b) Des mesures centrées sur le soutien à l'agriculture
L'orientation excessivement agricole donnée à la politique européenne de développement rural s'apprécie dans la nature et la répartition des mesures autant que dans celle des financements.
? Les mesures regroupées dans les RDR sont en fait plus directement destinées à accompagner la réforme de la PAC qu'à organiser l'économie des espaces ruraux ; elles visent davantage le développement territorialisé de l'agriculture que celui des économies rurales dans son sens le plus large. Ainsi, en longue période, la politique de développement rural européenne se ramène à une palette de cinq à dix mesures, dont la présentation varie selon les programmations et dont les usages sont assez différenciés selon les priorités fixées par chaque pays.
Cette situation s'explique historiquement par le lien traditionnel entre agriculture et ruralité : dans les années 50 et 60, le développement des campagnes a été appréhendé comme une conséquence directe de celui du secteur agricole. En effet, une partie significative des entreprises d'amont et d'aval étant traditionnellement implantées à proximité des exploitations agricoles, la croissance des dernières a eu des effets démultiplicateurs sur les zones rurales dans leur ensemble. Aujourd'hui, ce sont davantage les externalités positives de l'agriculture sur les écosystèmes et les paysages qui semblent expliquer leur rémunération par des mesures d'aide relevant du soutien à la ruralité.
Or, ce choix stratégique consistant à associer étroitement développement agricole et développement rural peut être largement discuté : comme cela a été évoqué, la part de l'emploi agricole et des industries agroalimentaires dans les espaces ruraux, si elle est non négligeable, ne dépasse pas 15 %, le milieu rural accueillant traditionnellement de nombreuses activités industrielles et voyant les activités de service se développer rapidement. De plus, une telle entrée, qui cible les zones les plus rurales, permet difficilement d'appréhender les problèmes d'aménagement dans les espaces périurbains.
? D'un point de vue budgétaire et s'agissant de la programmation 2000-2006 , les fonds mobilisés au profit de la politique de développement rural peuvent être estimés à 52,5 milliards d'euros, tandis que les aides « premier pilier » représentaient durant la même période 322 milliards d'euros. Et encore, sur les 6,6 milliards d'euros qu'a reçu la France au titre du second pilier -ce qui en fait le premier bénéficiaire parmi les Etats membres-, 55 % ont été alloués aux quatre mesures d'accompagnement de la PAC. Pour le reste, 20 % ont été utilisés pour soutenir l'installation et les investissements dans les exploitations. Les mesures en faveur du développement rural au sens strict n'ont finalement représenté que 5 % de l'enveloppe totale .
Les déséquilibres sont tout aussi nets pour ce qui est de l' actuelle programmation . Le budget du FEADER est ainsi, pour la seule année 2007, de 10 milliards d'euros, soit moins d'un cinquième des dépenses agricoles totales. La partie véritablement rurale de ce nouveau dispositif est concentrée dans son axe 3, qui doit recevoir au moins 10 % de l'enveloppe globale. Si la fourchette la plus basse en est retenue, ce sont donc seulement 2 % de l'ensemble des crédits qui peuvent être alloués au développement rural stricto sensu .
Si l'on s'en rapporte à l'enveloppe totale dont dispose la France , qui s'élève à 12,8 milliards d'euros sur la période 2007-2013, en rajoutant les cofinancements nationaux à l'enveloppe du FEADER, seuls 635 millions d'euros sont consacrés à l'axe 3, le seul à comporter -en partie- des mesures touchant au développement rural proprement dit, soit moins de 6 % de l'ensemble des crédits. A elles seules, quatre mesures -aides à l'installation, aides à la modernisation, indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) et MAE- concentrent 75 % des financements.