2. « Imbriquer » le système éducatif et le monde de la formation professionnelle
a) Les établissements scolaires et universitaires : un potentiel à valoriser pour développer l'apprentissage, la VAE et la formation continue des salariés
Une plus grande implication du système éducatif dans le développement de l'apprentissage, comme dans celui de la validation des acquis de l'expérience et de la formation continue des salariés, apparaît comme un levier pour créer des points de contact entre le monde scolaire et universitaire et le monde du travail, ainsi que pour construire des passerelles entre ces modes de formation .
D'une part, cette mixité des publics, favorisée dans le cadre du label de « lycée des métiers » institué par la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, constitue un moyen de rendre visible, pour les jeunes en formation initiale, la possibilité de retourner dans une formation de type promotionnel une fois quittés les bancs de l'école.
D'autre part, cela permet d'introduire une plus grande cohérence entre les différentes voies de formation, tel que l'a souligné M. Jean-Paul Denanot, président du conseil régional du Limousin et président de la commission formation professionnelle de l'ARF, en évoquant l'exemple de sa région : « Le Limousin est assez atypique à cet égard, la plupart de ses centres de formation d'apprentis étant situés auprès des lycées professionnels. Cette situation permet une certaine cohérence entre l'apprentissage et les lycées professionnels. Je souhaiterais, malgré la résistance institutionnelle et professionnelle, que les lycées deviennent davantage des lycées des métiers, c'est-à-dire soient dotés des trois composantes : formation initiale traditionnelle, apprentissage et formation professionnelle tout au long de la vie. Ceci permettrait de réaliser des économies d'échelle de moyens . Les lycées professionnels pourraient en outre disposer d'une meilleure vision de la situation en matière de formation. La résistance à un tel type de projet reste cependant forte, notamment de la part du personnel enseignant. En tant qu'« ancien » de l'éducation nationale, je tente de convaincre de l'intérêt de tous du groupement des trois publics (élèves de la formation initiale, stagiaires de la formation professionnelle et apprentis) surtout en milieu rural. (...) Nous devons encore réfléchir aux mesures de stabilisation des personnels et d'accompagnement, notamment en termes de diversité des rythmes. Ces mesures n'éviteront peut-être pas la concurrence, mais permettront sans doute de l'atténuer. (...) Je crois que les autres régions commencent désormais à prendre conscience que la mise en place d'un CFA auprès d'un lycée professionnel est possible et permet une certaine simplification . »
La mission considère en effet que l'appropriation de l'apprentissage par le système éducatif contribuerait à en renvoyer une image plus noble et à favoriser la fluidité des passages entre le cursus académique et le statut d'apprenti . En effet, l'apprentissage peut constituer, comme cela a été souligné par M. Michel Quéré, « une deuxième chance au sein de la formation initiale » . Or, cette voie y reste encore marginale, puisque seuls 7 % environ des apprentis (hors universités 83 ( * ) ) - avec de fortes disparités selon les académies - sont scolarisés dans des structures relevant de l'éducation nationale 84 ( * ) . Les lycées professionnels disposent des moyens matériels et humains de former des apprentis : les conseils régionaux, compétents en matière de développement de l'apprentissage, ont tout intérêt à valoriser ce potentiel, dans lequel ils ont eux-mêmes investi massivement .
De même, la mise en place de structures d'appui aux équipes éducatives, telles qu'un « CFA académique sans murs », formule mise en place dans l'académie de Créteil et évoquée par M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l'enseignement supérieur, lors de son audition 85 ( * ) , constituent des moyens de favoriser l'implication des établissements scolaires dans l'apprentissage et d'assurer, dans le même temps, un meilleur maillage de l'offre de formation pour les apprentis.
Au-delà, comme Mme Annie Thomas l'a suggéré, il serait opportun de valoriser les locaux et matériels des lycées professionnels « qui ne sont pas utilisés pendant quatre mois » , pour que ceux-ci « accueillent pendant les vacances des salariés qui ont besoin de se reconvertir. » Enfin, l'université, qui « constitue un vivier exceptionnel de qualification et d'expertise » , « pourrait être un formidable acteur de la formation tout au long de la vie » , en s'emparant davantage de la formation continue des salariés et de la VAE.
* 83 On compte 62 900 étudiants apprentis dans l'enseignement supérieur dont 31 600 dans des établissements de l'enseignement supérieur.
* 84 Soit environ 19 000 apprentis dans les quatre-vingt-quinze Centres de formation d'apprentis (CFA) gérés par les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) qui les hébergent ; 1 800 apprentis dans les 109 sections d'apprentissage (SA), créées sur la base d'une convention entre le conseil régional, un EPLE et une profession ; 1 500 apprentis dans quatre-vingt-cinq unités de formation par apprentissage (UFA), formule issue d'une expérimentation menée par la région Rhône-Alpes à la fin des années quatre-vingt : à la différence des SA, la responsabilité administrative et financière relève d'un CFA « hors les murs » géré par une association régionale créée par un partenaire professionnel.
* 85 « L'ensemble des établissements ont la possibilité de faire appel à ce CFA. De la sorte, les enseignants et les personnes issues des corps d'inspection peuvent finaliser le projet pédagogique et construire la relation avec l'entreprise ».