N° 1785 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 TREIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 503 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009 |
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale |
Enregistré à la Présidence du Sénat |
le 29 juin 2009 |
le 30 juin 2009 |
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
RAPPORT
sur
la clôture de la 4 è année polaire internationale (actes du colloque des 14 et 15 mai 2009) ,
Par
M. Christian GAUDIN, sénateur.
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale par M. Claude BIRRAUX Président de l'Office. |
Déposé sur le Bureau du Sénat par M. Jean-Claude ETIENNE Premier Vice-Président de l'Office . |
Composition de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques
Président
M. Claude BIRRAUX
Premier Vice-Président
M. Jean-Claude ETIENNE
Vice-Présidents
M. Claude GATIGNOL, député |
Mme Brigitte BOUT, sénateur |
M. Pierre LASBORDES, député |
M. Christian GAUDIN, sénateur |
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député |
M. Daniel RAOUL, sénateur |
Députés |
Sénateurs |
M. Christian BATAILLE |
M. Gilbert BARBIER |
M. Jean-Pierre BRARD |
M. Paul BLANC |
M. Alain CLAEYS |
Mme Marie-Christine BLANDIN |
M. Pierre COHEN |
M. Marcel-Pierre CLÉACH |
M. Jean-Pierre DOOR |
M. Roland COURTEAU |
Mme Geneviève FIORASO |
M. Marc DAUNIS |
M. Alain GEST |
M. Marcel DENEUX |
M. François GOULARD |
M. Serge LAGAUCHE |
M. Christian KERT |
M. Jean-Marc PASTOR |
M. Michel LEJEUNE |
M. Xavier PINTAT |
M. Claude LETEURTRE |
Mme Catherine PROCACCIA |
Mme Bérengère POLETTI |
M. Ivan RENAR |
M. Jean-Louis TOURAINE |
M. Bruno SIDO |
M. Jean-Sébastien VIALATTE |
M. Alain VASSELLE |
Compte rendu
JEUDI 14 MAI 2009
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SÉNAT
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SALLE CLEMENCEAU
INTRODUCTION
Docteur Christian GAUDIN, sénateur, Vice-président de l'OPECST
Mesdames et Messieurs bonjour. Bienvenue au Sénat de la République française. Je vous invite à gagner vos places et M. Claude Birraux, Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) à ouvrir ces deux journées de colloque de clôture de l'année polaire internationale et cette première journée au Sénat. Demain nous nous retrouverons bien sûr au Collège de France. M. le Président, M. Birraux.
A. DR CLAUDE BIRRAUX, DÉPUTÉ, PRÉSIDENT DE L'OPECST
Mes chers collègues parlementaires, honorables invités comme on dit Outre-manche, Mesdames et Messieurs. Je suis heureux et honoré de vous accueillir ce matin au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. L'occasion est solennelle. Le programme de travail et de conférences que vous avez devant vous est particulièrement intéressant et relevé. Ces deux journées vont être du plus haut intérêt. J'espère très sincèrement qu'elles vont contribuer, d'une part, à faire avancer les connaissances, d'autre part, à développer le dialogue et les échanges entre les hommes et femmes politiques et les scientifiques.
Ce dialogue est l'une des missions importantes de notre Office parlementaire. Je voudrais vous en dire quelques mots. L'OPECST est un organe commun du Parlement, c'est-à-dire aux deux Assemblées. Il réunit à parité 18 députés et 18 sénateurs, désignés à la proportionnelle des groupes politiques dans les deux assemblées, et toutes les sensibilités sont représentées. Créé en 1983, à l'exemple de ce qui se faisait à l'époque aux Etats-Unis avec l'OTA 1 ( * ) , pour permettre au Parlement en toute indépendance d'évaluer les grands programmes scientifiques préparés par le gouvernement.
Depuis lors, le travail accompli a été considérable. L'Office joue un rôle déterminant dans de nombreux domaines comme l'énergie et la politique spatiale, la bioéthique ou la réflexion sur les grands équipements de recherche. Nous avons sans doute - parce que nous fréquentons assidûment les milieux scientifiques - su être pionniers. J'en donnerai simplement deux exemples qui sont en rapport avec le sujet de ce matin. Il a été le premier organe parlementaire à se saisir des questions de protection et de gouvernance des pôles, il y a près de 20 ans, avec le rapport de Jean-Yves Le Déaut, député, Vice-président de notre Office, qui interviendra cet après-midi. C'était à propos de la convention de Wellington.
De même, l'Office a également été le premier organe parlementaire, et dans une certaine mesure dans ce qu'on appelle les « Governemental Bodies » en anglais, à publier un rapport expliquant le réchauffement climatique. Ce fut l'oeuvre il y a plus de sept ans de notre collègue sénateur Marcel Deneux.
Comment fonctionnons-nous ? Il s'entoure des avis d'un Conseil scientifique représentant les différentes disciplines. Il compte parmi ses membres le climatologue Jean Jouzel qui fait partie des intervenants de l'après-midi.
Pour réaliser un rapport, il doit être saisi par une des Commissions permanentes du Parlement, un groupe politique ou le bureau de l'une des Assemblées, ou par la loi elle-même. De plus en plus, nous avons des études qui nous sont confiées par la loi elle-même, comme l'évaluation de la loi bioéthique après 4 ans d'application, pour préparer la révision qui aura lieu l'année suivante.
Le rapporteur, responsable de l'étude, s'appuie sur une méthodologie rigoureuse que nous essayons d'améliorer année après année. Il s'entoure d'un Comité de pilotage scientifique où sont représentées les disciplines concernées, y compris les sciences humaines et sociales ; mais également les différents points de vue. Les rapporteurs auditionnent toutes les parties prenantes ; au moins une centaine de personnes, et parfois beaucoup plus. Je pense au travail remarquable qui avait été fait par l'ancien sénateur Claude Huriet et Alain Claeys pour la révision de la loi bioéthique de 2004, où ils avaient auditionné près de 500 personnes.
A chaque fois, après une audition, de se dire : où est-ce qu'on fait pencher la balance ? Comment on établit un équilibre qui puisse faire consensus ? Et vraiment dans ce domaine, les travaux de l'Office Parlementaire ont largement inspiré les lois bioéthiques, depuis la première, et le rapport du sénateur Franck Sérusclat.
Les rapporteurs entendent non seulement toutes les parties prenantes mais ils vont aussi voir dans des pays étrangers pour aller chercher l'information, comparer et essayer de tirer la meilleure synthèse possible. C'est le respect de cette méthode rigoureuse qui garantit aux rapports de l'Office leur qualité. Ils représentent une implication et un travail extrêmement important de la part des parlementaires. C'est pour cela qu'ils sont souvent considérés comme des références, et restent valables de longues années. Ces documents sont très largement diffusés notamment via Internet. Ils sont traduits en anglais en totalité ou en partie.
Par ailleurs, l'Office a une importante mission de dialogue avec les milieux scientifiques car vous le savez, le rapport « Sciences et société » est aujourd'hui une des problématiques les plus aiguës. Je voudrais vous donner deux exemples :
Le premier est la création d'un partenariat avec l'Académie des sciences. Un parlementaire est associé à un académicien et à un jeune chercheur. Les scientifiques viennent passer une journée au Parlement pour se former à ce qu'est le travail parlementaire. Le parlementaire va passer une journée entière dans le laboratoire, et les scientifiques viennent passer une journée entière dans la circonscription ou le département du parlementaire. Puis il y aura un débriefing qui se passera cette année fin novembre à l'Académie des sciences, avec l'ensemble des participants des trois premières opérations de jumelage.
Le deuxième exemple, c'est la manifestation d'aujourd'hui, à l'initiative du professeur Edouard Bard et du sénateur Christian Gaudin que je voudrais féliciter d'avoir affronté les frimas pour voir sur le terrain, illustrant là parfaitement le travail des rapporteurs de l'Office d'une manière extraordinaire. Bravo Christian pour tout ce que tu as fait !
L'Office et le Collège de France - je les félicite - sont des organismes qui ont des vocations différentes, mais tous les deux s'adressent au public le plus large. Il est donc heureux qu'ils collaborent à cette fin. Ce Colloque n'aurait cependant pas pu voir le jour sans l'appui et la contribution de deux autres partenaires qui sont le CNRS et l'Institut Polaire Français. Nous avons avec le premier, comme d'ailleurs avec le second dans son domaine particulier, une forte collaboration, un dialogue permanent. Mme Bréchignac et M. Arnold Migus ont à coeur de l'animer et de le renforcer, et je les en remercie.
Le sujet qui nous réunit ce matin est extrêmement important. L'année polaire internationale a marqué une mobilisation scientifique considérable. Elle a été le vecteur d'une sensibilisation de l'opinion publique aux grands enjeux de notre planète. Je peux témoigner que, y compris dans mon département de Haute-Savoie, la population est particulièrement attentive aux évolutions en cours car elles sont visibles de tous, sensibles à l'échelle d'une vie humaine transformant le paysage et provoquant un impact économique. Chacun voit les photos des glaciers de la vallée de Chamonix : ceux qui venaient lécher les premières habitations, et ceux qui ont reculé d'une manière spectaculaire et dramatique au sens français du terme ; mais peut-être aussi au sens britannique.
Au moment de faire le bilan de la 4 ème année polaire internationale, je souhaite que vos débats d'aujourd'hui et de demain permettent de mettre en évidence son legs scientifique et politique. Les questions soulevées ont été multidisciplinaires au sens le plus large du terme ; tout l'éventail scientifique étant mobilisé : des sciences humaines et sociales aux sciences de l'univers, en passant par les sciences de l'environnement. Nos concitoyens ont besoin de comprendre encore mieux les enjeux. Ils ont aussi besoin de comprendre à quoi sert une année polaire ? Qu'a-t-elle apporté ? Qu'a-t-on appris sur la planète ? L'élan de coopération va-t-il s'arrêter ? Va-t-il s'amplifier ? Autant de questions qui, j'espère, trouveront leurs réponses aujourd'hui et demain. Je vous remercie, et je félicite encore chaleureusement Edouard Bard et Christian Gaudin.
(Applaudissements)
Dr Christian GAUDIN, Sénateur, vice-président de l'OPECST
Merci M. le Président Birraux. J'invite maintenant M. le premier Vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, M. le Sénateur Jean-Claude Etienne.
B. PR JEAN-CLAUDE ETIENNE, SÉNATEUR, PREMIER VICE-PRÉSIDENT DE L'OPECST
Je voudrais d'abord saluer mes collègues parlementaires qui nous font l'honneur de leur présence ; m'excuser de ma voix de crooner, chanteur moderne s'il en est ; et surtout et principalement vous remercier. Tout à l'heure le Président Birraux a dit « l'honneur que ceux qui avaient répondu à l'invitation par leur présence nous faisaient... », et j'ajouterai : la distinction de ces invités est pour nous un précieux réconfort. Merci à tous de votre présence aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs, c'est pour moi un bonheur de me joindre aux propos du Président Birraux pour vous adresser, en qualité de Sénateur, la bienvenue au Sénat. L'événement est historique, on en mesure la portée. L'année polaire internationale est un événement scientifique suffisamment rare pour qu'on y apporte toute l'importance voulue ; un peu comme la comète de Halley qu'il n'est donné d'apercevoir, sauf exception, qu'une fois dans une vie, il n'est pas si fréquent d'assister à deux années polaires, ou tout du moins d'y participer activement.
En effet, ce n'est que tous les 50 ans depuis 1882 que cette mobilisation scientifique est organisée. Elle nécessite d'importants moyens logistiques, financiers et humains. Celle de 1958 a été un événement considérable. On en prend la pleine mesure chaque jour. Elle a marqué le début des mesures continues de la concentration du gaz carbonique dans l'atmosphère. Elle a permis l'ouverture des stations permanentes en Antarctique. Enfin, elle a préparé la signature du Traité de Washington. L'héritage en est donc largement positif.
Je ne doute pas que les réunions de ces jours seront à la mesure de celles de 1958. Avant que nous fassions le bilan de la 4 ème année polaire internationale, je tiens tout particulièrement à saluer et à remercier les deux parrains de cette manifestation : M. Michel Jarraud, Secrétaire général de l'Organisation Météorologique Mondiale, et Madame Catherine Bréchignac, Présidente du Conseil international pour la science, et Présidente du CNRS.
Compte tenu de la densité du moment que nous partageons, l'Office Parlementaire et le Collège de France, avec l'appui du bureau de poste du Sénat, ont demandé l'édition d'un timbre à date spécifique marquant, comme toujours, les grands événements qui rythment la vie de notre nation. Une brochure vous a été distribuée à l'entrée à ce sujet. Et comme vous le savez peut-être déjà, ce sont une quarantaine d'administrations postales, à travers le monde, qui se sont unies pour éditer, à l'occasion de la clôture de l'année polaire internationale, des timbres consacrés à la protection des pôles afin de sensibiliser le public.
Il nous paraissait fondamental de nous associer à cette initiative internationale, et de permettre d'en garder un souvenir singulier, spécifique et distingué. Le cachet qui a été réalisé représente un manchot empereur adulte et son petit prenant son élan. Il symbolise le passage de relais, le legs de l'année polaire, la transmission du savoir, mais aussi du patrimoine inestimable que constituent ces espaces vierges et leur biodiversité. Surtout le rôle de révélateur que représentent ces sites particuliers qui polarisent et qui méritent vraiment le nom de pôles, puisque c'est là qu'on voit se réunir et se stigmatiser bien des aspects, des courants nouveaux qui viennent parfois et souvent, malheureusement, de façon néfaste, traverser le monde contemporain.
Vous pourrez vous procurer ce timbre entre 12 heures et 14 heures - le créneau horaire est suffisamment limité pour que je me permette de le dire et de le souligner d'entrée de jeu - et vous le faire dédicacer par le graveur, M. Yves Beaujard que je remercie également pour sa collaboration et sa disponibilité. Vous avez également à votre disposition des cartes postales avec la précieuse référence que je viens d'évoquer. Nous vous proposons de les envoyer à au moins une personne de votre choix, telles les lâchers de ballons de notre enfance, en souvenir de cette journée, pour porter en écho le caractère, que nous souhaitons immémorial, de cette rencontre.
Au moment où nous allons faire le bilan de l'année polaire internationale, je voudrais adresser au nom de tous mes collègues parlementaires mes plus sincères félicitations à l'artisan de l'implication de l'Office et du Sénat dans l'année polaire internationale, le Sénateur Christian Gaudin. Beaucoup d'entre vous le connaissent mais à mon tour, comme l'a fait Claude Birraux, je voudrais souligner son travail exemplaire dans la manifestation d'aujourd'hui et dans tout ce qu'il y a en amont. La manifestation d'aujourd'hui n'est qu'une partie de l'expression, certes, solennelle ; mais qui n'en est qu'un aspect des plus emblématiques, mais néanmoins fondamentaux.
Le Sénateur Gaudin a été en 2002 le rapporteur dans la Haute Assemblée de la loi transposant le protocole de Madrid dans le Code de l'environnement. Rien que cela : une paille ! Il a été en 2006 le premier parlementaire français à se rendre en Antarctique pour une mission de cinq semaines. Tout à l'heure le Président Birraux disait qu'il n'avait pas peur de claquer des dents et des frimas, l'amenant sur les bases françaises et italiennes de Dumont d'Urville, Terra Nova Bay et Concordia. Au cours de ce périple, il a notamment effectué le raid chenillé entre Concordia et Cap Prud'homme.
Début 2007, il a présenté à l'Office son rapport d'audit de la recherche en milieu polaire française à la vielle de l'année polaire internationale. Parmi les nombreux sujets abordés, il mettait en lumière le niveau très élevé de la recherche, de l'implication de la biologie française dans cette affaire. Il proposait de développer les recherches en Arctique, et appelait de ses voeux la nomination d'un ambassadeur français pour les pôles Arctique et Antarctique. Cher Christian, tes voeux ont été suivis et ont été exaucés. Nous en connaîtrons la pleine saveur, et nous en prendrons la pleine mesure à l'occasion de cette journée, avec la présence de Michel Rocard. Il a organisé le premier mars 2007 l'ouverture pour la France de l'année polaire internationale au Sénat. Plusieurs d'entre vous s'en souviennent, bien évidemment.
En 2008, la Ministre de la recherche, Valérie Pécresse, l'a nommé parlementaire en mission auprès d'elle pour réfléchir à la participation de la France à un Observatoire scientifique international de l'Arctique ; rapport dont les conclusions ont été intégralement suivies. Il a été un acteur important de la conférence internationale qui s'est tenue à Monaco sur le sujet en novembre dernier.
Enfin, il a pris l'initiative, grâce à l'ensemble de ses travaux, d'organiser ce colloque en partenariat avec le professeur Bard du Collège de France, et avec l'appui du CNRS et de l'Institut Polaire Français, l'IPEV. Vous comprenez pourquoi je me suis attardé, même si j'ai blessé un peu son humilité et sa modestie pour évoquer devant vous ce parcours dont je n'ai cité que les principales thématiques et les principales étapes. Ce n'est pas fini ; on compte sur lui encore, et encore beaucoup. L'Office Parlementaire - et Claude Birraux l'a exprimé - salue en lui la cheville ouvrière dans ce domaine.
Comme le président Birraux l'a fait à propos de la Haute-Savoie, son Département à lui, permettez-moi de parler un peu du mien ; pour dire simplement, porter témoignage, que dans tous les territoires de notre République, il y a un écho obligé au travail que vous faites, aux recherches que vous conduisez. Il a dit, lui dans sa Haute-Savoie, comment il pouvait en témoigner. Moi je dirais dans la Marne, dans un vignoble qui n'est pas le moins connu à travers le monde, le vignoble de Champagne. Mais quand hier je leur ai dit que je vous retrouvais, les vignerons m'ont chargé de vous passer un message. Je vous le donne ex abrupto . « Dis leur comment cela se passe chez nous en Champagne. Nos parents, nos grands-parents vivaient les vendanges au mois d'octobre la plupart du temps. Dans les meilleures éventualités, cela avait lieu parfois fin septembre. Aujourd'hui, depuis 20 ans, il n'est pas rare que cela se passe fin août ou début septembre. Dis-leur à tous les savants que tu vas rencontrer demain » . Je le dis : mission accomplie.
Vous voyez, on a besoin de vous entendre. On a besoin de vous écouter. Cela se traduit, tout ce que vous faites, tout ce que vous donnez comme éléments de réflexion, sur le terrain, et non des moindres. Il s'agit - permettez-moi de l'évoquer - d'un petit vin local qui n'est pas plus mauvais que les autres : notre champagne. Il a des bulles ; les bulles de l'esprit. Les bulles de cet esprit qui font que les remarques du terroir se nourrissent précisément des réflexions les plus élevées, et qui donnent au vieil adage paysan « Les pieds dans la glaise, la tête dans les étoiles » toute sa signification. Les étoiles, la tête, la réflexion, c'est vous. Mais sachez que ceux qui ont les pieds dans la glaise, ils vous écoutent avec l'attention. Ils ont besoin de vous entendre.
Et c'est pour cela, c'est bien sûr au nom du Sénat que je vous dis merci. Mais c'est aussi au nom de ces gens que j'ai entendus hier, à qui je leur ai dit que je venais vous retrouver ce matin. En leur nom, au nom de tous, au nom de toutes ces populations qui ont besoin de vous, de ce que vous faites, de votre travail, de ce que vous initiez comme perspectives, je tiens à vous dire merci de votre présence, merci de votre implication.
(Applaudissements)
C. DR CHRISTIAN GAUDIN, SÉNATEUR, VICE-PRÉSIDENT DE L'OPECST
Mes chers collègues parlementaires, distingués invités étrangers et français, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d'abord remercier les présidents Claude Birraux et Jean-Claude Etienne de leurs encouragements et de l'intérêt qu'ils ont portés à la préparation de ces journées. Je voudrais aussi associer à ces remerciements les personnels de l'OPECST. Je m'associe à leurs mots de bienvenue et formule aussi le voeu que notre colloque soit fructueux et permette de faire progresser la recherche en milieu polaire.
Dans ce propos liminaire, permettez-moi d'adresser des remerciements spécifiques à nos partenaires. Je vais d'abord citer le Pr. Edouard Bard que j'ai appris à connaître et apprécier au cours de mes travaux sur les pôles, mais aussi parce que nous siégions ensemble à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Il a été tout de suite enthousiaste à l'idée d'organiser pour la première fois une manifestation commune entre l'Office et le Collège de France, et d'en soutenir l'idée auprès du Pr. Pierre Corvol, Administrateur du Collège de France et Président de l'Assemblée des professeurs, que je tiens à associer à mes remerciements. Je vais ensuite citer Madame Catherine Bréchignac et M. Gérard Jugie qui ont montré le même enthousiasme et ont témoigné le même soutien sans faille à notre projet. Qu'ils en soient tous vivement remerciés.
Les deux journées qui s'ouvrent vont être denses. Avec le professeur Edouard Bard, nous les avons structurés en quatre grands thèmes. D'abord « l'homme et l'environnement », puis « la gouvernance », aujourd'hui au Sénat, « l'évolution du climat » et « l'impact sur la biodiversité », demain au Collège de France.
Aujourd'hui, nous allons entendre tout d'abord les deux parrains de l'année polaire internationale : M. Jarraud et Madame Bréchignac qui nous diront sans doute comment ils perçoivent le bilan de cette 4 ème édition. De 10 heures à midi, avec la contribution éminente du Pr. Philippe Descola du Collège de France, mais aussi de Mesdames Michèle Therrien, Sylvie Beyries et M. Bruno Goffé, nous nous intéresserons aux relations entre l'homme et l'environnement, vues du Grand Nord.
A partir de 14 heures, notre après-midi s'ouvrira par de grands témoins : le professeur Jean Malaurie d'une part, l'ancien premier Ministre Michel Rocard, aujourd'hui ambassadeur des pôles, d'autre part. Ils nous feront tous les deux partager leur réflexion et leur expérience.
S'ouvrira ensuite la table ronde sur « la gouvernance scientifique des pôles » avec la contribution de mon collègue député Jean-Yves Le Déaut et de MM. Jean Jouzel, Gérard Jugie et Karl Erb. Permettez-moi d'adresser à ce dernier mes remerciements les plus cordiaux car il est venu spécialement, pour l'occasion, des Etats-Unis. Enfin à 16 heures 15, nous aurons le plaisir d'accueillir la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, qui prononcera le discours de clôture de cette première journée.
Mesdames et Messieurs, beaucoup d'entre nous - je le sais - ont l'expérience des régions polaires, et tout particulièrement de l'Antarctique. Notamment, la plupart des scientifiques français gardent un vif souvenir du retour de Dumont d'Urville à Hobart en Tasmanie. Ce voyage est marqué par des sentiments très personnels au moment où nous quittons le continent blanc. Comme au moment où nous revoyons enfin une terre habitée, de l'herbe et des arbres. Ce sont ces sensations que j'ai retrouvées en lisant le passage de Jean-Baptiste Charcot que je vais vous lire maintenant. Il est issu de son livre Le Français au pôle Sud , et se situe au moment où il quitte la Péninsule antarctique. Il est daté du 6 février 1905. Il a exprimé mieux que je ne saurais le faire l'impression profonde laissée par mon propre passage sur ce continent.
« D'où vient donc l'étrange attirance de ces régions polaires, si puissantes, si tenaces, qu'après en être revenu on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu'à retourner vers elles. D'où vient le charme inouï de ces contrées, pourtant désertes et terrifiantes ? Est-ce le plaisir de l'inconnu ? La griserie de la lutte et de l'effort pour y parvenir et y vivre ; l'orgueil de tenter et de faire ce que d'autres ne font pas ; la douceur d'être loin des petits tests et des mesquineries. Un peu de tout cela, mais autre chose aussi.
J'ai pensé pendant longtemps que j'éprouvais plus vivement, dans cette désolation et cette mort, la volupté de ma propre vie. Mais je sens aujourd'hui que ces régions nous frappent, en quelque sorte, d'une religieuse empreinte.
Sous les latitudes tempérées ou équatoriales, la Nature a fourni son effort dans un grouillement de vie animale et végétale, intense, inlassable, tout naît, croît et se multiplie, agit et meurt pour s'entraider à la reproduction, pour assurer la perpétuité de la vie. Ici, c'est le sanctuaire des sanctuaires, où la nature se révèle en sa formidable puissance comme la divinité égyptienne qui s'abrite dans l'ombre et le silence du temple, à l'écart de tout, loin de la vie, que cependant elle crée et régit. L'homme qui a pu pénétrer dans ce lieu sent son âme qui s'élève. »
Oui j'en ai le sentiment, nous rencontrons dans ces régions quelque chose qui nous dépasse et nous amène à nous dépasser. Elle forge en nous une conscience particulière. Je suis heureux que la 4 ème année polaire internationale ait été l'occasion de le faire comprendre et d'y sensibiliser nos concitoyens. Je formule le voeu que nos travaux des deux journées qui s'ouvrent soient riches et utiles. Je vous remercie.
(Applaudissements)
Je vais inviter maintenant M. Michel Jarraud, Secrétaire général de l'Organisation Météorologique Mondiale, à venir s'exprimer.
* 1 Office for Technological Assessment.