N° 174
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 janvier 2009 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur l' évolution de la présence internationale au Kosovo après l' indépendance ,
Par MM. Didier BOULAUD et André TRILLARD,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent rapport est le compte rendu d'une mission effectuée au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées, au Kosovo, du 12 au 15 octobre 2008.
Cette mission avait un double objectif :
- tout d'abord visiter les forces, dans la continuité des délégations de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense en Côte d'Ivoire, au Liban et en Afghanistan ;
- ensuite, et surtout, appréhender l'évolution de la présence internationale dans ce pays, après la déclaration d'indépendance du 17 février 2008, et comprendre le positionnement de l'Union européenne avant le déploiement de sa mission civile.
Le présent rapport a également fait l'objet d'une présentation devant la commission des Affaires européennes compte tenu des enjeux liés à la présence de l'Union européenne dans la région des Balkans.
Il s'inscrit en effet en complément des rapports d'information publiés précédemment sur d'autres pays des Balkans occidentaux, à savoir la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et l'Albanie 1 ( * ) .
Il fait état d'une reconfiguration particulièrement complexe de la présence internationale au Kosovo, après une indépendance qui ne fait pas consensus et reste, de ce fait, à consolider.
I. UNE INDÉPENDANCE QUI N'EST PAS ENCORE PLEINEMENT RECONNUE
A. UN PAYS FRAGILE QUI SORT D'UNE PÉRIODE DE GUERRE
1. D'une province « autonome » de l'ex-Yougoslavie à la répression des années Milosevic
Sur un petit territoire de 15.387 km 2 , le Kosovo est peuplé de 2,1 millions d'habitants, en grande majorité des Albanais.
Le Kosovo compte environ 100.000 Serbes (5 % de la population environ) qui vivent pour un tiers dans le nord, autour de Mitrovica et pour les deux tiers dans des enclaves isolées en territoire de peuplement albanais 2 ( * ) .
Dans son histoire, le Kosovo fut successivement sous domination serbe puis sous domination ottomane pendant plus de quatre siècles avant d'être intégré à la Serbie par le Traité de Bucarest de 1913. Il fut ensuite une province de Serbie au sein des différentes Yougoslavies à partir de 1918. Après la seconde guerre mondiale, la constitution yougoslave est amendée en vue d'accorder plus de contenu à l'autonomie du Kosovo et la « province socialiste autonome du Kosovo » est formellement déclarée en 1945. Par la constitution de février 1974, la République socialiste de Serbie perd tout droit de regard sur les affaires internes du Kosovo : celui-ci est directement représenté dans les instances fédérales, « à égalité de droit » des républiques et des provinces autonomes ainsi que des peuples et des nationalités.
Au début des années 1980 cependant, des manifestations de kosovars albanais réclamant le statut de république tournent à l'émeute. Après des actions similaires dans plusieurs provinces autonomes et républiques liées à la Serbie (en 1988 en Voïvodine et au Monténégro en janvier 1989), le président serbe Slobodan Milosevic décide de supprimer l'autonomie constitutionnelle du Kosovo en mars 1989. Il s'ensuit une politique répressive à l'égard de la communauté albanaise et une séparation stricte des communautés, notamment dans l'éducation. Un programme de construction immobilière est lancé pour les seuls serbes et les kosovars albanais sont interdits d'acheter ou vendre des biens immobiliers sans autorisation spéciale. Des dizaines de milliers de fonctionnaires albanais sont licenciés.
Dans les années 1990, les kosovars albanais édifient donc un Etat parallèle, bâti sur le principe de la désobéissance civile non violente sous la direction de l'écrivain Ibrahim Rugova, élu président de la République au terme d'élections organisées en mai 1992 dans la clandestinité.
La répression serbe s'intensifiant, les kosovars albanais changent de stratégie et à compter de 1998, l'armée de libération du Kosovo (UÇK) monte en puissance, s'emparant de plusieurs portions du territoire. Les mois de février et mars 1998 sont marqués par de violents combats et la destruction de nombreux villages par les forces de police serbe et l'armée yougoslave. Les civils albanais sont jetés sur les routes : au début de l'été 1998, environ 200.000 civils albanais ont du abandonner leur foyer au Kosovo.
La communauté internationale fait pression sur le régime de Milosevic pour arrêter les combats et obtenir un cessez-le-feu, mais les négociations échouent.
* 1 « Albanie et Macédoine : deux pays des Balkans à ne pas oublier » - Rapport d'information n°287 (2005-2006). « La Bosnie-Herzégovine : dix ans après Dayton, un nouveau chantier de l'Union européenne » - Rapport d'information n°367 (2004-2005).
* 2 Voir carte en annexe.