2. Le recouvrement sur l'adversaire du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle
La mécanique de l'AJ, définie par la loi précitée du 10 juillet 1991, comporte également un dispositif de recouvrement sur l'adversaire du bénéficiaire de l'AJ, en cas de succès de ce dernier en justice et si son adversaire ne bénéficie pas lui-même de l'AJ .
Ce recouvrement peut intervenir sur l'initiative soit de l'avocat (et des auxiliaires de justice), soit, d'office, de l'Etat.
L'article 37 de la loi précitée du 10 juillet 1991 prévoit, en son premier alinéa, que « les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre ».
Son deuxième alinéa ajoute que « en toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès , et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ».
Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose alors d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée.
S'il recouvre cette somme, l'avocat renonce à percevoir le montant de l'AJ versé par l'Etat . S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de ce montant.
Au total, l'avocat voulant recouvrer ses honoraires et ses frais sur l'adversaire de son client doit donc présenter des conclusions dans ce sens au juge qui se prononcera sur cette demande.
En pratique, l'avocat fait cependant assez peu fréquemment ce choix . En effet, il redoute souvent une application trop parcimonieuse de cette disposition par le juge et ne veut pas courir le risque de se voir octroyer une somme trop faible au regard du coût de sa mission. En outre, il craint de ne pas pouvoir recouvrer in fine la somme allouée par le juge auprès de l'adversaire de son client.
Ces freins le conduisent, dans la plupart des cas, à préférer le paiement par l'AJ .
L'article 43 de la loi précitée du 10 juillet 1991 prévoit, quant à lui, que « lorsque la partie condamnée aux dépens ou la partie perdante ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat, à l'exclusion des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police . Toutefois, pour des considérations tirées de l'équité ou de la situation économique de cette partie, le juge peut la dispenser totalement ou partiellement de ce remboursement ».
Malgré une sensibilisation accrue des acteurs de ce recouvrement au cours des dernières années, les montants recouvrés au titre de l'article 43 apparaissent cependant très insuffisants . En 2004 et 2005, ils n'ont représenté que, respectivement, 11,4 millions d'euros et 11,5 millions d'euros, pour un montant théorique maximal estimé à 20 millions d'euros 49 ( * ) .
Parmi les raisons invoquées par les juridictions pour expliquer ce faible niveau de recouvrement, l'insuffisance des effectifs dédiés à cette tâche est avancée, tout comme le manque de temps lié à la nécessité d'accorder la priorité à d'autres missions et la lourdeur de la procédure 50 ( * ) . Ainsi, en 2005, près de 30 % des TGI n'ont émis aucun titre de recette pour actionner ce recouvrement 51 ( * ) ( cf. infra , partie III-E).
* 49 Rapport de la mission d'audit de modernisation sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle (février 2007).
* 50 Au cours de cette procédure, les acteurs sont nombreux : le BAJ, le greffier en chef ou le greffier, le magistrat, le SAR et le Trésor.
* 51 Rapport de la mission d'audit de modernisation sur le recouvrement de l'aide juridictionnelle (février 2007).