LES PROPOSITIONS
I. Soutenir le secteur de la microélectronique A. Au niveau communautaire RECOMMANDATION N°1 : engager une action concertée au niveau du Conseil européen pour rééquilibrer la parité entre l'euro et le dollar afin d'assurer à l'industrie européenne des conditions de concurrence plus justes. RECOMMANDATION N°2 : charger l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) d'une étude sur les pratiques de soutien au secteur de la microélectronique par les pays membres de l'Union européenne et les Etats tiers. Les résultats obtenus seraient utilisés pour arrêter, dans le cadre de l'OMC, des règles visant à encadrer les subventions et exonérations fiscales accordées pour l'implantation d'unités de production. RECOMMANDATION N°3 : aligner la réglementation européenne en matière d'aide sur les pratiques mondiales. RECOMMANDATION N°4 : doter l'Union européenne d'une stratégie industrielle sectorielle qui reconnaisse les particularités de l'industrie de la microélectronique et autorise le cofinancement de grands projets d'investissement. RECOMMANDATION N°5 : encourager le soutien massif de l'Union européenne et des Etats membres aux cinq projets structurants proposés par le livre blanc CATRENE portant sur la voiture autonome, la maîtrise de la consommation d'énergie, l'amélioration du système de santé, le renforcement de la sécurité et l'accès à la communication en large bande, et susceptibles de créer des marchés porteurs. B. Au niveau national RECOMMANDATION N°6 : s'engager dès maintenant dans l'élaboration de programmes structurants pour l'innovation dans le domaine des transports, de l'énergie, de la santé et de l'éducation, en tenant compte des spécificités de l'industrie française pour sélectionner les projets. RECOMMANDATION N°7 : améliorer la lisibilité de la recherche publique en renforçant les partenariats entre les laboratoires travaillant sur les mêmes thématiques. RECOMMANDATION N°8 : renforcer les liens entre les laboratoires publics et l'industrie en créant dans les organismes de recherche des instances de concertation associant les industriels et en constituant des laboratoires communs. RECOMMANDATION N°9 : confier la valorisation de la recherche publique à un établissement existant qui aurait apporté la preuve de sa compétence en matière de transfert de technologie. Cet établissement serait mandaté pour valoriser les brevets d'un ensemble d'établissements sur un site géographique donné. RECOMMANDATION N°10 : encourager l'emploi des chercheurs dans l'industrie par la valorisation des compétences des chercheurs et des dispositions statutaires facilitant leur mobilité. RECOMMANDATION N°11 : prévoir dans le budget de l'Agence Nationale de la Recherche un financement spécifique pour les projets de partenariat transfrontalier en matière de recherche appliquée dans une optique de transfert industriel. RECOMMANDATION N°12 : augmenter le budget du groupement d'intérêt public pour la coordination nationale de la formation en microélectronique considéré comme outil stratégique national de formation. RECOMMANDATION N°13 : caler progressivement le taux normal d'impôt sur les sociétés sur la moyenne des pays de l'Union européenne (soit 25 %) d'ici 5 ans dans le cadre d'une stratégie européenne de construction d'un espace fiscal commun. RECOMMANDATION N°14 : réformer la législation sur la taxe professionnelle en privilégiant une assiette sur la valeur ajoutée. II. Concilier l'essor de la microélectronique avec le respect des données privées et de l'environnement A. Concilier éthique et microélectronique RECOMMANDATION N°15 : adapter les effectifs et le budget de la CNIL aux besoins nouveaux générés par la diffusion massive des instruments de contrôle issus de la microélectronique. RECOMMANDATION N° 16 : introduire au coeur même de la technologie susceptible de porter atteinte à la protection des données personnelles un dispositif technique permettant de la neutraliser et d'encadrer strictement leur utilisation. RECOMMANDATION N°17 : encourager l'élaboration d'une convention internationale sur la protection des données personnelles définissant des standards internationaux et leur donnant une force juridique contraignante. B. Encourager le développement d'une « électronique verte » RECOMMANDATION N°18 : utiliser les leviers de la puissance publique sous la forme d'initiatives « exemplaires » et par la réglementation pour développer « l'électronique verte » dans une stratégie globale de développement durable. RECOMMANDATION N° 19 : informer les utilisateurs sur la consommation énergétique des appareils électroniques par un étiquetage clair et normalisé. RECOMMANDATION N° 20 : sensibiliser l'opinion publique aux enjeux environnementaux de l'usage massif de l'électronique afin de développer des comportements « écologiquement » responsables. RECOMMANDATION N° 21 : débloquer des crédits suffisants afin de réaliser des études toxicologiques de qualité visant à évaluer les risques liés aux nanoparticules, afin de soutenir les actions de prévention et de formation autour de ces risques et afin d'encourager une information responsable de la population. |
Au terme de cette étude, la microélectronique européenne et française apparaît à la croisée des chemins.
Le « More than Moore » offre de nouvelles opportunités à l'Europe. En effet, c'est une voie de recherche moins capitalistique qui devrait créer de nombreux marchés porteurs dans les domaines de l'efficacité énergétique, des transports, de la santé et de la sécurité. L'excellence des laboratoires européens impliqués dans ce domaine de recherche, l'existence de leaders européens dans certains secteurs d'application, l'étroite coopération entre les industriels européens de la microélectronique et les fabricants des produits finis ainsi que le poids du marché intérieur sont autant d'atouts pour faire de l'Europe le leader mondial du « More than Moore ».
Néanmoins, certains signes sont inquiétants pour la compétitivité de la microélectronique européenne.
Alors que le marché européen représente 20 % de la demande globale de semiconducteurs, l'Europe attire moins de 8 % des investissements en capacité de production. Dans son rapport de 2005 sur la compétitivité de l'Europe, l'Association européenne des semiconducteurs 38 ( * ) estime qu'entre 1998 et 2003, 9 % des capacités de production européennes ont été délocalisées vers d'autres régions.
Par ailleurs, les missions menées dans le cadre de cette étude en Asie et aux Etats-Unis montent que les soutiens dispensés par les concurrents de l'Europe au secteur de la microélectronique sont beaucoup plus massifs. En outre, ils s'inscrivent dans des stratégies lisibles établissant quelques priorités que les Etats s'engagent à privilégier par des crédits récurrents à moyen terme.
Un diagnostic similaire pourrait être dressé pour l'industrie française de la microélectronique.
Depuis le dernier rapport de votre rapporteur sur ce secteur adopté par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en janvier 2003, plusieurs réformes sont intervenues qui ont amélioré directement ou indirectement la compétitivité de l'industrie microélectronique française.
Ainsi, la création d'un réseau de grandes centrales de technologie et la mise à niveau de ses équipements, la mise en place de pôles de compétitivité mondiaux, l'instauration d'une agence nationale de la recherche pour financer des projets de recherche, la création de l'OSEO, la réforme du crédit impôt recherche sont autant de mesures visant à soutenir l'innovation, considérée comme un facteur clé de la compétitivité.
Néanmoins, la compétitivité de la France dans le secteur de la microélectronique est fragilisée à la fois par des éléments externes et des éléments internes.
Parmi les éléments externes figurent d'une part les distorsions de concurrence liées au soutien massif de cette industrie par les pays d'Asie et les Etats-Unis et, d'autre part, la hausse continue de l'euro par rapport au dollar depuis 2002.
Quant aux faiblesses internes, elles sont surtout liées à l'absence d'une politique industrielle volontariste dans le secteur des semiconducteurs , aux performances contrastées de la recherche publique et aux insuffisances constatées en matière de formation.
Il apparaît ainsi que si certaines mesures peuvent être prises au niveau national pour améliorer la compétitivité de la France dans le secteur des semiconducteurs, d'autres ne peuvent être envisagées qu'au niveau européen, voire mondial.
En effet, face à une industrie mondialisée dont le chiffre d'affaires s'élève à 256 milliards de dollars en 2007, la France, qui représente un marché de 2,7 milliards de dollars, pèse peu de poids pour imposer le respect de règles minimales de concurrence.
De même, le champion national STMicroelectronics, pourtant 5 ème producteur mondial de semiconducteurs avec un chiffre d'affaires de 10 milliards de dollars, ne représente que 4 % du marché mondial.
Quand on sait que STMicroelectronics doit être en mesure de consacrer près de 40 % de son chiffre d'affaire à des dépenses en R&D et en capital pour maintenir sa compétitivité, on comprend aisément qu'il cherche à nouer des alliances à la fois pour limiter ses coûts et atteindre une taille critique lui permettant de s'imposer sur un marché donné.
Cette recherche d'alliances est également indispensable au niveau étatique si la France souhaite, à travers l'Europe, influencer les règles du marché mondial.
I. SOUTENIR LE SECTEUR DE LA MICROÉLECTRONIQUE
A. LES PROPOSITIONS AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE
1. Mettre un terme à la surévaluation de l'euro par rapport au dollar
Le quasi doublement du prix de l'euro face au dollar depuis 2002 (passé de 0,81 $/€ à 1,56 $/€ en mai 2008) affecte fortement la compétitivité des sites français et européens.
Selon un responsable de STMicroelectronics, une variation de la parité $/€ de 1 cens coûte 27 millions d'euros à cette entreprise. En conséquence, la variation de la parité $/€ de 21 cens entre juin 2007 (1€ = 1.34$) et juin 2008 (1€ = 1.55$) a coûté 380 millions d'euros à STMicroelectronics.
A moyen terme, la poursuite de la baisse du dollar menace le maintien en Europe non seulement des capacités de production, mais également des centres de recherche.
Votre rapporteur plaide donc pour une action politique concertée au niveau européen afin de rééquilibrer la parité entre l'euro et le dollar dans un sens plus favorable à l'industrie européenne. Il souhaite rappeler que si la politique des taux d'intérêt est du ressort de la Banque Centrale Européenne, la politique de change est de la responsabilité du Conseil européen.
RECOMMANDATION N°1 : engager une action concertée au niveau du Conseil européen pour rééquilibrer la parité entre l'euro et le dollar afin d'assurer à l'industrie européenne des conditions de concurrence plus justes. |
* 38 ESIA : European Semiconductor Industry Association