches de secrétariat peu différenciées, que pour les « catégorie C », à la technicité recherchée.
En dernier recours, des procédures plus contraignantes peuvent être mises en oeuvre comme le reclassement d'office après trois refus d'affectation, voire, en cas de refus de ce dernier poste, la mise en disponibilité d'office sans traitement.
Le second objectif poursuivi par la réforme a consisté à préserver le droit à réparation dû à nos anciens combattants en confortant l'ONAC dans son ancrage de proximité : au-delà des missions nouvelles qui leur sont confiées, les services départementaux de l'office sont désormais l'interlocuteur privilégié du monde combattant et doivent à ce titre accueillir, informer et orienter les ressortissants dans le nouveau système. À cet égard, on regrettera seulement que les formations à l'accueil et aux nouvelles procédures des personnels de l'ONAC n'aient pas été organisées plus en amont des premières fermetures. L'interconnexion avec les outils de gestion des services repreneurs doit aussi progresser pour assurer le suivi des dossiers.
Grâce à l'appui de pôles de soutien mutualisant les tâches strictement administratives, les services départementaux seront recentrés sur leurs missions de proximité et les temps de traitement réduits.
Au vu, notamment, des premiers retours de terrain, la qualité du service rendu par les nouveaux services repreneurs apparaît aussi préservée. Cette réussite, qu'il faudra toutefois valider sur plus long terme, s'explique d'abord par le caractère progressif de la réforme mais surtout par la logique de métier qui a procédé au choix des services : ainsi, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), choisie pour la gestion des soins médicaux gratuits, avait déjà pour mission de rembourser des prestations maladie et maternité et le service des pensions de La Rochelle traitait déjà des pensions d'invalidité des militaires. Certains repreneurs ont dû gérer des difficultés transitoires, par exemple pour résoudre les différences de régimes indemnitaires avec les personnels reclassés - c'est le cas de l'INI pour le rattachement du Centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH) - ou pour recruter des personnels supplémentaires : les soixante-quinze postes ouverts aux agents de la DSPRS pour gérer les soins médicaux gratuits n'ayant pas été pourvus, la CNMSS a été contrainte d'ouvrir un concours pour quarante postes, avec toutes les charges d'organisation correspondantes. Elle a cependant accueilli très favorablement cette nouvelle activité, dans un contexte marqué par la remise en cause régulière des régimes spéciaux. De la même façon, l'INI voit, avec la reprise du CERAH, sa capacité d'expertise en matière d'appareillage renforcée.
Malgré la satisfaction générale exprimée par la très grande majorité de nos interlocuteurs, plusieurs points particuliers, liés à la réforme elle-même ou aux chantiers de modernisation en cours à l'ONAC, soulèvent encore l'inquiétude des ressortissants et de leurs représentants : outre la crainte que les services de l'office ne disposent pas de moyens humains et matériels suffisants, ceux-ci souhaitent recevoir l'assurance que les dossiers de PMI seront traités avec la même bienveillance que par le passé. Dans les deux cas, rien ne permettait, à la date de notre contrôle, de douter de la qualité du service rendu.
Autre sujet de vive préoccupation : le devenir du réseau de l'appareillage. En reprenant les consultations et prescriptions d'appareillage, le Service de santé des armées (SSA) a mis en place un maillage territorial souple, combinant sites primaires et sites secondaires et préservant la possibilité de consultations à domicile. Or, si la solution retenue a le mérite d'assurer la proximité, plusieurs éléments attestent de son caractère non pérenne : chute d'activité prévisible dans les cinq prochaines années, refus de la CNAM de conventionner, pour ses assurés, avec le nouvel opérateur, prochains départs à la retraite de nombreux médecins et techniciens et mise à disposition par le SSA de praticiens à temps complet auprès d'établissements où ils n'exerceront pourtant qu'une part très minoritaire de leur activité au profit des anciens combattants. Cette problématique se posait déjà, il est vrai, à la DSPRS avant la réforme.
La suppression des « délégués mémoire » et la mise en place de « pôles mémoire » régionalisés, qui fait craindre à certains une baisse de l'activité mémoire de l'office, devraient permettre aux directeurs, par ailleurs déchargés de tâches administratives, d'exercer pleinement leur rôle de chef de file en la matière, avec l'appui des « coordonnateurs mémoire ».
Enfin, et bien que les projets de textes correspondants aient été adoptés à une très large majorité au conseil d'administration de l'ONAC, la création de la fondation « Mémoire et solidarité pour le monde combattant », qui doit reprendre la gestion des établissements médico-sociaux de l'office - écoles de reconversion professionnelle et maisons de retraite - suscite encore, chez une minorité de représentants, la crainte d'une privatisation des établissements ou d'une perte de substance de l'ONAC. De mon point de vue, cette solution a l'avantage de répondre aux difficultés actuelles de gestion des établissements et de leur permettre de faire face aux défis nouveaux du vieillissement, de la dépendance et des handicaps sociaux tout en maintenant un lien fort avec le monde combattant, comme en atteste le fait que les associations resteront majoritaires dans le conseil d'administration de la fondation.
Au terme de cette mission de contrôle budgétaire, il nous est apparu que, dès lors que le reclassement des personnels s'opérait dans des conditions satisfaisantes, chacun avait à gagner dans la réforme :
- le contribuable, d'abord, car la rationalisation administrative doit produire, à terme, des gains financiers et de productivité importants ;
- les ressortissants, ensuite, qui bénéficieront, tout à la fois, du maintien d'un maillage territorial de proximité et de la garantie d'un haut niveau de prestations ;
- les opérateurs, enfin : l'ONAC est consacré dans son rôle de pivot du système quand les autres établissements voient leur capacité d'expertise renforcée.
Ce rapport détaille les interrogations, et parfois les craintes, exprimées par le monde combattant à mesure de l'avancement de la réforme. Nous avons reçu les responsables des principales associations qui ont tous témoigné de leur satisfaction d'avoir un secrétariat d'État bien à eux, en charge de leurs problèmes et à l'écoute de leurs aspirations.
Le monde combattant reste, en tous les cas, très vigilant sur le droit à réparation et attaché au fait que l'ONAC demeure et soit conforté. À part un seul interlocuteur, tous les représentants que nous avons rencontrés étaient sereins et confiants.
M. Gilbert Barbier. - Une question se pose à propos des commissions d'appareillage : ce système paraît aujourd'hui anachronique dans la mesure où il est géré par le service de santé des armées alors que la majorité des appareillés sont désormais des civils. N'y a-t-il pas là une réforme plus profonde à engager quand on connaît la difficulté de personnes handicapées à recourir à un appareillage ? Nous ne mettons pas en cause l'organisation actuelle mais il apparaît un peu surprenant que des commissions qui dépendent du ministère de la défense examinent l'ensemble des dossiers d'appareillage.
M. Guy Fischer. - Ce rapport présente des informations très précises et de nombreux chiffres. Ce contrôle confronte, pour la première fois, une décision prise dans le cadre de la RGPP et son application. Parmi les 1 352 équivalents temps plein dont vous nous avez dit qu'ils étaient affectés par la réforme, combien sont réellement supprimés ? Vous nous avez également indiqué que 210 sont transférés en interne et 518 aux opérateurs sur la période 2008-2012. Je souhaiterais avoir des précisions sur ces chiffres.
Quel est l'impact réel sur le budget ? Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants semble a priori sauvé mais qu'en est-il des services départementaux de l'ONAC ? Il n'y a bien souvent que deux ou trois personnes pour assumer le travail et j'en profite pour saluer leur dévouement. Les craintes existent aussi tant sur la pérennité du droit à réparation que sur les conséquences de la suppression des délégués mémoire, à l'heure où nous devons pourtant faire vivre la mémoire.
La reprise de la gestion des établissements médico-sociaux de l'ONAC par la fondation « mémoire et solidarité pour le monde combattant » s'apparente à une privatisation. Quoi qu'il en soit, tous ces renseignements précieux nous serviront sans aucun doute pour préparer les débats budgétaires de l'automne.
Mme Gisèle Printz. - Ma question est simple : est-ce que cette réforme marque le début de la disparition du secrétariat d'Etat aux Anciens combattants ?
M. Claude Jeannerot. - A juste raison, les anciens combattants sont attachés à ce que l'ONAC soit préservé dans son rôle de pivot et que ses activités soient garanties. A-t-on cependant prévu, tout en préservant la spécificité des anciens combattants, la mise en oeuvre de synergies, notamment avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ?
M. Marc Laménie. - Je regrette la fermeture de nombreux sites au moment où l'on cherche à promouvoir le devoir de mémoire et où l'on salue le travail des bénévoles ; ceci ne va pas forcément dans le bons sens. Nous sommes conscients de la nécessité de la réforme mais dès lors où l'on touche aux moyens humains, c'est du service de proximité qui disparaît. Dans votre rapport, vous citez le contribuable comme gagnant de la réforme alors que le budget des anciens combattants, qui est déjà en baisse, ne figure pas parmi les plus grandes masses de la loi de finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il faut saluer le travail remarquable de nos deux rapporteurs et la qualité de leurs communications. Si le budget d'une mission diminue, nous devons nous en réjouir, car c'est le signe que la dépense publique peut refluer. Il a été souligné qu'avec des moyens maîtrisés le service est bien rendu et que l'on a pu assurer le reclassement des personnels sans drames humains. La RGPP est conduite, dans ce cas, avec un grand respect des personnes même si, comme l'ont souligné les rapporteurs, nous devons conjuguer le devoir de mémoire avec un nécessaire et constant devoir de vigilance.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour la commission des finances. - Pour avoir été quatre ans chef de cabinet de Jean Pierre Masseret, alors secrétaire d'Etat aux anciens combattants, j'ai connu l'adossement du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la défense ; dans ce cadre, la RGPP apparaît beaucoup plus simple que dans d'autres ministères. Je veux rappeler que la hantise principale de l'époque était de voir le secrétariat d'Etat rattaché au ministère des affaires sociales. En ce qui concerne la baisse des crédits, je vous assure que nous avons pu supprimer de nombreux postes budgétés tout simplement parce qu'ils n'étaient pas occupés dans les faits.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il existe un côté surréaliste à débattre parfois d'emplois théoriques alors que l'on ne parvient pas à connaître précisément le nombre d'emplois réels dans les ministères.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour la commission des finances. - Il faut rappeler que sans l'adossement au ministère de la défense, la spécificité de l'administration des anciens combattants, qui aurait alors relevé du droit commun, était perdue et c'est la raison pour laquelle le monde combattant l'a soutenu. Nous vivons aujourd'hui la suite de cette réforme et cette administration semble confortée.
Nous avons été surpris par le fait que le personnel des services départementaux de l'ONAC semblait très serein. Il se perçoit notamment comme devant assumer ce rôle de guichet unique, de « boîte aux lettres », sans forcément de grands renforts. Il faut également dire que les principales associations d'anciens combattants consultées se sont montrées, devant nous, satisfaites.
Sur la question de la suppression du secrétariat d'Etat aux anciens combattants et de la création de la fondation, il sera temps d'en débattre lorsque le Parlement en sera saisi. Au final, cette réforme, en dehors de difficultés de reclassement, ne devrait pas poser de graves problèmes.
Sur la question de l'appareillage, l'évolution se serait produite même sans la réforme, par le fait de simples considérations démographiques et notamment en raison du départ à la retraite des médecins spécialisés. La possibilité de synergies avec les MDPH doit être examinée avec la plus grande prudence, car il s'agit d'un point très sensible pour les anciens combattants qui ne veulent absolument pas être considérés comme des accidentés civils. Même si certains médecins conventionnent localement avec des structures locales, dont des MDPH, il ne devrait pas y avoir de problèmes majeurs. Peut-être devrons-nous à l'avenir auditionner le président de la fédération nationale des plus grands invalides de guerre ?
Pour répondre directement sur les suppressions d'emplois, celles-ci sont au nombre de 624 suppressions nettes. En ce qui concerne les transferts internes d'emplois, ils sont opérés au sein même du ministère de la défense. Quant aux 518 transferts vers les opérateurs, il s'agit pour l'essentiel de mouvements vers l'ONAC ou le CERAH.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour la commission des affaires sociales. - Je suis en total accord avec les propos de Jean-Marc Todeschini et souhaite souligner que les associations que nous avons reçues se sont montrées confiantes et sereines. Nous resterons cependant très vigilants sur les quelques sujets d'inquiétude qu'elles ont évoqués, s'agissant en particulier de l'appareillage.
Concernant les personnels des services départementaux de l'ONAC, il est vrai que certains ne seront composés que de trois ou quatre agents mais d'autres bénéficieront, si les besoins l'exigent, d'effectifs plus importants. Il faut par ailleurs rappeler que l'ONAC est conforté, budget après budget, dans sa mission d'action sociale, en particulier à l'égard des ressortissants les plus démunis ou des veuves, comme en témoigne la hausse, depuis deux ans, de sa subvention d'action sociale.
M. Jacky Le Menn. - Quand on parle de rapprochement avec les MDPH, il s'agit de la gestion des dossiers et non de l'appareillage. On s'aperçoit qu'avec le reformatage du SSA, on se trouvera, à moyen terme, dans une situation de pénurie pour les disciplines d'appareillage qui voient leurs effectifs diminuer, ce qui posera un problème tant pour les bénéficiaires civils que militaires. Certes, il existe une nécessité de rationaliser l'organisation avec moins d'opérateurs. Il y a certainement quelque chose à faire et nous avons intérêt à rassembler les intervenants civilo-militaires dans une même entité.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour la commission des affaires sociales. - Nous avons bien entendu évoqué ce sujet dans le rapport.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Sur cette question, ne serait-il pas du rôle des services départementaux des anciens combattants de faire appel aux meilleures compétences ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour la commission des finances. - Le problème est qu'il existe une réelle pénurie de techniciens et de médecins dans ces spécialités, car très peu d'étudiants s'engagent dans cette filière. Le ministère des anciens combattants gérait déjà l'appareillage au bénéfice de nombreux civils, sans lesquels ce service, et notamment des centres de recherches importants comme le CERAH, ne pourrait plus exister. Cette question n'a pas été traitée par la réforme.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il existe en effet de nombreux polytraumatisés qui bénéficient de ces appareillages.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour la commission des finances. - Les civils peuvent depuis longtemps utiliser ces structures et leur part a d'ailleurs augmenté régulièrement ; il existe dans le secteur public et privé des médecins d'appareillages. Il va falloir organiser au niveau national un système pouvant répondre à tous les mutilés de la vie et il est clair que le ministère de la défense ne pourra pas payer indéfiniment des médecins mis à disposition dans les hôpitaux qui ne consacrent que 10 % de leur temps aux anciens combattants.
M. René Teulade. - Nous devons rester très vigilants sur l'information des usagers, notamment sur l'appareillage. Sur toutes ces réformes, les élus locaux sont souvent questionnés et pas toujours bien informés.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Afin de permettre la meilleure information possible dans l'ensemble de nos départements et de nos communes, je vous propose d'adopter ce rapport et d'en autoriser la publication. Je tiens également à dire que je me réjouis de ces missions conjointes avec d'autres commissions et j'espère que nous continuerons. Je constate l'unanimité sur l'adoption de ce rapport, qui sera donc publié.
À l'unanimité, les commissions des finances et des affaires sociales donnent acte à M. Jean-Marc Todeschini et à Mme Janine Rozier de leur communication et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Ces travaux conjoints sont, en effet, fort utiles et nous aurons l'occasion, d'ici à la fin de l'année, d'adopter la même démarche sur la question des régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP ainsi que sur celle de l'évaluation des coûts de l'allocation aux adultes handicapés.