c) Le télétravail
(1) Un concept unique, des formes d'organisation variées
Comme l'explique le récent rapport de mission du député Pierre Morel-A-Lhuissier « Du télétravail au travail mobile : un enjeu de modernisation de l'économie française 105 ( * ) » , le télétravail recouvre quatre formes très différentes d'organisation :
- le télétravail à domicile ;
- le télétravail nomade : tout en conservant un poste de travail physique au sein de l'entreprise, le salarié peut utiliser les technologies de l'information et les outils de travail mobiles pour travailler depuis n'importe quel lieu ;
- les télécentres : le salarié de l'entreprise travaille à distance de son équipe dans des espaces de bureau où sont également présents des salariés d'autres entreprises, voire des travailleurs indépendants. Il y dispose d'un poste de travail à partir duquel il peut aisément communiquer avec son entreprise ;
- le travail en réseau : le salarié est localisé dans un site géographique mais communique à distance avec ses collègues ou ses responsables, formant avec ces derniers une « équipe virtuelle ».
(2) La lente apparition du télétravail en France
Le télétravail a émergé dans le courant des années 1990 , sous les effets conjugués de plusieurs facteurs :
- généralisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication ;
- souhait d'une frange non négligeable de la population de pouvoir organiser avec plus de souplesse son temps de travail ;
- besoin des entreprises, confrontées à une mobilité de plus en plus importante de leur personnel, de répondre à leurs marchés ;
- depuis quelques années, hausse du prix des carburants.
Toutefois, la France semble accuser un certain retard dans le développement de ces nouvelles formes de travail. D'après la DIACT, les télétravailleurs représenteraient environ 7 % de la population active, pour une moyenne européenne de 13 %, certains pays atteignant le chiffre de 25 %.
(3) Une pratique favorable au développement rural
Enjeu économique et social, le télétravail est également un enjeu majeur en termes d' aménagement du territoire , comme le constatait déjà le rapport Refaire la France . En effet, cette forme d'organisation du travail offre aux territoires ruraux l'opportunité d'accueillir de nouveaux habitants et de créer de nouveaux emplois.
C'est pourquoi vos rapporteurs estiment nécessaire de l'encourager. Le rapport de M. Pierre Morel-A-Lhuissier souligne l'absence d'obstacles législatifs et réglementaires majeurs à son développement. Il fait valoir d'ailleurs que les partenaires sociaux ont une position ouverte sur ce thème et ont négocié le 19 juillet 2005 un accord national interprofessionnel définissant le statut du télétravailleur dans le secteur privé, à la suite d'un accord-cadre européen signé en 2002. Cet accord a été étendu par arrêté du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Pour le député, les principaux freins au développement du télétravail résident en fait dans une forme de résistance psychologique au changement et l'insuffisante formation des salariés en informatique. Au titre du premier frein -sans doute le plus important-, les entreprises avancent les arguments suivants :
- les difficultés inhérentes au contrôle physique du travail ;
- l'éventuelle inadaptation du télétravail à l'activité de l'entreprise ;
- les craintes relatives à la sécurité et à la confidentialité des données ;
- le coût des équipements informatiques nécessaires au télétravail.
En ce qui concerne les salariés , on peut relever les préventions suivantes :
- la méconnaissance de cette nouvelle forme d'organisation du travail ;
- le manque de confiance réciproque entre les employeurs et les salariés, en ce qui concerne le contrôle du travail effectué ;
- la difficulté à distinguer le temps de travail et le temps de repos, c'est-à-dire la répartition efficace entre vie professionnelle et vie privée, les contraintes liées à la répartition de l'espace réservé au travail et à la vie familiale ;
- la crainte de travailler plus sans réelle contrepartie ;
- le risque de l'isolement.
Le rapport de mission note toutefois une disparition progressive de ces freins , en particulier au sein des grandes entreprises et des zones urbaines.
Entendus par vos rapporteurs, les représentants de la DIACT ont mis en avant le fort potentiel de développement du télétravail en France. Ils ont indiqué avoir lancé en 2003 un appel à projet « télécentres » qui a permis de faire émerger une trentaine de projets portés par des collectivités essentiellement rurales . Fort de ce succès, la DIACT a favorisé la création, le 30 novembre 2004, du réseau national des télécentres à Alençon, dans le but de :
- mettre en relation les télécentres ;
- faciliter le développement des emplois sur les territoires par le télétravail ;
- promouvoir le partage d'expériences et la mutualisation de moyens entre télécentres ;
- assurer une prospection commerciale collective des entreprises publiques et privées potentiellement intéressées par le télétravail ;
- effectuer toute autre activit2 se rapportant directement ou indirectement au télétravail (organisation d'événements, production d'ouvrages, formation, services aux télécentres et leurs usagers...).
La DIACT croit en effet beaucoup aux atouts des télécentres , une grande partie des télétravailleurs actuels nomades ou à domicile exprimant le souhait de travailler au moins une partie de leur temps dans un espace professionnel à proximité de leur domicile , de leur maison de campagne ou de leur clientèle, et ce afin de rompre leur isolement (conférences, partage d'expériences ...).
Vos rapporteurs souhaitent qu'une évaluation du projet « télécentres » soit rapidement conduite par la DIACT afin de mesurer en particulier l'impact de cette nouvelle forme d'organisation du travail sur le développement des espaces ruraux, et le cas échéant d'en envisager le renouvellement.
* 105 Rapport remis au Premier ministre en 2006 (Documentation française).