3. L'impact des technologies transversales
Ces technologies peuvent s'appliquer aussi bien à la production d'énergie qu'à la mise en oeuvre de meilleurs usages de l'énergie.
a) Les nouvelles technologies de l'information et de la communication
La numérisation de la société, la miniaturisation des objets électroniques, le couplage des télécommunications avec des moyens de calcul de plus en plus puissants ont déjà des effets sociaux que chacun peut mesurer.
Dans le domaine du développement durable, ces avancées scientifiques et technologiques ont été décisives pour la mesure du changement climatique qui exige à la fois des infrastructures d'observation satellitaires et terrestres développées et une puissance de calcul qui permet de modéliser des phénomènes extrêmement complexes.
Vis-à-vis de l'exigence d'économies qu'implique un développement plus durable, ces technologies sont porteuses de propositions très variées, qu'il s'agisse de modifier les usages sociaux ou d'approfondir nos connaissances des réactions de l'infiniment petit.
(1) Vers de nouveaux usages sociaux
Nous allons vers un monde où le transport de l'information a des coûts décroissants très rapidement et où le coût du transport des hommes augmente.
D'où l'importance nouvelle des technologies de télé-enseignement, téléconférences, télémédecine et télétravail.
Dans ce dernier domaine (qui peut mobiliser jusqu'à 25 % de l'emploi salarié aux Pays-Bas ou en Finlande), on assiste à une évolution, perceptible aussi aux Etats-Unis, qui tend à privilégier soit le télétravail à domicile, soit le télétravail dans des centres dédiés.
Il n'est pas utile d'insister sur les gisements d'économies d'énergie liées au transport que représentent ces nouveaux usages sociaux.
(2) L'optimisation des réactions de l'infiniment petit
Les technologies de modélisation commencent à s'appliquer à la connaissance des réactions de l'infiniment petit.
On en donnera deux illustrations.
Des études sont menées à l'INRIA et à l'IFP pour comprendre le fonctionnement des moteurs à explosion (essence ou diesel) dont les mécaniques de combustion impliquent des milliers de molécules. Il s'agit d'essayer de trouver une amélioration des combustibles et de la configuration des moteurs pour réduire les réactions qui se produisent au moment de la combustion d'un ordre de grandeur de plusieurs milliers à plusieurs centaines. afin d'augmenter l'efficacité énergétique du moteur thermique.
L'INRIA mène également à Sophia Antipolis des recherches sur la production d'énergie, et notamment du méthane, par fermentation anaérobique des bactéries. Avec l'objectif de stabiliser les gaz ainsi obtenus pour faciliter leur utilisation.
b) La conversion thermique
Des champs d'investigation importants existent dans le domaine de la thermodynamique :
• sur les transports et les échanges de chaleur à très haute température (en vue de la fabrication d'hydrogène à 700°C ou plus),
• sur les échanges multifonctionnels des réacteurs thermiques afin de pouvoir réaliser en continu des opérations de nature différente,
• sur le stockage de la chaleur et du froid qui est, actuellement, réalisé à l'aide d'équipements surdimensionnés,
• sur les réseaux de transport de la chaleur et du froid.
• et, enfin, sur la recherche de matériaux à changement de phase croisant des transferts chaleur-froid et froid-chaleur,
Dans ce domaine des réalisations déjà anciennes - notamment la climatisation à l'aide de stockage de frigories ou calories par boules remplies de sels qui cristallisent ou fondent à température déterminée - existent et des PME fonctionnent depuis plus de trente ans.
c) La distribution de l'électricité
(1) La conversion
Le simple fait d'éteindre ou de rallumer un interrupteur occasionne une chute de tension et donc des pertes de conduction qui augmentent la consommation électrique. De façon générale, le rendement de ces convertisseurs d'énergie évolue entre 80 et 95 %. Les travaux menés actuellement à l'aide de nouveaux matériaux visent à réduire les pertes dues à ces conversions.
D'autres recherches portent sur les pertes occasionnées par la transformation du courant continu produit à l'aide d'énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque) en courant alternatif. Les onduleurs les plus perfectionnés arrivent maintenant à effectuer cette conversion avec un rendement de 95 %.
Une percée technologique assez prometteuse a été effectuée dans le domaine des contacteurs . Un procédé qui utilise la mousse d'argent réduit de 30 % les pertes dues au contact pour l'électronique de puissance, notamment en matière d'électrolyse ou pour les piles à combustible. Cette technologie, qui est utilisée à l'échelon industriel, pourrait être généralisée aux 30 millions de compteurs électriques français, et aboutir à une économie de consommation d'électricité de l'ordre de 1 % .
(2) Les réseaux de distribution
Il convient d'abord de relever que les interconnexions entre les réseaux européens ne sont pas assurées dans de bonnes conditions. Il est prévu, dans le 7 e PCRD, de renforcer l'intelligence de ces réseaux, car une harmonisation permettrait d'économiser de 20 à 30 % de l'énergie dispersée à l'occasion de leurs échanges d'électricité.
A l'avenir, il sera aussi nécessaire de passer de réseaux historiques centralisés à des réseaux plus décentralisés permettant d'insérer, dans les circuits de distribution, les microproductions générées par les énergies renouvelables.
De plus, à l'échelle nationale, cette mise en place de réseaux de distribution intelligents et autorégulés pose le problème de leur automatisation. Ce qui introduit toujours des compromis entre les coûts de déploiement (notamment de capteurs) et leur capacité à reconstituer la continuité des réseaux en cas de problème. D'où un travail nécessaire sur des algorithmes de précision. D'où également un problème de coût des télécommunications, de fonctionnement et de déplacement permettant à ces réseaux de fonctionner.
Enfin, se posera de plus en plus le problème de l'information du consommateur final (et, le cas échéant, du consommateur-producteur d'électricité). Le développement de compteurs intelligents avec des systèmes d'information et d'alerte intégrés est un enjeu important de la transition énergétique. Mais la mutation des 30 millions de compteurs individuels existant en France ne pourra être que lente car sa charge est évaluée entre 3 et 4 milliards d'euros.
d) Le stockage de l'électricité
Le stockage de l'électricité est appelé à devenir un secteur stratégique de la transition énergétique.
Les interfaces entre des énergies renouvelables dont la production est intermittente et la nécessité de progresser dans le domaine des véhicules électriques appellent au développement de systèmes d'accumulation et de restitution de l'électricité :
- plus performants,
- à durée de vie plus longue,
- et à moindre coût.
Dans le secteur des véhicules électriques, les propositions scientifiques évoluent entre la poursuite d'un processeur incrémental d'amélioration et l'espérance de ruptures technologiques.
Rappelons que l'usage automobile des accumulateurs doit concilier deux exigences : celle de la fourniture lente d'un maximum d'énergie et la fourniture instantanée d'une forte puissance.
A partir des technologies de batteries aujourd'hui utilisées, les principaux axes de développement concernent :
• les accumulateurs nickel-fer qui permettent de délivrer une puissance satisfaisante à un coût intéressant,
• les accumulateurs au zinc, dont les coûts et les performances semblent intéressants,
• les batteries dites « metal-hydrures » qui délivrent beaucoup d'énergie mais génèrent des surcoûts importants,
• les batteries « lithium-polymères » qui font l'objet de développement technologiques avancés,
• la filière « lithium-ions » qui est à la fois très coûteuse et pose des problèmes non négligeables de sécurité. En l'état, cette filière semble être la plus prometteuse car elle serait porteuse de gains d'énergie de l'ordre de 30 % et de gains de puissance supérieure (batteries lithium-ions de grande puissance). Mais sa généralisation exigerait que l'on fasse également des progrès sur le coût du matériau employé, le lithium.
A terme, des ruptures technologiques sont attendues dans les domaines prénanotechnologiques du stockage à l'aide de nanotubes de carbone qui permettraient de régulariser les flux de lithium.
Pour ce qui concerne les usages stationnaires, de l'électricité, les recherches s'orientent vers des perspectives à plus long terme, sur des systèmes mixtes de cogénération et d'utilisation de l'hydrogène comme combustible, faisant coexister batteries et piles à combustible.