2. Une évolution du régime de la prescription prévue par le seul avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription
Seul l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription prévoit de modifier le régime de la prescription.
a) Le développement et l'encadrement des causes de report ou de suspension
(1) Une consécration de la jurisprudence sur le point de départ que limite l'institution d'un délai butoir
L'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription prévoit de consacrer la jurisprudence selon laquelle la prescription a pour point de départ le jour où le créancier peut agir et de préciser qu'elle ne court pas ou est suspendue tant que le créancier ignore l'existence ou l'étendue de la créance .
Toutefois, l'institution d'un délai butoir de dix ou trente ans ayant pour point de départ le fait générateur de l'obligation et ne pouvant ni être suspendu, ni interrompu limite, de fait, les durées de report ou de suspension applicables.
(2) La création de deux nouvelles causes de suspension : la négociation de bonne foi et la citation en justice
Afin d'encourager le règlement amiable des litiges, l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue tant que les parties négocient de bonne foi .
Par ailleurs, en prévoyant que « la prescription est suspendue pendant le procès jusqu'à son achèvement », il transforme la citation en justice , qui est actuellement une cause d'interruption, en une cause de suspension . L'objectif recherché est d'éviter un allongement des délais de prescription.
(3) La consécration et l'encadrement de l'adage « contra non valentem... »
L'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription consacre l'adage « contra non valentem » , en prévoyant que la prescription court contre toute personne qui n'est pas dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
S'inspirant de la réforme du droit allemand des obligations et des Principes du droit européen des contrats , il prévoit toutefois de ne faire de la force majeure , lorsqu'elle est temporaire, une cause de suspension que si elle est intervenue dans les six mois précédant l'expiration du délai de prescription .
b) La limitation des causes et des effets de l'interruption
(1) La transformation de la plupart des causes actuelles d'interruption en causes de suspension
S'inspirant de la réforme du droit allemand des obligations, l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription prévoit de n'admettre que deux causes d'interruption civile de la prescription , « peu susceptibles d'équivoque » :
- la reconnaissance , même tacite, par le débiteur du bien fondé de la prétention du créancier ;
- la mise en oeuvre par le créancier de voies d'exécution telles qu'un commandement ou une saisie.
(2) La suppression de l'interversion de la prescription extinctive
En prévoyant que l'interruption fait courir une nouvelle prescription de même durée, l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription tend à mettre un terme aux phénomènes d'interversion .
M. Philippe Malaurie justifie cette suppression en faisant valoir que : « Cette institution prétorienne, pour traditionnelle qu'elle soit, est compliquée, paraît inopportune et devrait être abandonnée. Elle est un nid à procès, car l'incertitude continue à régner sur ses conditions : quelles sont les prescriptions susceptibles d'interversion ? Quel acte d'interruption vaut interversion ? Faut-il toujours pour qu'il y ait interversion une reconnaissance écrite et chiffrée du débiteur ? En outre, l'intérêt de cette institution apparaît surtout à l'égard des très courtes prescriptions dont la disparition rendrait l'interversion inutile. Enfin, l'interversion a pour conséquence d'allonger le délai nécessaire pour prescrire, ce qui est contraire à un des principaux objectifs de cette proposition de réforme . La récente réforme allemande des dispositions du B.G.B. intéressant le droit des obligations et les Principes du droit européen des contrats l'ont aujourd'hui purement et simplement abandonnée . »