3. Le défi de l'intégration
La confirmation du mouvement de repeuplement rural et les transformations qui l'accompagnent sont le signe d'une intégration locale globalement réussie des nouveaux arrivants. Toutefois, les néo-ruraux doivent relever le défi de l'adaptation à leur nouveau milieu et faire face à la multiplication des conflits d'usage.
a) Des difficultés d'insertion toujours possibles
Un sondage Ipsos réalisé en 2003 44 ( * ) révèle que le principal facteur d'échec lors de l'installation des néo-ruraux réside dans les difficultés d'adaptation à la vie locale (47 %) et d'intégration à la population locale (42 %). Un néo-rural sur cinq éprouve des difficultés pour trouver un travail, tandis qu'un tiers des élus regrette le manque de viabilité des projets économiques de ces nouveaux arrivants.
Parallèlement à ces difficultés qui peuvent se traduire par un retour à la ville des néo-ruraux, la nouvelle société rurale risque d'être confrontée à la multiplication des conflits d'usage.
b) Les conflits d'usage
Le rapport du groupe de projet Manon sur les conflits d'usage à l'horizon 2020 45 ( * ) définit les conflits d'usage comme des situations dans lesquelles « la concurrence pour l'utilisation d'une ressource, l'accès à cette ressource ou à une voie de communication et enfin l'altération de la qualité de la ressource par pollution ou destruction par différentes nuisances » met aux prises des individus entre eux ou des individus et un groupe plus large.
Or, le renouveau démographique de l'espace rural engendre une multiplication des cas de conflits d'usage. En effet, ce phénomène fait des espaces ruraux et périurbains l'objet de revendications nouvelles portées, d'une part, par les nouveaux résidents, dont les caractéristiques diffèrent des habitants traditionnels et, d'autre part, par les touristes et les différents acteurs qui soutiennent le développement touristique.
Si l'évaluation du nombre de conflits d'usage en milieu rural et de son évolution est malaisée, le rapport précité avance toutefois le constat de leur augmentation à partir du début des années 1990, en se fondant sur la comptabilisation des conflits d'une certaine intensité relatés par la presse quotidienne régionale.
Les conflits entre les activités résidentielles et productives augmentent essentiellement du fait des nouveaux résidents ainsi que des touristes, qui attachent une importance croissante à la préservation de leur cadre de vie.
Cette croissance est la conséquence du relâchement du lien entre les résidents et leurs territoires : « le plus souvent, les conflits naissent de la confrontation entre usages productifs et d'autres types d'usage : résidentiels, de loisirs ou de préservation » 46 ( * ) . Il apparaît notamment que les conflits d'usage liés aux nuisances sonores sont particulièrement fréquents. Ainsi, le bruit provoqué par la présence d'éoliennes, au-delà de la modification paysagère qu'elles entraînent, est souvent source d'animosité entre les résidents ruraux.
De même, les conflits d'usage peuvent aussi concerner des activités récréatives, qui mettent en cause les résidents et les touristes présents sur un espace rural.
L'augmentation de ces conflits d'usage et la diversification sociale des communes rurales conduit à faire peser sur les élus des attentes inédites et potentiellement contradictoires.
En la matière, l'ensemble des élus des collectivités territoriales est touché, mais les maires sont particulièrement démunis pour faire face à cette novation. Ceux-ci doivent en effet concilier les intérêts divergents des électeurs, mais également prendre en compte l'intérêt général de la commune.
Ainsi, les conflits liés à l'installation d'infrastructures touristiques représentent, selon le rapport précité du groupe de projet Manon, « plus de 15 % des conflits inventoriés depuis 30 ans ». Ce rapport relève par ailleurs que les activités cynégétiques représentent aujourd'hui « 31 % des condamnations pénales et 38,3 % des poursuites qui font partie du champ des conflits d'usage ». Enfin, les conflits liés aux enjeux de protection naturelle connaissent une hausse continue.
Les maires peuvent être sensibles à ces revendications des populations résidentes. En effet, les revenus tirés par une commune de l'installation d'une entreprise se mesurent d'une part en création d'emplois et d'autre part en taxe professionnelle. Un arbitrage doit être réalisé entre ces gains et les pertes éventuelles de taxe d'habitation que pourrait provoquer le départ des populations résidentes, ainsi que la moindre attractivité touristique du territoire.
Par ailleurs, la multiplication des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre peut engendrer des conflits d'usage liés à l'installation de projet non désirés par les habitants. En effet, lorsque les résidents ont la garantie que, du fait de la taxe professionnelle unique, les retombées financières bénéficiant à leur EPCI seront identiques, qu'une entreprise s'installe dans leur commune ou dans une autre commune au sein de leur EPCI, ils ont tendance à être défavorables à l'installation de cette entreprise sur le territoire de leur commune. |
Il convient toutefois de préciser que ces difficultés ont été intégrées par les acteurs locaux, qui ont d'ailleurs promu un développement harmonieux de la nouvelle société rurale, comme le souligne la suite du présent rapport 47 ( * ) .
Ceci a permis que la nouvelle société rurale soit aussi synonyme de nouvelles opportunités économiques.
* 44 Enquête Ipsos dans la perspective de la 2 ème édition de la foire à l'installation en milieu rural.
* 45 « Conflits d'usage à l'horizon 2020 - Quels nouveaux rôles pour l'Etat dans les espaces ruraux et périurbains ? », Marc Guérin, chef du groupe de projet Manon, Commissariat général du Plan, mai 2005.
* 46 Conflits d'usage à l'horizon 2020 - Quels nouveaux rôles pour l'Etat dans les espaces ruraux et périurbains ?, Marc Guérin, chef du groupe de projet Manon, Commissariat général du Plan, mai 2005.
* 47 Cf. infra , en particulier le III.