2. L'impôt sur les sociétés : le problème de la localisation de la création de richesse et de l'optimisation fiscale
L'impôt sur les sociétés est au coeur des difficultés soulevées par la localisation de la richesse créée par le commerce électronique. En effet, le système international en vigueur pose le principe selon lequel les revenus produits sur un territoire y sont taxés. Mais, la dématérialisation des services pose la question du lieu où sont créés les revenus, battant ainsi en brèche le principe fiscal français de territorialité de l'impôt.
L'étude du cabinet Greenwich Consulting confirme le fait que les multinationales ont une approche globale du marché européen. Un siège social paneuropéen consolide la majorité du chiffre d'affaires et des bénéfices. Par exemple, eBay est implanté en Suisse, Amazon au Luxembourg, Expedia et Google en Irlande. Ces mécanismes ne sont pas propres au e-commerce mais leur ampleur est accrue par la grande mobilité des fonctions, des biens et des risques.
L'analyse de Greenwich Consulting révèle en particulier un exemple d'optimisation fiscale en matière d'impôt sur les sociétés. Amazon capte, en effet, un volume d'affaires de 930 millions d'euros en France, alors que la filiale française ne déclare qu'un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros, au titre de prestations de services logistiques, rémunérées par la holding luxembourgeoise.
L'impôt sur les sociétés (IS) et le
cas d'Amazon Europe :
la répartition du volume
d'activité et du chiffre d'affaires déclaré par
pays
(en millions d'euros)
Source : rapport réalisé par le cabinet Greenwich Consulting
Paradoxalement, les mêmes règles internationales, qui ont abouti à la création de la notion d'établissement stable, rendent possible le rattachement des revenus dans un autre Etat que celui où le service est rendu, ce qui favorise l'installation du prestataire dans les Etats pratiquant des politiques de « compétitivité fiscale ».
Les travaux de la table ronde ont mis en lumière une impossibilité de taxer de manière efficace les revenus à moins de mener une réflexion sur les deux pistes suivantes :
- la modification des règles internationales de l'OCDE et communautaires dans le cadre du projet ACCIS (« Assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés »), afin d'assurer des recettes fiscales aux Etats où naissent les chiffres d'affaires et non à ceux où sont domiciliés les groupes ;
- la taxation du chiffres d'affaires, plutôt que celle des bénéfices, afin d'instaurer un recouvrement de la taxe directement sur le preneur de la prestation et non sur le vendeur.
Il faut en conclure que, à droit constant, l'imposition sur les bénéfices étant pratiquée dans l'Etat de résidence des sociétés, toute modification destinée à relocaliser en France des revenus déclarés dans un autre Etat est conditionnée par une négociation à l'échelle internationale et la modification de plus d'une centaine de conventions fiscales.
A cet égard, les travaux de la commission « Zelnik » ne posent pas seulement la question de la loyauté du marché de la publicité en ligne, mais aussi celle de la localisation des revenus.