ANNEXE 1 : LETTRE EN DATE DU 26 JUILLET 2007, DE M. ERIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, À M. JEAN ARTHUIS, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES

ANNEXE 2 : COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT SUR LE RECOUVREMENT DES AMENDES ET DES CONDAMNATIONS JUDICIAIRES

Rapport consultable au format pdf

PA 48835

COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION DU SENAT

article 58-2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances - articles L. 132-4 et L. 135-5 du code des juridictions financières

LE RECOUVREMENT DES CREANCES DE CONTROLE FISCAL

ET LE RECOUVREMENT CONTENTIEUX DES AMENDES ET DES

CONDAMNATIONS JUDICIAIRES

INTRODUCTION

Le président de la commission des finances du Sénat avait demandé à la Cour des comptes la réalisation d'une enquête portant sur le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires, en application des dispositions de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

L'enquête s'est déroulée auprès des trois directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI) oeuvrant au recouvrement des recettes régaliennes, la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ainsi qu'auprès de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice.

Antérieurement, la Cour avait mené une enquête pour répondre à une question du Sénat sur le budget de 2000, notamment à propos du taux de recouvrement des recettes fiscales et non fiscales. Une enquête avait aussi été conduite sur la direction des grandes entreprises au sein de la direction générale des impôts. Elle avait été suivie d'un référé au ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie daté du 16 avril 2004, ensuite transmis à la commission des finances du Sénat.

*

Au plan financier, quelques chiffres montrent l'importance de l'enjeu.

Le montant total des droits redressés au titre du contrôle fiscal par la direction générale des impôts et par la direction générale des douanes et des droits indirects s'est établi à 12 milliards d'euros environ en 2004 3 ( * ) . Le montant des recettes encaissées s'est élevé à 4 milliards d'euros en 2004.

Les effectifs employés au recouvrement de ces créances par les deux directions précitées et par celle de la comptabilité publique peuvent être évalués à plusieurs milliers de personnes. Ainsi, à la direction générale des impôts, environ 16 000 agents 4 ( * ) employés dans les services des impôts des entreprises se consacraient-ils, au moins en partie, au recouvrement, au 31 décembre 2005. A la direction générale des douanes, le nombre d'agents affectés au recouvrement est de l'ordre de 780 « Equivalents-Temps-Plein-Travaillé ». Enfin, à la direction générale de la comptabilité publique, le nombre d'agents affectés exclusivement au recouvrement des contrôles fiscaux n'a pas pu être déterminé précisément mais l'enquête réalisée par la DGCP à la demande de la Cour sur les effectifs au 31 décembre 2005 a permis de dégager les chiffres suivants : 794 agents de catégorie A et 3 846 agents de catégorie B et C sont affectés dans les trésoreries au traitement du recouvrement contentieux.

En ce qui concerne les créances d'amendes et de condamnations judiciaires, en 2005, le Trésor public a pris en charge 11,4 millions de titres exécutoires représentant un montant de 1,69 milliard d'euros de droits constatés. Le montant recouvré en 2006 sur les prises en charge de 2005 s'est établi à 506 millions d'euros.

Au delà de leur importance financière, la qualité du recouvrement des créances de contrôle fiscal est un élément essentiel de l'efficacité de la politique fiscale et la qualité du recouvrement contentieux des amendes est une condition majeure de l'efficacité de la politique pénale, ce dont les responsables de ces deux politiques ont pris dans les dernières années une conscience croissante.

Le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires présentent un certain nombre de caractéristiques communes.

Tout d'abord, ils relèvent du même programme budgétaire et contribuent au même objectif de performance.

Les deux recouvrements sont financés par les crédits du programme budgétaire intitulé « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » 5 ( * ) . Ils concourent à l'objectif de performance intitulé « Renforcer la lutte contre la fraude fiscale et le recouvrement offensif des impôts et amendes » .

Cet objectif comprend trois indicateurs, parmi lesquels deux portent respectivement sur le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires. Ce sont :

- le taux brut de recouvrement DGI et DGCP en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal,

- le taux de recouvrement contentieux des amendes et condamnations pécuniaires.

Ensuite, les deux types de recouvrement constituent des « recouvrements forcés » et, par nature, leur mise en oeuvre présente des difficultés.

Le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires constitue un « recouvrement forcé » au sens du décret portant règlement général sur la comptabilité publique 6 ( * ) .

Pour sa part, le recouvrement des créances de contrôle fiscal peut être considéré comme un recouvrement fiscal forcé dans la mesure où il débouche sur deux sanctions : des pénalités accompagnant le recouvrement des droits constatés et, le cas échéant, une proposition de sanction pénale.

Toutes ces créances sont par nature difficiles à recouvrer : la prise en charge est alourdie par l'origine particulière des créances de contrôle fiscal, d'une part, et par la nature contentieuse des créances d'amendes, d'autre part.

Dans les deux cas, le taux de recouvrement est assez faible, moins de 40% mais le montant des recouvrements constitue un enjeu non négligeable tant en termes financiers que pour l'efficacité globale de la politique fiscale d'une part, de la politique pénale de l'autre.

Cependant, les créances de contrôle fiscal et les créances d'amendes et de condamnations judiciaires présentent de sensibles différences.

En premier lieu, s'il s'agit dans les deux cas de recettes régaliennes, elles n'en sont pas moins de nature différente.

Le contrôle fiscal porte sur l'ensemble des impôts et taxes, droits directs et indirects, qui constituent des recettes régaliennes par excellence.

Les amendes constituent aussi des produits régaliens, au sens de la norme n° 3 du Recueil des normes comptables de l'État 7 ( * ) . En revanche, leur nature diffère.

En effet, parmi les amendes, la norme comptable n°3 distingue celles payées spontanément de celles recouvrées à la suite de l'émission d'un titre de perception. Les amendes payées spontanément concernent le dispositif des « amendes forfaitaires » 8 ( * ) , en vertu duquel, si le contrevenant règle spontanément 9 ( * ) , l'action publique est éteinte. A défaut de paiement 10 ( * ) dans le délai de 45 jours, les amendes forfaitaires sont majorées de plein droit et recouvrées au profit du Trésor public. Par conséquent, les amendes forfaitaires majorées, sont constitutives de sanctions pénales et relèvent du champ de ce rapport alors que les amendes forfaitaires en sont exclues. Les condamnations judiciaires constituent toutes des sanctions pénales.

En second lieu, les créances de contrôle fiscal et les créances d'amendes et de condamnations judiciaires sont produites par des services administratifs différents.

Les créances de contrôle fiscal sont produites, à l'instar des recettes fiscales, par les services d'assiette relevant soit de la direction générale des impôts (DGI), soit de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

Les peines d'amendes forfaitaires majorées (AFM) sont prononcées par les officiers du ministère public relevant, sur le plan administratif, du ministère de l'intérieur tandis que les autres condamnations pécuniaires sont prononcées par les juridictions de proximité et par les tribunaux.

En 2004, 10,6 millions de peines d'amendes et de jours-amendes ont été prononcées, parmi lesquelles 9,9 millions de peines d'amendes forfaitaires majorées décidées par les officiers du ministère public (soit 93 % du total), selon l'Annuaire statistique de la Justice (édition 2006).

Enfin, les conditions de prise en charge des créances par les comptables diffèrent dans les deux recouvrements.

Le recouvrement des créances d'amendes et de condamnations judiciaires est effectué par le réseau du Trésor public.

En revanche, les créances issues du contrôle fiscal sont recouvrées par les trois réseaux de comptables du ministère des finances, selon la répartition décrite dans le tableau ci-dessous.

Les directions générales du MINEFI chargées du recouvrement du contrôle fiscal

Impôts

(DGI)

Comptabilité publique

(DGCP)

Douanes et droits indirects

(DGDDI)

- Impôt sur les sociétés

- T.V.A.

- Impôt de solidarité sur la fortune

- Droits d'enregistrement et de timbre

- Taxe sur les salaires

- Impôt sur le revenu

- Impôts locaux

- Droits de douanes

- Taxe intérieure sur les produits pétroliers

- T.V.A.

Ainsi, malgré des éléments communs et en dépit du concours qu'ils apportent au même objectif de performance, le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et condamnations judiciaires présentent des caractéristiques suffisamment distinctes pour que les deux catégories soient abordées séparément dans la suite de ce rapport.

PARTIE I : LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES DE CONTRÔLE FISCAL

I. LA PLACE DU RECOUVREMENT DES CRÉANCES DE CONTRÔLE FISCAL DANS LES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES DES TROIS DIRECTIONS

Afin d'impulser un mouvement de réforme dans son réseau, la direction générale des impôts a été la première direction du ministère des finances à mettre en place un contrat d'objectifs et de moyens, fin 1999. Trois contrats se sont succédés, dont le contenu a préfiguré les projets annuels de performance instaurés par la LOLF 11 ( * ) ; ils permettent de situer la place du recouvrement des créances de contrôle fiscal dans les orientations stratégiques de la DGI.

Le renforcement du civisme fiscal 12 ( * ) constitue une orientation stratégique de la DGI, à la réalisation de laquelle concourt la lutte contre la fraude fiscale réalisée au moyen des contrôles fiscaux.

Le contrôle fiscal comporte trois finalités, rappelées dans les contrats de performance successifs :

- sanctionner les comportements les plus frauduleux (finalité répressive),

- consolider le civisme fiscal de tous les contribuables (finalité dissuasive),

- recouvrer avec rapidité et efficacité l'impôt éludé (finalité budgétaire).

Le contrat d'objectifs et de moyens 2000-2002 associait déjà un indicateur à chaque finalité. Ainsi, la finalité budgétaire est-elle mesurée par le taux de recouvrement des créances issues du contrôle fiscal externe, indicateur muni d'une cible chiffrée.

Dans le premier contrat, la direction générale des impôts donnait priorité à la finalité répressive ; il s'agissait de lutter contre la grande fraude et l'économie souterraine. Les contrats suivants ainsi que les plans annuels de performance 2006 et 2007 témoignent d'un rééquilibrage entre les finalités. En 2006, 64 % des opérations de contrôle fiscal externe ont relevé de la finalité budgétaire, qui contient le plus fort enjeu de recouvrement, selon la DGI.

La direction générale de la comptabilité publique (DGCP) partage avec la DGI l'objectif d'amélioration du taux de recouvrement après contrôle fiscal externe. Cet indicateur figure dans ses contrats pluriannuels de performance 2003-2005 et 2006-2008, en ce qui concerne le recouvrement des redressements d'impôt sur le revenu.

La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) a, quant à elle, décidé de ne pas inscrire l'amélioration du recouvrement forcé fiscal au nombre des objectifs de son contrat pluriannuel de performance 2006-2008. Elle a écrit à la Cour que les évolutions du système informatique comptable allaient permettre d'envisager prochainement la production de ces indicateurs.

* 3 Ce montant comprend 11,8 milliards d'euros émis par la direction générale des impôts et 237,9 millions d'euros émis par la direction générale des douanes et des droits indirects.

* 4 Il s'agit de l'effectif total des services des impôts des entreprises (SIE), dont les missions concernent l'ensemble de la gestion de la fiscalité des professionnels, y compris notamment le recouvrement.

* 5 Il s'agit du programme n°156 qui relève à la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ».

* 6 Décret modifié n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (article 25).

* 7 « Norme n°3 » intitulée « Produits régaliens », dans le « Recueil des normes comptables de l'État » approuvé par l'arrêté interministériel du 21 mai 2004.

* 8 Les amendes forfaitaires sanctionnent, pour la plupart, des infractions au Code de la route, ainsi que les autres contraventions prononcées en matière de transport et de circulation (par exemple, les transports urbains et ferroviaires) et les contraventions en matière de protection de l'environnement.

* 9 Les amendes sont réglées «spontanément » si le contrevenant acquitte immédiatement le montant de l'amende auprès de l'agent verbalisateur, ou s'il règle auprès du comptable du Trésor dans un délai de 45 jours après constatation de l'infraction.

* 10 Ou à défaut de présentation d'une requête.

* 11 Ce sont : le contrat d'objectifs et de moyens 2000-2002, le contrat de performance 2003-2005 et le contrat de performance 2006-2008.

* 12 Le civisme fiscal est défini comme l'accomplissement volontaire de leurs obligations fiscales par les contribuables.

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