Rapport d'information n° 510 (2008-2009) de Mme Nicole BRICQ , fait au nom de la commission des finances, déposé le 1er juillet 2009

Synthèse du rapport (323 Koctets)

Disponible au format Acrobat (642 Koctets)

N° 510

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juillet 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' État locataire ,

Par Mme Nicole BRICQ,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

LES DIX PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

1 .- Mettre en place, au sein du service France Domaine, un véritable « tableau de bord » des baux supportés par l'Etat, rendant possible le réel pilotage d'une gestion fondée sur une doctrine de principe.

2 .- Renégocier de façon systématique les baux de l'Etat les plus coûteux, en mettant à profit les opportunités de marché actuelles selon un calendrier à définir précisément.

3 .- Développer le rôle d'appui et d'accompagnateur de France Domaine auprès des administrations occupant des immeubles pris à bail par l'Etat, en banalisant le recours à ses services et en systématisant ses impulsions en la matière.

4 .- Encadrer les décisions de prise à bail de l'Etat en exigeant une justification de ce choix au regard de la situation, pérenne ou provisoire, des administrations à loger et d'un arbitrage coûts/besoins suffisamment pesé, fondé sur des critères d'implantation et des conditions d'utilisation des immeubles.

5 .- Prévoir, le cas échéant, dans les baux souscrits par l'Etat, une clause de plafonnement de la réévaluation du loyer organisée selon une règle d'indexation.

6 .- Anticiper les fins de bail au moins 18 mois avant l'échéance, afin que l'Etat soit en mesure de choisir entre plusieurs options (renouvellement, modification des clauses, résiliation...).

7 .- Accentuer la prévision relative aux locations dans le cadre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) de chaque ministère ou opérateur de l'Etat.

8 .- Intégrer les locations dans les compétences de la future agence foncière chargée de la gestion des biens de l'Etat situés à l'étranger.

9 .- Objectiver, par la voie règlementaire, les critères de saisine pour avis du Conseil de l'immobilier de l'Etat, afin d'éviter le soupçon d'instrumentalisation de l'institution.

10 .- Introduire une annexe « immobilière » aux projets de loi de finances initiale, destinée à informer le Parlement sur les acquisitions et les cessions immobilières, mais aussi les prises à bail de l'Etat les plus importantes.

Mesdames, Messieurs,

En application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), votre commission des finances a confié à votre rapporteure spéciale du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » une mission de contrôle portant sur la gestion par l'Etat des baux qu'il supporte, en Ile-de-France et particulièrement dans Paris, pour des immeubles de bureaux . En effet, alors que l'accent a été mis, ces dernières années, sur l'amélioration de sa gestion par l'Etat propriétaire , il a semblé opportun d'investiguer la situation de l'Etat locataire .

Dès le mois de novembre 2008, votre rapporteure spéciale avait fait à votre commission des finances une communication sur ce thème. Elle avait alors présenté les premiers éléments réunis, à partir d' états établis au printemps 2008 par le service France Domaine , recensant les baux pris par l'Etat en Ile-de-France pour des immeubles de bureaux, d'un montant individuel supérieur à 500.000 euros par an (hors taxes et hors charges). Ces documents faisaient apparaître, pour certaines administrations, un coût du mètre carré sensiblement supérieur à la moyenne constatée et objectivement onéreux en valeur absolue 1 ( * ) .

Aussi, votre rapporteure spéciale a souhaité compléter ce relevé d'ordre statistique par des investigations in situ . Au total, entre janvier et juin 2009, elle a procédé dans Paris à 13 contrôles sur pièces et sur place et à une quinzaine d'auditions , se déplaçant dans des locaux très variés 2 ( * ) . Elle s'est ainsi rendue :

- dans les bureaux de la Cour de justice de la République ;

- dans des immeubles relevant du ministère de la justice : ceux qui abritent, d'une part, la direction des affaires civiles et du Sceau et, d'autre part, certains des services du secrétariat général notamment, mais aussi ceux de la Cour de cassation et du pôle financier du tribunal de grande instance (TGI) de Paris ;

- au siège de quatre autorités administratives indépendantes : l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), et le Médiateur de la République ;

- au commissariat de police du III e arrondissement de la capitale ;

- dans les locaux de l'administration centrale du secrétariat d'Etat aux sports ;

- à la direction des personnels et de l'adaptation de l'environnement professionnel (DPAEP) du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat 3 ( * ) ;

- enfin, dans l'immeuble qui héberge trois institutions rattachées aux services du Premier ministre : la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT), le Conseil national consultatif d'éthique et le Haut Conseil à l'intégration.

Ces contrôles, pour l'essentiel, ont été déterminés en fonction de l'importance des loyers rapportés aux surfaces occupées , tels que le service France Domaine les avait recensés en 2008. Cependant, le contrôle de la Cour de justice de la République a été mené sur la suggestion de notre collègue Jean Arthuis, président, ancien rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics », lors du « point d'étape » fait par votre rapporteure spéciale à votre commission des finances, en mai 2009, sur la mission objet du présent rapport 4 ( * ) .

*

* *

Les éléments recueillis lors de ces contrôles sur pièces et sur place, bien que limités à la capitale et à des administrations centrales ou assimilées, constituent selon toute vraisemblance un reflet assez exact de la situation de « l'Etat locataire » en général, et permettent de formuler à la fois un diagnostic et des recommandations.

On doit toutefois mettre à part, d'emblée, le cas des locations de l'Etat à l'étranger . En effet, hors de France, les régimes juridiques et les conditions matérielles de prise à bail peuvent différer, peu ou prou, de ce qu'on observe en droit interne. Les situations se révèlent d'ailleurs très disparates d'un pays à l'autre.

A cet égard, votre rapporteure spéciale se bornera donc à rappeler que le Gouvernement, depuis un an, étudie la création d'une foncière chargée de la gestion des biens de l'Etat situés à l'étranger . Les contours de cette entité sont encore en cours de définition 5 ( * ) ; on peut raisonnablement penser qu'elle sera instituée d'ici à 2010. En tout état de cause, il convient de recommander que ses statuts prennent en compte les locations et non seulement les propriétés de l'Etat , d'autant qu'il existe en pratique, à l'étranger, de nombreux cas mal définis d'implantation immobilière (par exemple, des occupations par convention tacite).

*

* *

Au plan national, le bilan que votre rapporteure spéciale est en mesure de dresser fait l'objet du présent rapport. D'une manière générale, si la gestion de l'Etat propriétaire a enregistré, dans la période récente, des progrès notables (quoique de nombreux aspects restent à améliorer 6 ( * ) ), pour sa part la gestion de l'Etat locataire n'a quasiment pas fait l'objet, encore, de l'examen qui devrait précéder une rationalisation pourtant nécessaire .

Le parc de bureaux loués par l'Etat pour ses services demeure mal connu faute de recensements, et son pilotage s'avère à peu près inexistant en l'absence des instruments adéquats. Il est emblématique que le service France Domaine, aujourd'hui, se trouve dans la complète incapacité d'estimer le coût global que représentent les loyers supportés par l'Etat, pour des immeubles de bureaux, sur l'ensemble du territoire .

Le contrôle, cependant, a révélé que ce parc locatif, pour ce qu'on en sait, est coûteux. Au-delà de la mise en place des outils de gestion, le renforcement de l'encadrement et du suivi en la matière exige encore la définition d'une doctrine et, parallèlement, la responsabilisation des administrations.

I. UN PARC LOCATIF MAL CONNU ET COÛTEUX

Dans l'ensemble, telle que l'ont mise au jour les contrôles menés par votre rapporteure spéciale, la situation actuelle de « l'Etat locataire » apparaît comme celle d'un aveugle faiblement économe de ses deniers . Ceci, bien évidemment, explique en partie cela : la gestion, en ce domaine, est réalisée, au mieux, d'une façon non centralisée et largement archaïque ; elle ne peut donc conduire à rationaliser l'importance des coûts constatés.

A. UNE GESTION QUASIMENT « À L'AVEUGLE »

Certes, toute prise à bail envisagée par un service de l'Etat fait l'objet d'un avis formel des services déconcentrés de France Domaine, dont la signature conditionne la validité du bail 7 ( * ) . Néanmoins, les contrôles sur pièces et sur place de votre rapporteure spéciale ont révélé que les locaux de bureaux ainsi loués ne sont pas toujours adaptés aux besoins fonctionnels des administrations en cause, et surtout qu'il n'existe pas, actuellement, de véritable suivi des baux souscrits par l'Etat.

1. Des locaux pas toujours adaptés aux besoins

a) Le caractère fonctionnel des locaux pris à bail

Cette mission de contrôle, en effet, a d'abord été l'occasion de constater que les immeubles de bureaux loués par l'Etat étaient, même dans Paris intra muros et à des niveaux de loyer comparables 8 ( * ) , d'une qualité sensiblement variable d'un bâtiment à l'autre . Cher ne signifie pas forcément fonctionnel . Tel est le cas, par exemple, de l'immeuble où sont logés les services du Médiateur de la République, rue Saint-Florentin dans le VIII e arrondissement de la capitale. Pour des locaux anciens, d'une configuration peu pratique et médiocrement aménagés, l'Etat, en 2008, acquittait un loyer de 660 euros/m 2 .

La plupart des autres immeubles visités par votre rapporteure spéciale lors de contrôles sur pièces et sur place sont apparus comme nettement plus fonctionnels, ayant été construits ou réhabilités dans la période récente. D'ailleurs, certains locaux s'avèrent plus « confortables » que d'autres . Ainsi, par exemple, alors que les bureaux de la HALDE, rue Saint-Georges dans le IX e arrondissement de Paris, par leurs surfaces et leur aménagement, s'apparentent à ceux d'un quartier général de grande entreprise, l'immeuble qui sert d'« annexe » à la Cour de cassation, situé boulevard Saint-Germain dans le VI e arrondissement de la capitale, offre des espaces de travail beaucoup plus contraints.

b) La densité d'occupation des locaux pris à bail

On touche ici à un autre constat livré par les contrôles sur pièces et sur place : votre rapporteure spéciale a constaté une grande variabilité de la densité d'occupation , d'un immeuble à l'autre. En particulier, cher ne signifie pas nécessairement spacieux . Ainsi, par exemple, le ratio d'occupation des surfaces du commissariat du III e arrondissement s'établit à moins de 8 m 2 /agent, soit nettement en dessous de la norme cible de 12 m 2 /agent fixée, en ce domaine, par le ministère chargé du budget.

Bien sûr, le coût de certains loyers peut correspondre à des locaux spacieux mais, aux yeux de votre rapporteur spéciale, c'est un aspect à apprécier selon les besoins concrets des administrations . L'analyse excède, d'ailleurs, le seul cadre de « l'Etat locataire » et vaut pour l'ensemble du parc public de bureaux.

De ce point de vue, les 43 m 2 /agent dont dispose l'AERES (si l'on prend en compte, pour le calcul, diverses salles de réunion ; 23 m 2 /agent sinon) paraissent justifiés dans la mesure où cette institution doit accueillir, chaque semaine, pour l'accomplissement de sa mission, de nombreux intervenants extérieurs, chercheurs et enseignants-chercheurs. En revanche, les 27 m 2 /agent dont dispose la HALDE, qui n'a pas vocation à recevoir de public sauf, ponctuellement, quelques associations, s'avèrent disproportionnés par rapport aux besoins réels.

Certaines administrations connaissent des contraintes techniques spécifiques. Par exemple, une cellule de garde à vue est nécessaire au sein du pôle financier du TGI de Paris. D'autres disposent de bibliothèques ou centres de documentation, par nature consommateurs d'espace ; c'est le cas, notamment, de la MILDT 9 ( * ) . Il n'est pas rare que des archives importantes doivent être stockées : cette situation a été observée, notamment, dans les locaux du Médiateur de la République.

De manière plus générale, le contrôle a fait apparaître que la densité d'occupation des bureaux loués par l'Etat se trouve souvent sensiblement au-delà de la norme cible des 12 m 2 /agent. Par exemple, le CSA et les services du ministère de la justice logés sur le site dit « Javel » disposent du double (24 m 2 /agent). Cas extrême, la Cour de justice de la République présente un ratio d'occupation de quelque 53 m 2 /agent (805 m 2 pour 15 postes de travail). Il est vrai que ce dernier ratio intègre l'existence de deux grandes salles de réunion, d'ailleurs peu utilisées en pratique.

Toutefois, dans un grand nombre d'immeubles, il semble que les contraintes architecturales rendent difficile l'application de la norme, par exemple dans le cas de plateaux de bureaux dits « tramés » (situation qui prédétermine la taille des bureaux individuels), ou en présence d'espaces perdus en raison de la configuration des bâtiments. De fait, au mieux, votre rapporteure spéciale a constaté des ratios d'occupation proches de 15 à 20 m 2 /agent ; tel est le cas, par exemple, de la majorité des locaux visités relevant du ministère de la justice (Cour de cassation, pôle financier du TGI de Paris, direction des affaires civiles et du Sceau).

Les ratios d'occupation des immeubles ayant fait l'objet d'un contrôle sur pièces et sur place de votre rapporteure spéciale

(en m 2 /agent)

Institutions

Ratios d'occupation

Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales préfecture de police de Paris : commissariat du III e arrondissement

rue aux Ours, Paris III e

8 m 2

Ministère de la justice : direction des affaires civiles et du Sceau

boulevard de la Madeleine, Paris VIII e

15 m 2

Ministère du budget , des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat : direction des personnels et de l'adaptation de l'environnement professionnel (DPAEP)

place des Vins-de-France, Paris XII e

environ 15 m 2 *

Ministère de la justice : TGI de Paris (pôle financier)

rue des Italiens, Paris IX e

16 m 2

Ministère de la justice : Cour de cassation

boulevard Saint-Germain, Paris VI e

19 m 2

Médiateur de la République

rue Saint-Florentin, Paris VIII e

20 m 2

Ministère de la santé et des sports : secrétariat d'Etat aux sports (administration centrale)

avenue de France, Paris XIII e

23 m 2

Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

quai André Citroën, Paris XV e

24 m 2

Ministère de la justice : site « Javel » (services du secrétariat général, direction de la protection judiciaire de la jeunesse [DPJJ], bureau de la nationalité)

rue de Cévennes Paris XV e

24 m 2

Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

rue Saint-Georges, Paris IX e

27 m 2

Services du Premier ministre :

Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie ( MILDT )

rue Saint-Georges, Paris IX e

36 m 2

Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES)

rue Vivienne, Paris II e

43 m 2

Cour de justice de la République

rue de Constantine, Paris VII e

53 m 2

* Recomposition de l'occupation des locaux en cours.

Source : institutions contrôlées sur pièces et sur place

En tout état de cause, ces situations sont en général méconnues par le service France Domaine, faute des outils adéquats de renseignement et de suivi. Les tentatives d'amélioration, à cet égard, se révèlent en effet encore limitées.

2. Une tentative embryonnaire de se doter d'outils de pilotage

a) L'absence de dispositif de pilotage des baux pris par l'Etat

Le contrôle mené par votre rapporteure spéciale a été l'occasion de vérifier que l'information centralisée nécessaire au suivi et au pilotage des baux pris par l'Etat, dans une très large mesure, reste à élaborer .

Il est significatif qu'il ait fallu plusieurs semaines au service central de France Domaine, en 2008, pour constituer l'information demandée par le rapporteur spécial, notre ancien collègue Paul Girod, quant aux locations de bureaux supportées par l'Etat en Ile-de-France : aucun tableau n'existait en la matière, les services déconcentrés de France Domaine se bornant, apparemment, à archiver les baux conclus par l'Etat. D'ailleurs, les états fournis, comparés aux constats effectués lors des contrôles sur pièces et sur place, se sont révélés grevés d'erreurs ou d'approximations ; c'est encore vrai, dans une certaine mesure, pour l'actualisation demandée à France Domaine en vue du présent rapport. Votre rapporteure spéciale a pu rectifier les documents qui lui ont été transmis dans la mesure où ses contrôles sur pièces et sur place le lui ont permis.

Cette situation témoigne du caractère « artisanal », anachronique, du système d'information relatif à « l'Etat locataire » . Encore le terme de « système », ici, s'avère-t-il excessif, puisqu'il n'a manifestement été procédé à la constitution d'une base de données qu'en vue de répondre, ponctuellement, à la requête parlementaire.

En outre, malgré une demande en ce sens auprès de France Domaine, il n'a été possible d'obtenir ni une actualisation pour l'Ile-de-France (seule la capitale a pu bénéficier de cette mise à jour), ni une comparaison de la situation observée avec celle d'autres grandes agglomérations nationales. Cette information n'existe pas, les services déconcentrés de France Domaine n'ont pas eu la capacité ou n'ont pas pris le temps de l'élaborer, ou le service central s'est abstenu de leur en passer la « commande ». A fortiori , comme il a été signalé plus haut, on ignore actuellement le coût global que représentent les loyers supportés par l'Etat, pour des immeubles de bureaux, sur l'ensemble du territoire .

Dans de telles conditions, le suivi des baux souscrits par l'Etat se trouve donc laissé à la diligence ou, éventuellement, à la négligence de chaque ministère , voire de chaque administration . Cette situation ne peut qu'être la source de dysfonctionnements, comme l'ont mis au jour, d'une façon regrettable, les circonstances du renouvellement, fin 2007, du bail du pôle financier du TGI de Paris, installé rue des Italiens dans le IX e arrondissement de Paris 10 ( * ) . Il convient de rappeler que, suivant les éléments constatés par le Conseil de l'immobilier de l'Etat, le ministère de la justice ne s'était préoccupé du devenir de cette implantation qu'en mars 2007, bien que le délai de neuf mois restant alors avant l'expiration du bail ne puisse suffire pour trouver une nouvelle localisation et faire réaliser les aménagements nécessaires au fonctionnement du pôle financier. Or, par rapport aux conditions antérieures de la location, le nouveau bail a représenté une augmentation de près d'un tiers du loyer, soit plus d'un million d'euros 11 ( * ) .

b) La mise en place d'une ébauche de « tableau de bord » de l'Etat locataire

Un modeste début de réforme a été enclenché par France Domaine, d'ailleurs à l'évidence sous « l'aiguillon » du contrôle de votre rapporteure spéciale. En effet, au printemps 2009, des directives ont été adressées aux services déconcentrés par le service central, imposant pour l'avenir la tenue de tableaux similaires à ceux qui ont été établis pour les besoins du présent contrôle. Désormais, dans chaque département, les baux pris par l'Etat devraient être recensés et, au terme du processus, on devrait disposer d'une information synthétique sur les conditions essentielles de ces baux (le montant du loyer, les règles de son indexation, les dates d'échéance, etc.).

Du reste, il semble à votre rapporteure spéciale que les préfets pourraient utilement relayer ces directives, afin d'activer leur mise en oeuvre et, partant, la constitution de cet embryon de « tableau de bord » de l'Etat locataire.

Au terme du processus, il reviendra au service France Domaine d'exploiter ce nouvel outil au sein d'un système d'information ad hoc . Tel est le préalable de toute gestion efficiente du parc locatif de l'Etat. On peut en effet estimer que son absence se trouve à l'origine d'un certain nombre des situations les plus coûteuses constatées, en la matière, par le contrôle.

B. L'ETAT, UN « BON » LOCATAIRE TROP PEU ÉCONOME DE SES DENIERS

Au vu des éléments recueillis par votre rapporteure spéciale, l'Etat se présente comme un locataire relativement dispendieux, qui supporte des loyers parfois excessifs. Des efforts pour réduire ces coûts ont bien été constatés, mais ils s'avèrent encore tout récents.

1. Des loyers parfois déraisonnables

a) Les données synthétiques

Les états précités transmis par le service France Domaine, en 2008, à la demande du rapporteur spécial 12 ( * ) , avaient permis de se faire une première idée de la situation de « l'Etat locataire » en Ile-de-France.

D'une part, 88 baux pour la location de bureaux, d'un montant individuel supérieur à 500.000 euros (hors taxes et hors charges), avaient été recensés en Ile-de-France . Ces baux représentaient un total de 240 millions d'euros de loyers annuels, pour une surface utile brute globale de 543.500 m 2 , soit un loyer moyen de 2,7 millions d'euros et d'environ 440 euros/m 2 .

D'autre part, 53 baux pour la location de bureaux, d'un montant individuel supérieur à 500.000 euros (hors taxes et hors charges) avaient été recensés à Paris . Ces baux représentaient au total 160 millions d'euros de loyers annuels, pour une surface utile brute globale de 330.600 m 2 , soit un loyer moyen de 3 millions d'euros et de 512 euros/m 2 . Cette dernière série de baux avait été classée selon l'importance du montant du loyer annuel rapporté à la surface utile brute, et les dix premiers baux de cette liste désignés, par commodité, comme son « top 10 ». Le programme de contrôle de votre rapporteure spéciale, comme cela a déjà été signalé, a été organisé à partir de cette liste.

L'actualisation effectuée par le service France Domaine à l'initiative de votre rapporteure spéciale, corrigée des erreurs constatées à partir des éléments recueillis lors des contrôles sur pièces et sur place, permet de dresser un nouveau bilan en ce qui concerne les baux pris par l'Etat, pour des locaux de bureaux, dans la capitale. Ainsi, à la mi - juin 2009 , on a pu dénombrer, dans Paris , 72 baux d'un montant individuel supérieur à 500.000 euros (hors taxes et hors charges). Ces baux représentaient un total de 189,5 millions d'euros de loyers annuels , soit un loyer moyen de 2,6 millions d'euros, pour une surface utile brute globale de 383.580 m 2 induisant un coût moyen de près de 494 euros/m 2 .

Il convient de souligner que, par rapport au décompte réalisé en 2008, ce sont de la sorte 19 baux de plus qui se trouvent recensés . Un effet de seuil a pu jouer, expliquant une partie de ces « entrées » dans la liste, certains baux, du fait de leur réévaluation annuelle, se trouvant dans le décompte de 2009 alors qu'ils n'avaient pas à figurer, en fonction du critère de montant retenu, dans celui de 2008. Néanmoins, il n'est pas douteux que l'état dressé en 2008 présentait d'importantes lacunes. Eu égard à la méthode de recensement mise en oeuvre par le service France Domaine en l'absence de « tableau de bord » préexistant 13 ( * ) , rien ne garantit que l'état fourni pour 2009 n'ait pas conservé de semblables déficiences.

On observera également qu'un peu plus du tiers des implantations correspondantes à ces baux (27 sur le total de 72) se situent dans les arrondissements « centraux » de la capitale (du I er au IX e arrondissements). Les ministères les plus fortement représentés dans la liste sont ceux en charge du budget , de la justice et de l' intérieur , représentant à eux trois exactement la moitié des implantations locatives dénombrées. On doit encore relever que sept autorités administratives indépendantes entrent dans ce recensement 14 ( * ) .

Baux pris par l'Etat, dans Paris, pour des immeubles de bureaux (loyers supérieurs à 500.000 euros hors taxes et hors charges, juin 2009)

Institutions *

Nombre de baux

Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

13

Ministère de la justice

12

Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales

11

Autorités administratives indépendantes**

7

Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

7

Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

6

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

6

Ministère de l'éducation nationale

3

Ministère de la culture et de la communication

2

Services du Premier ministre

2

Ministère de l'agriculture et de la pêche

1

Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT)

1

Conseil d'Etat

1

Total

72

* Les dénominations des ministères sont celles qui étaient en vigueur à la date du 15 juin 2009.

** AERES, ARCEP, CNCCFP, CNIL, CSA, HALDE, Médiateur de la République.

Source : France Domaine et contrôles sur pièces et sur place

b) Le « top 10 » des loyers parisiens de l'Etat

En fonction de l'importance du montant du loyer annuel rapporté à la surface utile brute, le « top 10 » de l'état révisé fourni par le service France Domaine fait apparaître, en première position , l'immeuble qui héberge la MILDT , le Conseil national consultatif d'éthique et le Haut Conseil à l'intégration (instances rattachées aux services du Premier ministre), rue Saint-Georges dans le IX e arrondissement de Paris. Le coût de cette location, en effet, s'élève à 998,6 euros du mètre carré (2,1 millions d'euros annuels, pour une surface de 2.124 m 2 ). Cependant, ce bail, qui arrive à échéance fin 2009, ne sera pas renouvelé : les administrations concernées, d'après les informations recueillies, devraient se trouver relogées dès l'automne dans les immeubles domaniaux occupés par les services du Premier ministre. L'Etat se débarrassera ainsi, opportunément, de la plus onéreuse de ses locations parisiennes de bureaux au mètre carré.

Les autres baux de ce « top 10 » sont présentés dans le tableau ci-après. On observera notamment que le ministère de la justice occupe les deuxième, troisième et quatrième places du classement, avec les immeubles abritant :

- la direction des affaires civiles et du Sceau, boulevard de la Madeleine dans le VIII e arrondissement (995 euros/m 2 ) ;

- « l'annexe » de la Cour de cassation, boulevard Saint-Germain dans le VI e arrondissement (865,3 euros/m 2 ) ;

- et le pôle financier du TGI de Paris, rue des Italiens dans le IX e arrondissement (751,8 euros/m 2 ).

Cependant, il n'est pas tenu compte, ici, du bail pris pour l' Inspection générale des services judiciaires , place Vendôme dans le I er arrondissement. En effet, un avenant conclu en mars 2009 a organisé la fin de ce bail au 30 juin 2009 . C'est encore là un loyer très onéreux que l'Etat vient de quitter : il représentait un coût de 816,9 euros du mètre carré (3,16 millions d'euros annuels, pour une surface de 1.114 m 2 ).

Par ailleurs, il convient de noter que trois autorités administratives figurent dans ce « top 10 » , respectivement aux cinquième, sixième et dixième positions ; il s'agit, dans cet ordre, de la HALDE (706,3 euros/m 2 ), de l' AERES (695,6 euros/m 2 ) et du CSA (643 euros/m 2 ).

On signale en outre que presque tous ces baux se trouvaient déjà, à tel ou tel rang, dans la liste des dix loyers parisiens de l'Etat les plus coûteux au mètre carré fournie par France Domaine en 2008, et sur laquelle a été fondé le présent contrôle. La seule exception à cette situation tient au bail de l'immeuble qui relevait, à la date du recensement, du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) 15 ( * ) , et qui loge, rue du général Camou dans le VII e arrondissement, l'Institut de formation de l'environnement (IFORE) et la Commission nationale du débat public. Ce bail constitue une « nouvelle entrée » dans le « top 10 » ; il n'a pas donné lieu à un contrôle sur pièces et sur place de la part de votre rapporteure spéciale.

Le « top 10 » des loyers parisiens de l'Etat les plus onéreux rapportés à la surface occupée (loyers supérieurs à 500.000 euros hors taxes et hors charges, juin 2009) *

Rang

Institutions **

Surface louée

(en m 2 )

Montant du loyer annuel

(en euros)

Coût du mètre carré

(en euros/m 2 )

1

Services du Premier ministre :

- Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie ( MILDT )

- Conseil national consultatif d'éthique

- Haut Conseil à l'intégration

rue Saint-Georges, Paris IX e

2.124

2,1 millions

998,6

2

Ministère de la justice : direction des affaires civiles et du Sceau

boulevard de la Madeleine, Paris VIII e

3.184

3,1 millions

995

3

Ministère de la justice : Cour de cassation

boulevard Saint-Germain, Paris VI e

4.904

4,2 millions

865,3

4

Ministère de la justice : TGI de Paris (pôle financier)

rue des Italiens, Paris IX e

7.384

5,5 millions

751,8

5

Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

rue Saint-Georges, Paris IX e

2.126

1,5 million

706,3

6

Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES)

rue Vivienne, Paris II e

3.003

2,1 millions

695,6

7

Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales préfecture de police de Paris : commissariat du III e arrondissement

rue aux Ours, Paris III e

3.513

2,4 millions

686,8

8

Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) :

- Institut de formation de l'environnement ( IFORE )

- Commission nationale du débat public

rue du général Camou, Paris VII e

1.140

770.500

675,8

9

Ministère du budget , des comptes publics, de la fonction publique : direction des personnels et de l'adaptation de l'environnement professionnel (DPAEP)

place des Vins-de-France, Paris XII e

10.176

6,6 millions

647,8

10

Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

quai André Citroën, Paris XV e

6.882

4,4 millions

643

* Classement hors bail de l'Inspection générale des services judiciaires, résilié au 30 juin 2009.

** Les dénominations des ministères sont celles qui étaient en vigueur à la date du 15 juin 2009.

Source : France Domaine et contrôles sur pièces et sur place

Trois précisions doivent encore être apportées.

En premier lieu, indépendamment d'éventuelles lacunes du recensement opéré par le service France Domaine, il est possible, sinon probable, qu'il existe dans Paris d'autres baux, pris par l'Etat pour la location de bureaux, dont le loyer rapporté à la surface égale, voire dépasse, les coûts du « top 10 » ci-dessus présenté. En effet, votre rapporteure spéciale rappelle que les données dont elle a disposé ne concernaient que les baux d'un montant annuel supérieur à 500.000 euros (hors taxes et hors charges). Il se peut donc que des baux d'un montant annuel inférieur, qui à ce titre n'entraient pas dans le champ du recensement mené par France Domaine, se révèlent au moins aussi onéreux, au mètre carré, que ceux du « top 10 ».

En deuxième lieu, faute des données nécessaires à cette entreprise, votre rapporteure spéciale n'a pas été en mesure de vérifier la conformité des loyers en cause aux prix du marché , ce qu'il faudrait apprécier, dans chaque cas, non seulement selon le quartier où se situe l'immeuble mais aussi en fonction de la date à laquelle le bail a été conclu. Cependant , on peut légitimement soupçonner que le niveau de ces loyers a résulté, pour partie, d'un effet « Etat locataire » : il est vraisemblable que l'identité du locataire l'Etat a pu entraîner, çà et là, sinon une hausse, du moins une « non baisse » des prix, faute de négociations suffisantes, avec les bailleurs, de la part d'administrations sans doute mal préparées à cet exercice. Force est de constater que celui-ci, de fait, entre rarement dans leur « coeur de métier ».

Au demeurant, il est certain que le montant de ces loyers, à supposer même qu'il corresponde bien aux niveaux du marché, reste objectivement « déraisonnable » pour l'administration, tout particulièrement dans le contexte actuel de nos finances publiques.

En dernier lieu, le contrôle a mis en évidence qu' une augmentation parfois très forte, dans la période récente, a pu affecter les loyers indexés sur l'évolution de l'indice du coût de la construction . A cet égard, on rappelle que le nouvel indice défini, pour les loyers commerciaux, par la loi de modernisation de l'économie (dite « LME ») du 4 août 2008, ne bénéficie pas aux baux portant sur des locaux à usage exclusif de bureaux 16 ( * ) .

Cet indice du coût de la construction, en 2008, a augmenté de 8 % au premier trimestre, 8,8 % au deuxième et 10,5 % au troisième ; 3,2 % seulement au dernier trimestre. Ainsi, par exemple, le loyer du pôle financier du TGI de Paris a fait l'objet pour 2009 d'une réévaluation à hauteur de 8,85 % par rapport à 2008, soit une hausse automatique de l'ordre de 500.000 euros. Il apparaît donc nécessaire à votre rapporteure spéciale que les baux conclus par l'Etat, lorsque le loyer fait l'objet d'un mécanisme d'indexation, prévoient systématiquement une clause de plafonnement de la réévaluation , afin d'éviter une dérive des coûts « automatique » et imparable.

D'ailleurs, il convient de souligner que l'Etat, dans la mesure où il représente un « bon » locataire, toujours solvable, est fortement apprécié des bailleurs . Ces derniers le préfèrent, en général, à un locataire privé dont le risque de défaillance de paiement est bien sûr très supérieur. De fait, l'administration devrait souvent être en position de force dans les négociations de bail. Le contrôle l'a prouvé par l'exemple, en mettant au jour de récents efforts de réduction des coûts en la matière.

2. Des efforts encore récents de réduction des coûts

a) Des réalisations ponctuelles

Deux séries d'hypothèses ont été relevées.

La première concerne la résiliation de baux onéreux . C'est évidemment une solution radicale ; elle n'est pas toujours possible mais, le cas échéant, il faut en saluer l'initiative.

A ce titre, votre rapporteure spéciale a déjà cité, plus haut, le cas de l'immeuble logeant la MILDT, le Conseil national consultatif d'éthique et le Haut Conseil à l'intégration , dont le bail a été dénoncé par les services du Premier ministre. De la même manière, le ministère de l'éducation nationale a résilié le bail qu'il détenait rue Auber, dans le IX e arrondissement de Paris, et qui occupait la dixième  place dans le « top 10 » des baux recensés en 2008 par le service France Domaine, avec un loyer de 644 euros/m 2 (1,1 million d'euros annuels pour une surface de 1.776 m 2 ). Pour prendre cette décision, le ministère a mis à profit le regroupement de l'ensemble des services de sa direction des ressources humaines dans un bâtiment acheté par l'Etat dans le XIII e arrondissement de la capitale.

La seconde hypothèse de réduction des coûts tient à la renégociation de baux . Sur ce plan, le contrôle a révélé deux dossiers tout à faits exemplaires des possibilités de rationalisation de la dépense qui s'offrent à « l'Etat locataire ».

Le premier cas est celui du Médiateur de la République , qui a forcé son bailleur à une renégociation efficace. En effet, alors que le loyer normalement prévu pour 2009 devait s'établir, suivant les clauses du bail, à environ 2,2 millions d'euros pour une surface de 3.148 m 2 , soit un coût de 698 euros du mètre carré, les conditions renégociées ont permis de faire baisser ce loyer à 1,62 million d'euros, soit 514,6 euros/m 2 .

Plus spectaculaire encore s'avère l'opération menée par le secrétariat d'Etat aux sports pour son administration centrale, logée avenue de France dans le XIII e arrondissement de Paris. La renégociation, obtenue auprès du bailleur de l'immeuble grâce à une menace de résiliation du bail, a été couplée à une réduction des surfaces louées. Elle a permis de faire passer le loyer pour 2009 de 745 euros/m 2 (niveau théoriquement dû en application des clauses antérieures) à 428 euros/m 2 . Or, compte tenu des surfaces en cause (13.927 m 2 actuellement), cette renégociation représente une économie de 7,7 millions d'euros : le loyer effectivement dû s'élève à 5,96 millions d'euros, au lieu de 13,7 millions d'euros si rien n'avait été fait.

On doit encore mentionner l'action du CSA , qui a lui aussi procédé, récemment, à une renégociation avec son bailleur. Le loyer de l'institution a ainsi pu être « gelé », pour 2009, à son niveau de 2008, soit une économie de 450.000 euros par rapport au niveau de loyer auquel aurait dû conduire l'application des clauses sans renégociation.

Votre rapporteure spéciale, bien évidemment, approuve sans réserve ces initiatives. Cependant, elle souhaite qu'une telle mobilisation se généralise, suivant les orientations qui lui ont été indiquées.

b) L'annonce d'une politique d'ensemble

Le service France Domaine, en la personne de son responsable auditionné par votre rapporteure spéciale, M. Daniel Dubost, s'est déclaré sur le point de mettre en place une politique de renégociation systématique , qui doit viser le plus grand nombre de baux de l'Etat, en mettant à profit les opportunités de marché actuelles . La crise, en effet, depuis le début de l'année 2009, a sensiblement affecté à la baisse le marché de l'immobilier de bureaux, notamment en Ile-de-France 17 ( * ) ; il s'agit d'ailleurs d'une tendance européenne.

L'opération de renégociation d'ampleur, telle qu'elle a été conçue, doit être réalisée, au plan local, sous l'impulsion des services déconcentrés de France Domaine. Toutefois, elle s'exercera avec l' appui de prestataires privés , spécialement missionnés pour garantir une négociation véritablement professionnelle , ce qui devrait être profitable aux intérêts de l'Etat. C'est donc, bien entendu, une démarche que soutient votre rapporteure spéciale d'autant plus que, d'après les précisions obtenues, la volonté du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, à terme, est de faire en sorte que la compétence de négocier les baux soit intégrée par le service France Domaine. L'opération, par conséquent, devrait être l'occasion du transfert de compétences nécessaire.

Néanmoins, de semblables efforts de rationalisation semblent encore rester exceptionnels, ou du moins ils sont tout récents. En outre, les renégociations fructueuses, précitées, auxquelles ont procédé le Médiateur de la République ou le secrétariat d'Etat aux sports, ont profité de l'état actuel du marché ; de même, la renégociation systématique envisagée par France Domaine sera sans doute limitée à la durée d'un tel contexte.

A plus long terme, les améliorations à apporter à la gestion de « l'Etat locataire » sont d'ordre structurel , pour mettre fin au complet défaut de pilotage que le contrôle a révélé. Il faudra organiser les conditions d'une gestion active, par l'Etat, de son parc de locations.

II. POUR UNE GESTION ACTIVE DU PARC LOCATIF DE L'ETAT

La gestion de l'Etat locataire , curieusement, est restée étrangère à la révision générale des politiques publiques (RGPP) menée par le Gouvernement depuis l'automne 2007, alors que, dans ce cadre, les efforts visant l'Etat propriétaire ont été fortement mis en avant. L'organisation, en la matière, doit reposer, selon votre rapporteure spéciale, sur trois piliers .

Il s'agit d'abord d'élaborer une doctrine de « l'Etat locataire », qui permette de constituer celui-ci, à l'instar de ce qui a été fait en quelques années pour l'Etat « propriétaire », en définissant les principes de la gestion afférente.

Il s'agit ensuite de développer l'indispensable responsabilisation des administrations .

Enfin, il s'agit de mettre en place les outils adéquats au sein du service France Domaine, c'est-à-dire pour l'essentiel un « tableau de bord » des baux supportés par l'Etat 18 ( * ) . Néanmoins, votre rapporteure spéciale souligne que ces outils resteraient sans utilité réelle si la doctrine et la responsabilisation n'étaient pas recherchées de façon concomitante.

A. UNE DOCTRINE DE « L'ETAT LOCATAIRE » À ÉLABORER

En ce qui concerne la doctrine, les fondations de la gestion à bâtir de « l'Etat locataire » doivent être posées sous deux aspects essentiels : la motivation des prises à bail d'une part, le choix des implantations locatives d'autre part.

1. La motivation des prises à bail

a) La simplicité du principe

En principe , le choix d'une prise à bail , par préférence à l'occupation d'un immeuble domanial, c'est-à-dire détenu en propriété par l'Etat, devrait être arrêté en fonction de la durée prévisible de la situation . De la sorte, les locations devraient être réservées aux administrations éphémères ou aux situations transitoires (par exemple, un déménagement pendant des travaux) ; aux administrations à vocation pérenne devraient revenir un hébergement de nature domaniale.

Cette bonne règle de gestion sert d'ailleurs de référence au Conseil de l'immobilier de l'Etat, lorsqu'il est amené à apprécier les projets de prise à bail dont il est saisi pour avis 19 ( * ) .

b) Les réalités de la pratique

Dans la pratique , il ne semble pas que le principe précité soit fréquemment suivi . A preuve, toutes les administrations qui ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces et sur place de votre rapporteure spéciale, quoique logées dans des immeubles pris à bail, ont à l'évidence vocation à la pérennité, à commencer par les services à compétences régaliennes (justice, police). De fait, au moins trois séries de facteurs peuvent perturber l'application du principe.

En premier lieu, des raisons historiques peuvent expliquer le recours à la location. C'est ainsi, par exemple, que la rareté de ses implantations domaniales dans la capitale ont conduit le ministère de la justice à multiplier les prises à bail. Comme on l'a indiqué, ce ministère détient douze des baux de l'Etat recensés dans Paris par le service France Domaine en juin 2009 20 ( * ) .

En second lieu, des raisons budgétaires peuvent empêcher l'acquisition des immeubles nécessaires. Par exemple, malgré une opportunité d'achat en 2005, la Préfecture de police de Paris n'a pas pu acquérir l'immeuble qui abrite, en location, le commissariat du III e arrondissement. En effet, 32 millions d'euros étaient demandés, pour prix de cette vente, par le propriétaire ; l'estimation domaniale fixait la valeur de l'immeuble à 23 millions d'euros ; en tout état de cause, les fonds n'étaient pas disponibles pour cet achat. Au surplus, on estime que si, à moyen terme, la location s'avère moins coûteuse que la construction ou l'achat, voire le maintien dans des locaux domaniaux, elle peut légitimement être préférée.

Votre rapporteure spéciale, d'ailleurs, observe que c'est en l'occurrence un changement de politique immobilière de la Préfecture de police qui a fait naître la dépense. En effet, il a été nécessaire de reloger le commissariat du III e arrondissement du fait de l'opération, menée à partir de la fin des années 1990, tendant à extraire les commissariats parisiens hors des mairies d'arrondissement, où ils étaient implantés de façon traditionnelle et, d'ordinaire, « à l'étroit ». La recherche s'est avérée difficile, eu égard au marché immobilier tendu que connaît le III e arrondissement, et l'immeuble retenu, en 2001, est finalement apparu comme la seule proposition appropriée.

En troisième lieu, des raisons d'urgence se révèlent souvent à l'origine du choix locatif. L'AERES constitue une illustration de ce cas : créée à l'été 2006, il a fallu lui trouver des bureaux de manière à l'installer rapidement.

A cet égard, votre rapporteure spéciale estime qu' il serait de bonne règle que la création de nouvelles entités administratives soit conçue en lien avec les scénarios de leur implantation immobilière . Hors le cas des autorités indépendantes, les ministères de rattachement devraient pouvoir héberger dans leurs locaux disponibles les instances qu'ils prennent l'initiative de constituer. Au reste, il convient de noter que le service France Domaine assure veiller, aujourd'hui, à ce que toute nouvelle prise à bail par un ministère soit précédée d'une libération de surface équivalente.

2. Le choix des implantations locatives

a) Les arbitrages géographiques

Un autre enjeu crucial de la politique de « l'Etat locataire » tient au choix de l'implantation sous l'angle géographique, et d'abord, du moins à Paris, à l' arbitrage entre le centre et la périphérie . En effet, les administrations implantées dans la capitale, manifestement, ont du mal à franchir la « barrière » que paraît constituer le périphérique.

Pour votre rapporteure spéciale, en ce domaine, comme en ce qui concerne les densités d'occupation des immeubles 21 ( * ) , l'analyse doit être menée au cas par cas, compte tenu des divers besoins et contraintes de chaque administration. Par exemple, par vocation, le pôle financier du TGI de Paris ne peut pas quitter la capitale, comme le commissariat du III e arrondissement ne peut être implanté dans un autre arrondissement. En revanche, a priori , des services centraux de ministères peuvent très bien délaisser le centre de Paris, voire s'installer en banlieue plus ou moins proche.

Il convient de rappeler que c'est ce qui a été décidé, en 2005, pour l'administration des douanes, laquelle a emménagé dans un immeuble situé à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, les bâtiments qu'elle occupait jusqu'alors dans les VII e et IX e arrondissements de Paris étant cédés par l'Etat. L'opération a constitué une réussite sous l'angle budgétaire 22 ( * ) , sans nuire au travail des services transférés.

L'exemple pourrait être suivi pour la DPAEP du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, en vue de réduire son loyer actuel de 647,8 euros du mètre carré. De même, la direction des affaires civiles et du Sceau, actuellement logée boulevard de la Madeleine au coût de 995 euros du mètre carré, pourrait certainement sans grande difficulté s'éloigner un peu de la place Vendôme, comme la Cour de cassation consentir à prendre à bail des bureaux un peu plus éloignés de l'île de la Cité que ceux qu'elle loue actuellement au coût de 865,3 euros du mètre carré. Quant à la Cour de justice de la République, son maintien rue de Constantine, sur l'esplanade des Invalides, pour un loyer de 626,2 euros du mètre carré, n'est évidemment pas nécessaire à son bon fonctionnement, puisque les séances de jugement où siègent les parlementaires qui en sont membres se tiennent nécessairement à l'extérieur de ses locaux, faute de place 23 ( * ) .

Certaines des autorités administratives indépendantes qui ont fait l'objet du présent contrôle pourraient également « passer le périphérique » sans dommage pour l'exercice de leur mission . Tel est le cas, par exemple, de la HALDE ou du Médiateur de la République, lesquels n'ont aucune raison de se trouver logés dans des arrondissements centraux de la capitale, respectivement le IX e et le VIII e .

On doit certes prendre en considération les cas particuliers. Il en va ainsi du CSA, intentionnellement installé au plus proche des sièges d'entreprises audiovisuelles, quai André Citroën dans le XV e arrondissement de Paris ; mais cette implantation, au coût de 643 euros du mètre carré, est-elle indispensable ? Il semble que les représentants des entreprises concernées pourraient sans heurt se rendre dans une institution qui, relogée au-delà du périphérique, serait à peine moins proche géographiquement. De même, l'AERES reçoit de nombreux chercheurs arrivant de toute la France voire de l'étranger, mais cela lui impose-t-il véritablement de se trouver dans le centre de la capitale, moyennant un loyer de 695,6 euros du mètre carré ? La ville de Roissy, dans le Val-d'Oise, proche de l'aéroport Charles-de-Gaulle, ou celle de Chessy, en Seine-et-Marne, qui offre une interconnexion entre le TGV et le RER, constitueraient, sous cet angle, des sites au moins aussi pertinents.

b) Les arbitrages « intuitu personae »

Par ailleurs, le contrôle a fait apparaître l' interférence occasionnelle de décisions prises en considération de la personne dirigeant ou pressentie pour être nommée à la tête de telle ou telle institution. Ces décisions, prises à l'échelon politique, peuvent conditionner le choix de tel ou tel site pour une implantation locative de l'Etat.

Le cas est sans doute rare ; il faut, du moins, l'espérer. Mais c'est le rôle de votre rapporteure spéciale de rappeler que la rationalité gestionnaire devrait primer et que les décisions, en ce domaine, doivent être adoptées au niveau pertinent de l'administration.

Cet aspect conduit naturellement à évoquer le second « pilier » sur lequel doit s'appuyer une gestion efficiente de « l'Etat locataire ».

B. DES ADMINISTRATIONS À RESPONSABILISER

A l'image de ce qui a été instauré pour l'Etat propriétaire et que traduisent, notamment, le système des loyers budgétaires bientôt généralisé à l'ensemble du territoire et la mise en place de conventions d'utilisation substituées au régime de l'affectation des immeubles 24 ( * ) , une démarche de responsabilisation doit être mise en oeuvre en ce qui concerne l'Etat locataire . L'objectif est de mobiliser, sur ce sujet, les services gestionnaires, qu'il s'agisse des administrations locataires ou de France Domaine, mais également de les mettre en « tension dynamique », en impliquant mieux qu'aujourd'hui les organes de contrôle privilégiés que sont, en la matière, le Conseil de l'immobilier de l'Etat et le Parlement.

1. La mobilisation des services gestionnaires

En ce qui concerne les administrations, votre rapporteure spéciale formulera deux séries de préconisations essentielles, complémentaires l'une de l'autre.

a) La vigilance des administrations locataires

Il s'agit d'abord que les administrations locataires mettent en place une veille active quant à leur situation. En particulier, les gestionnaires doivent s'efforcer d' anticiper la fin du bail , en s'interrogeant sur la suite qu'ils y donneront au moins 18 mois à l'avance : c'est là, semble-t-il, le délai « utile » moyen. Le but est que l'Etat soit en mesure de choisir entre plusieurs options (le renouvellement, une modification des clauses, la résiliation, etc.). Au besoin, la recherche d'alternatives doit être menée en cours de bail, suffisamment à l'avance en fonction des occasions de « sortie » possible. En effet, très souvent, les baux sont conclus en régime dit « 3/6/9 », seule la première période de trois ans étant ferme : la dénonciation est donc possible dès l'issue de cette première période, ou après trois ans de plus, sans devoir attendre le terme des neuf ans.

Ce qu'il faut absolument éviter, c'est un renouvellement de bail contraint , pour l'Etat , faute d'avoir envisagé une alternative au moment opportun, à des conditions que le bailleur pourra alors facilement lui imposer. A cet égard, le cas du renouvellement, fin 2007, du bail du pôle financier du TGI de Paris 25 ( * ) fait figure d'« anti-modèle ».

Dans cette perspective, la gestion des baux supportés par l'Etat doit faire l'objet d'une prise en compte renforcée dans le cadre des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères, mais aussi pour les opérateurs de l'Etat quand ces documents leur seront étendus (ce qui devrait être le cas, en principe, à compter de 2010). Les indicateurs ad hoc sont à mettre en place par les administrations.

b) L'accompagnement de France Domaine

La mobilisation au service d'une meilleure gestion de « l'Etat locataire » passe ensuite par le développement du rôle d'appui et d'« accompagnateur » du service France Domaine auprès des autres administrations.

A cet égard, votre rapporteure spéciale a constaté une certaine diversité de situations. En effet, toutes les administrations hébergées dans un immeuble locatif ne bénéficient pas du même degré de « service » de la part de France Domaine . L'intervention de ce dernier, trop couramment, se borne à l'avis domanial préalable à la conclusion du bail.

Par exemple, en partie pour des raisons d'ordre institutionnel, mais non par réel empêchement juridique, les autorités administratives indépendantes contrôlées sur pièces et sur place n'ont pas bénéficié d'un appui de la part de France Domaine y compris le Médiateur de la République ou le CSA, pourtant engagés, l'un comme l'autre, dans la renégociation de leur bail 26 ( * ) . L'un des interlocuteurs de votre rapporteure spéciale a même avoué que, d'une manière générale, pour trouver des solutions immobilières, il avait perçu France Domaine, dans la période récente, plus comme un obstacle que comme un appui. A l'inverse, la renégociation du bail du secrétariat d'Etat aux sports, ci-dessus présentée 27 ( * ) , a été réalisée en étroite collaboration avec le service France Domaine.

Il apparaît donc nécessaire que France Domaine développe son « offre » auprès de l'ensemble des administrations locataires, celles-ci devant être traitées selon une rigoureuse égalité . Le service, au niveau déconcentré, doit, aux yeux de votre rapporteure spéciale, assurer un triple rôle :

- d'une part, un rôle de « vigie » , en suivant chaque bail pris par l'Etat grâce au « tableau de bord » qu'il faut encore mettre en place 28 ( * ) ; par conséquent, un rôle d'alerte, au besoin, sur l'urgence d'envisager l'avenir ;

- d'autre part, un rôle de conseil , en permettant à chaque administration de bénéficier d'une expertise professionnelle ;

- enfin, un rôle d'accompagnateur actif, épaulant les administrations dans la recherche d'implantations alternatives comme dans la négociation de clauses des baux, au besoin en mettant à leur disposition des prestataires privés, comme cela est envisagé dans le cadre de la renégociation systématique annoncée 29 ( * ) .

Il est certain que l'autorité de France Domaine, en ce qui concerne le contrôle de la rationalisation des coûts et des surfaces, sera d'autant mieux perçue et respectée que le service s'efforcera de mettre en oeuvre ce triple rôle, plus « positif », en direction de l'ensemble des administrations locataires.

Cependant, il convient également que ces administrations, de façon réciproque, développent leur pratique du recours à France Domaine . En effet, elles paraissent encore ne guère avoir l'habitude de se tourner vers ce service, dont l'intervention semble davantage « subie », lorsqu'elle est obligatoire, qu'exploitée, alors même qu'elle pourrait s'avérer utile. Par exemple, l'AERES a fait état de l'absence d'assistance de France Domaine dans la recherche initiale de son implantation, voire pour la recherche d'une implantation alternative à celle qui est actuellement la sienne. Pour autant, l'Agence n'avait pas fait appel à France Domaine en ce sens, et elle n'a pas donné suite à l'offre de service que France Domaine, à la suite des remarques de votre rapporteure spéciale, lui a proposée.

Par ailleurs, France Domaine devrait se mettre à même de faciliter le dialogue interministériel qui peut s'avérer opportun. Ainsi, votre rapporteure spéciale a observé qu'une des raisons du manque de surfaces de bureaux de la Cour de cassation, à la Conciergerie, tient à l'emprise que représente, dans ces locaux, la présence d'un laboratoire photographique de la police nationale. On perçoit mal la nécessité, pour ce laboratoire, de se trouver quai de l'Horloge, au coeur de Paris ; en tout état de cause, un échange entre le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur, sur ce sujet, est nécessaire. Il semble revenir de façon naturelle au service France Domaine de le rendre possible. En effet, le déménagement du laboratoire permettrait peut-être, dans un premier temps, de louer une moindre surface dans l'immeuble du boulevard Saint-Germain pris, à un coût excessif, pour « annexe » de la Cour de cassation.

2. L'implication des organes de contrôle

S'agissant du contrôle de la gestion de « l'Etat locataire », votre rapporteure spéciale recommandera l'intervention de deux mesures.

a) La clarification des critères de saisine pour avis du Conseil de l'immobilier de l'Etat

La première de ces mesures consiste à clarifier les conditions de saisine, pour avis, du Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE).

Il convient de rappeler que cette instance, créée en 2006, est chargée de formuler des recommandations visant à améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat et d'évaluer la démarche de modernisation et l'évolution de ce patrimoine. En outre, à partir d'une pratique développée depuis 2007, le CIE peut être saisi par le ministre chargé des domaines, pour avis préalable, sur telle ou telle opération immobilière, y compris les prises à bail ou renouvellements de location. L'institution avait d'ailleurs été saisie, à la fin de l'année 2007, du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris, mais dans des conditions qui privaient par avance de tout effet l'avis négatif qu'elle a rendu. Le CIE, en effet, avait été saisi le 28 décembre, alors que le bail du pôle financier arrivait à expiration le 31 décembre 30 ( * ) !

La mission du Conseil de l'immobilier de l'Etat dans les textes

Les attributions du CIE ont été fixées par le décret n° 2006-1267 du 16 octobre 2006, aux termes duquel « il est créé pour cinq ans un Conseil de l'immobilier de l'Etat, placé auprès du ministre chargé du domaine. Le conseil formule régulièrement au ministre chargé du domaine des recommandations et des préconisations opérationnelles pour améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. Ce conseil suit et évalue pour le compte du ministre chargé du domaine l'avancement de la démarche de modernisation et l'évolution du parc immobilier de l'Etat. Dans le cadre de ses compétences, il peut procéder à toute audition nécessaire au sein de l'Etat et de ses établissements publics . »

Ces compétences ont été rappelées, en synthèse, dans la circulaire du 28 février 2007 du Premier ministre relative à la modernisation de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. La circulaire du Premier ministre du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l'Etat mentionne en outre le rôle d'avis du CIE sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI).

Source : Légifrance

Au printemps 2008, dans une lettre adressée à notre collègue député Georges Tron, président du CIE, le ministre chargé des domaines, M. Eric Woerth, avait annoncé que la procédure d'avis préalable de cette instance, sur les opérations immobilières de l'Etat les plus importantes au point de vue de leur montant, serait consacrée par la voie réglementaire et systématisée . Les avis du CIE auraient ainsi dû concerner, non seulement toutes les acquisitions ou cessions d'une valeur supérieure à 2 millions d'euros (hors taxes) dans la région Ile-de-France ou à 1 million d'euros (hors taxes) en province, mais également chaque prise à bail d'une valeur annuelle supérieure à 1 million d'euros (hors taxes) dans la région Ile-de-France ou à 0,5 million d'euros (hors taxes) en province.

Ce projet a finalement été abandonné . Selon les informations recueillies par votre rapporteure spéciale, cette décisions a résulté d'un arbitrage du Premier ministre, d'une part afin de ne pas engorger le CIE et, d'autre part, pour éviter de faire jouer à cette institution, le cas échéant, le rôle d'un « juge des conflits » entre le ministère chargé du budget et les ministères dits « dépensiers ». Il a été décidé que le CIE ne serait saisi pour avis que sur les orientations de la stratégie immobilière de l'Etat et pour les opérations ayant un impact direct , du fait de leur envergure, sur cette politique 31 ( * ) .

Néanmoins , cette « doctrine d'emploi » du CIE n'a pas été objectivée dans les textes réglementaires . A votre rapporteure spéciale, il semble nécessaire qu'elle le soit, pour parer au risque d'un soupçon d'instrumentalisation de l'institution . En effet, faute de critères « officiels », on pourrait craindre que le Gouvernement ne soumette au CIE que les projets incontestables (comme il l'a fait dernièrement, par exemple, pour la renégociation du bail du secrétariat d'Etat aux sports 32 ( * ) ) et s'abstienne de le saisir sur les autres.

b) L'introduction d'un état « immobilier » annexé au projet de loi de finances de l'année

La seconde mesure que préconise votre rapporteure spéciale, en vue d'assurer le contrôle de la gestion du parc locatif de l'Etat, tient à l'introduction d' un état retraçant les opérations immobilières de l'Etat, annexé aux projets de loi de finances initiale, et qui fasse figurer les prises à bail les plus importantes .

Cette préconisation, du reste, ne fait que préciser un engagement du ministre chargé du budget, M. Eric Woerth , lors de la séance du Sénat du 1 er avril 2009. Dans ce cadre, en effet, à l'invitation de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, le ministre a annoncé la mise en place, « à partir de cet automne », d'« un document résumant l'ensemble des acquisitions de l'Etat ou de ses engagements hors bilan importants, le seuil restant à déterminer ».

Séance du Sénat du 1 er avril 2009

Examen du 2 e projet de loi de finances rectificative pour 2009

M. Philippe Marini, rapporteur général . [...] Tirons, pour l'avenir, quelques enseignements de cette opération [l'avance de 60,5 millions d'euros, par l'Etat, à la Cité de la musique, en vue de l'acquisition par cet établissement de la salle Pleyel qu'il avait prise à bail pour 50 ans] , d'autant que beaucoup a déjà été fait en matière d'évaluation et de gestion du patrimoine immobilier de l'État avec le Conseil de l'immobilier de l'État.

Dans le moindre des conseils municipaux, le maire doit, chaque année, en vertu de la loi, fournir un état des acquisitions et ventes du patrimoine immobilier. Dans un souci de transparence, ne serait-il pas raisonnable, monsieur le ministre, que l'État transmette, chaque année, au Parlement un état des biens acquis d'une valeur unitaire supérieure à 50 millions d'euros ou à 100 millions d'euros ?

Ainsi que Jean Arthuis l'a évoqué tout à l'heure, se pose bel et bien la question de l'engagement pris au moment même où ce montage financier - certainement utile et opportun - a été concrétisé.

M. Gérard Longuet . Exact !

M. Philippe Marini, rapporteur général . En effet, l'État a pris alors un engagement très substantiel pour une durée de cinquante ans. Aujourd'hui, nous serions plus à l'aise encore si cette information nous avait été donnée en temps réel.

Dès lors, ne peut-on pas progresser, monsieur le ministre, sur la voie de la transparence, en informant le Parlement en temps réel des opérations immobilières menées par l'État ?

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre . [...] Monsieur le rapporteur général, je vous l'accorde, c'est une bonne idée de résumer les engagements patrimoniaux de l'État, tant ceux qui sont inscrits au bilan que ceux qui sont hors bilan, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général . Très bien !

M. Éric Woerth, ministre . ... car les engagements de long terme - en l'espèce, cinquante ans - suscitent les mêmes contraintes. Au demeurant, il sera assez facile d'établir cet état.

En conséquence, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de dresser cet état à partir de cet automne dans un document résumant l'ensemble des acquisitions de l'État ou de ses engagements hors bilan importants, le seuil restant à déterminer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances . Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général . Je vous remercie, monsieur le ministre.

Source : compte rendu intégral des débats

En ce qui concerne les prises à bail de l'Etat, le seuil de prise en compte dans ce document pourrait être celui qui avait été envisagé, comme ci-dessus indiqué, pour les saisines pour avis du CIE, soit une valeur annuelle de loyer supérieure à 1 million d'euros (hors taxes) dans la région Ile-de-France et à 0,5 million d'euros (hors taxes) en province.

Ce nouvel instrument de contrôle serait ainsi opportunément mis à la disposition du Parlement. Au-delà, votre rapporteure spéciale tient à souligner que les investigations, en cette matière « transversale » à presque tous les secteurs budgétaires qu'est l'immobilier de l'Etat, relève par nature de l'initiative de chacun de nos collègues rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis.

*

* *

TRAVAUX DE LA COMMISSION

A. AUDITION SUR LES CONDITIONS DU RENOUVELLEMENT DU BAIL DU PÔLE FINANCIER DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

Réunie le mercredi 9 avril 2008, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Laurent Le Mesle, procureur général près la cour d'appel de Paris, Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires, Rémy Heitz, directeur de l'administration générale de l'équipement sur la politique immobilière de l'Etat, Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du Conseil de l'immobilier de l'Etat, et Daniel Dubost, chef du service France Domaine .

M. Jean Arthuis, président , a signalé que cette audition était ouverte aux membres de la commission des lois, ainsi qu'à la presse, afin de permettre l'information la plus large. Il a rappelé les axes de modernisation de cette politique identifiés dans un récent rapport d'information n° 37 (2007-2008), co-signé par MM. Adrien Gouteyron, Paul Girod, Bernard Angels et Mme Marie-France Beaufils, rapporteurs spéciaux : faire en sorte que les cessions immobilières s'intègrent dans une politique d'ensemble, faciliter le portage de certains immeubles par des structures adaptées et professionnaliser davantage la négociation des ventes et acquisitions des biens de l'Etat.

Il a estimé que les premiers résultats obtenus étaient prometteurs, mais que d'importantes marges de progrès demeuraient. Il a, en outre, souligné que certains avis négatifs rendus par le Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE), quoique fortement motivés, n'avaient pas été suivis et que ce conseil avait parfois été contraint de travailler dans des délais très courts. En outre, certaines opérations ne lui avaient pas été soumises, comme la prise à bail projetée par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire pour l'implantation parisienne de ses services.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la mission « Justice » , a indiqué que la gestion du parc immobilier de l'institution judiciaire constituait un volet important de la politique conduite au sein du ministère de la justice. Dans un contexte budgétaire tendu, le renouvellement du bail immobilier du pôle financier du tribunal de grande instance (TGI) de Paris présentait un certain nombre de « particularismes » nécessitant un éclairage.

S'appuyant sur les conclusions du CIE, il a rappelé l'augmentation de 32 % du loyer de cet immeuble, situé rue des Italiens dans le IX e arrondissement de Paris, ainsi que le niveau élevé de ce loyer : 4,46 millions d'euros par an, soit un coût au mètre carré de 604 euros et un coût par agent de 25.248 euros.

Il a ajouté que la localisation même paraissait discutable, dès lors que le pôle financier était éloigné des autres services du TGI de Paris et l'immeuble situé dans l'un des quartiers les plus chers de la capitale.

Il a, en outre, rappelé les ratios actuels d'occupation de ces locaux, très au dessous des normes cibles (36,5 m 2 par agent contre une cible fixée à 12 m 2 ).

Dans ses conclusions, le CIE observait que le ministère de la justice ne s'était préoccupé que tardivement de l'avenir de cette implantation, qu'il n'avait disposé au total que de 9 mois pour envisager une relocalisation du pôle financier et qu'il n'était pas de bonne politique de maintenir durablement dans un immeuble de statut locatif un service de l'Etat à vocation pérenne.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , s'est interrogé sur le processus décisionnel ayant conduit à ce choix, sur l'articulation entre la direction des services judiciaires (DSJ), la direction de l'administration générale et de l'équipement (DAGE) du ministère, ainsi que les chefs de cours et de juridictions, et sur les enseignements pouvant être tirés du cas particulier du pôle financier du TGI de Paris dans la perspective de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a souhaité savoir s'il existait un document récapitulant les immeubles loués par l'Etat à Paris et si le ministère de la justice avait pris à bail des locaux Place Vendôme.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois , s'est interrogé sur la place de la localisation du pôle financier du TGI de Paris au sein de la réflexion plus générale sur l'implantation future de ce même TGI.

M. Paul Girod, rapporteur spécial de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » , a souhaité connaitre la date de saisie du CIE et les raisons du caractère tardif de celle-ci.

M. Laurent Le Mesle, procureur général près la Cour d'appel de Paris , a rappelé que le bail du TGI de Paris avait initialement été signé en 1998 et que son échéance arrivait en décembre 2007. Il a souligné que des investissements importants en matière de sécurité avaient été réalisés dans cet immeuble au cours de la période et qu'un déménagement aurait, en outre, suscité d'importants frais.

M. Jean Arthuis, président , l'a interrogé sur le montant des investissements réalisés en matière de sécurité.

Pour M. Laurent Le Mesle , ils s'élevaient à près de 5 millions d'euros. Le grand chantier du déménagement du Palais de Justice de Paris ayant été engagé en 2003 par le Président de la République, la logique incitait à préférer un renouvellement du bail de l'immeuble rue des Italiens plutôt qu'à entreprendre un déménagement du pôle financier en 2008.

Précisant les conditions de la négociation de ce renouvellement de bail, ainsi que les principales étapes de cette négociation, il a rappelé que France Domaine avait été sollicité, par le magistrat délégué à l'équipement de la Cour d'appel de Paris, sur la valeur locative de l'immeuble et que les chefs de Cour avaient été assistés, au cours de la transaction avec le bailleur, par un cabinet d'experts.

Il a estimé que le résultat de la négociation pouvait être considéré comme une « réussite », dès lors que le loyer était certes élevé, mais qu'il restait très en dessous de la demande initiale du bailleur, que ce dernier avait concédé une franchise de 10 mois et que le maintien du pôle financier dans ces locaux permettait de valoriser les investissements déjà réalisés en matière de sécurité dans cet immeuble.

M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires , a précisé qu'en matière de décision immobilière la responsabilité incombe aux chefs de Cour mais que la direction des services judiciaires (DSJ) avait été pleinement associée à la décision relative au pôle financier du TGI de Paris. Il a ajouté que le choix effectué avait été guidé, d'une part, par le souci d'éviter d'introduire un élément d'instabilité (un déménagement) dans le travail des magistrats de ce pôle et, d'autre part, par l'obligation de maintenir ces bureaux dans Paris intra-muros du fait de la compétence juridique du TGI de Paris. Il a, également, insisté sur l'importance de la prise en compte des dépenses de sécurisation réalisées dans ces locaux afin d'évaluer la pertinence du renouvellement du bail en question.

Il a rappelé qu'au début de l'année 2007 le bailleur, de manière inattendue, avait informé le ministère de la justice de son souhait de ne pas reconduire le bail.

Il a souligné qu'à partir de ce moment le ministère s'était mis en quête de nouveaux locaux, mais que ses recherches s'étaient révélées peu fructueuses, dans la mesure où il convenait d'intégrer dans l'arbitrage final le coût du déménagement et des loyers. Il a, enfin, estimé que l'enjeu immobilier devait être intégré dans le cadre de l'implantation judiciaire parisienne dans son ensemble, et a rappelé, notamment, la décision, rendue publique en mars 2007, du Premier ministre de retenir le site de Tolbiac pour installer la future cité judiciaire.

M. Rémy Heitz, directeur de l'administration générale et de l'équipement (DAGE), a précisé que le ministère de la justice avait pris, en 2003, un bail au 8, place Vendôme pour des locaux d'une surface de 1.114 m 2 ayant accueilli le secrétariat d'Etat jusqu'en 2007 et, désormais, l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ). Il a indiqué que le montant du loyer annuel s'élevait à un peu moins d'un million d'euros hors charges et que chaque bureau de cet immeuble accueillait deux personnes, dans des locaux qui n'ont rien de « somptuaire ». D'une manière générale, il a rappelé que l'administration du ministère était éclatée géographiquement dans Paris autour de deux grands sites : la Place Vendôme et le quai de Javel.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est interrogé sur le montant des loyers budgétaires Place Vendôme.

M. Rémy Heitz a indiqué qu'il n'y avait pas de loyer budgétaire pour ces locaux.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur le niveau de rémunération du cabinet d'experts ayant accompagné le ministère dans la renégociation du bail du pôle financier du TGI de Paris.

M. Laurent Le Mesle a précisé que le montant des honoraires de ce cabinet s'élevait à 62.000 euros hors taxes. Il a souligné que les recherches menées dans Paris intra-muros pour reloger le pôle financier s'étaient révélées infructueuses du fait du coût élevé des loyers envisagés (équivalent à celui de l'offre initiale du bailleur dans le cadre de la renégociation du contrat de location rue des Italiens) et de l'impossibilité de procéder à un emménagement avant 2009.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , s'est interrogé sur l'existence d'une « cellule de veille » afin d'anticiper sur l'échéance des baux.

M. Laurent Le Mesle a indiqué que des contacts réguliers avaient été entretenus avec le bailleur, mais que rien n'avait permis d'entrevoir le soudain changement de stratégie de ce dernier.

M. Jean Arthuis, président , a regretté la gestion approximative du patrimoine de l'Etat avant la récente prise de conscience.

M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine , a rappelé que la décision de reconduction du bail du pôle financier avait été prise par le ministère de la justice et que le rôle de France Domaine était de négocier au mieux les conditions des baux. Dans le cas de celui de la rue des Italiens, il a estimé que le loyer demandé par le bailleur en début de renégociation était excessif, mais que le ministère de la justice, conseillé par un cabinet d'experts, était parvenu à un niveau de loyer cohérent par rapport au quartier.

Il a, toutefois, considéré que la renégociation de ce bail n'était pas conforme à la politique immobilière souhaitée pour l'Etat, dès lors qu'une localisation doit pourvoir s'envisager suffisamment en amont (délai d'étude d'environ 3 ans). Il a ajouté que l'avis rendu dans le cas d'espèce par France Domaine reposait sur la référence à ce principe et que le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait, dans ces conditions, estimé nécessaire de demander l'arbitrage du Premier ministre, qui avait tranché en vue d'assurer la continuité du bail, mais que ce dernier, d'une durée de neuf ans, pouvait être dénoncé au bout de six ans.

M. Jean Arthuis, président , a jugé que le CIE devait être saisi du bail relatif aux locaux occupés au 8, place Vendôme et s'est interrogé sur la présence dans ces bureaux des inspecteurs généraux des services judiciaires, ces derniers devant naturellement être amenés à se déplacer en mission.

M. Rémy Heitz a précisé qu'un large recours à la vidéo-conférence induisait un fort taux de présence des inspecteurs dans leurs bureaux.

Pour M. Léonard Bernard de la Gatinais , si les inspecteurs se trouvent très fréquemment sur le terrain, leurs missions impliquent cependant une phase préparatoire dans leurs bureaux Place Vendôme.

M. Jean Arthuis, président , a estimé qu'une renégociation de ce bail Place Vendôme était probablement nécessaire.

M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du CIE , a souligné l'évolution récente de la mission du CIE et a rappelé que, le 25 septembre 2007, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait souhaité entendre le conseil sur certaines opérations immobilières importantes, dont celle concernant le pôle financier du TGI de Paris. S'agissant de cette dernière opération, le CIE avait été officiellement saisi le 28 décembre 2007 et n'avait disposé que de 15 jours pour répondre. L'avis rendu par le CIE demandait que le pôle financier n'aille pas au-delà des six premières années de bail et qu'il rejoigne ensuite le site du TGI.

M. Rémy Heitz a rappelé qu'un établissement public pour le palais de justice de Paris (EPPJP) avait été créé, que le choix du terrain pour le site futur du TGI avait été acté et que le concours de maitrise d'oeuvre était prêt à être lancé. Il a indiqué que l'ensemble de l'opération s'élèverait à environ 800 millions d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que le choix de principe du prochain site du TGI de Paris avait été effectué par le précédent gouvernement dans un contexte budgétaire plus favorable et qu'il convenait, par ailleurs, de prendre en compte la position de la ville de Paris.

Il a regretté que le CIE ait été saisi trop tardivement s'agissant du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris. Enfin, il s'est interrogé, d'une part, sur l'existence d'une procédure permettant de systématiser la saisie du CIE 18 mois avant le terme d'un bail, et, d'autre part, sur une éventuelle saisie du CIE concernant les bureaux actuellement occupés Place Vendôme par l'IGSJ.

M. Jean-Pierre Jourdin a indiqué que le CIE n'avait pas été saisi pour ces bureaux, mais qu'il avait recommandé la création de tableaux de bord permettant de suivre l'échéance des baux de chaque ministère.

M. Rémy Heitz a considéré que le ministère de la justice avait, dans le cadre du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris, « essuyé les plâtres » d'une procédure nouvelle et que les réinstallations, comme les déménagements, présentent aussi un coût non négligeable.

M. Léonard Bernard de la Gatinais a rappelé que la DSJ tenait un inventaire de l'ensemble des baux des juridictions.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur l'impact immobilier et financier de la suppression des tribunaux d'instance décidée dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire.

M. Rémy Heitz a indiqué qu'actuellement, près de 1.200 juridictions étaient réparties sur 900 sites et que la réforme de la carte judiciaire comportait la suppression de 300 de ces juridictions. Il a précisé que le travail d'analyse et de diagnostic de l'impact de cette réforme se poursuivait au sein du ministère, mais qu'on pouvait estimer à plus de 200 le nombre d'opérations immobilières à conduire.

Il a estimé que certains services à vocation administrative pouvaient être externalisés en dehors des palais de justice. Il a ajouté que les antennes régionales de la DAGE travaillaient dans cette perspective, en lien avec les chefs de Cour.

M. Rémy Heitz a souligné que cette réforme aurait un coût estimé, dans une première approche, à 545 millions d'euros, sur au moins cinq ans, dès lors que 65 % des bâtiments actuellement occupés par les juridictions appartiennent à des collectivités territoriales. Il a précisé que cette estimation du coût était, depuis l'annonce de la réforme, en constante baisse et que la création de pôles de l'instruction facilitait les regroupements.

M. Léonard Bernard de la Gatinais a estimé que la forte mobilisation des chefs de Cour autour de la réforme permettait de chercher des solutions alternatives à la construction de nouveaux bâtiments. Il a souligné que la réforme de la carte judiciaire avait amené à réfléchir en profondeur sur l'immobilier judiciaire et qu'il était possible de distinguer trois catégories d'espace au sein de l'institution judiciaire : le lieu du débat judiciaire (audiences publiques et cabinet du juge), l'accueil du public et les bureaux administratifs. Il a ajouté que distinguer ces trois catégories d'espace pouvait permettre de réaliser des économies substantielles en différenciant le coût au mètre carré.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a souligné que les actuels efforts de rationalisation de la politique immobilière de l'Etat tendaient, notamment, à une centralisation des processus de décision, par le canal du service France Domaine, sous la supervision du CIE. Dans ce contexte, il s'est interrogé sur le sens de la transformation, en février 2008, de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOT) en Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ). Celle-ci, en particulier, apparaissait comme chargée de la valorisation des propriétés de l'Etat, ce qui lui semblait peu compatible avec le cadre institutionnel par ailleurs mis en place.

M. Jean-Pierre Lourdin a indiqué que le CIE avait reçu la mission de proposer un document portant « schéma global de l'Etat propriétaire », qu'il devait remettre au ministre chargé du budget à la fin du mois d'avril 2008. Ce « schéma global » visait en effet à organiser une centralisation de la politique immobilière de l'Etat, coordonnée par France Domaine. Néanmoins, cette organisation ne proscrivait pas l'existence de structures spécialisées, par ministère, comme l'APIJ. Il a cité les exemples de la mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI), pour le ministère de la défense, et de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC), concernant le ministère de la culture. Ces structures étaient justifiées par la spécificité des secteurs dans lesquels elles intervenaient. Cependant, elles devaient demeurer des « correspondants » de France Domaine, et non agir en opérateurs concurrents. C'est dans cette limite que l'APIJ devait inscrire son action de valorisation patrimoniale.

M. Rémy Heitz a souligné que la transformation de l'AMOT en APIJ avait été réalisée en concertation avec France Domaine, et sur la base d'une convention avec ce service. Il a indiqué que le changement d'appellation de l'agence n'avait pas entraîné de véritable modification par rapport à ses attributions antérieures. Celles-ci comprenaient la cession d'un patrimoine immobilier affecté à l'ensemble des activités judiciaires, y compris les immeubles à vocation pénitentiaire, qui requéraient une expertise spécifique.

M. Jean Arthuis, président , a alors évoqué la politique immobilière de l'Etat dans son ensemble, et notamment la gestion de « l'Etat locataire ». A ce titre, il a rappelé le choix du ministère de la culture et de la communication de loger la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS), ainsi que la fondation du patrimoine, dans un immeuble pris à bail dans le III e arrondissement de Paris, rue Beaubourg, alors que le CIE avait rendu un avis défavorable à cette opération. En effet, le coût annuel du loyer devait s'établir à 413 euros par mètre carré, et d'autres options d'implantation avaient été proposées par France Domaine. En outre, en contrepartie de l'attribution de l'immeuble dit « des Bons-Enfants », situé rue Saint-Honoré, le ministère s'était engagé à abandonner la plupart de ses autres implantations parisiennes. Enfin, s'agissant d'un service de l'Etat à vocation pérenne, une prise à bail ne pouvait être justifiée que par son caractère transitoire, que rien ne laissait supposer en l'occurrence.

M. Daniel Dubost a confirmé que, malgré l'avis défavorable du CIE comme de France Domaine, après l'arbitrage du Premier ministre, le bail avait été signé.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a indiqué que d'autres décisions de prises à bail lui semblaient critiquables. En particulier, il a évoqué la location d'un immeuble situé rue de Miromesnil, dans le VIII e arrondissement, par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Il s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission étaient portées à la connaissance du CIE.

Par ailleurs, il a déploré que les établissements publics se trouvent exclus du dispositif de « globalisation » de la politique immobilière de l'Etat. De la sorte, ils ne bénéficiaient pas systématiquement de l'assistance de France Domaine, et ils échappaient à la supervision du CIE. Il a cité en exemple le cas d'une éventuelle implantation locative de l'établissement public du musée du Louvre dans l'immeuble du « Louvre des antiquaires », rue de Rivoli, dans le I er arrondissement de Paris.

M. Jean-Pierre Lourdin a indiqué que le président du CIE, M. Georges Tron, venait d'adresser au Premier ministre une lettre, en date du 2 avril 2008, dans laquelle il retraçait les difficultés rencontrées par le CIE, tant pour l'établissement de ses avis qu'au regard des suites qui leur étaient données. La demande d'une information exhaustive avait été formulée à plusieurs reprises par le CIE.

Toutefois, il a souligné les progrès accomplis par l'Etat, depuis 2004, dans sa gestion immobilière. Un certain nombre des recommandations du CIE avaient été suivie d'effets, que ce soit l'élaboration des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères ou l'alignement sur les prix du marché des loyers « budgétaires » demandés aux administrations affectataires d'immeubles domaniaux.

Il a indiqué que le CIE souhaitait que d'autres avancées soient réalisées en direction d'une gestion plus rigoureuse. En particulier, il s'agissait de prendre en compte des coûts d'entretien assumés par l'Etat « propriétaire » au bénéfice des services affectataires, dont les loyers budgétaires avaient logiquement vocation à constituer la contrepartie. Il a rappelé les propositions déjà formulées en ce sens par M. Paul Girod, rapporteur spécial.

Puis il a présenté le « Schéma global de l'Etat propriétaire » élaboré par le CIE. Ce document devait décrire une politique interministérielle, et inciter à une professionnalisation de la fonction immobilière de l'Etat et à une programmation pluriannuelle en la matière. Les réorganisations nécessaires s'appuieraient naturellement sur les opérateurs existants au sein des ministères.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a souhaité savoir si les ministères, dans leur ensemble, avaient fait preuve de la transparence nécessaire dans le cadre de l'élaboration des SPSI. Bien que le rachat par l'Etat de l'immeuble de l'Imprimerie nationale fût en cours de négociation au moment de l'élaboration du SPSI du ministère des affaires étrangères, cette opération n'avait pas été évoquée, alors, devant le CIE.

M. Jean-Pierre Lourdin a confirmé que des lacunes étaient apparues dans la première version des SPSI. Aussi, une révision de ces documents avait été entreprise. Conduite sous l'égide de France Domaine, elle devait aboutir au mois de mai 2008. Les nouveaux SPSI intégreraient les incidences immobilières des mesures adoptées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

M. Paul Girod, rapporteur spécial , a rappelé que les résultats des programmes annuels de cessions immobilières de l'Etat, depuis 2006, excédaient les prévisions fixées par la loi de finances initiale. Toutefois, il a fait observer que, pour 2007, près de la moitié des produits de cession réalisés (404 millions d'euros, sur un total de 827 millions d'euros) avaient résulté de la seule vente du centre de conférence internationale situé avenue Kléber, à Paris, dans le XVI e arrondissement.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité savoir à quelles conditions ce centre « Kléber » était mis à la disposition de l'Etat, jusqu'à l'issue de la présidence française de l'Union européenne, au second semestre 2008.

M. Daniel Dubost a indiqué qu'un loyer était acquitté par l'Etat à hauteur de 4 % du prix de vente du bâtiment, soit 16 millions d'euros par an.

M. Paul Girod, rapporteur spécial , est revenu sur la nécessité, qu'il avait déjà défendue au nom de la commission, que le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » retrace les dépenses de travaux et d'entretien. Dès lors, ce compte devrait être alimenté par les loyers « budgétaires ». Par ailleurs, il a rappelé ses propositions en faveur d'une révision et, à terme, d'une suppression des règles d'intéressement des ministères aux cessions immobilières.

M. Jean-Pierre Lourdin a indiqué que le CIE analysait les loyers « budgétaires » comme un outil « vertueux » de gestion, permettant aux ministères affectataires de prendre conscience du coût que représentait l'occupation des locaux dont ils disposaient. Il a confirmé qu'une politique immobilière « globale » impliquait la disparition du droit de « retour » sur les ventes actuellement accordé aux ministères. L'intéressement de ces derniers, selon lui, devait être axé, non sur les cessions, mais sur la gestion. Les loyers « budgétaires » devaient y contribuer.

M. Daniel Dubost a précisé que le niveau des crédits couvrant les loyers « budgétaires », qui venaient d'être instaurés, avait vocation à être maintenu dans les prochaines années, alors que les loyers eux-mêmes, suivant l'évolution du marché, auraient tendance à augmenter. De la sorte, les ministères seraient contraints de rechercher des sources d'économies, et de rationaliser la gestion de leur patrimoine immobilier. En outre, une optimalisation de la gestion immobilière des administrations devrait résulter de la suppression, décidée dans le cadre de la RGPP, du régime de l'affectation domaniale, qui serait remplacé par des « baux publics », révisables, définissant les obligations de chaque partie, en termes de loyer et d'entretien.

A la demande de M. Jean Arthuis, président , M. Daniel Dubost a indiqué que les systèmes actuels d'information, quoiqu'insuffisants, fournissaient néanmoins tous les éléments nécessaires à la mise en oeuvre des premières réformes souhaitables de la gestion immobilière de l'Etat. Parallèlement, le système CHORUS et son module « immobilier » étaient développés, en vue de consolider une information encore éclatée entre administrations.

M. Adrien Gouteyron , évoquant ses travaux en qualité de rapporteur spécial, a fait état de la part importante prise, par le ministère des affaires étrangères, dans le produit annuel des cessions immobilières de l'Etat.

M. Daniel Dubost a précisé que les résultats de l'exécution 2007, eu égard à la cession du centre « Kléber » précitée, étaient exceptionnels.

M. Adrien Gouteyron s'est fait l'écho de difficultés rencontrées par les gestionnaires de budget opérationnels de programme (BOP) du ministère des affaires étrangères et européennes, du fait du fonctionnement du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ». Les programmes immobiliers ne pourraient pas être réalisés, faute de disponibilité des crédits prévus.

M. Daniel Dubost a assuré que le CAS fonctionnait sans difficulté, pour l'ensemble des ministères. Chaque mois, ce compte alimente automatiquement les BOP concernés des produits de cession réalisés, dans la limite du taux d'intéressement prévu. Ce versement est automatique pour les cessions inférieures à 2 millions d'euros et, pour celles supérieures à 2 millions d'euros, le versement est subordonné à la vérification que le projet de remploi du produit satisfait à des objectifs de performance, en termes de gestion immobilière. Cependant, il a admis que les administrations témoignaient parfois d'une certaine réticence à apporter la démonstration de la performance de leurs projets. En outre, concernant le ministère des affaires étrangères et européennes, la difficulté résulte de la complexité des conditions juridiques d'occupation de leurs locaux par les services situés à l'étranger. Seuls les locaux dont l'Etat français est propriétaire peuvent bénéficier de crédits en provenance du CAS.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître la valeur vénale de la Villa Médicis, siège de l'Académie de France à Rome.

M. Daniel Dubost a demandé à pouvoir vérifier ce point, en particulier quant au régime juridique exact de l'occupation de ce domaine par la France. Il a rappelé que le total du patrimoine immobilier détenu et contrôlé par l'Etat était évalué à 45 milliards d'euros.

M. Jean-Pierre Lourdin a précisé qu'un patrimoine équivalent, selon les estimations du CIE, était géré par les opérateurs de l'Etat. Cette situation justifierait donc un recensement exhaustif, dont M. Daniel Dubost a reconnu qu'il restait à mener.

M. Jean Arthuis, président , a fait observer que ces questions offraient un terrain de contrôle privilégié pour le Parlement. Il a estimé que, bien que d'importantes avancées aient été réalisées, ces dernières années, dans le sens d'une gestion immobilière de l'Etat plus performante, des marges de progrès demeuraient, comme en témoignent les exemples qui venaient d'être cités. Il a considéré qu'une politique plus globale devait être mise en oeuvre, afin de dépasser des logiques ministérielles souvent coûteuses et sources de dysfonctionnement. Il a donc appelé au renforcement du rôle du CIE afin qu'un véritable pilotage de la politique immobilière de l'Etat soit enfin établi.

B. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 1 er juillet 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu la communication de Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », sur « l'Etat locataire » .

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a présenté les résultats du contrôle qu'elle a mené, au premier semestre 2009, en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), sur la gestion par l'Etat des baux qu'il supporte, en Ile-de-France, pour des immeubles de bureaux. Elle a rappelé que, dès le 5 novembre 2008, elle avait fait à la commission une communication sur ce thème, en présentant alors les éléments réunis à partir d'états établis par le service France Domaine. Au premier semestre 2009, elle a procédé à treize contrôles sur pièces et sur place dans Paris, et à une quinzaine d'auditions au total. Les faits constatés lors de ces contrôles lui ont semblé constituer un reflet exact de la situation de « l'Etat locataire » en général. Elle a toutefois mis à part le cas des locations prises à l'étranger, en recommandant que la foncière chargée de la gestion des biens de l'Etat situés hors de France, dont la création se trouve encore à l'étude, intègre cette dimension du sujet.

S'en tenant au territoire national, elle a tout d'abord indiqué que le parc de bureaux loués par l'Etat pour ses services demeure mal connu. Ainsi, France Domaine se trouve aujourd'hui dans l'incapacité d'estimer le coût global que représente l'ensemble des loyers supportés par l'Etat. En effet, l'information centralisée nécessaire au pilotage des baux pris par l'Etat reste, dans une large mesure, à élaborer. En particulier, il a fallu plusieurs semaines à France Domaine, en 2008, pour constituer l'information demandée sur les locations de bureaux de l'Etat en Ile-de-France, et les états fournis se sont révélés, à l'occasion des contrôles sur pièces et sur place, grevés d'erreurs ou d'approximations. Dans de telles conditions, le suivi des baux de l'Etat se trouve laissé à la diligence de chaque administration. La situation peut conduire à des dysfonctionnements du type de celui qui a affecté le renouvellement, fin 2007, du bail du pôle financier du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, dont les circonstances ont donné lieu à une audition de la commission, le 9 avril 2008.

Un début de réforme a récemment été enclenché par France Domaine. Des directives ont été adressées aux services déconcentrés, par le service central, leur imposant pour l'avenir la tenue de tableaux qui, dans chaque département, devraient recenser les baux souscrits par l'Etat et mentionner leurs conditions essentielles. Il ne s'agit, toutefois, que d'un « embryon de tableau de bord » de « l'Etat locataire », qu'il faudrait exploiter au sein d'un système d'information ad hoc. Pour Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , l'absence d'un tel outil est à l'origine d'un certain nombre des situations les plus coûteuses qu'elle a constatées.

Elle a signalé que les immeubles loués par l'Etat dans Paris s'avèrent, même à des niveaux de loyer comparables, d'une qualité variable. D'une part, certains bâtiments, en dépit d'un loyer élevé, ne sont pas fonctionnels, à l'exemple des locaux qui abritent les services du Médiateur de la République. D'autre part, de nombreux immeubles présentent des ratios d'occupation des surfaces sensiblement éloignés de la norme cible de 12 m 2 par agent fixée par le Gouvernement. Cet aspect, cependant, est à apprécier selon les besoins concrets des administrations. Par exemple, les 43 m 2 par agent dont dispose l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) sont justifiés par le besoin en salles de réunion de cette institution qui doit accueillir de nombreux chercheurs, alors que les 27 m 2 par agent dont dispose la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui n'a pas vocation à recevoir de public, semblent disproportionnés. Cependant, elle a admis que, dans certains cas, les contraintes architecturales rendent difficile l'application de la norme.

En tout état de cause, l'Etat se présente comme un locataire relativement dispendieux, qui supporte des loyers parfois « déraisonnables ». Ainsi, à la mi-juin 2009, on a pu dénombrer, dans Paris, 72 baux pris par l'Etat pour la location de bureaux, pour un montant individuel supérieur à 500 000 euros (hors taxes et hors charges). Ces baux représentaient un total de 189,5 millions d'euros de loyers annuels, soit un loyer moyen de 2,6 millions d'euros, pour une surface utile brute globale de 383.580 m 2 , induisant un coût moyen de près de 494 euros du mètre carré. En fonction de l'importance du montant du loyer annuel rapporté à la surface utile brute, les dix premières locations de cette liste correspondent, dans l'ordre, à :

- l'immeuble qui héberge la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT), le Conseil national consultatif d'éthique et le Haut Conseil à l'intégration, rue Saint-Georges dans le IX e arrondissement, avec un loyer de 998,6 euros/m 2 (2,1 millions d'euros par an, pour 2.124 m 2 ) ;

- trois immeubles relevant du ministère de la justice : la direction des affaires civiles et du Sceau, boulevard de la Madeleine dans le VIII e arrondissement, avec un loyer de 995 euros/m 2 (3,1 millions d'euros par an, pour 3.184 m 2 ), les bureaux de la Cour de cassation situés boulevard Saint-Germain, dans le VI e arrondissement, avec un loyer de 865,3 euros/m 2 (4,2 millions d'euros par an, pour 4 904 m 2 ), et le pôle financier du TGI de Paris, rue des Italiens dans le IX e arrondissement, avec un loyer annuel de 751,8 euros/m 2 (5,5 millions d'euros, pour 7 384 m 2 ) ;

- la HALDE, rue Saint-Georges dans le IX e arrondissement, avec un loyer de 706,3 euros/m 2 (1,5 million d'euros par an, pour 2.126 m 2 ) ;

- l'AERES, rue Vivienne dans le II e arrondissement, avec un loyer de 695,6 euros/m 2 (près de 2,1 millions d'euros par an, pour 3.003 m 2 ) ;

- le commissariat du III e arrondissement, situé rue aux Ours, faisant supporter à la préfecture de police un loyer de 686,8 euros/m 2 (2,4 millions d'euros par an, pour 3.513 m 2 ) ;

- un immeuble relevant de l'ancien ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT), rue du général Camou dans le VII e arrondissement, avec un loyer de 675,8 euros/m 2 (770.500 euros par an, pour 1 140 m 2 ) ;

- la direction des personnels et de l'adaptation de l'environnement professionnel (DPAEP) du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, place des Vins-de-France dans le XII e arrondissement, avec un loyer de 647,8 euros/m 2 (près de 6,6 millions d'euros par an, pour 10.176 m 2 ) ;

- enfin, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), quai André Citroën dans le XV e arrondissement, avec un loyer de 643 euros/m 2 (4,4 millions d'euros par an, pour 6 882 m 2 ).

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a précisé que ces baux semblent respecter les prix du marché, selon le quartier et le moment de la conclusion du bail. Cependant, il existe un soupçon que l'identité du locataire - l'Etat ait empêché de tirer le meilleur parti des négociations avec les bailleurs.

En outre, elle a fait observer qu'une augmentation parfois très forte, dans la période récente, a affecté les loyers indexés sur l'évolution de l'indice du coût de la construction. Elle a d'ailleurs rappelé que le nouvel indice des loyers commerciaux, défini par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, ne peut pas bénéficier aux baux des locaux à usage exclusif de bureaux. C'est ainsi que le loyer du pôle financier du TGI de Paris a fait l'objet, pour 2009, d'une réévaluation de 8,85 % par rapport à son niveau en 2008, soit une hausse automatique de l'ordre de 500 000 euros. Il lui est donc apparu opportun que les baux conclus par l'Etat, lorsque le loyer fait l'objet d'un mécanisme d'indexation, prévoient systématiquement une clause de plafonnement de la réévaluation, d'autant que l'Etat, locataire toujours solvable, devrait être en position de force dans la négociation des baux.

Néanmoins, elle a constaté certains efforts de réduction des coûts.

Ainsi, en premier lieu, il a été mis fin à des baux particulièrement onéreux. Le bail de l'immeuble de la MILDT, du Conseil national consultatif d'éthique et du Haut Conseil à l'intégration a été dénoncé par les services du Premier ministre et, alors qu'il arrive à échéance fin 2009, ne sera pas renouvelé. De même, le ministère de l'éducation nationale a résilié le bail qu'il détenait en 2008, rue Auber dans le IX e arrondissement de Paris, et qui représentait un loyer de 644 euros/m 2 (1,1 million d'euros par an, pour 1 776 m 2 ).

En outre, des baux très coûteux ont été renégociés. De la sorte, alors que le loyer du Médiateur de la République, en 2009, devait s'établir à environ 2,2 millions d'euros et 698 euros/m 2 , les conditions renégociées ont permis de le faire baisser à 1,62 million d'euros, soit 514,6 euros/m 2 . De même, le secrétariat d'Etat aux sports a renégocié les conditions du bail pris pour l'immeuble abritant son administration centrale, avenue de France dans le XIII e arrondissement de la capitale ; couplée à une réduction des surfaces louées, la renégociation du loyer a permis de faire passer le loyer pour 2009 d'un montant théorique de 745 euros/m 2 au montant de 428 euros/m 2 , soit, compte tenu de l'importance des surfaces en cause, une économie de 7,7 millions d'euros par an.

Plus généralement, le service France Domaine s'est déclaré sur le point de mettre en place une politique de renégociation systématique, qui doit viser le plus grand nombre de baux de l'Etat, en mettant à profit les opportunités de marché actuelles. L'opération doit être réalisée sous l'impulsion des services déconcentrés de France Domaine, mais avec l'appui de prestataires privés afin de garantir une négociation professionnelle.

Cependant, de telles entreprises de rationalisation s'avèrent encore récentes et exceptionnelles. Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a fait valoir qu'à plus long terme, les améliorations à apporter à la gestion de « l'Etat locataire » sont d'ordre structurel. Il s'agit d'organiser les conditions d'une gestion active, par l'Etat, de son parc de locations. Cette organisation doit non seulement reposer sur la mise en place des outils de pilotage adéquats au sein de France Domaine, mais aussi et d'abord sur une doctrine qui reste, en la matière, à élaborer, ainsi que sur la responsabilisation des administrations.

La doctrine de « l'Etat locataire » doit porter sur la motivation des prises à bail et le choix des implantations locatives de l'Etat.

Sur le premier point, elle a exposé que le choix d'une prise à bail devrait, en principe, être réservé aux administrations éphémères ou aux situations transitoires. Les administrations à vocation pérenne devraient être logées dans un immeuble domanial. Pourtant, dans la pratique, il ne semble pas que ce principe soit souvent respecté. D'une part, des raisons historiques peuvent expliquer le recours à la location, par exemple en ce qui concerne le ministère de la justice, dont les implantations domaniales dans Paris sont peu nombreuses. D'autre part, des raisons budgétaires peuvent empêcher l'acquisition des immeubles nécessaires. C'est ainsi que, malgré une opportunité d'achat en 2005, la préfecture de police n'a pas pu acquérir l'immeuble loué pour le commissariat du III e arrondissement de la capitale. Enfin, des raisons d'urgence se révèlent souvent à l'origine du choix locatif : le cas de l'AERES en constitue une illustration.

A cet égard, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a préconisé que la création de nouvelles entités administratives soit désormais conçue en lien avec les scénarios de leur implantation immobilière. D'ailleurs, France Domaine assure veiller, aujourd'hui, à ce que toute nouvelle prise à bail par un ministère soit précédée d'une libération de surface équivalente.

En ce qui concerne le choix des implantations locatives, elle a relevé que les administrations, à Paris, se montrent souvent réticentes à quitter le centre pour la périphérie. C'est en fonction des besoins et des contraintes de chaque administration que le choix, en ce domaine, doit être arrêté. Par exemple, le pôle financier du TGI de Paris ne peut pas quitter la capitale, et le commissariat du III e arrondissement, par nature, est tenu de se trouver dans cet arrondissement. En revanche, les services centraux des ministères ou les autorités administratives indépendantes, en général, pourraient délaisser le centre de Paris, voire s'installer en banlieue, sans dommage pour le bon accomplissement de leurs missions. Elle a notamment cité, dans cette perspective, le cas de l'AERES, du CSA, de la HALDE et du Médiateur de la République. De même, elle a observé que le maintien de la Cour de justice de la République dans son immeuble actuel n'est pas nécessaire au bon fonctionnement de l'institution, dans la mesure où les séances de jugement où siègent les parlementaires qui en sont membres se tiennent nécessairement à l'extérieur, faute de place.

Elle a également signalé « l'interférence », occasionnelle, de décisions « intuitu personae » prises à l'échelon politique et pouvant conditionner, indépendamment de la rationalité administrative, le choix de tel ou tel site.

Afin de favoriser une plus grande responsabilisation des acteurs, elle a préconisé de mobiliser les services gestionnaires, qu'il s'agisse des administrations locataires ou de France Domaine, et de mieux impliquer le Conseil de l'immobilier de l'Etat et le Parlement en tant qu'organes de contrôle.

Elle a d'abord recommandé que les administrations locataires mettent en place une veille active et, en particulier, anticipent la fin de leur bail au moins dix-huit mois à l'avance, afin d'éviter un renouvellement sous la contrainte, réduisant leur capacité de négociation. A cet effet, elle a souhaité que la gestion des baux fasse l'objet d'une prise en compte renforcée dans le cadre des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères et, quand ces documents leur seront étendus, des opérateurs de l'Etat.

Elle a souligné que cette mobilisation passe par le développement du rôle rempli par le service France Domaine auprès des administrations locataires. En effet, d'après ses constatations, toutes les administrations hébergées dans un immeuble locatif de l'Etat ne bénéficient pas du même degré d'accompagnement de la part de France Domaine, dont l'intervention se borne souvent à l'avis domanial préalable à la conclusion du bail. Par exemple, en partie pour des raisons d'ordre institutionnel, mais non par réelle obligation, les autorités administratives indépendantes contrôlées sur pièces et sur place n'ont pas bénéficié d'un appui de France Domaine. A l'inverse, la renégociation du bail du secrétariat d'Etat aux sports a été réalisée en étroite collaboration avec ce service.

Elle a défini la mission que ce dernier, en la matière, doit, selon elle, assurer au niveau déconcentré, consistant dans le suivi de chaque bail pris par l'Etat, et au besoin l'alerte des administrations locataires, le conseil de ces administrations, et un rôle d'accompagnateur actif dans la recherche d'implantations alternatives aussi bien que dans la négociation de clauses des baux. Elle a estimé que l'autorité de France Domaine, en ce qui concerne le contrôle de la rationalisation des coûts et des surfaces, sera d'autant mieux perçue et respectée que le service s'efforcera de mettre en oeuvre cette mission. Cependant, il convient que les administrations locataires développent, de façon réciproque, leur pratique du recours à France Domaine.

Par ailleurs, France Domaine devrait être mis à même de faciliter le dialogue interministériel qui peut s'avérer nécessaire. Ainsi, elle a estimé opportun que le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur règlent ensemble la situation du laboratoire photographique de la police actuellement implanté dans l'immeuble abritant la Cour de cassation, diminuant d'autant les surfaces disponibles pour celle-ci.

S'agissant des organes de contrôle, elle a formulé deux préconisations.

La première consiste à clarifier les conditions de saisine, pour avis, du Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE). En effet, le Premier ministre a décidé que cette institution ne sera pas consultée sur chaque importante opération immobilière de l'Etat, dont les prises à bail les plus coûteuses, mais seulement sur les opérations ayant un impact direct, du fait de leur envergure, sur la stratégie immobilière de l'Etat. Néanmoins, cette « doctrine d'emploi » n'a pas été objectivée dans les textes réglementaires, et il s'ensuit un risque d'instrumentalisation de l'institution, le Gouvernement pouvant, en effet, ne la saisir que de projets incontestables.

La seconde préconisation vise à la prise en compte des locations de l'Etat au sein de l'annexe aux projets de loi de finances initiale que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique s'est engagé à créer, lors de la séance du Sénat du 1 er avril 2009, pour retracer l'ensemble des opérations immobilières de l'Etat dans le but d'une meilleure information du Parlement. Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a estimé ce document d'autant plus nécessaire qu'elle s'est récemment trouvée confrontée à des difficultés pour obtenir l'information qu'elle avait demandée au Gouvernement, les délais de réponse observés étant anormalement longs.

Elle a conclu en invitant l'ensemble de ses collègues rapporteurs spéciaux, dans leurs domaines respectifs de compétence, à mener, sur ce sujet, toutes les investigations utiles.

M. Jean Arthuis, président , ayant remercié la rapporteure spéciale pour la qualité de son rapport, a noté que les préconisations qu'elle a formulées vont dans le sens des intérêts de l'Etat. Il a estimé anormal que la gestion des baux pris par celui-ci soit assurée dans les conditions rudimentaires actuelles, et en dernière analyse laissée à la bonne volonté de chaque administration. Un système d'information performant devrait permettre de faire apparaître, dans l'état « immobilier » qui devrait être annexé aux projets de loi de finances initiale à compter du projet de loi de finances pour 2010, l'ensemble des prises à bail de l'Etat. Par ailleurs, le recoupement des informations relatives aux bailleurs de l'Etat favoriserait la renégociation systématique envisagée par France Domaine.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , souscrivant à cette analyse, a également préconisé de s'inspirer des pratiques de gestion observées dans le secteur privé.

M. Adrien Gouteyron a rappelé qu'en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », il a eu régulièrement l'occasion de contrôler les implantations immobilières de la France à l'étranger. Il a jugé opportun de suivre l'avancement du projet de création d'une foncière spécialement chargée de la gestion de ces biens. Revenant sur le rôle de France Domaine, et faisant observer que ce service intervient, par définition, dans un secteur interministériel, il a souhaité une impulsion directe du Premier ministre en faveur d'un meilleur pilotage des baux pris par l'Etat. Il s'est déclaré frappé par le cas de l'AERES.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a rappelé que cette dernière constitue une autorité administrative indépendante. Le contrôle sur ses choix d'implantation immobilière s'en est trouvé atténué.

M. Jean Arthuis, président , a déploré que la stratégie immobilière de l'Etat, qui devrait s'inscrire dans une perspective de long terme, s'avère trop souvent subordonnée à des vues de court terme. En pratique, le coût budgétaire annuel que représente une location est valorisé par rapport à l'investissement immobilier, dont la rentabilité ne peut s'apprécier que sur plusieurs années. Une analyse préalable sous forme de bilan comparé des différentes options devrait permettre de corriger cette appréciation erronée.

M. Jean-Jacques Jégou a remercié la rapporteure spéciale pour sa communication, dont il a pu mesurer la pertinence à partir du cas de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), qu'il a contrôlé en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Santé ». A cette occasion, en effet, il a constaté que la question du coût de l'implantation immobilière d'une nouvelle institution est traitée comme une question secondaire. Il s'est interrogé sur la nature des compétences professionnelles dont dispose le service France Domaine.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , a estimé que France Domaine pâtit d'un manque de savoir-faire en matière de négociation des baux. Cette situation explique le recours du service à des prestataires privés, même si la volonté du Gouvernement, à terme, est de faire en sorte que la compétence soit exercée par France Domaine.

M. Philippe Dallier a indiqué que les services du secrétariat général du Comité interministériel des villes (CIV), héritier de la Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain (DIV), vont prochainement quitter l'immeuble pris à bail qu'ils occupent dans la Plaine Saint-Denis, pour être relogés dans des bâtiments domaniaux du ministère chargé de la politique de la ville. Les économies attendues de cette opération sont estimées à 1,5 million d'euros par an.

M. Eric Doligé a souhaité que l'Etat développe ses relations avec les collectivités territoriales en vue d'exploiter les ressources foncières et immobilières disponibles, sans nécessairement construire de nouveaux immeubles.

M. Jean Arthuis, président , et Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale , ont abondé en ce sens. Le contrôle de la rapporteure spéciale n'a pas abordé ce point dans la mesure où il n'a pas porté sur les services déconcentrés de l'Etat.

Mme Michèle André , s'appuyant sur son expérience personnelle, a souligné les difficultés que présente, lors de la constitution ou du remaniement d'un gouvernement, l'implantation immobilière d'administrations qui correspondent à un nouveau périmètre ministériel de compétences.

M. Jean Arthuis, président , a considéré que France Domaine doit devenir l'interlocuteur naturel et obligatoire de l'ensemble des administrations à la recherche de locaux.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte, à l'unanimité, à Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, de sa communication, et en a autorisé la publication sous la forme du présent rapport d'information .

ANNEXE I CONTRÔLES SUR PIÈCES ET SUR PLACE EFFECTUÉS PAR VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE ET PERSONNES AUDITIONNÉES À CES OCCASIONS

Date

Institution

Adresse

Interlocuteur(s)

19 janvier 2009

Médiateur de la République

7, rue Saint-Florentin, Paris VIII e

M. Bernard Dreyfus , directeur général

26 janvier 2009

Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

9-11, rue Saint-Georges, Paris IX e

M. Louis Schweitzer , président

M. Marc Dubourdieu , directeur général

29 janvier 2009

Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES)

20, rue Vivienne, Paris II e

M. Jean-François Dhainaut , président

Mme Anne Picard , secrétaire générale

9 février 2009

Ministère de la justice :

direction des affaires civiles et du Sceau

5, boulevard de la Madeleine, Paris VIII e

Mme Pascale Fombeur , directrice des affaires civiles et du Sceau

M. Mathieu Hérondart , secrétaire général adjoint

Idem

Ministère de la justice :

site « Javel » (services du secrétariat général, direction de la protection judiciaire de la jeunesse [DPJJ], bureau de la nationalité)

14, rue de Cévennes Paris XV e

M. Mathieu Hérondart , secrétaire général adjoint

16 février 2009

Ministère de la justice :

Cour de cassation

77, boulevard Saint-Germain, Paris VI e

M. Vincent Lamanda , premier président

9 mars 2009

Ministère de la justice :

tribunal de grande instance de Paris (pôle financier)

5-7, rue des Italiens, Paris IX e

M. Vincent Reynaud , secrétaire général de la présidence,

Mme Marie-Françoise Verdun , magistrate déléguée à l'équipement

6 avril 2009

Ministère de la santé et des sports :

secrétariat d'Etat aux sports (administration centrale)

95, avenue de France, Paris XIII e

M. François Carayon , directeur des ressources humaines, de l'administration et de la coordination générale du ministère de la santé et des sports

Date

Institution

Adresse

Interlocuteur(s)

27 avril 2009

Ministère du budget , des comptes publics et de la fonction publique :

direction des personnels et de l'adaptation de l'environnement professionnel (DPAEP)

2-22, place des Vins-de-France, Paris XII e

M. Christian Layssac , chef du bureau chargé de la gestion immobilière de l'administration centrale des ministères économiques et financiers

15 mai 2009

Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

39-43, quai André Citroën, Paris XV e

M. Olivier Japiot , directeur général

4 juin 2009

Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

préfecture de police de Paris (commissariat du III e arrondissement)

4 bis , rue aux Ours, Paris III e

M. Alain Thirion , sous-directeur, chef du service des affaires immobilières de la préfecture de police

Idem

Services du Premier ministre :

- Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie ( MILDT )

- Conseil national consultatif d'éthique

- Haut Conseil à l'intégration

7, rue Saint-Georges, Paris IX e

- Pour la MILDT :

M. Etienne Apaire , président,

Mme Françoise Toussaint , secrétaire générale

- Pour le Haut Conseil à l'intégration :

M. Patrick Gaubert , président,

M. Benoît Normand , secrétaire général

15 juin 2009

Cour de justice de la République

21, rue de Constantine, Paris VII e

M. Henri-Claude Le Gall , président

M. Claude Soulier, secrétaire général

ANNEXE II AUTRES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE


M. Daniel Dubost , chef du service France Domaine, le 27 avril 2009


M. Cédric de Lestrange , conseiller au cabinet du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le 11 juin 2009


M. Julien Dubertret , conseiller pour le budget, la réforme de l'Etat et la fonction publique au cabinet du Premier ministre, le 11 juin 2009

* 1 Communication du 5 novembre 2008. Cf. données produites infra (I, B) au sein du présent rapport.

* 2 La liste détaillée de ces contrôles et auditions se trouve jointe en annexe au présent rapport.

* 3 Anciennement ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

* 4 Communication du 6 mai 2009. En effet, la Cour de justice de la République ne figurait pas dans les états établis par France Domaine qui ont servi de base au contrôle, car son loyer, en 2008, ne répondait pas au critère retenu d'un montant annuel supérieur à 500.000 euros.

* 5 Une présentation de la préfiguration de cette foncière a été faite devant le Conseil de l'immobilier de l'Etat le 31 mars 2009.

* 6 Pour un relevé synthétique des avancées et des lacunes en ce domaine, voir le rapport n° 99 (2008-2009), tome III, annexe 12 (projet de loi de finances pour 2009) de votre rapporteure spéciale, ainsi que sa contribution au rapport n° 542 (2008-2009), tome II (projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2008).

* 7 Cette procédure a été clairement rappelée par la circulaire du Premier ministre du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l'Etat, publiée au Journal officiel du 21 janvier 2009.

* 8 On rappelle que les contrôles menés sur pièces et sur place par votre rapporteure spéciale ont été décidés en considération de l'importance du coût au mètre carré que représentaient les baux en cause.

* 9 D'après les indications recueillies par votre rapporteure spéciale, le centre de documentation de la MILDT, à l'occasion du prochain déménagement de l'institution (cf. infra , B), devrait être transféré vers une autre structure.

* 10 Ce sujet a donné lieu, le 9 avril 2008, à l'audition par votre commission des finances de MM. Laurent Le Mesle, procureur général près la cour d'appel de Paris, Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires, Rémy Heitz, directeur de l'administration générale de l'équipement, Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du Conseil de l'immobilier de l'Etat, et Daniel Dubost, chef du service France Domaine. Le compte-rendu de cette audition est reproduit à la fin du présent rapport.

* 11 Sur le coût actuel de ce bail, cf. infra , B.

* 12 Alors, notre ancien collègue Paul Girod.

* 13 Cf. supra , A.

* 14 Ce sont l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et le Médiateur de la République.

* 15 On rappelle que le périmètre et l'intitulé du MEEDDAT ont été modifiés à l'occasion du remaniement gouvernemental du 23 juin 2009.

* 16 En vue de ralentir l'augmentation des loyers, la loi « LME » a prévu un nouvel indice (facultatif) pour l'indexation des baux commerciaux, composé à hauteur de 50 % de l'indice des prix à la consommation, de 25 % de l'indice du coût de la construction et 25 % de l'indice du chiffre d'affaires dans le commerce de détail en valeur, corrigé des variations saisonnières et des jours ouvrables. Ce nouvel indice est applicable aux indexations des baux de locaux dans lesquels sont exercées des activités commerciales, y compris celles concernant des artisans, mais non pas pour les baux de locaux à usage exclusif de bureaux, y compris les plateformes logistiques, ni pour les baux de locaux dans lesquels sont exercées des activités industrielles. Pour mémoire, dans un même but, en ce qui concerne les particuliers, l'indice de référence des loyers a été révisé par la loi pour le pouvoir d'achat du 8 février 2008. Alors que cet indice, auparavant, reflétait à 60 % les prix à la consommation, à 20 % le coût des travaux d'entretien et d'amélioration du logement et à 20 % l'indice du coût de la construction, il traduit désormais la seule évolution des prix à la consommation, hors tabac et hors loyers. Il est obligatoire pour la révision annuelle des loyers, si le bail en prévoit une.

* 17 Au cours du premier trimestre 2009, les loyers des baux les plus élevés, en Ile-de-France, sont tombés de 830 euros/m 2 à 750 euros/m 2 , selon une étude rendu publique en juin 2009 par le cabinet Jones-Lang-Lasalle, qui prévoit que cette tendance devrait se poursuivre au moins jusqu'en 2011.

* 18 Cf. supra , I, A.

* 19 Sur cette compétence du Conseil de l'immobilier de l'Etat, cf. infra , B.

* 20 Cf. supra , I, B.

* 21 Cf. supra , I, A.

* 22 L'immeuble des 29 et 31, rue du Bac (VII e arrondissement) a été vendu pour 165 millions d'euros, et l'immeuble des 8 et 9, rue de la Tour des Dames (IX e arrondissement) a été vendu pour 33 millions d'euros. La direction générale des douanes a été relogée dans un immeuble neuf, à Montreuil, pour un coût de 88 millions d'euros. De la sorte, le gain net de ce déménagement s'est établi à hauteur de 110 millions d'euros.

* 23 Les audiences de la Cour de justice de la République, en pratique, ont eu lieu dans l'ancien centre de conférences internationales de l'avenue Kléber, dans le XVI e arrondissement de Paris, pour le dossier dit du « sang contaminé » en 1999, ou dans la première chambre du tribunal correctionnel de Paris, au Palais de Justice, notamment pour l'affaire de diffamation qui a mis en cause Mme Ségolène Royal, en sa qualité de ministre, en 2000.

* 24 Cf. la circulaire précitée du Premier ministre du 16 janvier 2009.

* 25 Cf. supra , I, A.

* 26 Cf. supra , I, B.

* 27 Idem.

* 28 Cf. supra , I, A.

* 29 Cf. supra , I, B.

* 30 Cf. l'audition précitée de votre commission des finances du 9 avril 2008.

* 31 A ce titre, par exemple, le CIE a été saisi des opérations de regroupement visant les services du MEEDDAT à la Défense et ceux du ministère de la défense sur le site dit « Balard ».

* 32 Séance du 20 mai 2009 du CIE. Sur cette opération, cf. supra , I, B.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page