C. UN BESOIN DE TRANSPARENCE DANS LA RÉMUNÉRATION DES SPORTIFS
Chargé par M. Jean-François Lamour, alors ministre de la jeunesse et des sports, de rédiger un rapport sur le sport professionnel en France 5 ( * ) , M. Jean-Pierre Denis, alors inspecteur des finances, a bien décrit les conditions parfois « abusives » régissant, en 2003, l'exploitation de l'image des sportifs professionnels.
Selon ce rapport, les clubs professionnels, notamment de football ou de rugby, procédaient principalement de deux façons :
- soit en fournissant une partie de la rémunération de leurs joueurs sous forme d'honoraires versés à des sociétés chargées d'exploiter leur image ;
- soit en constituant directement des sociétés dont la vocation était de gérer l'image de leurs joueurs. La rémunération des intéressés s'effectuait alors grâce aux moyens dégagés par la société auprès de sponsors qui bénéficiaient, en contrepartie, du droit d'utiliser l'image des sportifs.
L'auteur relevait que la relative opacité de ces mécanismes pouvait conduire certains joueurs à ne pas déclarer intégralement ces revenus complémentaires. De plus, il exprimait de sérieux doutes quant à la sécurité juridique de ces dispositifs, relevant l'existence d'un risque de voir requalifiés les montants versés aux joueurs en salaires soumis aux charges sociales , au motif que les redevances de droit d'image pouvaient être jugées « non détachables » de l'activité salariée 6 ( * ) .
Sur ce dernier aspect, le rapport de M. Jean-Pierre Denis constatait que « la seule façon de valoriser l'image d'un joueur, avec un minimum de sécurité juridique, [était] d'isoler la gestion de ses droits d'image dans une structure ad hoc (une société de capitaux qu'elle qu'en soit la forme) en veillant à ce que :
« - la rémunération en cause n'émane pas du club employeur du joueur. Elle doit être versée par des sponsors, qui peuvent être ceux du club, dans le but de promouvoir leur propre activité commerciale ;
« - les redevances acquittées par les sponsors soient versées à la société et non au sportif lui-même ».
De telles méthodes présentaient de forts inconvénients. D'une part, leur complexité pouvait dissuader certains sportifs professionnels. D'autre part, elles aboutissaient à externaliser une partie de la rémunération des sportifs , grâce aux sponsors, qui n'apparaissait donc plus dans la comptabilité des clubs sportifs soumis à la vérification des différentes instances de contrôle de gestion relevant des ligues professionnelles.
De surcroît, le non établissement de règles claires entre les clubs et leurs sponsors pouvait aboutir à un niveau de salaire réduit au minimum, au détriment de la couverture sociale des sportifs .
Enfin, une telle approche réservait l'avantage de la formule aux seuls sportifs salariés qui intéressent personnellement les sponsors, c'est-à-dire en France à quelques dizaines de professionnels à très forte notoriété , toutes disciplines confondues. Or, comme le relevait l'auteur du rapport, l'image des clubs est façonnée collectivement par l'ensemble de leurs joueurs et il n'était donc pas satisfaisant que chacun ne puisse bénéficier d'un tel droit.
* 5 Rapport IGF 2003-M-066-01 sur certains aspects du sport professionnel en France par M. Jean-Pierre Denis, novembre 2003.
* 6 M. Jean-Pierre Denis expliquait même que les administrations sociales allaient jusqu'à considérer que les rémunérations versées aux sociétés chargées d'exploiter les droits d'image étaient nécessairement liées au contrat de travail. Il citait, à cet égard, la circulaire du ministre du travail sur la situation des sportifs au regard de la sécurité sociale, en date du 28 juillet 1994, aux termes de laquelle les rémunérations en cause étaient automatiquement « versées, sinon en contrepartie, du moins à l'occasion du travail et [devaient] donc être assujetties à cotisations, en application des articles L. 1 et L. 136-2-I et II du code de la sécurité sociale », et ajoutant que « l'existence d'une société écran ne [pouvait] faire échec à ce principe ».