CONCLUSION GÉNÉRALE
Le modèle énergétique mondial repose sur deux assises très fragiles.
Il est la cause d'une accélération du changement climatique dont nous supporterons d'ici moins d'une génération des effets physiques qui ne sont pas exactement perçus et des conséquences économiques sous-estimées ( actuellement, le coût du changement climatique est de l'ordre de 1 % du PIB mondial, dans vingt ans il pourrait approcher 3 % ).
Et il repose sur la surutilisation de combustibles fossiles dont les réserves ne supporteront pas longtemps l'accélération de la demande mondiale que portent à la fois la démographie, les règles de la mondialisation et l'essor économique de pays émergents qui représentent plus du tiers de l'humanité et consommeront largement plus que les pays industrialisés dans une génération.
La confrontation de cette demande mondiale de pétrole et de gaz en pleine expansion et d'une capacité d'offre qui s'altère nous promet d'ici moins de 20 ans un choc pétrolier de grande ampleur, portant le baril à 150 $ ou plus .
Ce choc correspondra à une ponction de 2 % de PIB sur les économies des pays consommateurs qui devront, en outre, supporter les coûts croissants du changement climatique, l'ensemble des deux provoquant une récession mondiale .
D'où la possibilité de réalisation de deux scénarios alternatifs :
• La poursuite de la tendance actuelle qui représente la perspective du pire avec le double risque :
- de montée des tensions internationales,
- et de forte rétractation de l'économie mondiale.
• La mise en place rapide de la transition énergétique
Cette transition :
- suppose de préparer, dès maintenant, le monde d'après-demain en surmontant la triple inertie du renouvellement des équipements, du déploiement des filières technologiques nouvelles et de l'adaptation des mentalités,
- mais
implique aussi un volontarisme politique, national
et international
. Le manque de solidarité entre les pays qui
luttent contre le changement climatique et ceux qui veulent en ignorer la
menace deviendra un facteur de tension politique majeur et conduira à un
éclatement des structures internationales.
Cette distorsion de
concurrence deviendra insupportable même si les pays qui prendront de
l'avance dans la lutte contre l'effet de serre seront à terme gagnants
dans le secteur clé de l'innovation technologique.
L'apport de la science et de la technologie est en effet un atout précieux pour la réussite de la transition énergétique
Le défi est de grande ampleur : il faut se préparer à substituer des sources d'énergies non ou faiblement émettrices de gaz à effet de serre aux 88 % de combustibles fossiles que la planète utilise chaque année pour son développement. Défi économique, défi technique, défi culturel !
Dans trois domaines centraux, la production d'électricité (40 % des émissions de CO 2 ), le transport (24 % des émissions de CO 2 ) et le résidentiel-tertiaire (17 % des émissions de CO 2 ), les réponses scientifiques existent mais à des stades différents de maturité économique et technologique.
Il faut répondre d'urgence à ces défis et, outre l'adaptation à des modes de vie communs, il est nécessaire d'activer le déploiement de l'ensemble de ces filières alternatives aux combustibles fossiles. C'est une chance à saisir, car c'est préparer notre économie aux emplois de demain .
QUATRIÈME
PARTIE :
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A l'horizon de 2030, la poursuite de la tendance actuelle aboutira à une situation mondiale caractérisée par des coûts croissants dus au changement climatique et des prix du pétrole élevés.
A l'échelon national comme à celui de la planète, ce mouvement aboutira à renforcer les inégalités, à créer des tensions inquiétantes et à rendre les investissements nécessaires pour la transition énergétique plus difficiles à financer.
Face à ces données, il y a deux comportements : subir ou agir.
Nous proposons d'agir tant qu'il existe encore des financements mondiaux disponibles.
Il faut, dès maintenant, poser les bases d'une transition énergétique permettant la poursuite d'un développement mesuré de l'économie mondiale tout en limitant l'usage immodéré de combustibles fossiles émetteurs de gaz à effet de serre.
C'est ce que nous impose la prudence pour limiter les catastrophes liées au changement climatique.
Mais c'est aussi ce que nous commande notre avenir économique. Car infléchir fortement notre architecture énergétique, c'est changer de monde, créer de nouveaux secteurs de développement et préparer les emplois de demain.
Assumer et construire une stratégie de transition énergétique, telle est notre proposition. Elle est offensive. La crise actuelle peut être une opportunité de rebond et, pour les responsables politiques, l'occasion de retrouver le volontarisme. Une nouvelle frontière est devant nous.
Cette volonté est traduite dans les dix propositions qui suivent.
I. MIEUX CONNAÎTRE LES EFFETS RÉELS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE |
Les progrès scientifiques et technologiques enregistrés depuis une vingtaine d'années dans les domaines de l'observation satellitaire, de la numérisation des données et de leur modélisation ont considérablement affiné notre connaissance des causes et des effets du changement climatique.
Mais compte tenu de l'accélération du phénomène et de l'amplification annoncée de ses effets, il faut améliorer encore la connaissance des phénomènes et solliciter rapidement les marges importantes de progrès qui existent dans ce domaine .
Ceci dans trois directions : la poursuite des programmes satellitaires, la création d'une plate-forme mondiale de calcul et l'intensification des études sur les coûts du changement climatique.
A. L'INTENSIFICATION DES PROGRAMMES SATELLITAIRES D'OBSERVATION
L'observation spatiale est un secteur essentiel.
De très nombreux programmes y concourent (océanographie opérationnelle, observation de la qualité de l'air, observation des glaces, météorologie opérationnelle).
Le renforcement de ces programmes est essentiel pour affiner notre connaissance du changement climatique.
Or, dans certains domaines comme celui de l'océanographie opérationnelle (altimétrie, couleur de l'eau), la poursuite de ces observations satellitaires ne sera plus assurée après 2009.
Il est nécessaire de continuer à assurer ces missions et, compte tenu des délais de mise en oeuvre de ces programmes, de prendre rapidement des décisions sur ce point.