II. LES CONDITIONS DE RACHAT PAR L'ETAT, DU MÊME IMMEUBLE, POUR LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Le rapport précité de l'inspection générale considère que « l'opération de rachat de l'immeuble Gutenberg par l'Etat pour y regrouper des services parisiens du ministère des affaires étrangères n'a pas fait apparaître de dysfonctionnement significatif », en raison du professionnalisme des gestionnaires du Quai d'Orsay et du rôle essentiel joué dans la négociation par France Domaine. Certes, le prix payé - 325 millions d'euros - lié pour partie à la volonté de conclure avant les élections, et la « position de force » dans laquelle se trouvait Carlyle, qui n'avait pas encore acquitté la clause de complément de prix, apparaît plus élevé que l'évaluation initiale des domaines (305 millions d'euros).

Mais c'est à bon droit que les responsables du Quai d'Orsay et de France Domaine ont pu montrer que l'opération apparaissait exemplaire du point de vue de la politique immobilière voulue par le gouvernement : le prix de l'acquisition est plus que compensé par le produit de cessions d'immeubles détenus par le ministère des affaires étrangères.

Bilan dépenses/recettes liés à l'acquisition de l'immeuble de la rue de la Convention

(en millions d'euros)

Dépenses

Recettes

Acquisition immeuble Convention

325,0

Vente principale Kléber (encaissé)

404,0

TVA sur l'acquisition

63,7

Vente 103 rue de l'Université (encaissé)

9,9

Frais administratifs

1,0

Transfert 244 Bd Saint Germain au MEDAD (2008)

96,3

Vente rue Monsieur

142,0

Travaux d'adaptation Convention

30,0

Loyers intercalaires TTC

39,0

Vente rues Talleyrand/Lowendal (2008)

n.c.

Vente Bd des invalides

n.c.

Total (provisoire)

458,7

Total (provisoire)

652,2

Source : ministère des affaires étrangères et européennes

Il faut cependant évoquer les hésitations du ministère des affaires étrangères entre 2004 et 2007 qui l'ont conduit, tour à tour, à envisager la constitution d'un site unique , impliquant la vente de l'immeuble du Quai d'Orsay, puis la constitution de deux sites parisiens , avec le maintien des bureaux du ministre, de son cabinet et des salons de réception au Quai d'Orsay. On peut également s'étonner du manque de transparence des responsables du ministère des affaires étrangères, lors de leur audition du 12 décembre 2006, devant le conseil immobilier de l'Etat, qui n'ont à aucun moment évoqué le projet d'acquisition déjà bien avancé de l'immeuble de la rue de la Convention. Le président du conseil de l'immobilier de l'Etat a d'ailleurs écrit le 23 mars 2007 au Premier ministre pour exprimer ses préoccupations quant aux conditions d'achat de l'immeuble sans obtenir à ce stade de réponse.

Certains travaux menés par l'Assemblée nationale 6 ( * ) soulignent que l'immeuble de la rue de la Convention conférerait aux services du ministère des affaires étrangères une surface utile nette de 15,7 m² par agent, contre une cible pour la politique immobilière de l'Etat de 12 m² de surface utile nette par agent. Ils tendent à penser que l'immeuble ne pourrait abriter de centre de conférences internationales, ce qui conduirait le ministère des affaires étrangères à envisager une nouvelle acquisition. Malgré ces observations qu'il conviendra d'approfondir, le projet immobilier du Quai d'Orsay n'apparaît pas critiquable sur un plan financier, bien au contraire.

Il est le symptôme d'une banalisation des choix immobiliers d'un ministère qui a parfois, dans le passé, versé dans les excès du « beau geste architectural » et d'une politique de grandeur immobilière.

CHRONOLOGIE DE l'ACHAT DE l'IMMEUBLE DE L'IMPRIMERIE NATIONALE PAR LE QUAI D'ORSAY

- juin 2004 - mi 2005 : projet de relocalisation des 11 implantations parisiennes du Quai d'Orsay sur un site unique, à l'initiative de Michel Barnier. Annonce par M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre du choix de l'ancien hôpital Saint Vincent de Paul ;

- juin 2005 : M. Jean-Paul Véziant, ambassadeur en Ukraine, mais alors chargé du projet de site unique, propose de substituer au projet de site unique un projet à deux sites (dont l'immeuble « historique et prestigieux » du Quai d'Orsay) ;

- printemps 2006 - fin octobre 2006 : phase de recherche selon ce nouveau scénario ;

- 14 novembre 2006 : hypothèse de l'immeuble de l'Imprimerie nationale retenue à Matignon, confirmée dans un courrier 3 jours plus tard ;

- accélération de la négociation afin de tenir compte des échéances électorales ;

- 28 février 2007 : signature par le Premier ministre d'une circulaire sur la réforme de la gestion immobilière de l'Etat ;

- mars 2007 : évaluation du prix de l'immeuble rue de la Convention par le cabinet conseil Stratégies et Corp ;

- fin mars - mi avril 2007 : vente de l'immeuble de l'avenue Kléber-Lapérouse : 404 millions d'euros ;

- 23 mars 2007 : courrier du président de conseil immobilier de l'Etat au Premier ministre pour faire part de ses préoccupations sur les conditions de rachat de l'immeuble de l'imprimerie nationale et la plus-value pour Carlyle qui en résulterait. Aucune réponse ne lui a été transmise à ce jour ;

- 13 avril 2007 : évaluation des domaines : 300 millions d'euros ;

- 16 avril 2007 : promesse de vente. 325 millions d'euros HT. Le vendeur demandait 345 millions d'euros, France Domaine qui négocie le rachat propose 305 millions d'euros ;

- 18 juin 2007 : signature de l'acte de vente authentique ;

- depuis, vente de l'immeuble de la rue Monsieur, pour 142 millions d'euros ;

- travaux en cours dans l'immeuble rue de la Convention (pour environ 30 millions d'euros). Déménagement prévu en octobre/novembre 2008.

Source : rapport de M. Philippe Dumas, inspecteur général des finances et commission des finances du Sénat

* 6 Rapport n° 276 (XIII ème législature), annexe 48, de notre collègue député Yves Deniaud, sur le projet de loi de finances pour 2008 : mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

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