b) Accroissement de l'effort de pêche
L'effort de pêche a lui aussi fortement augmenté, ajoutant à la pression sur la ressource. Cet effort est le résultat de la combinaison du nombre des bateaux, de leur taille, de leur puissance moteur mais aussi des engins .
Au cours des trente dernières années, le nombre de bateaux de pêche a augmenté de 75 % culminant à plus de 4 millions aussi bien pontés (1,3 million) que non pontés (2,7 millions). Surtout le nombre des navires pontés motorisés a plus que doublé. 86 % des navires pontés se trouvent en Asie. L'Europe représente moins de 8 % du total.
Comme il n'existe pas de statistique plus précise sur le tonnage et la puissance, il est difficile de tirer trop de conséquences de ces chiffres.
On peut cependant remarquer que cette flotte n'a pas seulement augmenté numériquement, elle a aussi crû en termes de capacité de pêche. Le coefficient d'augmentation habituellement retenu, en raison du progrès technique est de l'ordre de 4,2 % par an (Fitzpatrick, 1996).
Mais, de même que pour la productivité per capita des pêcheurs, celle des navires est fortement décroissante en raison du plafonnement des captures : elle a été divisée par 6 en moyenne depuis 1970 . Cela s'explique pour l'essentiel par la constitution de surcapacités. Malgré l'identification de ce phénomène, les mesures de réduction de la flotte frappent le plus souvent les navires les plus vétustes et les moins productifs, ne parvenant pas à réduire l'effort de pêche.
Dans ces conditions pour maintenir sa profitabilité, la flotte mondiale fait pression sur les salaires des marins et poursuit sa course technologique. En outre les réglementations des pêches limitent le nombre de jours de mer sans pour autant s'attaquer à la racine du problème : la surcapacité elle-même.
Par ailleurs, compte tenu de ces grandes tendances, les pouvoirs publics ont réagi en atténuant la pression sur les salaires par des mesures d'allègement ou de subvention, de même qu'ils ont aidé à réduire le coût du carburant, facilité la modernisation ou soutenu les cours du poisson, toutes ces mesures allant globalement à l'encontre d'une gestion plus durable et profitable des pêcheries.
C'est ainsi que la Banque mondiale estime que de nombreuses subventions au secteur de la pêche sont pernicieuses car elles renforcent les surcapacités et la surexploitation. Fondamentalement elles viennent diminuer voire éliminer tous les mécanismes du marché qui permettraient de stopper cette tendance.
Typiquement, les subventions portant sur le carburant visent à réduire le coût de la pêche mais ce faisant elles créent une incitation à continuer à pêcher alors que les prises baissent et que les prix et donc la demande ne permettent pas de poursuivre dans ces conditions économiques. Les résultats en sont la surpêche, les surcapacités, la réduction de l'efficience économique et la dissipation de ressources financières.
La Banque mondiale a ainsi dressé un inventaire synthétique imparfait mais éloquent des subventions au secteur de la pêche en 2000 :
Estimation des subventions au secteur de la pêche ayant un impact direct sur l'effort de pêche par an (en millions de dollars 21 ( * ) ) :
Subventions |
Pays en développement |
Pays développés |
Total |
% |
Carburant |
1,3 |
5,08 |
6,4 |
63,5 % |
Achat des surplus de pêche |
- |
0,03 |
0,03 |
0,3 % |
Construction et modernisation de la flotte |
0,6 |
1,3 |
1,9 |
18,9 % |
Exemptions fiscales |
0,4 |
0,34 |
0,7 |
7,3 % |
Accords de pêche |
- |
1 |
1 |
9,9 % |
Total |
2,3 |
7,75 |
10,05 |
100 |
Ce seraient donc environ 10 milliards de dollars chaque année qui seraient dépensés en subvention au secteur de la pêche, malheureusement trop souvent pour contribuer au cercle vicieux de la surexploitation.
* 21 Ibid. et Milazzo 1998, Sumaila et Pauly 2006, Sharp et Sumaila 2007.