II. LE COÛT ÉLEVÉ DE LA PRÉSENCE DES IMMIGRÉS CLANDESTINS À MAYOTTE

Au-delà du coût que représente pour l'Etat la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte, la présence d'immigrés clandestins sur le territoire mahorais est génératrice de coûts . Ceux-ci ne résultent pas de la lutte contre l'immigration clandestine mais, au contraire, de la fourniture aux immigrés clandestins de, services publics fondamentaux auxquels ils ont droit, tels que l'éducation et la santé.

A. L'ÉDUCATION NATIONALE

1. La hausse des effectifs est facteur de dépenses nouvelles

a) Une augmentation très satisfaisante de la population scolarisée à Mayotte

Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer fait état d' une progression très rapide du nombre d'élèves scolarisés à Mayotte . Ainsi, en 2007 :

- 45.476 élèves étaient scolarisés dans l'enseignement élémentaire et préélémentaire, soit une progression de + 3,33 % par rapport à 2006 ;

- 24.733 élèves étaient scolarisés dans l'enseignement secondaire, soit une hausse de + 8,07 % par rapport à l'année précédente.

Sur une période de 10 ans, l'évolution est encore plus marquée puisque le vice-rectorat de Mayotte indique qu' entre 1997 et 2007, les effectifs ont augmenté de 44 % dans le premier degré et ont plus que doublé dans le second degré . Enfin, sur une période de 30 ans, la population scolarisée a été multipliée par 6, comme l'indique le graphique ci-après.

Evolution de la population scolaire à Mayotte par catégorie d'écoles et d'établissements

Source : Insee infos n° 15, février 2004, « La scolarisation à Mayotte »

Au total, la jeunesse de la population mahoraise explique que plus de 37 % des mahorais, soit 70.209 personnes, soient scolarisés.

La hausse de la population scolarisée est partiellement due à l'accroissement démographique de la population , qui, comme indiqué ci-avant, s'établit à + 3,1 % par an en moyenne sur la période 2002 - 2007. Sur longue période, elle est essentiellement due , et votre rapporteur spécial s'en réjouit, aux progrès de la scolarisation à Mayotte et du service rendu par l'Education nationale à la population mahoraise, qui se traduit par un taux toujours croissant de la population scolarisée par rapport à la population totale.

Ainsi, l'étude réalisée en 2004 par l'Insee sur la scolarisation à Mayotte 25 ( * ) indique que « le taux de scolarisation des enfants en âge obligatoire (6-16 ans) est de 92 % en 2002 [et] a gagné trois points par rapport à 1997 ». Le rattrapage dans ce domaine est particulièrement satisfaisant, notamment en ce qui concerne la scolarisation des jeunes filles dans le second degré. Celles-ci ne représentaient que 33 % des effectifs du secondaire en 1997 alors qu'elles en représentent aujourd'hui plus de la moitié.

b) La nécessaire hausse des coûts liés à l'augmentation des taux de scolarisation

Pour tenir compte de l'augmentation des effectifs, les structures scolaires mahoraises ont dû s'adapter .

Le nombre d'établissement a ainsi suivi l'évolution démographique. On dénombre, en 2007 26 ( * ) :

- 198 écoles primaires, contre 158 en 1997 soit une hausse de 25 % en dix ans ;

- 18 collèges, contre 11 en 1997 ;

- 8 lycées contre 4 en 1997, soit un doublement de ces structures d'éducation.

Les dépenses d'investissement de l'Etat pour l'enseignement à Mayotte sont donc passées de 9,1 millions d'euros en 2003 à 20 millions d'euros en 2007.

Les effectifs des enseignants ont également dû suivre l'augmentation des effectifs scolarisés. Le vice-rectorat de Mayotte fait état d'une hausse de 7,6 % du nombre d'enseignants du premier degré entre 2005 et 2007 . Entre 2003 et 2007, les dépenses correspondant aux salaires versés pour l'enseignement à Mayotte sont passées de 89,4 millions d'euros en 2003 à 162,7 millions d'euros en 2007. 70 % de ces dépenses correspondent à du personnel employé par l'Etat tandis que les 30 % restants correspondent à des emplois rattachés à la collectivité départementale de Mayotte, mais gérés par le vice-rectorat et pour lesquels l'Etat rembourse les salaires à la collectivité départementale.

Globalement, les dépenses consacrées par l'Etat à l'enseignement à Mayotte ont augmenté de près de 90 % sur une période de 5 ans, entre 2003 et 2007 , passant de 117 millions d'euros en 2003 à 222 millions d'euros en 2007.

c) La difficulté à mesurer le nombre d'élèves issus de l'immigration clandestine

L'obtention de chiffres précis sur le nombre d'élèves étrangers issus de l'immigration clandestines est difficile. Les élèves qui ne disposent pas de titres de séjour sont accueillis dans les structures scolaires mahoraises comme dans toute la France. Cette pratique résulte d'un ensemble de dispositions nationales 27 ( * ) et internationales 28 ( * ) qui protègent les élèves en leur garantissant un droit à l'instruction. Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer indique par ailleurs que toute distinction relative à la réglementation sur les séjours est « impossible à solliciter compte tenu du code de l'éducation et de ses obligations ».

En pratique, les élèves étrangers, qu'ils soient ou non en situation régulière, sont largement acceptés dans les établissements scolaires mahorais. D'après les informations transmises par le chef du bureau des étrangers à la préfecture de Mayotte, les élèves doivent fournir, pour être scolarisés à Mayotte, d'une part, un acte d'état-civil de leur pays d'origine et, d'autre part, un passeport. En pratique, ce sont les orientations déterminées par le vice-rectorat de Mayotte, dans le cadre des dispositions applicables, qui fixent les règles concernant l'accueil des étrangers en situation irrégulière.

Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, la population d'origine étrangère, régulière et irrégulière, représenterait 30 % de la population scolarisée dans le premier degré à Mayotte et 20 % dans le second degré .

Les estimations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer font état, au sein de cette population, d'un taux de 85 % d'étrangers en situation irrégulière . Ainsi, le nombre total d'étrangers en situation irrégulière scolarisés à Mayotte serait d'environ 15.800 élèves, soit 22,5 % du total des élèves scolarisés sur l'île .

Il reste difficile de distinguer l'augmentation de la population scolarisée qui résulte, d'une part, de la croissance démographique mahoraise et de l'amélioration de la scolarisation et, d'autre part, de l'immigration clandestine. Votre rapporteur spécial constate toutefois que plus du cinquième des élèves est issu des flux d'immigration clandestine ce qui n'est pas sans conséquence sur les conditions et le coût de l'enseignement dispensé à Mayotte.

2. L'immigration clandestine influe sur les conditions d'enseignement

La nécessité d'accueillir un cinquième d'élèves supplémentaires à Mayotte s'ajoute donc à la forte pression démographique et aggrave par conséquent les problèmes auxquels font face les structures scolaires sur l'île.

Cela se traduit notamment par des effectifs de classe élevés dans le premier degré : autour de 29 élèves par classe contre une moyenne métropolitaine d'environ 25 élèves. Le rapport précité de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 29 ( * ) indiquait, par ailleurs, qu'à « Mayotte, bien que le nombre d'enseignants ait augmenté de 50 % en vingt ans, les élèves n'ont classe que le matin ou l'après-midi et 180 classes supplémentaires devraient être ouvertes pour assurer la scolarisation en maternelle de tous les enfants ».

Par ailleurs, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer se fait l'écho des sureffectifs importants dans le second degré. Cela se traduit par un sous-encadrement important en personnel administratif ainsi que par une surcharge des collèges, malgré le nombre important de nouvelles constructions évoqué ci-avant : des structures conçues pour accueillir 900 élèves doivent actuellement en accueillir de 1.300 à 1.500.

Si l'immigration clandestine est loin d'être la cause principale des problèmes importants de l'Education nationale à Mayotte, elle en accroît toutefois les faiblesses et rend la tâche de l'Etat pour répondre aux besoins de la population locale moins aisée .

3. Le coût de l'immigration clandestine pour l'Education nationale est estimé à 32,4 millions d'euros par an

Il n'est évidemment pas question de remettre en cause l'accueil par les structures scolaires des mineurs issus de l'immigration clandestine et présents à Mayotte . Il est du devoir de la République française d'accueillir et d'offrir une instruction à l'ensemble des jeunes sur son territoire.

L'étude du coût entraîné par l'accueil des jeunes issus de l'immigration clandestine permet, toutefois, de prendre la mesure de la charge supportée par la collectivité du fait des flux d'immigration clandestine.

La très grande majorité du réseau de l'Education nationale à Mayotte est à la charge de l'Etat . En effet, si l'article 35 de la loi de 2001 relative à Mayotte 30 ( * ) dispose que « les communes sont propriétaires des locaux et en assurent la construction, l'équipement, l'entretien et le fonctionnement, à l'exclusion de la rémunération du personnel enseignant », ces dépenses sont largement financées par des dotations de l'Etat, notamment la dotation spéciale de construction d'équipements des établissements scolaires à Mayotte, prévue à l'article L. 2574-17 du code général des collectivités territoriales. Le montant de cette dotation est indexé sur le taux d'évolution prévisionnel de la population scolarisée et s'élève, pour l'année 2008, à 4,4 millions d'euros.

Par ailleurs, les rémunérations de personnels enseignants sont assurées par l'Etat. Enfin, la compétence des établissements secondaires n'a pas été transférée aux collectivités territoriales à Mayotte. L'article 6 de l'ordonnance du 21 décembre 2007 relative à Mayotte 31 ( * ) prévoit ainsi que les articles du code de l'éducation relatifs à l'exercice des compétences des départements et des régions ne sont pas applicables à Mayotte. L'enseignement secondaire y est donc également intégralement financé par l'Etat.

Les données chiffrées transmises par le vice-rectorat de Mayotte permettent d'évaluer le montant consacré à l'accueil et à l'instruction par les structures de l'Education nationale à Mayotte des élèves étrangers. Celles-ci font état d'un coût total par élève de :

- 1.230 euros par an dans le premier degré , masse salariale comprise ;

- 4.322 euros par an dans le second degré , masse salariale comprise, pour un élève non boursier.

Si l'on rapporte ces montants au nombre évaluatif présenté ci-avant d'élèves issus des flux d'immigration clandestine présents dans le premier et dans le second degré à Mayotte, on obtient un coût total de :

- 14,26 millions d'euros par an pour les élèves étrangers issus de l'immigration clandestine dans le premier degré ;

- 18,17 millions d'euros par an pour ces élèves dans le second degré.

Les dépenses d'investissement, quant à elles, ne peuvent pas strictement être considérées comme découlant, même partiellement, de l'importance du nombre d'élèves issus de l'immigration clandestine . En effet, le rattrapage, par les établissements scolaires de Mayotte, du niveau de la métropole, implique, même sans considérer l'importance de l'immigration clandestine, un rythme de construction d'établissements élevé.

De manière globale, le coût, pour l'Education nationale, de l'accueil à Mayotte des élèves issus de l'immigration clandestine peut donc être estimé à 32,4 millions d'euros .

* 25 Insee infos n° 15, février 2004, « La scolarisation à Mayotte »

* 26 Vice-rectorat de Mayotte, « Education en chiffres », édition 2007-2008.

* 27 Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

* 28 Notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dont l'article 2 dispose que « Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction ».

* 29 Rapport précité n° 300 (2005-2006).

* 30 Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001.

* 31 Ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l'adaptation à Mayotte de diverses dispositions législatives.

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