MERCREDI 6 MAI 2009
Présidence de M. Serge Larcher, président
M. CHRISTIAN GARIN, PRÉSIDENT DES ARMATEURS DE FRANCE, ET M. JOËL GENTIL, VICE-PRÉSIDENT DE CMA CGM ANTILLES-GUYANE
Après avoir rappelé qu'Armateurs de France était l'organisation professionnelle des entreprises françaises de transport et de services maritimes regroupant tous les secteurs d'activité maritime, M. Serge Larcher, président, a souligné le rôle clé du fret maritime outre-mer : les départements d'outre-mer (DOM) recourent en effet essentiellement à un transport extérieur de marchandises maritime. Il a relevé que le coût du transport était souvent cité comme contribuant au niveau élevé des prix, notamment dans le cadre du récent conflit qui a touché les DOM.
M. Christian Garin, président d'Armateurs de France, a tout d'abord relevé le grand déséquilibre des flux entre la métropole et les DOM, les importations en direction de ces derniers étant d'un niveau largement supérieur à celui des exportations. Cette situation explique que de nombreux navires reviennent à vide de ces départements.
Pour La Réunion, les importations représentent ainsi quelque 110 000 équivalents vingt pieds (EVP) ou conteneurs par an, contre 17 000, en flux retour, pour les exportations. Les importations représentent 62 000 EVP par an pour la Martinique et 55 000 EVP par an pour la Guadeloupe, contre respectivement 18 000 EVP et 9 400 EVP pour les exportations. L'asymétrie est encore plus importante pour la Guyane avec 21 000 EVP par an à l'import contre 1 600 EVP à l'export.
M. Christian Garin a ensuite souligné que les deux grands marchés des Antilles et de La Réunion étaient marqués par une réelle concurrence, avec la présence de cinq armements à La Réunion et de six armements aux Antilles. Si l'entreprise CMA-CGM, acteur historique du fret ultra-marin jouit d'une position dominante, le nombre d'acteurs empêche toute position monopolistique. En Guyane cependant, seulement deux armateurs se partagent un marché étroit et marqué par d'importantes difficultés logistiques.
Il a indiqué que le prix d'un conteneur de quarante pieds s'élevait, hors frais de manutention, à 3 000 € environ aux Antilles et à 3 900 € en Guyane ou à La Réunion. Afin d'illustrer l'impact du fret sur le prix des produits de grande consommation, il a cité les exemples suivants :
- pour un litre de lait : 10 centimes d'euros à La Réunion et en Guyane et 9 aux Antilles ;
- pour un litre d'huile : 12 centimes d'euros à La Réunion et en Guyane et 11 aux Antilles ;
- pour un kilogramme de pommes de terre : 12 centimes d'euros à La Réunion, 18 aux Antilles et 22 en Guyane.
Tout en précisant que ce coût ne prenait pas en compte le coût du chargeur, il a souligné que ces chiffres étaient très éloignés de ceux parfois avancés. Il a également rappelé que la tarification était faite en fonction des volumes transportés et non du prix des marchandises transportées.
M. Christian Garin a enfin souligné que la comparaison avec les autres marchés, notamment le marché asiatique, n'était pas pertinente, notamment du fait de la taille limitée des marchés des DOM et de la capacité proportionnelle des navires assurant la desserte qui ne permettaient pas les économies d'échelle ainsi que de la fluctuation saisonnière importante de l'offre et de la demande.
M. Éric Doligé, rapporteur , s'est interrogé sur une éventuelle évolution des volumes du fret au cours des derniers mois et sur la possibilité d'une diminution de son coût si de nouveaux marchés locaux venaient à se développer.
M. Christian Garin a souligné qu'aujourd'hui 90 % des flux concernant La Réunion, et presque 100 % aux Antilles et en Guyane, étaient en provenance ou en direction de l'Europe, illustrant le maintien du lien historique entre ces départements et la métropole et la faiblesse de l'insertion dans l'environnement régional.
M. Joël Gentil, vice-président de CMA CGM Antilles-Guyane, a précisé que les volumes de marchandises transportées avaient diminué de près de 39 % depuis le début de l'année 2009 entre la métropole et la zone Antilles-Guyane. Par ailleurs, il a indiqué que le maillage de CMA CGM était important dans la Caraïbe, l'entreprise ayant même mis en place un service spécifique entre les Antilles et la Guyane, représentant aujourd'hui un volume de 60 EVP par semaine.
En réponse à une question de M. Éric Doligé, rapporteur, M. Christian Garin, a indiqué que le transport maritime des personnes était limité vers les DOM. Il a également souligné que le volume de 60 EVP par semaine évoqué pour le fret entre les départements des Antilles et la Guyane devait être comparé aux 2 000 EVP arrivant chaque semaine en Martinique et en Guadeloupe en provenance de la métropole.
Répondant à M. Henri de Raincourt , M. Joël Gentil a insisté sur le poids marginal du fret dans le prix des produits de première nécessité dans les DOM, l'évaluant à 3 ou 4 %, cette proportion comprenant l'ensemble des opérations, du transporteur en amont à la décharge. Il a également relevé que les prix pratiqués en mars 2009 étaient semblables à ceux pratiqués en mars 2006, le coût du fret n'ayant donc pas contribué au renchérissement du coût de la vie. Il a souligné que les armateurs s'étaient néanmoins engagés dans des actions spécifiques en lien avec la grande distribution afin de participer à l'effort de réduction des prix des produits de première nécessité.
Après avoir confirmé la difficulté des conditions d'exploitation en Guyane, M. Georges Patient a estimé qu'une entente commerciale existait depuis 1995 dans ce département entre les deux compagnies qui y interviennent.
M. Christian Garin a indiqué que les armateurs avaient mis en place un trafic « sur mesure » dans les DOM, ce qui pouvait peser sur les prix. Il a estimé que la régularité de rotation des navires dans ces départements offrait une desserte comparable à celle en vigueur pour l'ensemble du territoire métropolitain. Il a enfin souligné que la stabilité du prix du fret au cours des trois dernières années était d'autant plus remarquable qu'une forte augmentation du prix du baril de pétrole avait caractérisé la période.
M. Joël Gentil a relevé que les compagnies d'armateurs avaient effectué des investissements à hauteur de 180 millions d'euros afin d'assurer une desserte hebdomadaire de la Guyane. Il a par ailleurs nié l'existence d'une entente tarifaire entre les armateurs présents dans ce département, rappelant que d'autres compagnies avaient tenté de s'y implanter mais s'en étaient rapidement retiré.
En réponse à une question de M. Jean-Paul Virapoullé , M. Joël Gentil a indiqué que CMA CGM desservait de nombreuses îles du bassin caribéen, à des tarifs comparables à ceux pratiqués en Martinique ou en Guadeloupe. Il a par ailleurs relevé qu'au début de l'année 2008, le prix du fret entre l'Asie et l'Europe était comparable à celui pratiqué entre l'Europe et les Antilles.
Répondant à M. Denis Detcheverry , il a rappelé que le prix du fret dépendait essentiellement du volume de produits transportés, ceci expliquant les tentatives de regroupement des producteurs afin d'optimiser le remplissage des navires.
M. Serge Larcher, président , a observé que le fait, pour la Martinique, d'exporter deux fois plus que la Guadeloupe, ne lui permettait pas pour autant de bénéficier de tarifs de fret préférentiels. Lui indiquant l'impossibilité de pratiquer un prix différent entre la Guadeloupe et la Martinique, M. Joël Gentil a confirmé que les exportateurs de bananes martiniquais contribuaient à la baisse du prix du fret et à la régularité du service d'approvisionnement.
En réponse à une interrogation de M. Jean-Paul Virapoullé qui faisait valoir l'existence à La Réunion d'un marché de 800 000 habitants, M. Joël Gentil a indiqué que La Réunion ne paraissait pas aujourd'hui le lieu géographiquement le mieux placé sur les routes maritimes pour l'installation d'un port d'éclatement.