CONCLUSION
A la lumière des investigations conduites sur plus de deux années à l'aide de la littérature scientifique disponible et de l'audition de près de quatre-vingt-dix personnes réputées les plus autorisées en la matière, la question des risques engendrés par les substances chimiques d'usage courant, dont les éthers de glycol et les polluants de l'air intérieur, apparaît comme devant être une réelle préoccupation de santé publique .
Pour y faire face, il s'agit de recueillir les connaissances sur des substances et des produits avant que ceux-ci, du fait de certains dangers qu'ils recèlent, ne fassent courir des risques pour la génération qui les utilise et parfois même pour sa descendance. La recherche et la veille sont indispensables. La qualité de l'expertise qui renseigne les pouvoirs publics qui arbitrent, doit être très minutieusement protégée et sans cesse améliorée. Les chercheurs, les industriels, les responsables politiques, les éducateurs, les journalistes, les citoyens et les consommateurs ont tous leur rôle à jouer.
A partir d'exemples français et étrangers, des enseignements tirés des erreurs commises, des alertes restées sans écho, des occasions manquées, des recherches négligées tandis que des catastrophes sanitaires se produisaient par ailleurs, il faut accepter de toujours remettre en question les manières de procéder pour que le développement durable soit d'abord au service de la santé .
La connaissance est une chose, la prévention qui en découle peut souvent permettre d'atteindre certains bons résultats mais le recours, toujours plus rapide et sans cesse accru, à de nouveaux produits, leurs interactions, le confinement toujours plus prononcé de l'existence de l'homme moderne dans des lieux clos, à l'air chargé d'émissions nocives, son action polluante sur l'air extérieur, conduisent à recommander de passer d'une culture de la prévention à une culture de la précaution au service de tous et, pour y parvenir, partagée par tous.
La nébuleuse des organismes actuels, aux statuts, modes de travail, budgets et tutelles tous différents, aux missions tantôt superposées, tantôt de champ trop restreint, appelle simultanément à une rationalisation de l'édifice , non pas pour réaliser des économies, mais pour donner ressources humaines et moyens au champ fragile de la santé environnementale.
La rénovation de la démarche et des instruments appelle une loi de clarification et d'encadrement de l'expertise .
Cette loi devra être l'occasion d'un vrai débat sur la séparation des rôles, les garanties de déontologie de l'expertise (Haute autorité ?) et les moyens que se donne la société pour protéger la santé de tous.
Corrélativement, ce sera l'opportunité d'une protection législative du lanceur d'alerte , vigie plus ou moins avisée mais qui ne doit en aucun cas devenir la victime expiatoire de la mauvaise nouvelle qu'elle fut la première à connaître.
Au terme de ses travaux, quoique ayant écarté du champ du présent rapport les aliments, l'eau distribuée par le réseau, les médicaments et les ondes électromagnétiques et après avoir fondu en une seule saisine celle relative aux éthers de glycol et celle relative aux substances chimiques d'usage courant, tout en assortissant son étude d'une cible, à savoir l'air intérieur, et d'une ambition élevée, celle d'expertiser l'expertise, l'OPECST a tenté d'embrasser un champ demeuré immense. C'est pourquoi les questions abordées n'ont pas toutes pu recevoir des réponses approfondies. Cela rappelle que si la complexité du réel constitue un éternel objet d'étude, elle ne peut être ramenée à quelques idées trop simples.
Loin de délivrer une vérité en quelques propositions oubliées en quelques mois, l'Office a tenté d'élaborer un rapport d'un type nouveau dont le tome « auditions » devrait être une source d'informations pour tous. Et cela grâce à la juxtaposition des points de vue avisés des personnes entendues, à la liste d'une centaine de sites Internet de qualité sur la santé et l'environnement permettant de retrouver les références les plus précises et offrant au lecteur la possibilité de procéder lui-même aux auditions complémentaires qu'il désire, se forgeant ainsi une opinion, puisque, après tout, c'est de sa santé qu'il s'agit.
Le présent rapport a pour ambition de montrer les oppositions et les convergences des intérêts des acteurs en cause. Les industriels ont tous protesté de leur désir de bien faire, de ne pas nuire à la santé et même d'oeuvrer pour son bien dans un contexte de plus en plus difficile pour leur compétitivité. La réglementation n'a cessé d'évoluer pour corriger les erreurs commises et fixer des caps plus ambitieux à atteindre dans de meilleures conditions. Mais, face à cela, de nombreux signes de troubles de la santé ont été relevés, parfois particulièrement inquiétants : le grand nombre de substances chimiques présentes dans le sang du cordon ombilical puis dans le sang de tout adulte , comme aussi l'augmentation des malformations uro-génitales , comme encore la présence de perturbateurs endocriniens , comme enfin la répétition anxiogène des alertes sur la santé qui semblent toujours arriver trop tard alors que les messages diffusés par tous les canaux à l'adresse des consommateurs des sociétés industrialisées ne sont qu'optimisme et promotion d'un monde sans soucis.
C'est pourquoi, au terme de ce tour d'horizon, et l'esprit en éveil face à l'acuité de ces préoccupations, l'Office a proposé une vingtaine de recommandations , allant d'orientations générales à des suggestions extrêmement concrètes de nature à améliorer la vie quotidienne.
A l'heure où il est promis que les conclusions du « Grenelle de l'environnement » seront traduites dans la réalité, le travail de fond de l'Office, entamé bien avant celui du Grenelle et fini juste après ses débats - mais conduit avec des moyens infiniment plus modestes -, témoigne de nombreuses convergences et peut permettre de nourrir en profondeur quelques idées retenues lors de la vaste négociation de la fin de l'été 2007.
Cela sera rendu possible grâce au relais des parlementaires , à leur écoute vigilante des évolutions préoccupantes liant la santé et l'environnement, pour que celles-ci ne soient plus synonymes d'inquiétude, d'occasions manquées et de victimes à déplorer mais de choix lucides et de responsabilités assumées. Le temps est venu de réconcilier, dans l'esprit de certains scientifiques, le principe de précaution et les capacités d'innovation.