3. Lutter contre la pêche et la consommation des juvéniles : diffuser un « poisson-mètre »
La pêche des poissons juvéniles est un important problème de la gestion des pêches. Pêcher et manger un poisson qui n'a pas pu se reproduire une seule fois est le plus sûr moyen de condamner une espèce à la disparition. Ce principe fondamental doit être partagé par tous .
Dans certains pays, comme en Espagne, ou dans certaines régions, la consommation de poissons juvéniles a un aspect culturel. Le cas le plus célèbre est celui des civelles, ou jeunes anguilles, remontant les fleuves.
A un niveau plus large, cette consommation de juvéniles a pu se répandre en raison de l'insuffisance des contrôles par les autorités au débarquement comme dans les circuits de commercialisation, laissant faire des pêcheurs peu scrupuleux et souvent mal informés de la portée de leurs gestes.
Philippe Cury relève qu'aujourd'hui 95 % des poissons pêchés dans le Golfe de Gascogne ont une taille inférieure à 23 cm. Prenant le cas de l'espadon, il remarque que les spécimens de plus 1,75 m représentent désormais moins de 1 % de la population.
En France, certains responsables administratifs comme certains pêcheurs ont confié à votre rapporteur combien cette culture du respect de la taille réglementaire des poissons était nouvelle et datait de l'amende décidée, en 2006, par la Commission européenne. Jusque là une fraude de grande ampleur existait dans notre pays.
A la vue de certains étals, cette culture de gestion et de respect de la règle n'est pas encore parfaitement partagée.
C'est pourquoi votre rapporteur croit utile de prendre à témoin le consommateur et de le responsabiliser .
Cette prise de conscience n'est pas aisée tant le poisson arrivant au consommateur est souvent réduit en filet ou en portion rendant impossible son identification.
Cependant, nombreuses sont encore les espèces qui sont vendues ou présentées entières de telle sorte que, dans plusieurs pays, les autorités publiques, des scientifiques comme des associations ont décidé de donner les moyens aux pêcheurs et consommateurs de vérifier eux-mêmes si le poisson pêché ou vendu atteignait la taille réglementaire .
Le mouvement est venu d'Allemagne où Rainer Froese de l'Institut des sciences marines de Kiel a mis au point une réglette en plastique mentionnant la taille légale des principales espèces et permettant aux consommateurs de boycotter les poissons sous-taille. Cette réglette dénommée « Fisch-Max » se présente de la manière suivante :
Cette initiative a été reprise par une grande association de consommateur sous le nom de « Fish-O-Meter » ( www.fisch-o-meter.de ) et diffusée par un quotidien, le Hamburger Abendblatt. Il prend la forme suivante :
En Allemagne, ces réglettes ont été mal reçues par les professionnels du secteur car elles ont été perçues comme un soupçon à leur égard.
Elle s'est ensuite diffusée au Pérou en 2006 et au Sénégal en 2 008, où l'instrument a pris le nom de « poisson-mètre ».
Au Sénégal, l'initiative est soutenue par le WWF
en coopération avec le Centre de recherches océanographiques de
Dakar-Thiaroye. Elle a le plein soutien des autorités à des fins
pédagogiques auprès des pêcheurs comme des consommateurs.
Il s'agit d'une règle graduée, en toile, de 50 cm avec les
images de six espèces de poissons et leur taille lors de leur
première reproduction.
En France même, un tel dispositif n'est pas complètement inconnu. Une réglette de ce type est mise à la disposition des pêcheurs sous-marins en Méditerranée comme aide mémoire de la réglementation en matière de taille, d'espèces protégées et de mesures de sécurité.
Le succès et la simplicité de ce type de dispositifs afin de mener une action pédagogique à l'intention des pêcheurs et des consommateurs plaide en faveur d'une large diffusion en France .
C'est pourquoi votre rapporteur propose aux autorités françaises de mettre au point un « poisson-mètre » et d'en assurer la distribution gratuite.
A défaut, il souhaiterait que l'initiative soit reprise par la société civile : une ONG comme au Sénégal (WWF), une organisation de consommateur comme UFC - Que choisir ? ou un grand quotidien régional comme Ouest-France, comme en Allemagne, et aide ainsi le public à acheter de manière plus responsable .