M. JEAN-PIERRE BASTIÉ, INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'AGRICULTURE
M. Jean-Pierre Bastié, inspecteur général de l'agriculture , a précisé d'emblée la position atypique de la Mission de liaison et de coordination pour l'outre-mer (ML-DOM) qu'il dirige auprès de l'administration centrale du ministère de l'agriculture et de la pêche, celle-ci étant chargée d'apporter un appui fonctionnel au cabinet et de coordonner l'action des directions générales du ministère sur les questions de l'outre-mer. À titre personnel, M. Richard Samuel lui a aussi confié, dans le cadre des États généraux de l'outre-mer, la fonction de rapporteur sur le sujet des produits locaux.
S'agissant des secteurs de l'agriculture et de la pêche, M. Jean-Pierre Bastié a précisé l'importance de l'outil que représente le programme POSEI pour la France, doté par l'Europe de 273,4 millions d'euros par an et non limité dans sa durée.
Àprès avoir évoqué les faiblesses de l'outre-mer, il a mis en exergue ses forces : une croissance et un niveau de qualification supérieurs à la majorité des pays voisins, l'opportunité d'exporter vers le marché européen, un réel savoir-faire dans des productions agricoles respectant les normes environnementales, le rôle des centres de recherche et des connaissances dans le domaine phytosanitaire...
En ce qui concerne les outils disponibles, outre le programme POSEI, il a évoqué le programme de développement rural qui permet de verser environ 200 millions d'euros par an aux DOM, les contrats de projet État-Région (13 millions d'euros) et le l'ODEADOM (6 millions d'euros). Il a également cité la caisse de développement de l'aménagement rural, les pôles d'excellence rurale et les pôles de compétitivité, même si la situation est variable selon les DOM.
Cependant, M. Jean-Pierre Bastié a dressé un constat très alarmant concernant l'évolution de la surface agricole utile (SAU), en recul partout dans les DOM à l'exception de la Guyane, en raison du phénomène de concentration des exploitations et de la diminution du poids relatif de l'agriculture face à la tertiarisation.
Quant à la loi LODEOM, il a salué les avancées que constituent la meilleure valorisation des écoproduits agricoles et l'aide pour baisser les surcoûts des intrants, en plus de l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti et le dispositif de défiscalisation des investissements, tout en appelant à la vigilance sur les décrets d'application à venir.
Pour le développement économique des DOM, M. Jean-Pierre Bastié a insisté sur l'importance de trois sujets :
- la politique de recherche et de développement : le rôle des instituts tels que l'IRA ou le CIRAD et du FEDER est important mais des problèmes de méthode et de valorisation persistent ; il faudrait aider les chambres d'agriculture à mieux exprimer les besoins et mettre en place un projet global de formation ; les lycées professionnels pourraient être dotés de conseils exécutifs et créer des pépinières de jeunes agriculteurs, par exemple ;
- le foncier : la situation est gravissime aux Antilles et on considère que, dans vingt ou trente ans, il n'y aura plus de SAU (surface agricole utile), d'où la nécessité d'un véritable « plan Marshall du foncier », alors même qu'il existe des outils comme les SAFER ; il faudrait généraliser la création d'observatoires du foncier et accompagner la reconversion des agriculteurs victimes du chlordécone ;
- les financements : il faudrait étendre les dispositifs métropolitains qui n'existent pas pour l'outre-mer (fonds de garantie, capital risque, prêts bonifiés, dotations jeunes agriculteurs...).
À cet égard, il a estimé que les États généraux étaient très importants pour faire mûrir un projet de développement endogène bénéficiant d'un appui public plus performant.
Puis M. Jean-Pierre Bastié a évoqué la question des biocarburants qui a fait l'objet d'une étude des Mines en 2006 (rapport Dupré), concluant en faveur du développement de la bagasse et de la filière bois, surtout en Guyane qui a un potentiel énorme et a fait un vrai travail de certification.
Répondant aux questions de M. Éric Doligé , rapporteur, il a insisté sur la gravité de la situation foncière, rappelant qu'une construction nouvelle sur deux en Guadeloupe était réalisée sans permis de construire.
M. Georges Patient a déploré que 75 % des agriculteurs guyanais n'aient pas de titre foncier, lourd handicap pour l'obtention de prêts, et a rappelé que la surface agricole utile représentait 25 000 ha, soit 0,30 % du territoire.
M. Jean-Paul Virapoullé a jugé qu'il y a un besoin d'évaluation des atouts et des handicaps de l'outre-mer, citant l'exemple de La Réunion, qui est passée d'un système de monoculture à la diversification « à la manière bretonne » et à l'agrotourisme. Il a suggéré l'organisation d'une conférence inter-DOM pour mettre en commun les expériences réussies, les évaluer et les décliner en termes de moyens (formation, foncier, financement). Il a considéré que les défaillances de l'État en matière d'évaluation des potentiels de l'outre-mer illustre le fait que celui-ci « ne croit pas en l'outre-mer ». Il a proposé la création d'un fonds capital risque défiscalisé et le développement de la mobilité des jeunes avec des stages d'élèves issus des lycées professionnels de métropole.