c) Les transferts de revenu au bénéfice de l'espace rural
(1) La dissociation entre les lieux de travail et de résidence
M. Laurent Davezies analyse le cas de l'Irlande, dont la croissance économique la conduit aujourd'hui à avoir, d'une part, un PIB par habitant supérieur à celui de la France (32.600 euros contre 25.400 euros 75 ( * ) ) et, d'autre part, un revenu par habitant inférieur à celui de la France. L'auteur estime que ces différences, constatées entre les entités nationales, sont plus faibles que celles constatées au niveau local.
En effet, l'écart grandissant entre le temps de production et le temps de consommation (allongement de la durée des études, réduction du temps de travail) conduit à une dissociation croissante des lieux de production et des lieux de consommation . L'expansion des moyens de transport favorise cette évolution.
La richesse des territoires ruraux peut ainsi en partie provenir d'un transfert de richesses produites dans d'autres territoires, notamment dans les territoires urbains situés à proximité. Ce phénomène concerne en particulier les territoires périurbains où s'installent des populations qui ont fait le choix de quitter les centres urbains, tout en y conservant leur emploi. La richesse, apparemment produite dans les centres urbains, circule en réalité sur le territoire pour être en grande partie redistribuée hors de ces centres.
Ce mouvement de dissociation des lieux de résidence et de travail prend de l'ampleur. M. Laurent Davezies indique par exemple qu'entre 1970 et aujourd'hui, la distance moyenne entre le domicile et le travail des actifs a doublé, passant de 6 à 12 km. Ce phénomène est visible notamment au travers de l'accroissement des zones périurbaines. En Ile-de-France, par exemple, 7 % de la masse salariale est versée à des actifs qui ne résident pas dans cette région 76 ( * ) . Ces transferts de revenus conduisent certains territoires à ne pas bénéficier de la richesse produite sur leur sol. M. Laurent Davezies cite, par exemple, le cas de « la Plaine de France, en Seine-Saint-Denis, où la plupart des emplois qualifiés sont occupés par des actifs résidant ailleurs ». A l'inverse, ces transferts de revenus permettent à certains territoires de bénéficier de la richesse produite ailleurs, par exemple, « le canton de Beauvais, dans le sud de l'Oise, où une part très importante des actifs est employée en Ile-de-France ».
Du fait de cette dissociation entre les lieux de travail et de résidence, le seul critère de la production et des emplois créés sur un territoire est insuffisant pour rendre compte des ressources de ces territoires.
Ce phénomène, qui concerne essentiellement les zones périurbaines, peut toutefois, dans une certaine mesure, être étendu aux zones plus éloignées des centres urbains. Ainsi, M. Laurent Davezies note que, « en 1999, le quart des actifs vivant en milieu rural travaille dans une aire urbaine », participant ainsi à la richesse des territoires ruraux.
* 75 Source : Eurostat, données estimées à parité de pouvoir d'achat.
* 76 M. Laurent Davezies, Futuribles, n° 295, mars 2004.