(2) Une large palette d'outils en matière de coopération institutionnelle
Depuis la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, la France dispose d'un dispositif institutionnel très complet en matière de coopération régionale.
Ce dispositif repose sur la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux, sur le rôle des ambassadeurs délégués à la coopération régionale, ainsi que sur des instruments financiers.
(a) Les accords bilatéraux ou multilatéraux
En droit international, la souveraineté de l'État est un principe essentiel qui s'oppose en principe à ce que des collectivités territoriales puissent négocier ou conclure des accords internationaux ou devenir membres d'organisations internationales.
En vertu de ce principe, l'ancien article L.1112-5 du code général des collectivités territoriales disposait qu' « aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale...et un Etat étranger ».
Toutefois, le développement de la coopération internationale d'entités infraétatiques, notamment des États fédéraux, a été progressivement pris en compte par le droit international. C'est ainsi que le Québec, les communautés de Belgique, les communautés espagnoles ou encore les Länder allemands ont développé des relations internationales importantes, notamment par la conclusion d'accords internationaux ou en devenant membres ou observateurs d'organisations internationales.
Si la France, en raison de son caractère unitaire, est longtemps restée réticente, la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 a prévu des dispositions s'inspirant de celles prévues précédemment pour la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, afin de favoriser le développement de la coopération régionale des régions et DOM.
? Tout d'abord, en vertu de l'article L. 3441-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil général de chaque DOM peut adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d'engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République française et, selon le cas, les États de la Caraïbe, les États voisins de la Guyane et les États de l'océan Indien, ou d'accords avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.
Il peut également, en application de l'article L. 3441-6, saisir le Gouvernement de toute proposition tendant à l'adhésion de la France aux organismes régionaux.
? Ensuite, d'après l'article L. 3441-4 du même code, dans les domaines de compétence du département, les conseils généraux des DOM peuvent, par délibération, demander aux autorités de la République d'autoriser leur président à négocier , dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec un ou plusieurs de ces États, territoires ou organismes régionaux.
Dans ce cas, à l'issue de la négociation, à laquelle les autorités de la République sont représentées si elles le demandent, le projet d'accord est soumis à la délibération du conseil général pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite donner, sous réserve du respect des engagements internationaux de la France, pouvoir au président du conseil général aux fins de signature de l'accord.
? De plus, les dispositions de l'article L. 3441-3 du code général des collectivités territoriales autorisent, « dans les domaines de compétence de l'Etat , les autorités de la République [à] délivrer pouvoir au président du conseil général des DOM pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs États ou territoires situés, selon le cas, dans la Caraïbe, au voisinage de la Guyane ou dans la zone de l'océan Indien, ou avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies. » 146 ( * )
En outre, dans le cas où il n'est pas fait application de ces dispositions, le président du Conseil général ou son représentant peut être associé, ou participer au sein de la délégation française, aux négociations sur ces accords.
Par ailleurs, le même article prévoit que le président du conseil général peut être chargé par les autorités de la République de les représenter au sein d'organismes régionaux , muni des instructions et pouvoirs nécessaires.
? L'article L. 3441-5 prévoit également, dans le cas où des accords internationaux portant à la fois sur des domaines de compétence de l'Etat et sur des compétences du département seraient négociés et signés par les autorités de la République, que le président du conseil général ou son représentant puisse participer, au sein de la délégation française, à la négociation de ces accords 147 ( * ) .
Les articles L. 4433-4 à L. 4433-4-5 du code général des collectivités territoriales, reconnaissent des compétences similaires au conseil régional et au président du conseil régional de chaque région d'outre-mer.
? Enfin, l'article L. 4433-4-7 du même code institue deux instances de concertation des politiques de coopération régionale, l'une dans la zone Antilles Guyane, l'autre dans la zone de l'océan Indien, composées de représentants de l'Etat, du conseil régional et du conseil général de chaque région et DOM.
* 146 Dans sa décision n°2000-435 DC du 7 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition conforme à la Constitution en posant une réserve d'interprétation : lorsqu'ils négocient ou signent les accords en cause, les présidents des conseils généraux ou régionaux agissent comme représentants de l'État et au nom de la République française ; ils doivent, dans l'exécution de leur mandat, mettre en oeuvre les instructions qui leur sont données par les autorités compétentes ; (...) ces mêmes autorités peuvent retirer à tout moment les pouvoirs ainsi confiés. Le Conseil constitutionnel a également estimé que l'acceptation du conseil général ou régional figurant aux articles L. 3441-4 et L. 4433-4-3 devait s'entendre comme ne visant qu'une consultation pour avis, les autorités compétentes de la République n'étant liées ni sur le principe de la signature d'un accord international, ni sur la personne du signataire par les délibérations des assemblées locales des DOM.
* 147 En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré, dans sa décision précitée, les dispositions qui permettaient, à leur seule initiative, aux présidents des conseils généraux et régionaux d'outre-mer de « participer à la signature » d'un accord international, une telle disposition méconnaissant les compétences réservées dans une telle matière au Président de la République et au Premier ministre par la Constitution.