2. La très forte progression de l'aide juridictionnelle « totale »
Comment s'explique la dynamique d'ensemble de l'AJ ? L'examen de l'évolution de l'AJ totale apporte un éclairage essentiel sur les raisons de la croissance du nombre des admissions à l'AJ .
Par ailleurs, l'étude du nombre d'admis à l'AJ totale permet non seulement d'apporter une explication quantitative s'agissant de la tendance à la hausse observée depuis 1991, mais elle offre aussi une approche plus qualitative du bilan de la loi précitée du 10 juillet 1991, de par le public concerné par l'AJ totale ( cf. supra partie I-C-1).
Le graphique ci-dessous décrit l'évolution des admissions à l'AJ totale depuis 1991.
La situation de départ correspond à un nombre d'admis à l'AJ totale de 302.986 en 1991 . Ce volume d'AJ totale s'inscrit encore dans la logique du système de la loi de 1972.
Il connaît une très forte augmentation sur les deux premières années d'entrée en vigueur de la loi de 1991, pour atteindre finalement 442.991 bénéficiaires fin 1993 , soit une hausse de + 46,2 % entre 1991 et 1993 25 ( * ) .
La croissance du nombre de décisions d'admission prononcées se poursuit à un rythme soutenu entre 1994 et 1997 : + 14 % en 1994, + 12,1 % en 1995, + 2,9 % en 1996 et + 6,5 % en 1997 (pour 709.606 bénéficiaires de l'AJ totale cette année là).
La tendance s'inverse entre 1998 et 2001 avec une très légère décrue (- 1,3 % en 1998, - 0,1 % en 1999 et - 1 % en 2000), plus marquée toutefois en 2001 (- 5,8 %).
Le mouvement à la hausse reprend cependant dès 2002 avec une augmentation de + 4,7 % du nombre d'admissions (soit un montant total en fin d'année de 688.637). Le rythme s'accélère en 2003 et 2004 avec une progression, respectivement, de + 10,9 % et de + 10,8 %. En 2005, l'augmentation est encore de + 6,7 % pour un nombre total d'admissions de 783.690.
L'année 2006 s'inscrit dans le prolongement de cette tendance avec une hausse de + 2 % du nombre des admissions qui atteint 799.153 bénéficiaires de l'AJ totale 26 ( * ) .
Au final, l'AJ totale aura connu une progression de + 163,8 % entre 1991 et 2006 .
3. L'aide juridictionnelle « partielle » : demi-succès ou demi-échec ?
Après l'étude de l'évolution du nombre des admissions à l'AJ (totale et partielle) et à l'AJ totale, l'examen de la courbe de croissance de l'AJ partielle ne peut pas surprendre . L'AJ partielle correspond en effet, mathématiquement, au complément ajouté à l'AJ totale pour atteindre le nombre des bénéficiaires à l'AJ quelque soit sa nature.
Le graphique ci-dessous décrit l'évolution des admissions à l'AJ partielle depuis 1991.
L'analyse de la hausse de l'AJ partielle révèle une progression plus « linéaire » que celle de l'AJ totale . Entre 1991 et 2006, l'AJ partielle a constamment augmenté, à l'exception de l'année 2001 où elle a enregistré une baisse de - 6,1 % du nombre de ses admissions.
Alors qu'en 2001 elle comptait 45.601 bénéficiaires, elle en dénombre désormais, à fin 2006, 105.379 27 ( * ) , soit une augmentation de + 131,1 % sur la période .
En 2001, dans son rapport sur la réforme de l'accès au droit et à la justice 28 ( * ) , M. Paul Bouchet parlait de « l'échec de l'aide juridictionnelle partielle ». Il constatait notamment que « le nombre de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle partielle est limité, correspondant à environ 15 % du nombre de bénéficiaires de l'aide totale (93.000 bénéficiaires pour l'aide partielle, 606.000 pour l'aide totale en 2000) alors que le nombre de ménages couverts peut être évalué de façon grossière à 71 % de celui des ménages entrant dans le champ de l'aide totale ».
Six ans plus tard, le constat chiffré n'a guère évolué pour ce qui est de la part de l'AJ partielle dans l'ensemble des admissions à l'AJ . Le graphique ci-dessous fournit un élément de comparaison entre la situation existante en 1991 et celle prévalant aujourd'hui. On constate que la part de l'AJ partielle dans le nombre total des admissions reste limitée dans le temps.
Comparaison du poids de l'aide totale et de l'aide partielle dans les admissions en 1991 et 2006 |
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1991 |
2006 |
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Source : répertoire de l'aide juridictionnelle - Sous-direction de la statistique, des études et de la documentation |
Pour autant, le bilan de l'AJ partielle doit probablement être nuancé et, alors que le rapport Bouchet préconisait la suppression de cette aide (au profit d'une aide totale améliorée), il convient assurément de préserver ce « filet de sécurité » .
Sa progression entre 1991 et 2006 (+ 131,1 %) témoigne, tout d'abord, d'une demande bien réelle. Son niveau en valeur absolue (105.379 bénéficiaires à fin 2006) impose, en outre, une approche prudente au vu du nombre important de justiciables concernés. Enfin et surtout, les auditions que votre rapporteur général a pu mener au cours de sa mission l'ont conforté dans sa conviction qu' en matière d'accès à la justice les « effets de seuil » doivent être tempérés le plus possible, au risque d'introduire un clivage doublé d'une profonde frustration entre « ceux ayant droit » à la prestation et une classe moyenne exclue brutalement du bénéfice d'aide et de soutien . Or, précisément, le mécanisme de l'AJ partielle permet de limiter une douloureuse fracture en la matière.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial souhaite souligner que s'il y a bien une croissance très forte des admissions à l'AJ depuis 1991 (+ 159,5 %), cette tendance résulte beaucoup plus de l'AJ totale que de l'AJ partielle . En effet, non seulement la première à augmenté dans des proportions supérieures à la seconde (+ 163,8 % contre + 131,1 %), mais son poids est beaucoup plus important dans le nombre total des admissions prononcées au titre de l'AJ.
* 25 Les séries statistiques fournies à votre rapporteur spécial par les services de la Chancellerie ne permettent pas d'isoler, respectivement, les années 1992 et 1993.
* 26 Données provisoires en cours de consolidation.
* 27 Données provisoires en cours de consolidation.
* 28 « La réforme de l'accès au droit et à la justice », rapport à Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice, de M. Paul Bouchet, Documentation française (2001).