B. LE PARADOXE DE L'INTÉGRATION DES CLANDESTINS À LA SOCIÉTÉ MAHORAISE

L'ensemble des personnes auditionnées à Mayotte par votre rapporteur spécial a fait état du paradoxe de la situation des clandestins vis-à-vis de la population mahoraise.

En effet, d'une part, les Mahorais affichent un refus très marqué de l'immigration clandestine qu'ils subissent mais participent, d'autre part, à « l'appel d'air » que constitue pour les clandestins le développement du travail clandestin .

1. Des relations apparemment difficiles entre clandestins et Mahorais

Le rapport de notre collègue José Balarello fait en 2001 sur le projet de loi relatif à Mayotte 19 ( * ) relevait que « si la société mahoraise s'est toujours caractérisée par la cohabitation pacifique de plusieurs communautés, africaine, malgache, européenne, des tensions commencent à se faire sentir. L'immigration clandestine constitue donc un puissant facteur de déstabilisation sociale au sein d'une société très vulnérable du fait de la rapidité et de l'ampleur des mutations qui la traversent. Plusieurs incidents ont montré que la situation pouvait dégénérer ».

Le contexte dans lequel s'est effectué le déplacement de votre rapporteur spécial à Mayotte, en mars 2008, est révélateur de ces tensions. En effet, la fuite du colonel Bacar, président de l'île d'Anjouan, renversé par les forces comoriennes, vers le territoire mahorais et sa prise en charge par les forces de l'ordre françaises ont suscité des réactions particulièrement violentes de la part populations comoriennes résidant clandestinement à Mayotte. Le directeur de la police aux frontières de Mayotte a ainsi fait état, lors de son entretien avec votre rapporteur spécial, d'émeutes particulièrement violentes, au cours desquelles des pavés ont été jetés sur des automobiles et des résidents mahorais d'origine métropolitaine agressés, les manifestations s'étant achevées, après une intervention très difficile des forces de l'ordre, sur un bilan de 18 blessés dont un grave ayant dû être évacué à La Réunion.

Ces manifestations de clandestins ont donné suite à d'autres manifestations, organisées par les Mahorais à l'encontre de la population clandestine. Ainsi, le 6 avril 2008, s'est tenue une grande marche pacifique à Mamoudzou, les manifestants présentant des pancartes fustigeant « les Comoriens des autres îles présents à Mayotte - mais surtout les Anjouanais » ou les rendant responsables de l'ensemble des difficultés rencontrées par le territoire mahorais : « Vols, insécurité... Prison pleine. Partez, partez... ». Votre rapporteur spécial a pu constater sur place le rejet apparent de la population clandestine, notamment au travers de banderoles présentes dans les rues, telles que celle figurant ci-après.

Banderole tendue dans une rue de Pamandzi

2. L'emploi de clandestins par la population mahoraise est toutefois très répandu

Tous les intervenants rencontrés sur place par votre rapporteur spécial ont, par ailleurs, fait état d'un nombre important de clandestins employés illégalement par la population mahoraise. Le commandant de la gendarmerie de Mayotte juge ainsi que ces emplois illégaux, souvent à domicile, de travailleurs clandestins par les Mahorais constituent un « appel d'air » à l'immigration clandestine .

Les emplois clandestins concernent essentiellement les assistantes maternelles et plus généralement le travail à domicile. Les informations recueillies par votre rapporteur spécial auprès du directeur de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle à Mayotte font état d' une grande majorité de clandestins dans les 5.000 employés de maison que compte l'île .

Par ailleurs, dans le secteur agricole, la situation semble être encore plus critique puisque seuls 21 salariés agricoles sont déclarés au service de l'Etat pour l'ensemble du territoire mahorais, alors que le nombre réel de travailleurs agricoles est estimé à « plusieurs centaines » selon le directeur de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle à Mayotte.

Ainsi, si certains considèrent que « le développement de Mayotte n'est pas à détruire par les clandestins » 20 ( * ) , le travail des clandestins est toutefois largement utilisé sur l'île pour pourvoir aux besoins de la population mahoraise.

Les relations entre les Mahorais et les clandestins, issus majoritairement des îles comoriennes, ne sont donc pas univoques .

* 19 Rapport n° 361 (2000-2001) fait au nom de la commission des lois.

* 20 Comme l'indique la banderole sur la photographie ci-avant.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page