b) Le Pérou
Le Pérou peut quant à lui apparaître comme un bon exemple de liaison entre les scientifiques et le pouvoir politique .
Là aussi, la sagesse est venue d'un drame , l'effondrement du stock d'anchois au tout début des années 1970 et dont le niveau de production n'a été retrouvé qu'au début des années 1990.
De la même manière qu'au Canada, l'effondrement s'est produit par la conjonction d'une surpêche et d'un contexte climatique défavorable. Tous les acteurs ont alors pris conscience qu'il était nécessaire d'adapter la pression de pêche à la situation de l'anchois.
Cette pêcherie est un enjeu très important. C'est la première au monde, près de 10 % des prises mondiales étant réalisées en moins de 2 mois, et le tonnage journalier en période de pêche peut dépasser les 120.000 t. La frénésie de pêche et la course au poisson est d'ailleurs si vive que, chaque année, environ 25 senneurs sombrent pour cause de surcharge de poissons ! En effet, géré par un TAC collectif global, chaque armateur a à coeur de s'en approprier la plus grande part.
Pour garder la maîtrise de cette ressource essentielle pour le commerce extérieur péruvien et les rentrées de devises, les pouvoirs publics ont mis en place un contrôle étroit de cette pêcherie. Les navires sont suivis par satellite. Les débarquements sont très bien connus et échantillonnés de manière quasi exhaustive, rendant très difficile toute fraude. Les données de la pêche viennent compléter les prévisions issues des campagnes scientifiques qui ont servi à la détermination du quota. Celui-ci est suivi au jour le jour et peut faire l'objet d'un ajustement en cours de saison.
Ces différentes dispositions permettent de prendre la décision de fermeture de la pêche en 24 h sur proposition de l'institut scientifique péruvien spécialisé , l'IMARPE, et après quelques allers-retours entre les scientifiques et le ministère.
Pour cette pêcherie, la relation entre scientifiques et pouvoir politique est donc optimale.
La relation avec les pêcheurs l'est peut-être un peu moins car il ne semble pas que les données scientifiques soient pleinement prises en compte par les armateurs. D'une part, la gestion stricte du quota et son fondement quasi exclusivement scientifique, n'empêche pas une surcapacité de l'ordre de 300 % qui n'est compensée que par une saison de pêche toujours plus réduite. Alors que la pêche était encore ouverte toute l'année en 1987, elle ne l'est plus que 50 jours par an. D'autre part, ce surinvestissement ne tient pas compte de l'extrême volatilité de la ressource en anchois en fonction de la variabilité naturelle cyclique de l'océan Pacifique. Il en est de même des résultats scientifiques qui tendraient à démontrer que l'anchois du Pérou, dont l'exploitation a débuté dans les années 1950 à la suite de l'épuisement du stock de sardines de Californie, n'est pas une ressource permanente. En effet, malgré l'incroyable productivité de cette zone d' upwelling , il a existé des périodes de l'histoire où il n'y avait pas d'anchois comme au début du XIX e siècle.