IV. LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR DES OBJECTIFS POLITIQUES
La stratégie proposée par le général MacChrystal est une stratégie pour l'essentiel d'ordre militaire même si elle inclut, comme le veut la doctrine de contre insurrection, le développement et l'assistance conditions nécessaires pour « gagner les coeurs » et, à terme, gagner la paix.
Toutefois, cette stratégie militaire ne peut avoir d'efficacité que si elle est au service d'objectifs politiques. L'évaluation du général MacChrystal reste cantonnée à son domaine et renvoie logiquement au politique le soin de définir les conditions du succès.
L'ensemble des nations membres de la coalition internationale ainsi que les pays voisins de l'Afghanistan et du Pakistan et l'Union européenne attendent le choix qui sera fait par le Président Obama. Cette attente est symptomatique du poids relatif des différents partenaires de la coalition.
A. UNE RÉÉVALUATION DE LA SITUATION PERMISE PAR L'OUVERTURE DE LA NOUVELLE ADMINISTRATION AMÉRICAINE
Les deux mandats du Président Bush ont conduit à une radicalisation du conflit entre les États-Unis, et plus largement l'Occident, et l'Islam. Cette dégradation de l'image, en large partie justifiée par les méthodes de la guerre contre le terrorisme de l'administration américaine, a été largement instrumentalisée à son profit par l'islam le plus radical.
Le Président Obama a réalisé une véritable rupture à cet égard à travers ses interventions à Ankara et au Caire ouvrant ainsi la voix à une nouvelle politique.
À Ankara, le Président Obama a souligné que « l'Amérique n'est pas --et ne sera jamais- en guerre contre l'islam » . Mais nombre de malentendus et de stéréotypes se sont imposés progressivement dressant les uns contre les autres et aboutissant pratiquement à une guerre des religions.
Au Caire, le Président Obama a analysé les deux causes qui ont permis la montée en puissance de ces incompréhensions réciproques :
• d'une part les « mutations de grande envergure qui sont nées de la modernité et de la mondialisation qui ont poussé beaucoup de musulmans à voir dans l'Occident un élément hostile aux traditions de l'islam. Des extrémistes violents ont exploité ces tensions auprès d'une minorité de musulmans, qui pour être réduite n'en est pas moins puissante » ;
• d'autre part « les attentats du 11 septembre 2001, conjugués à la poursuite des actions violentes engagées par ces extrémistes contre des civils, ont amené certains dans mon pays à juger l'islam inévitablement hostile non seulement à l'Amérique et aux pays occidentaux, mais aussi aux droits de l'homme. La peur et la méfiance se sont ainsi accentuées. »
L'objectif du Président Obama est de briser le « cycle de la méfiance et de la discorde » afin, en particulier, de faire face ensemble à la question de l'extrémisme violent sous toutes ses formes.
S'agissant spécifiquement de l'Afghanistan, il a indiqué, dans son discours du Caire, le 4 juin 2009, que la situation qui y prévaut « illustre les objectifs de l'Amérique et la nécessité de collaborer tous ensemble ».
Il y définit les éléments qui pourraient constituer une nouvelle politique :
• les États-Unis sont intervenus en Afghanistan « non par choix, mais par nécessité » après les attentats du 11 septembre 2001 ;
• Les États-Unis n'entendent pas rester en Afghanistan et ne cherchent pas à y établir des bases militaires ;
• face à un conflit coûteux et politiquement difficile, l'intérêt de l'Amérique est de se retirer, dès qu'elle aura l'assurance que l'Afghanistan, et maintenant le Pakistan, n'abritent plus d'éléments extrémistes déterminés à tuer le plus grand nombre possible d'Américains ;
• cette assurance ne pouvant être donnée à l'heure actuelle, les États-Unis oeuvrent et continueront à oeuvrer avec détermination et sans fléchir avec une coalition de 46 pays pour atteindre cet objectif ;
• Les Etats-Unis et l'Islam ont un intérêt commun à lutter contre le terrorisme. « Les actions de ces terroristes sont irréconciliables avec les droits de l'homme, le progrès des nations et l'islam. Le Coran enseigne que quiconque tue un innocent tue l'humanité tout entière, et que quiconque sauve quelqu'un, sauve l'humanité tout entière ».
• Quand il s'agit de combattre l'extrémisme violent, l'islam ne fait pas partie du problème - il constitue une partie importante de la marche vers la paix.
• la puissance militaire ne va pas à elle seule résoudre les problèmes qui se posent en Afghanistan et au Pakistan. C'est pour cette raison que nous comptons investir 1,5 milliard de dollars par an, au cours des cinq prochaines années, dans la construction d'écoles et d'hôpitaux, de routes et d'entreprises, en partenariat avec les Pakistanais, ainsi que des centaines de millions de dollars pour venir en aide aux personnes déplacées. C'est pour cette raison encore que nous fournissons plus de 2,8 milliards de dollars aux Afghans afin de les aider à développer leur économie et à prodiguer les services dont la population a besoin.
En résumé, au travers de ses discours, le Président Obama affirme son plein respect pour la religion islamique, tend la main à l'islam pour combattre l'extrémisme, et pose les conditions du retrait militaire d'Afghanistan tout en promettant une aide au développement et à la reconstruction.
Parmi les différentes options de stratégie militaire exposées précédemment, celle qui semble le plus en phase avec cette politique semble être celle proposée par le général MacChrystal. Deux points demeurent néanmoins à trancher : celui de la nécessité ou non d'augmenter les effectifs et, en cas de réponse positive, à quel niveau, et celui de la priorité respective des théâtres afghans et pakistanais. Sur ce dernier point la notion d'AFPAK englobe les deux théâtres d'opérations.