b) L'articulation avec la fiscalité existante : taxe différentielle ou taxe additionnelle ?

Ainsi que l'ont évoqué les développements précédents, la contribution climat-énergie prendra vraisemblablement la forme d'une taxe sur les consommations énergétiques. Notre système fiscal comportant déjà de telles accises, le groupe de travail s'est livré à un bref « diagnostic de performance énergétique » de ces prélèvements, afin d'en déterminer les principales caractéristiques.

(1) « Diagnostic de performance énergétique » de la fiscalité française

En France, les taxes existantes sur la production et la distribution d'énergie représentaient, en 2008, un rendement cumulé de 28,1 milliards d'euros, soit 1,46 % du PIB. La taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) et la taxe spéciale sur les carburants représentent à elles seules près de 91 % de ce rendement.

Une analyse restreinte aux seules accises fait apparaître la fiscalité énergétique française comme une des plus faibles d'Europe , sa part s'élevant, en 2006, à 1,35 % du PIB et 2,7 % des recettes publiques contre respectivement 1,5 % et 3,3 % en moyenne dans l'Union à 25.


Taxation de la production et de la distribution d'énergie en France

(en millions d'euros)

Source : ADEME

Le « diagnostic de performance énergétique » de la fiscalité française montre que les accises énergétiques ne sont pas conçues pour conférer un prix aux effets externes liés aux usages de l'énergie, et en particulier aux émissions de gaz à effet de serre et que leur finalité est essentiellement budgétaire. La TIPP, quatrième impôt d'Etat par son produit, est emblématique de la poursuite d'une logique de rendement, notamment dans la mesure où ses tarifs sont établis sans lien avec les externalités associées aux usages des énergies taxées.

(2) Une taxe additionnelle plus ambitieuse

Au cours de la table ronde organisée par votre commission des finances le 2 juin 2009, Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, a fait état de deux scénarios de travail, depuis confirmés par les simulations transmises au groupe de travail et le Livre blanc en vue de la conférence d'experts sur la contribution climat-énergie .

Le premier consiste à créer une taxe carbone additionnelle aux taxes énergétiques existantes. Comme son nom l'indique, cette fiscalité nouvelle viendrait purement et simplement s'ajouter aux accises en vigueur et majorerait la taxation globale des énergies du tarif choisi pour la tonne de CO 2 . Les effets de cette majoration seraient d'autant plus sensibles que le contenu en carbone des différentes consommations énergétiques serait plus important.

Le second scénario consiste à créer une taxe différentielle , dont le tarif par tonne de CO 2 serait, cette fois, modulé pour tenir compte de la taxation du carbone et des coûts environnementaux hors effet de serre 54 ( * ) déjà opérée par les taxes existantes .

Selon l'ADEME, et sur la base d'une tonne de dioxyde de carbone tarifée à 32 euros, une taxe additionnelle renchérirait de 7,76 euros les 100 litres de supercarburant sans plomb, de 6,59 euros le mégawattheure de gaz naturel et de près de 11 euros la tonne de charbon ( cf . tableau) 55 ( * ) .


Impact d'une taxe carbone additionnelle sur plusieurs énergies fossiles

Energies

Unités

Niveau permettant de taxer la tonne de CO 2 à 32 euros

Supercarburant sans plomb

Euros par hectolitre

7,76 euros

Diesel

8,52 euros

Gaz de pétrole liquéfié

Euros par gigajoule

2,05 euros

Fioul domestique

Euros par hectolitre

8,50 euros

Fioul lourd

9,80 euros

Gaz naturel

Euros par mégawattheure

6,59 euros

Charbon

10,98 euros

Source : ADEME

Dans l'hypothèse d'une taxe différentielle , une évolution contrastée serait, par définition, constatée en fonction des types de combustibles et de carburants. Gaz naturel et charbon étant actuellement totalement exonérés pour les ménages, l'internalisation du coût de l'effet de serre impliquerait de fixer le montant de la contribution à 32 euros par tonne de CO 2 . La taxation actuelle du GPL-carburant, de l'essence et du super sans plomb, étant déjà suffisante pour compenser les coûts externes associés à leur usage, pourrait demeurer constante. S'agissant du gazole, la contribution internalisant les effets externes devrait s'élever à 32 euros par tonne de CO 2 pour l'usage particulier et à 9 euros par tonne pour l'usage professionnel 56 ( * ) .

Impact d'une taxe carbone différentielle sur plusieurs énergies fossiles

A tarification du carbone identique , le scénario différentiel serait moins « ambitieux » au plan environnemental, et se distinguerait du scénario additionnel sur deux points principaux :

1) le super sans plomb consommé par les ménages, déjà taxé par la TIPP au niveau de l'ensemble de ses externalités, serait exonéré ;

2) le gazole utilisé par les transporteurs professionnels et le fioul domestique seraient approximativement trois fois moins taxés au titre de la contribution que dans le scénario additionnel (2,91 euros par hectolitre de fioul domestique pour une taxe différentielle contre 8,52 euros pour une taxe additionnelle).

La contrepartie en serait une recette fiscale moins importante que dans le scénario additionnel ( cf. infra ).

Bien que tout arbitrage entre ces deux scénarios soit conditionné par le tarif qui sera finalement retenu pour la tonne de carbone, le groupe de travail juge préférable une contribution additionnelle, dont la portée en termes de signal-prix lui semble le plus adaptée à des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO 2 ou des consommations d'énergie.

* 54 Congestion urbaine par exemple.

* 55 Les hypothèses sont les suivantes : toutes les ressources énergétiques sont soumises à une contribution additionnelle à un taux implicite unique de 32 euros par tonne, sauf les combustibles (hors carburants) consommés par les entreprises soumises au système communautaire d'échange de quotas.

* 56 Cela signifie que la tarification existante du gazole à usage professionnel internalise déjà l'intégralité des coûts hors effets de serre liés à cet usage et, à hauteur de 23 euros, le coût de l'effet de serre lié au CO 2 . Il faut donc le relever de 32-23 = 9 euros pour tarifer le carbone à 32 euros.

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