VI. REMETTRE EN ORDRE LE DISPOSITIF FISCAL POUR ASSURER DES FINANCEMENTS COMPLÉMENTAIRES

A terme, la transition énergétique s'autofinancera globalement largement . Dans l'avenir, toute structure, entreprise, territoire, collectivité qui aura su anticiper bénéficiera d'un avantage financier substantiel à l'heure de l'explosion du coût de l'énergie. Mais, au départ, il faut trouver des financements pour amorcer cette transition, tant en matière de recherche-développement que de déploiement de filières de substitution .

Des aménagements fiscaux directs (détaxation, crédit d'impôt) existent déjà :

- détaxation des biocarburants (255 millions d'euros en 2005, 1 200 millions d'euros en 2010, selon le rapport précité de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des mines),

- crédit d'impôt pour l'installation d'équipements fournissant les économies d'énergie dans l'habitat (420 millions d'euros prévus en 2006),

- crédit d'impôt pour l'installation d'équipements de cogénération(50 millions d'euros).

De plus, comme le note le rapport du Conseil des impôts, « Fiscalité et environnement », il existe de nombreuses détaxations dont l'efficacité semble être douteuse puisque le ministère des finances n'est pas capable d'en identifier le coût pour le budget de l'État.

On doit ajouter que le régime de la TIPP se caractérise par de nombreuses exonérations, quelquefois justifiées, quelquefois non :

- mesures de taxation du gazole par rapport à l'essence qui correspond à peu près à ses moindres émissions de gaz à effet de serre (de l'ordre de 20 %),

- exonération de 80 % de la TVA s'appliquant au prix du gazole pour les véhicules d'entreprises fonctionnant au diesel,

- taxation du fuel utilisé pour le chauffage domestique sept fois inférieure à celle du gazole,

- taxation du fuel lourd utilisé par l'industrie et la production d'électricité 20 fois inférieure à celle du gazole,

- remboursement d'une partie de la TIPP aux transporteurs routiers,

- régimes spéciaux pour des branches spécifiques : agriculture, pêche, etc.

Au total, ce régime fiscal se caractérise plus par une volonté d'exonérer certaines professions sensibles que par la nécessité d'établir une fiscalité correspondant aux enjeux de la transition énergétique.

Comment infléchir cette structure fiscale de l'usage des hydrocarbures afin d'encourager progressivement l'utilisation d'énergies alternatives au pétrole ?

S'il est nécessaire d'accroître fortement les crédits et les incitations au déploiement de filières alternatives, doit-on le faire à périmètre fiscal constant, les accroissements de taxes compensant la montée des aides ou accroître les aides sans pression fiscale compensatoire ?

Il serait préférable de « préfinancer » fiscalement des activités dont on peut attendre un retour de recettes assez rapide, mais l'état actuel des finances publiques ne laisse que des marges d'action assez faibles sur ce point.

Par prudence, on raisonnera donc à périmètre constant, la fiscalisation des émissions de CO2 étant appelée à financer la recherche et le déploiement des filières de substitution .

Et dans cette approche, nous retenons deux possibilités :

- l'augmentation de la TIPP,

- l'augmentation des impôts sur l'achat ou l'utilisation de véhicules.

• L'augmentation progressive de la TIPP est, en théorie, la solution idéale puisqu'elle décourage directement l'usage des fluides qui sont les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre.

Elle préfigure, de plus, le choc pétrolier qui nous attend et inciterait les acteurs économiques à s'y préparer. Par exemple, une augmentation de la TIPP de 20 % sur dix ans, soit 2 % par an, dégagerait - sur l'année 2015 - une ressource supplémentaire de 5 milliards d'euros qui pourrait être utilisée pour encourager les filières de substitution .

Malheureusement, cette solution a un inconvénient.

Cette augmentation, même progressive, pourrait se conjuguer avec une augmentation du prix du pétrole.

Bien qu'à notre avis nécessaire, elle deviendrait rapidement insupportable socialement - sauf compensation - et nécessite un courage politique qui suppose une large information préalable.

Le doublement récent du prix du pétrole a montré, aussi bien en matière d'utilisation de véhicules automobiles que de chauffage domestique, que pour certaines couches sociales on atteindrait les limites de ce qui pouvait être toléré.

On ne peut envisager, dans une société comme la nôtre, qu'une politique de lutte contre le réchauffement de la planète se traduise par une aggravation des inégalités sociales, déjà trop grandes.

Aussi, si cette solution devait être proposée, elle devrait être mise en oeuvre à un rythme moins rapide (1 % par an) et ne pas s'appliquer au fioul domestique qui demeure un combustible socialement très sensible.

En 2015, cette augmentation modérée pourrait rapporter 2 milliards d'euros .

Une autre solution, qui n'est pas exclusive de la première, est de taxer l'achat des véhicules automobiles.

La France, qui avait été pionnière dans ce domaine, est aujourd'hui un des rares pays de l'Union européenne à ne plus taxer annuellement les possessions de véhicules de tourisme.

Il est nécessaire de créer une vignette carbone pour les véhicules, établie en fonction des émissions de CO 2 de chacun d'entre eux, en cycle urbain et en cycle routier - ce qui pourra permettre de taxer à un moindre degré les véhicules hybrides consommant moins en cycle urbain ou de détaxer les véhicules. Cette taxe serait également applicable aux deux roues à proportion de leurs émissions de CO 2 (en moyenne, 100 gr. CO 2 /km contre 150-175 gr. CO 2 /km pour les automobiles).

Cette vignette carbone pourrait produire une ressource de l'ordre de 2 milliards d'euros dès 2007.

Il va de soi que les 4 milliards d'euros ainsi dégagés seraient entièrement affectés à la recherche et au déploiement des filières de substitution. Leur utilisation, strictement affectée par la loi, serait soumise à un contrôle spécifique du Parlement chaque année.

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Enfin, il faut prendre à bras le corps le problème des transports routiers à long rayon d'action dont la croissance - encore activée par l'élargissement de l'Union européenne - se poursuit, ceci indépendamment de toute considération des émissions de CO 2 que ce secteur génère.

Il ne semble pas possible, dans ce domaine, d'augmenter la taxe à l'essieu qui désavantagerait les transporteurs nationaux.

Il est donc proposé d'établir une taxe annuelle applicable à tous les transporteurs routiers usagers des réseaux d'autoroutes, à l'instar de ce qui a été fait en Allemagne.

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