3. Toujours plus loin, plus profond
Le développement de la pêche résulte d'un triple processus : l'intensification de l'exploitation des espèces nobles, la diversification par le développement dans les mêmes zones de pêche de nouvelles espèces de valeur commerciale ou d'abondance commerciale moindres, et, enfin, l'extension géographique et le développement des flottilles hauturières où le même mécanisme se répète.
Le développement de la pêche à l'anchois du Pérou est intéressant notamment parce qu'il est lié à l'effondrement d'une autre ressource. Comme souvent dans l'histoire des pêcheries, c'est l'épuisement d'un stock qui oblige à la reconversion vers l'exploitation d'un stock plus éloigné, plus profond et, au moins au départ, de moindre valeur marchande.
C'est le cas pour l'anchois du Pérou qui doit son essor au début des années 1950 à l'épuisement du stock de sardines de Californie et qui a conduit les armements américains à reporter leur effort de pêche sur d'autres petits pélagiques de systèmes d'upwelling . Dès le milieu des années 1960, l'anchois du Pérou était devenu la première pêcherie mondiale avec 12 millions de tonnes et 20 % des captures mondiales.
Les signes de surexploitation et les mécanismes des reports sur d'autres stocks ne sont pas récents. Ils sont identifiés dès le XV e siècle. Ainsi, a pu être dressée une carte du développement géographique de la surpêche dans l'Atlantique Nord à l'époque contemporaine 15 ( * ) recensant les dates à partir desquelles l'intensification du taux d'exploitation n'a pas entraîné d'augmentation des prises .
Dès les années 1920 , le merlu est surexploité en mer d'Irlande. C'est le cas de la morue en mer du Nord dès 1920, au large de l'Écosse dès 1930 et sur tous les autres bancs des années 1950 au milieu des années 1960. Ainsi, morue, églefin, merlu, hareng, plie et sébaste sont tous surpêchés depuis au plus tard 1965 dans tout l'Atlantique Nord . On est dès lors moins surpris par les difficultés actuelles et les effondrements qui ont pu se produire.
Ce mécanisme est lié à la fois à l'épuisement des stocks mais pas seulement, la constitution quasi inévitable de surcapacité peut également en être la cause. Ainsi, dans la pêcherie marocaine des céphalopodes, le rendement en kilogramme par homme a été divisé par 10 entre 1965 et 1990 en raison d'une augmentation de l'effort de pêche (x100 le nombre d'heures de pêche) tandis que le volume des captures stagnait.
* 15 Troadec 1976, Académie des Sciences 2003.