N° 352
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 mai 2008 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD) , et le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense ,
Par M. Yves FRÉVILLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin , vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera. |
INTRODUCTION
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires est devenu un sujet essentiel depuis la forte dégradation de la disponibilité technico-opérationnelle (DTO) des principaux matériels observée à la fin des années 1990. Ce sujet a suscité de nombreux rapports, du Parlement 1 ( * ) et de la Cour des comptes 2 ( * ) en particulier, et d'importantes réformes ont été menées ou sont en cours de réalisation en ce domaine.
Votre rapporteur spécial a déjà consacré en 2005 un rapport d'information au service de soutien de la flotte, chargé depuis 2000 du MCO des bâtiments de la marine nationale 3 ( * ) . Il a souhaité, dans le présent rapport d'information, présenter un état des lieux du MCO aéronautique .
I. LE CONSTAT
A. ENVIRON UN AÉRONEF SUR DEUX EST EN ÉTAT DE REMPLIR SES MISSIONS
Le MCO de l'aéronautique de la défense coûte 3,5 milliards d'euros par an, et emploie près de 30.000 personnes.
1. Selon l'indicateur retenu par le gouvernement, le taux de disponibilité des aéronefs est inférieur à 60 %
Pourtant, le taux de disponibilité technico-opérationnelle (DTO) des aéronefs de la défense, dont la dégradation a été constatée dès 1996, et qui était remonté à plus de 60 % en 2005, a recommencé à diminuer, et est désormais inférieur à 60 %. Concrètement, cela signifie qu'environ un aéronef sur deux ne peut pas être mis en état, dans un délai de moins de 6 heures, de réaliser une des missions pour lesquelles il a été conçu.
En particulier, les objectifs de disponibilité ne sont pas atteints pour les avions de transport tactique de l'armée de l'air - essentiellement les C160 Transall -, le groupe aérien embarqué - à cause des Super-Etendard modernisés -, et les hélicoptères de transport de l'armée de terre. Cela est d'autant plus préoccupant que certains de ces objectifs de disponibilité avaient été revus à la baisse, en conséquence des faibles taux de disponibilité constatés.
2. En réalité, moins de la moitié des aéronefs « en parc » sont disponibles
Il suffit qu'un avion cesse d'être « en ligne », c'est-à-dire dans les unités, pour être exclu du calcul du ratio, tel que défini par le gouvernement. Ceci concerne par exemple les avions stockés ou en « maintenance lourde ».
Ainsi, comme cela est indiqué ci-après, même si l'on ne prend pas en compte le fait que de nombreux aéronefs considérés comme « disponibles » ne sont pas disponibles pour la totalité des missions qui leur sont théoriquement dévolues 4 ( * ) , sur la totalité des aéronefs « en parc » à un moment donné, c'est en réalité moins de la moitié qui sont disponibles.
B. PARADOXALEMENT, CE CONSTAT N'EST PAS EN SOI ANORMAL OU INQUIÉTANT
Ce constat a priori alarmant du faible taux de disponibilité des aéronefs doit cependant être tempéré par le fait que le taux de disponibilité des aéronefs militaires français ne paraît pas significativement différent de celui constaté dans les principales armées du monde. Par ailleurs, maintenir disponible la quasi-totalité du parc serait très coûteux, pour un gain opérationnel hypothétique.
En outre, la dégradation de la disponibilité observée depuis 2006 provient, en grande partie, de la résorption progressive du report de charges de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense ( SIMMAD ). Toutefois, si le besoin opérationnel s'en faisait sentir, il serait possible d'accroître à moyen terme la disponibilité des aéronefs en augmentant les moyens mis en oeuvre.
II. PRÉCONISATIONS ET PERSPECTIVES
A. PRÉCONISATIONS
Les véritables problèmes sont de deux ordres :
- l'âge excessif des principaux matériels ;
- la rationalisation encore incomplète du MCO aéronautique.
Ces deux problèmes appellent deux types de préconisations.
1. Remédier à une cause structurelle de la faible disponibilité : l'âge excessif des principaux matériels
Tout d'abord, les principales insuffisances en matière de disponibilité, indiquées ci-avant, concernent des matériels anciens, à la fiabilité décroissante et donc délicats à entretenir.
On rappelle que les avions ravitailleurs ont 45 ans, les hélicoptères de manoeuvre 30 ans, les avions de transport tactique et les Super-Etendard modernisés 28 ans. La faible disponibilité de ces aéronefs est donc d'autant plus préoccupante qu'elle ne provient pas seulement d'une insuffisance de moyens dévolus au MCO ou d'insuffisances en matière d'organisation du MCO, mais est également la conséquence structurelle de l'âge des matériels .
Le respect de la prochaine loi de programmation militaire doit donc être un objectif essentiel.
2. Poursuivre l'amélioration de l'organisation du MCO aéronautique
Ensuite, l'organisation du MCO aéronautique peut encore être améliorée.
Votre rapporteur spécial se félicite de la création, en 2000, de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), chargée de coordonner le MCO aéronautique, par un rôle de « maître d'ouvrage délégué ». Il faut cependant aller plus loin.
a) Economiser 6.000 emplois dans le cadre de la RGPP, grâce en particulier à la rationalisation du MCO « industriel »
En particulier, les opérations de MCO les plus « lourdes » doivent être réalisées au niveau dit « industriel », et non sur les bases aériennes. En effet, ces opérations exigent des matériels adaptés, afin d'être réalisées avec une productivité optimale.
C'est à cette fin qu'a été créé, en janvier 2008, le service industriel aéronautique (SIAé), auquel doivent être transférées les compétences industrielles des bases aériennes.
Ce transfert est la principale source d'économies prévues, en ce qui concerne le MCO, par la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui estime qu' environ 6.000 emplois, soit environ 200 millions d'euros par an, pourraient être économisés en ce qui concerne le MCO aéronautique.
b) Développer la gestion des pièces de rechange au niveau européen
En outre, votre rapporteur spécial juge nécessaire de développer la gestion des pièces de rechange au niveau européen.
Il craint néanmoins que l'on observe ces prochaines années un recul en ce domaine. En effet, si la gestion commune de pièces de rechanges a pu être la solution retenue par le passé, dans le cas des Jaguar et des Atlantic (ATL1), et si la France et l'Allemagne se prêtent des pièces de rechange de C160 Transall, rien de tel n'est décidé dans le cas des hélicoptères Tigre et NH90, ou de l'avion de transport tactique A400M.
Pour chacun de ces programmes en coopération, des projets de mise en commun des stocks sont toutefois à l'étude.
3. Améliorer l'indicateur de disponibilité
Il pourrait être utile de faire évoluer l'indicateur de disponibilité. Selon votre rapporteur spécial, l'indicateur de disponibilité le plus pertinent présenterait une double caractéristique :
- il serait défini en nombre d'appareils ;
- il serait différencié selon le délai de préavis.
B. QUELLES PERSPECTIVES EN MATIÈRE D'ÉVOLUTION DES COÛTS DU MCO AÉRONAUTIQUE ?
On peut enfin s'interroger sur les perspectives d'évolution du coût du MCO.
En effet, les aéronefs de la dernière génération sont plus coûteux à entretenir que ceux des générations précédentes. Certes, il ne paraît pas y avoir de risque d'« explosion » du coût du MCO : même si individuellement les nouveaux aéronefs coûteront plus cher, ils seront moins nombreux . Cependant, il n'est pas certain que ces phénomènes se compensent. Ainsi, la Cour des comptes 5 ( * ) a exprimé son scepticisme sur la prochaine réduction du coût unitaire d'entretien des nouveaux aéronefs, prévue par le gouvernement.
Une augmentation globale des besoins financiers pour le MCO ne semble donc pouvoir être exclue à ce stade.
LES PRINCIPALES PRÉCONISATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL1. Poursuivre la politique de rationalisation du MCO 6 ( * ) « industriel », en particulier grâce à la création du SIAé 7 ( * ) . 2. Développer la gestion des pièces de rechange au niveau européen. 3. Adopter un indicateur de disponibilité défini en nombre d'appareils et différencié selon le délai de préavis. 4. Donner au MCO les moyens financiers et humains nécessaires pour atteindre les objectifs, ou revoir les objectifs à la baisse. 5. Renouveler les matériels conformément à la prochaine loi de programmation militaire. |
I. LE COÛT ET LES RÉSULTATS DU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE (MCO) AÉRONAUTIQUE
A. LE MCO AÉRONAUTIQUE : PRÈS DE 30.000 PERSONNES, ET UN COÛT DE 3,4 MILLIARDS D'EUROS PAR AN
Les travaux de la mission de modernisation du MCO aéronautique (MMAé), mise en place en 2005 et placée sous la responsabilité de l'ingénieur général de l'armement Louis-Alain Roche, ont permis de déterminer le coût total du MCO aéronautique.
Ce coût a été en 2006 de l'ordre de 3,4 milliards d'euros , comme l'indique le tableau ci-après.
Le coût du MCO aéronautique (2006)
(en millions d'euros)
Les cases en grisé indiquent le total des moyens correspondant à la colonne concernée. Les flèches concernent des sommes qui sont redistribués au sein du dispositif.
* Programme 178 de la mission « Défense » (fonctionnement). ** Programme 178 de la mission « Défense » (investissement). *** Programme 146 de la mission « Défense ».
(1) DGA : délégation générale pour l'armement.
(2) SMA : service de la maintenance aéronautique, appartenant à la DGA jusqu'en janvier 2008, date de son intégration au nouveau service industriel aéronautique (SIAé), rattaché à l'armée de l'air.
(3) SIMMAD : structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense.
Source : commission des finances du Sénat, d'après la MMAé
1. L'armée de l'air correspond à la moitié des effectifs, la SIMMAD à la moitié des moyens financiers
Les effectifs totaux concourant au MCO sont de l'ordre de 28.000 personnes, comme cela ressort de la case A. Parmi ces effectifs, plus de la moitié concernent l'armée de l'air.
Les effectifs du MCO aéronautique (2006)
Source : commission des finances du Sénat, d'après la MMAé
Les coûts, de 3,4 milliards d'euros, correspondent à la somme des cases B, C, D et E. Ils consistent en quasi-totalité, et de manière à peu près égale :
- en des dépenses de personnel (case B) ;
- en des dépenses de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD) (case D).
Le coût du MCO aéronautique : présentation simplifiée (2006)
(en millions d'euros)
DGA : délégation générale pour l'armement. SMA : service de la maintenance aéronautique, appartenant à la DGA jusqu'en janvier 2008, date de son intégration au nouveau service industriel aéronautique (SIAé), rattaché à l'armée de l'air. SIMMAD : structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense.
Source : commission des finances du Sénat, d'après la MMAé
La SIMMAD, que l'on présentera ci-après plus en détail, est financée par chacune des quatre armées, à hauteur d'environ 1,5 milliard d'euros en 2006, dont environ 1 milliard d'euros pour l'armée de l'air. Elle répartit ensuite ce montant entre le service de la maintenance aéronautique (SMA) - appartenant à la DGA jusqu'en janvier 2008, date de son intégration au nouveau service industriel aéronautique (SIAé), rattaché à l'armée de l'air - pour environ 300 millions d'euros, le 1,2 milliard d'euros restant revenant à l'industrie privée.
Une partie des coûts, de l'ordre d'un demi-milliard d'euros, correspond à la partie initiale du MCO comprise dans les contrats de réalisation des opérations d'armement (case E), et gérée à ce titre par la délégation générale pour l'armement (DGA).
Les stocks de pièces de rechange sont de l'ordre de 16 milliards d'euros, soit l'équivalent de 10 années de fonctionnement de la SIMMAD. Ce montant est toutefois une valeur comptable brute ; la réelle valeur économique de ces stocks, pour partie très anciens, est bien inférieure. Par ailleurs, comme on le verra ci-après, le taux de rotation de ces stocks est très faible.
Les stocks de rechange aéronautique (2006)
(en millions d'euros)
Source : MMAé
* 1 Cf. en particulier les rapports de l'Assemblée nationale n° 3302 (XI ème législature) « L'entretien de la flotte : défis et perspectives » et n° 328 (XII ème législature) « L'entretien des matériels : un sursaut nécessaire ».
* 2 Cour des comptes, « Le maintien en condition opérationnelle des matériels des armées », rapport au président de la République, décembre 2004.
* 3 Rapport d'information n° 426 (2004-2005).
* 4 Par exemple, tous les aéronefs considérés comme disponibles ne disposent pas des équipements nécessaires en opération extérieure (OPEX).
* 5 Cour des comptes, « Le maintien en condition opérationnelle des matériels des armées », rapport précité au président de la République, décembre 2004.
* 6 Maintien en condition opérationnelle.
* 7 Service industriel aéronautique.